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Le programme de déploiement intermédiaire et le glissement sémantique du « Scannage au fil de l’eau »

NUMERIQUE » DU PROJET PICSEL (MAI 2008 – MAI 2010)

Encadré 4 : Le résultat des analyses des données historiques (Document projet, août 2008)

2.3.2. Le glissement sémantique du « Scannage au fil de l’eau »

2.3.2.6. Le programme de déploiement intermédiaire et le glissement sémantique du « Scannage au fil de l’eau »

En juillet 2009, l’idée d’un programme de déploiement intermédiaire est introduite au sein de l’équipe PICSEL. Il concerne la « Mise en visualisation de la GED », c’est-à-dire la mise « en ligne » du Dossier Patient Numérique afin qu’il soit accessible. Le Dossier Patient Papier n’est plus remis en circulation. Pendant le déploiement intermédiaire, la gestion du cycle de vie documentaire (« Workflow ») est mise en attente.

Les objectifs initiaux de la « Mise en visualisation de la GED » sont les suivants :

- Les dossiers papiers déjà scannés et déstructurés ne seront plus remis en circuit. Il ne sera plus nécessaire de refaire le « Scannage de masse » de ces dossiers. De ce fait, on peut limiter les pertes financières liées au retard du déploiement du « Scannage au fil de l’eau ».

- La « Mise en visualisation de la GED » est moins complexe que le « Scannage au fil de l’eau ». Son déploiement permettra de montrer plus rapidement « quelque chose de

concret » aux utilisateurs. On peut alors nuancer l’image négative qu’ils peuvent avoir du retard dans le déploiement du « Scannage au fil de l’eau ».

Les dossiers scannés concernent les rendez-vous allant de juin à septembre 2009. En conséquence, afin de pouvoir répondre au 1er objectif, il faut que la visualisation soit mise en œuvre avant septembre 2009. L’un des membres a parlé d’août 2009. Selon ce membre, il suffit que la configuration des postes de travail soit adaptée à l’affichage des documents numériques. Cependant, les échanges au sein de l’équipe PICSEL montrent qu’un tel délai ne sera pas possible. Bien que la « Mise en visualisation de la GED » soit moins compliquée que le « Scannage au fil de l’eau », elle reste malgré tout complexe. Plusieurs contraintes ne semblent pas favorables à un déploiement en août 2009 :

- Le manque d’effectif pendant les vacances d’été

La moitié des membres de l’équipe PICSEL sont en vacances. Il n’y aura pas suffisamment de Ressources Humaines qui coordonnent le programme de déploiement. Ainsi, la majorité des cadres de santé seront également absents. Comme ils auront un rôle important dans la communication, la formation et le suivi du déploiement, la mise en production du Dossier Patient Numérique sera très difficile sans leur participation.

- Le paramétrage de certaines fonctionnalités nécessaires à la « Mise en visualisation » ne sera pas prêt avant fin Août 2009

La « Mise en visualisation de la GED » nécessite le paramétrage de certaines fonctionnalités spécifiques. Il faut que la chaine complète de la numérisation soit fonctionnelle. Cependant, on ne l’a jamais vue fonctionner. D’après l’informaticien chargé du paramétrage, le meilleur délai que l’on peut espérer est fin août 2009. Il est devenu difficile de mobiliser l’éditeur car le nombre de jours d’intervention contractualisé a été doublé. Le Centre Alexis Vautrin a peu de moyen de pression et doit rester vigilant afin d’éviter la renégociation financière.

- Une partie des postes de travail n’est pas adapté à l’exploitation du Dossier Patient Numérique.

Afin que l’affichage du Dossier Patient Numérique soit satisfaisant, il faut que les postes de travail soient équipés de certains composants spécifiques (Java JRE 1.6.0_13, Adobe 7.0 etc.). Ainsi, il faut qu’ils soient suffisamment performants afin

que le délai d’affichage des documents numériques soit satisfaisant. Or, l’étude réalisée par l’équipe PICSEL début août 2009 montre un taux important des machines qui ne répondent pas à ces critères. L’homogénéisation du parc informatique pendra du temps.

Au final, jusqu’à septembre 2009, l’équipe PICSEL n’a pas eu de véritable visibilité sur le délai de déploiement de la « Mise en visualisation de la GED ». Cependant, il est envisagé de la mettre en œuvre « le plus tôt possible ». Petit à petit, l’équipe a donné un autre sens à cette étape intermédiaire. Il ne s’agit plus de « sauver » le « Scannage de masse » déjà réalisé, mais d’une véritable stratégie de déploiement.

La « Mise en visualisation de la GED » implique un programme de mise en œuvre intermédiaire du « Scannage au fil de l’eau ». Le tableau ci-dessus synthétise le glissement sémantique du terme de « Scannage au fil de l’eau ». En effet, à partir du juillet 2009, le « Scannage au fil de l’eau » ne signifie plus la même chose que celle initialement envisagée. L’organisation de la « Mise en visualisation » peut être résumée comme suit :

- Les dossiers patients papiers déjà numérisés en « Scannage de masse » sont devenus les dossiers patients numériques. Ils ne seront plus mis en circulation car les dossiers patients numériques seront visualisables dans tout établissement ;

- Certaines fonctionnalités du « Scannage au fil de l’eau » seront déployées de façon centralisée à l’Unité d’Activité Médicale UAM. Elles permettent la mise à jour des dossiers patients numériques. Cependant, il s’agit d’une alimentation a postériori de la prise en charge. Autrement dit, le Dossier Patient Numérique ne fournit pas en temps

réel les informations ;

- Un Dossier Papier Complémentaire est créé pour chaque Dossier Patient Numérique. Il est le support de transmission en temps réel des informations les plus récentes.

« Scannage au fil de l’eau »

Version A (avant juillet 2009)

« Scannage au fil de l’eau »

Version B (après juillet 2009) qui remplace de façon provisoire la version A Principe de déploiement

Rejet de la cohabitation entre papiers et numériques

Acceptation de la cohabitation entre papiers et numériques : Création d’un « Dossier Papier Complémentaire »

Déploiement du « Scannage au fil de l’eau » dans tout établissement

- Le « Scannage au fil de l’eau » complet est déployé dans tous les secrétariats

- Le Dossier Patient Numérique est mis « en ligne » dans tout établissement

Centralisation du déploiement du « Scannage au fil de l’eau » à l’Unité Activité Médiale

- Certaines fonctionnalités du « Scannage au fil de l’eau » sont déployées de façon centralisée à l’Unité Activité Médicale.

- Le Dossier Patient Numérique est mis « en ligne » dans tout établissement

Proportion Dossier Patient Papier/Dossier Patient Numérique

La majorité des dossiers patients sont sous forme de Dossier Patient Numérique. Les dossiers papiers seront scannés au préalable par le

« Scannage de masse » avant la venue du patient.

Le déploiement débute avec une faible proportion des dossiers sous forme de Dossier Patient Numérique issus du « Scannage de masse » déjà réalisé. La montée en charge sera ensuite progressive.

Fonctionnalités déployées

- Numérisation et Indexation des documents - Worflow

- Numérisation et Indexation des documents - Worflow indisponible

Moment de numérisation des documents

Avant la venue du patient Après la venue du patient

Répartition des tâches relatives à la chaine de numérisation (préparation, scannage, pré-indexation, post-indexation)

- Les secrétaires des services (40 personnes) : Préparation, Scannage et Pré-indexation. - Les secrétaires de l’Unité Activité Médicale UAM (5 personnes): Post indexation

- Les secrétaires des services (40 personnes) : Préparation

- Les secrétaires de l’UAM (5 personnes): Scannage, Pré-indexation et Post-indexation

Tableau 10 : Le glissement sémantique du « Scannage au fil de l’eau »

Le glissement sémantique du « Scannage au fil de l’eau » n’a pas eu lieu sans aucune difficulté. Pour certains, c’est une autre logique d’action. « Je reviens de vacances et tout a

changé. Imagine les personnes qui ont eu l’information dans la salle 132 [amphi du Centre Alexis Vautrin]. C’est une autre organisation. Il faut qu’on explique tout ça » ; « je trouve qu’on complexifie énormément l’organisation » (Carnet de terrain, août 2009) ; « on met un cataplasme sur une jambe de bois » (Carnet de terrain, septembre 2009). En effet, si l’on

endroit, c’est-à-dire le Dossier Patient Numérique. A l’inverse, pendant le déploiement intermédiaire, l’information se trouvera tantôt dans le Dossier Patient Numérique, tantôt dans le Dossier Papier Complémentaire, tantôt dans le Dossier Patient Papier s’il n’est pas encore scanné. C’est un point faible du programme de « Mise en visualisation de la GED ».

Cependant, les avantages de ce programme ont donné sens à sa mise en œuvre. « Le seul point

positif, c’est la montée en charge » ; « Je n’ai pas imaginé le déploiement partout de la GED. L’Equipe PICSEL ne peut être partout pour assister au démarrage du déploiement. Alors je vois qu’on peut le faire avec les Archives [l’Unité Activité Médicale] » (Carnet de terrain,

août 2009). Au final, l’équipe PICSEL accepte de revenir sur les chemins qu’elle a refusé d’emprunter avant (le rejet de la cohabitation des systèmes papier et numérique). La « Mise en visualisation de la GED » permettra de :

- tester les fonctionnalités du progiciel et certains processus organisationnels liés au « Scannage au fil de l’eau » dans un seul endroit (l’Unité Activité Médicale) avant son véritable déploiement dans tout établissement ;

- tester l’utilisation du Dossier Patient Numérique sur un nombre moins important de dossiers et de monter en charge progressivement

- mieux préparer le déploiement global du « Scannage au fil de l’eau »

En décembre 2009, le programme intermédiaire « Mise en visualisation de la GED » est mis en œuvre. Il a engendré effectivement des perturbations dans l’établissement. Un membre de l’équipe PICSEL a parlé ultérieurement de cette expérience : « On savait que le dossier

complémentaire serait problématique. A l’hôpital, l’organisation n’est pas liée à une ou deux personnes. C’est lié à une multitude des personnes. Pour que ça fonctionne, il faut que chaque agent sache de façon précise ce qu’il faut faire. Quand l’organisation n’est pas maitrisée, le risque d’erreur augmente. La juxtaposition des organisations multiplie le risque de dysfonctionnements. S’il y a deux organisations dont une n’est pas maitrisée, c’est problématique » (Entretien, août 2010).

Cependant, selon ce membre, le programme intermédiaire est un passage obligé. « Parfois on

est obligé d’avancer même si ce n’est pas au gré de nos souhaits. La ‘Mise en visualisation de la GED’ est inévitable. (…). A l’époque, je ne suis pas sûre qu’on ait la réponse du temps nécessaire à la mise en œuvre du ‘Scannage au fil de l’eau’. On ne disposait pas d’outils. Les fonctionnalités n’étaient pas prêtes. Il y a eu plein d’événements qui impactent le déroulement

du projet. Toutes les prévisions qu’on a faites, c’est avant qu’on connaissait ces contraintes. Il n’y a pas que du négatif dans la décision de « Mise en visualisation de la GED ». C’est une décision à 50% négatif, 50% positif. Le déploiement intermédiaire nous a permis de nous familiariser à la GED, de peaufiner certaines organisations. On ne peut pas se permettre de perdre du temps à attendre. Il faut avancer et réajuster nos actions au gré de l’avancement des choses. Tout réside dans l’art de s’adapter aux nouvelles données » (Entretien, août

2010).

3. CONCLUSION

L’analyse de l’étape Dossier Patient Numérique montre que son déroulement réel est influencé non seulement par le plan prédéfini mais aussi par l’interaction de plusieurs éléments in situ. De notre point de vue, les ajustements sont le reflet des boucles d’itération nécessaires afin de mieux prendre en compte le contexte dans l’action.

Le décryptage des éléments contextuels a permis d’éclairer le chemin d’action de l’équipe PICSEL. On peut voir que le plan initial est lui-même un objet consensuel. Il est loin d’être une planification optimale issue d’un processus complexe de traitement d’informations et de décision. Il constitue cependant une ressource sur laquelle s’appuie la négociation de sens par les acteurs.

Le glissement sémantique des programmes « Scannage de masse » et « Scannage au fil de l’eau » montre bien que les connaissances ne sont pas des entités statiques. Elles sont construites et reconstruites pendant l’action. La dimension évolutive des connaissances met une limite à la planification. Le plan projet initial ne doit pas être considéré comme la référence absolue. Ce n’est qu’un artefact, qu’une ressource qui doit inévitablement s’inscrire dans une démarche de rationalisation en raison de l’inachèvement des connaissances (Hatchuel, 1999).

La dynamique de la génération des connaissances pose la question de sa prise en compte dans le management de projet. C’est ce que nous montrerons dans la dernière partie de la thèse.

TROISIEME PARTIE