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D’INFORMATION EN SANTE

2. LE SYSTEME D’INFORMATION DU CENTRE ALEXIS VAUTRIN

2.3.1. Un choix stratégique

Le Dossier Patient Numérique constitue la première étape du projet PICSEL. Une question semble être naturellement posée : pourquoi ce projet est devenu prioritaire en 2008, alors qu’en 2006 la priorité concernait plutôt la mise en œuvre de la Gestion des Rendez-vous, d’Acte et d’Examen ? Pour les « promoteurs » de cette démarche, ce choix résulte des réflexions stratégiques de la conduite du changement. Il répond aux contraintes informationnelles et organisationnelles de l’informatisation, ainsi qu’au contexte historique dans lequel l’informatisation se déroule.

D’un point de vue informationnel, le Dossier Patient Numérique permet de constituer le dossier patient de référence unique remplaçant le dossier papier et différentes sources documentaires informatiques existants. Ce choix est étroitement lié à la nature transversale, pluridisciplinaire et continue de la prise en charge en cancérologie. Il est nécessaire d’avoir un

seul dossier par patient partagé par l’ensemble des professionnels afin que la pluridisciplinarité soit facilitée. Ainsi, l’historique de la prise en charge doit être disponible. De ce fait, il ne semble pas pratique de procéder directement au Dossier Patient Informatisé sans que le dossier patient papier soit mis à disposition dans le système. Le Dossier Patient Numérique est considérée comme une condition préalable facilitant la migration vers le Dossier Patient Informatisé.

D’un point de vue organisationnel, la refonte du système d’information est vue comme un projet complexe. Il va introduire nombreux changements importants dans l’organisation. Ces changements concernent différents domaines. Leurs impacts seront hétérogènes selon la profession (médecins, infirmiers, secrétaires, informaticiens etc.). Le fait de commencer par le Dossier Patient Numérique permet d’introduire progressivement ces changements dans l’établissement.

Pour les médecins et les infirmiers, il s’agit d’un changement de

l’environnement de travail qui est caractérisé par la disparition du papier et l’utilisation accrue des outils informatiques. A la différence du système d’information actuel, qui est « sur-mesure », ils devront s’habituer à des progiciels développés par les éditeurs. Ces applications de type ERP ne répondront pas à tous besoins spécifiques.

Pour les secrétaires, il s’agit d’une modification de la nature de leurs tâches. Il y aura des changements dans la répartition du travail et il y aura des évolutions en termes de compétences requises.

Pour les informaticiens, ils seront moins autonomes dans la gestion du parc informatique, car la maintenance du système sera en partie dépendante des éditeurs.

Outre ces changements, des promesses antérieures non tenues et des attentes non satisfaites ont données une image négative des projets de système d’information clinique dans l’établissement. Il ressort de mes entretiens avec les acteurs que, d’une manière générale, l’informatisation est perçue comme une nécessité. Cependant, le fait qu’elle tarde à être opérationnalisée constitue un véritable obstacle à la conduite du projet PICSEL et ce en raison de la mise en retrait des utilisateurs. Dans ce contexte historique, il est jugé nécessaire de

mettre en place rapidement « quelque chose de concret » afin de démontrer la crédibilité du projet PICSEL.

Les extraits des entretiens ci-dessous montrent que le projet PICSEL s’inscrit dans l’évolution nécessaire du système d’information du Centre Alexis Vautrin :

« Notre Alpha - le système informatique est obsolète. Il est bridé. Il est limité. On ne peut plus le faire évoluer. Il faut passer à autre chose » (Verbatim, entretien, novembre 2008).

« Je trouve que c’est une avancée énorme. On discute des fois avec des collègues. On disait… Moi, ça fait 5 ans que je travaille ici. Mais ça fait des années qu’on en parle du dossier informatisé, et que, c’est tout, on en parle et puis voilà. Maintenant, ça se concrétise. On voit vraiment que ça avance. C’est vraiment super » (Verbatim, entretien, octobre 2008).

« Le projet PICSEL, sa mise en place, elle est nécessaire parce que c’est une évolution. On avait des choses qui existaient, on avait l’Alpha. PICSEL, son objectif c’est de continuer cette démarche. L’informatique, c’est quelque chose récente, on peut dire, en santé. C’est logique de s’intéresser à ça à un certain moment. C’est important parce que les outils informatiques ont quand-même changé. Il est important de réévaluer qu’est-ce qui se fait maintenant, qu’est qu’on a comme besoin et qu’est-ce qu’on peut instaurer, avec la notion de projet » (Verbatim, entretien, octobre 2008).

Les extraits suivants évoquent l’historique des démarches visant l’informatisation comme un élément contextuel peu favorable à la mise en œuvre du projet PICSEL :

« C’est une histoire lourde à gérer. C’est à dire que c’est un projet qui dure depuis trop longtemps. Donc, il y a un gros travail de persuasion pour convaincre les futurs utilisateurs que pour eux cette fois ci c’est la bonne. C’est à dire il y a une partie de l’historique, une image négative du projet. Il y a des attentes qui ne sont pas satisfaites. En plus, ça fait plusieurs années qu’on nous dit : ‘non, on ne fait plus ce développement avec l’alpha, parce qu’il y a une prochaine informatisation’. Donc, on est freiné dans notre évolution. Il y a des besoins, des demandes qui ne sont pas satisfaits, parce que, soit disant, que bientôt l’informatisation, le dossier patient informatisé. (…). Je ne pense pas qu’on soit contre. On n’est pas contre. On attend de voir, sans trop y croire encore » (Verbatim, entretien, novembre 2008).

« Il n’y a plus d’évolution depuis dix ans. Chaque fois qu’on a voulu faire des modifications dans l’Alpha, on nous a dit ‘ce n’est pas la peine, ça va changer’. Ça fait dix ans qu’on nous a dit ça. Donc, évidemment, c’est utile [l’informatisation], c’est nécessaire parce qu’on en a besoin. Mais personne n’y croit plus, parce que chaque fois qu’on nous dit « ça va arriver » et ça n’a arrivé jamais » (Verbatim, entretien, novembre 2008).

Pour les raisons citées ci-dessus, le Dossier Patient Numérique constitue une étape transitoire. Il permet de poser la fondation informationnelle et organisationnelle sur laquelle le Dossier Patient Informatisé sera construit. Bien que le Dossier Patient Numérique soit considéré comme plus simple à mettre en œuvre, ses enjeux sont de taille. Il doit redémarrer la

démarche d’informatisation et mesurer ce qu’il sera possible à mettre en œuvre dans l’étape suivante. De ce fait, il a une position stratégique dans le cycle de vie du projet PICSEL.