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Modèle de génération des connaissances dans l’activité (Engeström)

EPISTEMOLOGIE DE LA PRATIQUE

2. LE MANAGEMENT DES CONNAISSANCES

2.2.2. Des modèles de création de connaissances

2.2.2.3. Modèle de génération des connaissances dans l’activité (Engeström)

Le modèle de génération des connaissances proposé par Engeström (1999b) s’inscrit dans une perspective théorique plus large : la théorie de l’activité (activity theory).

D’après Kuutti (1996) et Engeströn (1999a), la théorie de l’activité tire son origine de la philosophie germanique classique (Kant et Hegel), des travaux de Marx et Engel et de l’approche culturelle et historique soviétique (Vygosky, Leont’ev et Luria). Aujourd’hui, elle est devenue une approche théorique autonome, caractérisée par sa dimension internationale et pluridisciplinaire (Engeström, 1999a).

La théorie de l’activité s’appuie sur quelques principes clés (Engeström, 1999a; Kuutti, 1996) :

- D’abord, les activités sont choisies comme unité d’analyse, et pas les actions. La différence entre ces deux entités, c’est qu’une action peut être étudiée hors de son contexte (par exemple, les méthodes d’expérimentation en laboratoire en psychologie), alors qu’une activité comporte toujours une dimension contextuelle. Une action peut être individuelle. A l’inverse, une activité est collective. Elle mobilise la participation de différents individus.

- Ensuite, les activités ne constituent pas des unités statiques et rigides. Au contraire, elles sont en changement perpétuel. Leurs développements peuvent être discontinus. En conséquence, le contexte historique constitue un élément important de leurs analyses.

- Enfin, les activités sont médiatisées par les artefacts. Ceux-ci sont de nature très diverses : instruments, signes, procédures, méthodes etc. L’être humain peut contrôler son propre comportement à travers des artefacts. De ce fait, ces derniers constituent un élément inséparable du fonctionnement humain.

Un système d’activité constitue de multiples relations entre les entités suivantes : sujet, objet, communauté, outil, règles, et division du travail.

Figure 4 : La structure d’une activité (Kuutti, 1996, p. 28)

Un objet peut être défini comme une entité répondant à un besoin humain : « an entity

becomes an object of activity when it meets a humain need » (Engeström, 1999b, p. 380).

Chaque activité a pour objectif la transformation de l’objet en résultat. C’est ainsi qu’elles se distinguent les unes aux autres par leurs objets respectifs. Les objets déterminent l’horizon des actions. Cependant, leurs propriétés ne sont pas données a priori. Elles sont construites et reconstruites tout au long des processus d’actions.

La relation entre le sujet et l’objet est médiatisée par l’outil (tool). Ceci peut être matériel ou symbolique. D’après Engeström (1999a), la médiation est une clé permettant de situer le sujet dans le contexte culturel et social. Grâce à l’utilisation et à la création des artefacts, le sujet a un rôle actif dans la transformation de la structure sociale. Il n’est pas totalement contrôlé ni de l’extérieur par la société, ni de l’intérieur par ses propres mécanismes biologiques.

Le sujet dans la théorie de l’activité n’est pas un individu isolé. Au contraire, il fait partie d’une communauté. La relation entre le sujet et la communauté est médiatisée par les règles. La relation entre l’objet et la communauté est médiatisée par la division du travail. Les règles sont des normes, des conventions et des relations sociales au sein d’une communauté. La division du travail concerne l’organisation de la communauté afin de transformer l’objet en résultat. Les règles et la division de travail peuvent être explicites ou implicites.

Dans la théorie de l’activité, la génération des connaissances est étroitement liée à l’apprentissage expansif (expansive learning). Par rapport au modèle de conversion des connaissances de Nonaka et Takeuchi, le modèle de génération de connaissance proposé par Engeström (1999b) permet de tenir compte de la formulation du problème (problem finding).

Outil (Tool) Règles (Rules) Division du travail (Division of labour) Sujet (Subject) Objet (Object) Communauté (Community) Résultat (Outcome) Processus de transformation (Transformation process)

4. Evaluation de la nouvelle solution (Modeling the new solution)

1. Questionnement (Questioning)

2A. Analyses historiques (Historical analysis) 2B. Analyses de l’existant

(Actual-empirical analysis)

3. Modélisation de la nouvelle solution (Modeling the new

solution) 5. Implémentation de la nouvelle solution (Implementing the new model) 7. Consolidation de la nouvelle pratique (Consolidating the new practice) 6. Ajustement des processus (Reflecting on the process)

De ce fait, il intègre plus explicitement la notion d’innovation comme étant initiée par la remise en cause de l’existant.

L’apprentissage expansif est une démarche théorique basée sur l’évolution historique et contextuelle d’une activité. Il s’intéresse à la formation et au développement de celle-ci, en particulier l’émergence et la résolution des contradictions au sein de ses multiples dimensions. L’apprentissage expansif stipule que la génération des connaissances est un processus allant de l’abstrait vers du concret. Il commence par une idée floue, une entité simple et exploratoire. Ce premier germe sera ensuite enrichi et transformé pour devenir progressivement un objet plus complexe. Parallèlement, de nouvelles pratiques sont développées. Au total, la génération des connaissances constitue des cycles évolutifs. Elle génère de nouveaux concepts théoriques et de nouvelles pratiques concrètes. Le système d’activité est ainsi enrichi et se manifeste en multiples transformations : « A new theorical

idea or concept is initially produced in the form of an abstract, simple explanatory relationship, a germ cell. This initial abstraction is enriched step by step and transformed into a complex object, a new form of practice. At the same time, the cycle produces new theoretical concepts-theoretically grasped practice – concrete in systemic richness and multiplicity of manifestations » (Engeström, 1999b, p. 382).

Figure 5 : Le cycle d’apprentissage expansif (Engeström, 1999b, p. 384)

La figure ci-dessus visualise différentes étapes de la génération des connaissances présentes dans un cycle d’apprentissage expansif. Le cycle débute quand quelques acteurs ne sont pas satisfaits de la pratique actuelle. Ils formulent individuellement leurs critiques vis-à-vis des routines existantes. Ces avis se propagent dans l’organisation et deviennent une démarche réflexive collective. La première étape peut être qualifiée de questionnement (questionning). Dans l’étape suivante, les acteurs analysent la situation et cherchent les causes d’insatisfactions. L’analyse peut concerner l’évolution historique de l’activité. Elle peut porter également sur différentes dimensions de l’existant. Dans la troisième étape, les acteurs cherchent à développer de nouvelles idées, de nouvelles solutions afin de transformer les pratiques. L’objectif est la formulation d’un modèle intermédiaire. Il doit être simple et explicite afin que sa modélisation et sa communication soient facilitées. Dans la quatrième étape, le modèle intermédiaire est expérimenté. L’objectif du test est l’évaluation de ses potentiels et de ses limites. La cinquième étape consiste à implémenter le nouveau modèle. Il s’agit de concrétiser le modèle en applications, en pratiques et en extensions conceptuelles. Dans la sixième étape, le processus d’implémentation est évalué, ajusté. Enfin, dans la septième étape, les nouvelles pratiques sont consolidées pour devenir stables.

La présentation visuelle peut donner l’impression que le cycle d’apprentissage se déroule de façon ordonnée et harmonieuse. Engeström (1999b) souligne toutefois qu’il s’agit d’un processus comportant des tensions et des contradictions au sein d’un système d’activité complexe. De ce fait, la génération des connaissances implique la médiatisation et la résolution des divergences.

2.2.2.4. Modèle C-K ou la création des connaissances dans l’activité de conception