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I. LA RÉVISION

1.4. Le processus de révision

1.4.6. Le profil du réviseur

Comme nous avons pu le deviner au fil des sous-chapitres précédents, n’est pas réviseur qui veut. Caroline Laflamme (2007 : 39) estime d’ailleurs que « la personne qui révise doit être considérée comme un des contextes de production de la révision professionnelle ». Nombreux sont les auteurs qui ont étudié la question et qui ont tenté de déterminer le profil idéal du réviseur.

Tout d’abord, il est communément admis que le réviseur doit posséder les compétences propres au traducteur : Horguelin et Pharand estiment ainsi « que les connaissances requises

du réviseur sont les mêmes que celles qu’on exige d’un bon traducteur et d’un bon rédacteur, mais à la puissance n! » (Horguelin et Pharand, 2009 : 79). De nombreux auteurs pensent également qu’avoir une certaine expérience de la pratique de la traduction est une condition pour être un bon réviseur, même si ce n’est pas un critère primordial pour tous (Robert, 2012 : 54-55). D’ailleurs, l’expérience de Gyde Hansen (2009 : 270) montre qu’un bon traducteur ne fait pas automatiquement un bon réviseur.

Dans son mémoire, Aurélie Frey dresse la liste des qualités et qualifications dont doit faire preuve le réviseur selon Horguelin et Brunette. Voici celles qui concordent avec les compétences du traducteur :

- parfaite connaissance des codes de la langue d’arrivée, y compris des « détails » qui ne sont pas enseignés à l’école ;

- connaissance approfondie et sans cesse enrichie des ressources de la langue d’arrivée ; - bonne connaissance de la langue de départ ;

- excellente connaissance des sources de documentation traditionnelles et électroniques ; - excellente culture générale ;

- lectures spécialisées régulières ;

- connaissance des deux cultures (Frey, 2010 : 26)

Il nous paraît utile de déterminer également les éléments qui font une bonne traduction. En effet, c’est ce à quoi doit parvenir le bon traducteur. Alexandru Odobescu, traducteur roumain, estimait que le traducteur doit à cet effet passer par les trois opérations suivantes :

[L]a compréhension parfaite du sens et des nuances de l’auteur, la restitution claire et fidèle des phrases, des mots et de la variété des nuances et le respect de la spécificité de la langue roumaine avec ses qualités, ses vertus et son charme. (D’ailleurs, il assurait quelque part qu’il fallait respecter et donc employer la langue qui est dans la bouche du peuple et la garder dans son intégralité.) (Cordus et Drahta, 2013 : 43)

En outre, l’une des qualités principales dont doit faire preuve le réviseur repose sur les principes n° 5 et n° 7 que nous avons abordés précédemment, à savoir la capacité à procéder uniquement à des changements nécessaires et justifiables (Robert, 2012 : 56-57). Les traductologues sont unanimes sur ce point et de nombreux réviseurs, faisant part de leur expérience, sont du même avis. Louise Brunette apporte toutefois une précision :

Pragmatic revisors are not required to justify the changes they make to a text by citing authoritative sources and providing irrefutable examples; as a result, they do not have to work with the same rigour as didactic revisors. The aptness of pragmatic revision therefore depends on the knowledge and competence of the revisor, especially in the case of stylistic changes which can be based on preference or intuition. (Brunette, 2000 : 170-171)

Elle en conclut que la révision pragmatique a une composante arbitraire. Au vu de notre conclusion au point 1.4.1., nous pensons qu’il en va de même pour la révision littéraire.

Horguelin et Pharand (2009 : 80) insistent également sur les qualités relationnelles dont le réviseur doit faire preuve. Elles peuvent paraître évidentes dans le cadre de la révision didactique, étant donné qu’elles permettent de maintenir une relation saine entre le réviseur et le révisé. En révision pragmatique, elles sont également indispensables pour que le réviseur n’ait pas d’emblée une mauvaise opinion du traducteur et fasse preuve de respect envers le travail de celui-ci, sans quoi son jugement peut être biaisé.

Aurélie Frey recense les qualités que doit posséder le réviseur dans les domaines relationnel et personnel :

- sens critique guidé par un bon jugement ; - ouverture d’esprit ;

- sociabilité ;

- respect d’autrui et honnêteté ; - modestie ;

- patience ;

- sens des responsabilités ;

- sens de l’organisation. (Frey, 2010 : 26)

Nous constatons que le réviseur doit être une personne responsable, organisée, capable de faire preuve d’esprit critique, tout à la fois d’objectivité et de respect vis-à-vis du traducteur et de son travail.

Enfin, la motivation (Laflamme, 2007 : 42) est un critère qui est souvent mis de côté, et pourtant essentiel. Le réviseur qui s’intéresse au thème du texte aura probablement plus envie d’effectuer un travail de qualité que celui qui n’a pas d’attirance pour le texte à réviser.

Toutefois, il apparaît qu’un réviseur trop passionné risque davantage d’« hyperréviser » le texte que celui qui y porte un intérêt pondéré.

Gyde Hansen s’est elle aussi penchée sur le profil attendu d’un réviseur. Après avoir mené deux études sur la relation entre la compétence de traduction et la compétence de révision, la première portant sur des étudiants et la seconde sur des professionnels, elle a établi le premier modèle de compétences de révision. Il repose sur son modèle de compétences de traduction, auquel elle a ajouté les compétences « Fairness, tolerance » et « Ability to explain » pour déterminer le modèle de compétences de révision. Les compétences « Attentiveness » et

« Ability to abstract » sont également plus développées chez le réviseur que chez le traducteur.

Fig. 8 : Modèle de compétences de révision selon Gyde Hansen (2009 : 275)

À notre connaissance, il n’existe pas de modèle de compétences adapté spécialement au réviseur littéraire. Toutefois, Fadime Coban évoque la « disposition » du traducteur littéraire : [I]n order to make literary translations, one should have a predisposition towards literature or be able to write as well as the author himself. This kind of a suggestion is caused by the characteristic of literary translation itself. According to Gile (2009:9), literary translators must be able to understand both the basic informational meaning of texts, and fine shades of meaning as expressed by subtle choices of words and expressions, as well as by their rhythm, music, and images - and be highly aware of cultural facts, norms, trends and atmospheres.

(Coban, 2015 : 708)

Nous pouvons raisonnablement imaginer que le réviseur littéraire doit posséder à la fois les compétences recensées par Horguelin et Brunette et par Hansen ainsi que la disposition du traducteur littéraire évoquée par Coban. En bref, il doit être réceptif aux subtilités de l’œuvre littéraire et savoir faire preuve de créativité, tout en respectant les styles de l’auteur et du traducteur initial, ce qui constitue la grande difficulté du travail du réviseur.