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et quelles sont pour vous en tant que professionnel de santé vos difficultés rencontrées avec les patients atteints de maladie chronique ?

généralistes interrogés

Question 2 et quelles sont pour vous en tant que professionnel de santé vos difficultés rencontrées avec les patients atteints de maladie chronique ?

MG13 : Alors on va être bêtement classique, je dirais que la première chose c’est la compréhension de la maladie, la deuxième chose c’est l’observance du traitement. Voilà je suis bêtement chronique… euh classique en vous disant ça. Euh… (Silence)… comment répondre à ça, je dirais que c’est plus une question de « qu’est-ce que je vais encore lui faire aujourd’hui »… lassitude, voilà, je cherchais le mot… je ne suis pas très bon là… l’homme politique il aurait pu répondre plus vite là (rires). Lassitude, lassitude par rapport à la maladie quoi… (Silence). Ça vous suffit pas !

141 MG13 : Oui, par rapport au fait de devoir répéter, par rapport au fait que on les revoit souvent, et que même si on a tout à fait bien mis en place une empathie, une bonne relation médecin-patient y’a quand même le fait de les revoir très régulièrement, toujours… et que peut-être quelque part la maladie chronique nous pousse dans les limites de notre pouvoir de médecin… vous allez commencer à me faire faire de la psychothérapie là (rires). En moins de trente secondes là… ah non mais elle est bonne ! Elle est très forte, très forte la confrère, très forte (rires) !

Ah oui (rires) !

Question 3 : et du coup vous parliez de relation, quelle sont pour vous les spécificités de la relation médecin-malade dans la maladie chronique ?

MG13 : une bonne compréhension du vocabulaire et de l’échange entre le patient et le médecin.

Ça veut dire quoi compréhension de vocabulaire ?

MG13 : Ben ça veut dire qu’ils aient bien compris ce qu’on leur a dit. 95% des patients n’écoutent pas. Vous savez qu’un patient a une fenêtre d’écoute de 20 à 30 secondes et que dans ces 20 à 30 secondes il faut absolument leur faire tout passer… alors maintenant je vais vous dire le médecin il a une fenêtre d’écoute de 2 minutes et encore, pas plus donc euh… le problème c’est d’arriver à se synchroniser là-dessus, à se connecter, une fois qu’on s’est connecté, arriver à comprendre ce qu’on leur a raconté, et faire en sorte que ça ait bien été compris.

Et comment ? Vous avez des techniques ?

MG13 : Ah ben je leur pose la question, je leur demande.

C'est-à-dire qu’une fois que vous avez expliqué quelque chose…

MG13 : Ben je leur demande s’ils ont compris. Et puis je leur demande qu’est-ce que j’ai dit. Vous faites de la reformulation alors ?

MG13 : Ben oui, c’est à la base je crois.

La relation est basée beaucoup sur la communication alors ?

MG13 : La relation est basée essentiellement sur la communication, mais la communication elle ne peut marcher uniquement à condition que les gens comprennent ce qu’on se raconte donc que tout le monde ait le même vocabulaire. Parce que moi si je parle des incrétines au fin fond, à un DNID, je ne suis pas sûr que ça va vraiment lui servir à quelque chose que je lui parle des incrétines.

Ça veut dire que vous adaptez votre discours…

MG13 : Ah oui ! On va dire, on va vulgariser le discours, mais on n’est plus dans la science, mais ça fait rien on comprend mieux.

142 Question 4 : est-ce qu’il vous est possible de nous raconter une consultation, par exemple la dernière consultation avec un patient atteint de maladie chronique ? Une consultation de suivi ?

MG13 : Oui, oui, euh… c’est une bonne question ça… (Silence). Pas plus tard, enfin comme toujours, pas plus tard que cet après-midi mais là en plus c’est vrai, donc c’est une maladie d’Alzheimer qui vient accompagnée de sa fille pour un renouvellement d’ordonnance. Bon… donc… comme toujours je parle au patient, donc à la mère qui est malade… mais je parle au patient et j’écoute la fille… d’accord. Et rapidement, j’ai vu qu’il y avait dans le discours de la fille un malaise… et en fait c’est la fille qui en peut plus. Donc je n’ai pas passé ma consultation à soigner la mère, mais j’ai passé ma consultation à soigner la fille !

Les aidants quoi ?

MG13 : Et bien c’est en aidant les aidants qu’on aide les aidés ! Mais voilà, c’est… je pense… vous m’avez demandé la dernière, c’est la dernière, est-ce que c’est la plus révélatrice d’une relation je ne suis pas convaincue, en termes de maladie d’Alzheimer je pense que si, parce que pour les maladies d’Alzheimer on peut beaucoup plus aider les aidés en s’occupant des aidants, ça c’est clair. Alors bien sur après, on a fait le classique, l’examen clinique, on a fait l’ordonnance, on a parlé avec la malade… et en parlant avec la malade j’essayais de transmettre à la fille quelques éléments d’aide pour pouvoir savoir comment se comporter avec la mère

Donc ça a été l’un des objectifs de cette consultation pour vous ?

MG13 : Pour moi l’objectif de cette consultation a été de soigner la fille. Je dirais que ce n’est pas tellement très différent dans une consultation pour un chronique ou pour un pas chronique… là vous le savez aussi bien que moi, la première chose à faire dans une consultation c’est de savoir pourquoi ils viennent ! Et que derrière le renouvellement d’ordonnance se cachent des plaintes, des incompréhensions, des non-dits, des croyances etc. Et pouvoir y répondre c’est d’abord savoir démasquer tout ça. Après seulement on va essayer de trier tout ça et puis d’y répondre dans le laps de temps qui nous est imparti. Et ça c’est une démarche que vous essayez de faire… pour un certain nombre de patients ?

MG13 : Ah pour tout le monde. Même pour l’aigu, hein parce que je viens pour l’angine et puis devant la porte « j’ai oublié de vous parler de mes jambes et de mes varices », et on retourne à la table, et on refait déshabiller et on a perdu 25 minutes. Alors que si au départ on prend bien le temps de leur poser une simple question c’est « est-ce qu’il n’y a rien d’autre »… on a gagné à peu près 1/4h de consultation à chaque fois… enfin vous verrez, ça marche très très bien. Alors il y avait une deuxième chose de communication que j’avais apprise et qui marche très très bien c’est de laisser parler le patient pendant 2 minutes (téléphone).

Donc on voulait savoir aussi si vous alliez à la recherche, enfin si vous connaissiez l’objectif du patient là dans cette dernière consultation ?

143 Par contre la fille, vous pensez qu’elle souhaitait vous parler de ça ou… ?

MG13 : Le l’ai peut-être mise sur la piste avant, ou peut-être qu’elle avait envie d’en parler quand même, en tout cas c’est certain qu’elle avait très certainement quelque part au fond d’elle-même besoin d’en parler, ça c’est sûr.

Donc vous avez révélé quelque chose, un symptôme, un mal-être… MG13 : Oui je pense, oui.

Et vous disiez avant que ça sonne que vous laissiez parler…

MG13 : Ah oui ! Faut laisser le patient parler 2 minutes, c’est très long 2 minutes, la nature ayant horreur du vide, je vous laisse sans rien dire pendant 2 minutes et bien, en terme de communication de toute façon, c’est vous qui craquez la première ! Donc le patient va craquer et va me raconter tout ce qu’il a à me dire. En premier les choses les plus futiles et puis, quand il va voir que je n’accroche pas, il va aller progressivement jusqu’à l’objectif initial dont il a envie de me parler. Et puis si vraiment ça dure trop longtemps ou que j’ai envie que ce soit qu’une minute 30 à ce moment je lui pose la question « est-ce que vous n’avez rien d’autre à me dire ? ». Et à ce moment-là, enfin d’expérience je peux dire que dans 95% des cas, ça marche toujours.

Donc c’est quelque chose que vous faites à chaque consultation globalement ?

MG13 : A chaque consultation, je ne peux pas dire que je sois exhaustif vraiment comme ça, mais j’essaie le plus souvent de le faire à chaque consultation. Mais ça va très bien.

Oui vous augmentez la moyenne parce qu’on dit souvent qu’un médecin traitant laisse souvent parler le patient 15 ou 18 secondes.

MG13 : Oui c’est à peu près ça. On a fait le diagnostic dans les 20 premières secondes absolument, et quand on laisse parler les gens, on les coupe en leur disant moi j’ai le diagnostic, je veux confronter mon diagnostic etc. Mais on s’aperçoit qu’on perd du temps. Oui parce qu’il y avait une étude qui avait été faite que si on augmentait le temps de 10 secondes on gagnait du temps sur la consultation ! Donc là vous vous êtes en minutes (Rires) !

MG13 : Ah mais j’en suis absolument convaincu ! Quand je vous dis 2 minutes c’est parce que justement, je sais pas si c’est la même étude, mais l’étude prouvait qu’il fallait laisser le temps au patient de pouvoir parler et que meubler la conversation pendant 2 minutes faut être un homme politique je peux vous dire, parce que sinon, c’est long 2 minutes… même montre en main je veux dire, racontez-moi votre vie en 2 minutes euh… non vous auriez beaucoup plus de choses à me raconter… !

On est bavardes (rires) !

MG13 : Oui, vous êtes bavardes, mais pour les patients c’est long 2 minutes… rapidement le silence… et le silence il est angoissant le silence ! Pour le patient le silence est angoissant… donc y’en a forcément un des 2 qui craque.

144 Et de manière générale, quels sont vos objectifs avec vos patients atteints de maladie chronique ?

MG13 : Remplir la check-list. Voilà, donc on retourne sur les maladies chroniques, donc remplir la check-list effectivement pour chaque maladie chronique et puis… alors peut-être pas à toutes nos consultations, parce que la check-list moi j’essaie de l’étaler sur toute l’année, on ne va pas reposer les mêmes questions à chaque fois etc. parce que… « Mais vous m’avez demandé déjà il y a 3 mois docteur, je vous ai déjà dit que ça allait bien » (rires), etc. Donc voilà, bon. Mais on essaie de les étaler, et puis de vérifier qu’il n’y ait pas de phénomène aigu qui se soit rajouté par rapport à ça, voilà, donc qu’est-ce qui s’est passé depuis la dernière fois… et puis dernière chose j’attache beaucoup d’importance moi sur, ce qu’on appelle avec un grand mot « l’empathie » mais qui est la convivialité dans la relation. Voilà. Savoir qui s’occupe, ce qui se passe autour d’elle, le patient ce n’est pas qu’un patient, c’est une famille, un entourage, un village etc. Et de voir aussi comment les gens réagissent par rapport à ça c’est intéressant.

Ça vous aide dans votre…

MG13 : Ah oui. Il y a un truc qui me manque énormément c’est qu’on fait moins de visites. Et ne pas aller voir les gens comment ils vivent chez eux je peux vous dire que c’est très gênant. Et c’est pour ça que je me force quand même des fois à aller faire des visites même si j’en ai pas bien envie, parce qu’on apprend énormément de choses, mais bon c’est comme ça c’est l’évolution, on en fait moins.

Et les objectifs des patients en général ?

MG13 : Alors les objectifs des patients en général par rapport à la maladie chronique, est-ce que je m’y intéresse… non pas beaucoup, je m’occupe du mien d’abord (rires)… non je ne m’en intéresse pas beaucoup parce que l’objectif du patient dans le chronique c’est renouveler l’ordonnance bien évidemment… c’est d’ailleurs marrant c’est très peu de savoir où il en est dans son suivi… 95% vont bien hein… Parce que… ce n’est pas complètement faux d’ailleurs parce que quand on regarde bien, les maladies chroniques que j’ai en tête sont des maladies qui sont, à la limite, plus de la prévention… de l’état de prévention que de l’état réellement de maladie. Bon on n’est pas dans le symptôme, on n’est pas dans la pathologie évolutive, on est dans du préventif. Donc « si je suis dans le préventif je ne suis pas malade moi docteur ». Quand ils vont être malades ça va être en dehors du renouvèlement chronique mais quand ils viennent ils ne sont pas malades.

C’est pour ça que le passage à l’insuline chez les diabétiques est souvent si difficile parce que c’est un peu la marque de la chronicité de la maladie.

MG13 : Je ne sais pas… s’il y a que ça, j’en suis pas convaincu, je pense qu’il y a… la notion de… piqûre, la notion de « on va toucher au corps » et puis l’image Épinal de ce qu’est l’insuline qui reste encore très très marquée. Plus que le reste, plus que la chronicité. L’HTA vous pouvez bien leur donner tous les comprimés que vous voulez, ils savent bien que c’est du chronique, ça pose moins de problème, le passage à l’insuline… pour eux, ils ont toujours l’impression que c’est plus fort… « Donnez-moi pas un traitement trop fort docteur » donc… le fait que ce soit de l’insuline pour eux on passe une étape. On a beau leur expliquer qu’on

145 est certainement beaucoup mieux avec de l’insuline qu’avec 50 comprimés à droite et à gauche et à pas savoir comment faire avec leur hypo.

On passe une barrière ?

MG13 : On passe une barrière oui c’est un peu ça. C’est un peu on passe une barrière oui. Question 5 : et dans tout ce que vous nous décrivez, qu’est-ce que vous rangeriez sous le terme ETP ?

MG13 : Ah ben ça c’est le grand mot à la mode ! Ah non ça c’est pour la dernière question (rires).

MG13 : L’ETP… allez… bah je vais dire que je suis un peu Mr Jourdain et que je fais de l’ETP sans le savoir, je pense que dans nos consultations on fait tous ça, on fait tous… Mais qu’est-ce que vous mettez derrière du coup l’ETP… ?

MG13 : Ben je disais à la base, au départ, la bonne compréhension de ce qu’ils ont, la bonne observance du traitement et pourquoi ils font l’observance du traitement et à quoi ça sert. Donc là, vous êtes dans le transfert de connaissances ?

MG13 : Oui je suis dans le transfert de connaissances. Mais… dans la bonne observance il y aussi la façon dont ils le font. Je pense par exemple aux asthmatiques s’ils font bien leur pshit-pshit ou s’ils le font mal, parce qu’on s’aperçoit quand on les réinterroge ou quand tout simplement on leur fait faire devant nous il y en a 8/10 qui ne savent pas le faire comme il faut. Euh…revenir là-dessus de temps en temps, régulièrement, ça fait pas de mal parce que les gens ils oublient, on oublie pourquoi on fait les choses de façon systématique.

C’est remettre un peu de sens… à la gestuelle quotidienne.

MG13 : C’est vérifier la technique, vérifier la technique… mettre du sens c’est la bonne compréhension de pourquoi ils le font… pour moi c’est ça l’ETP… ah vous m’aviez pas dit que vous alliez retourner la feuille (rires) !

On les cache, sinon ils partent en courant (rires) !

Question 6 : Donc là on part sur la formation, en quoi la formation des médecins vous a préparé à la prise en charge des patients atteints de maladie chronique ?

MG13 : Ma formation à moi ? En rien (rires) ! Olala, là on va faire du 100%... en rien…

MG13 : Alors maintenant faut plus interroger… moi je suis un vieux, j’ai les cheveux blancs, je suis un croulant, faut plus interroger les jeunes pour savoir si effectivement la formation a changé en la matière, et si on fait beaucoup plus attention… enfin en rien, attention nous on est encore une génération où on est au début de la médecine préventive, on est au début de l’HTA, donc la première maladie chronique donc voilà. On va pas jeter la pierre à nos professeurs… oui, non on n’a jamais été formé pour.

146 Et en ETP ?

MG13 : J’ai appris ça il y a 3 mois que ça existait ! Enfin pas tout à fait mais… vous savez c’est une notion extrêmement récente, même l’empathie, tout ça, la relation médecin-malade tout ça, ça a dix ans.

Comment vous vous êtes formé alors ?

MG13 : Comment je me suis formé ? Ben sur le tas, sur le tas hein ! Et puis… par des réseaux de formateurs, parce que je fais partie de MG-form et d’un réseau de formateurs et je suis animateur et formateur dans ce réseau, et je me suis aperçu que pour former des médecins, il fallait d’abord que moi je me forme à comment réagissaient les patients. Et que c’était vachement intéressant, parce qu’on en apprenait de ces choses, c’était très très intéressant. Une anecdote en off ou en live je m’en fous. (Rires). Je vais un jour à une formation, c’était « comment faire accepter à un patient de rentrer dans une étude médicale ». Donc on avait un jeu de rôle. Vous connaissez les jeux de rôle, c’est génial hein ?

Mmmh.

MG13 : Vous n’aimez pas hein, vous n’aimez pas du tout… Personne n’aime ça les jeux de rôles.

MG13 : Ah si moi j’adore les jeux de rôles, c’est fantastique les jeux de rôles, vous allez voir pourquoi c’est fantastique les jeux de rôles. Bon y’avait un jeu de rôles et j’étais le patient. Donc le formateur et animateur vient me voir et me dis « donc voilà, pour faire avancer le jeu de rôles il faut que tu aies posé au médecin telle question, telle question, telle question ». Donc j’avais ma liste de questions, on a fait le jeu de rôles, impeccable, génial, voilà. Un peu de théâtre parce qu’on est entre copains, sympa, voilà et tout. Et puis le jeu de rôles était fait pour tester le médecin pour voir comme il réagissait à ça, j’étais bien d’accord. Et puis j’arrive à la fin du jeu de rôles, je regarde ma liste et je me dis « oh », là j’étais content, « t’as posé toutes tes questions, super, génial » ! Mais « qu’est-ce qu’il m’a donné comme réponse à la première question ? Qu’est-ce qu’il m’a dit ? ». J’étais incapable de pouvoir répéter ce que le médecin m’avait répondu à chaque… j’en avais pas 36, j’en avais 10 ! J’étais incapable de pouvoir répéter ce que le médecin m’avait dit ! Et ben ouais, et je me suis dit « tes patients, c’est la même chose » ! Quand ils sont là, ils sont tous là avec leur liste à côté des poireaux haricots verts et carottes râpées » il y a « tu n’oublieras pas de demander le doliprane, et puis tu demanderas bien ci, tu demanderas bien ça » etc. Je me suis aperçu que eux ils sont pareils. Parce que en même temps que vous leur répondez « ah ben ma

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