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Cette recherche a été guidée par la volonté de comprendre par quels processus passent les apprentissages interculturels sur le Web 2.0. Le terrain que j’ai choisi, qui est à l’origine même des questions de la recherche, est un espace de travail peu commun. L’étude d’une « communauté » virtuelle, dont les membres viennent d’origines culturelles diverses, comporte autant d’avantages que d’inconvénients. Mon implication depuis presque dix ans dans l’organisation étudiée, Global Voices, fut un autre élément déterminant dans le travail présenté dans cette thèse. Ma participation et mes différents rôles au sein de l'organisation ainsi que les données recueillies m’ont poussée à faire une analyse qualitative. Cette analyse s’est faite au moyen de stratégies issues de l’observation participante et de la monographie. La question principale de cette recherche porte sur les processus de participation dans une communauté, et étudie la manière dont les membres de Global Voices peuvent apprendre sur d’autres cultures. Cette recherche propose l'hypothèse selon laquelle ces apprentissages passeraient par l’expérience au sein de la communauté ainsi que par les contenus qui se trouvent sur le Web 2.0. Le travail s’est divisé ainsi en deux phases : une première phase exploratoire, et une phase d’approfondissement.

Comme il est mentionné plus haut, ma participation et mon implication dans la « communauté » ont été des éléments essentiels. En effet, l’observation participante qui a accompagné mon travail lors de mes différentes fonctions dans la communauté a été à la fois la base des deux phases et le point de départ de mon analyse.

Pendant la phase exploratoire, je me suis appuyée sur ma propre participation, en incluant la période précédant le début de cette étude, pour identifier des sources d’information pertinentes pour décrire la « communauté » et ses dynamiques d’échange et de production de contenu. Cette phase essentielle m’a permis de trouver les acteurs qui pourraient collaborer à cette enquête et d’identifier les espaces dans lesquels les échanges les plus importants ont lieu, afin de cerner au mieux la « communauté » et son potentiel en terme d’apprentissages.

Lors de cette première phase, les données ont été issues de ma propre participation : de mes « posts », de mon journal de terrain, de mes échanges par mail et ou par messagerie

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instantanée (tchat) avec d’autres membres. Les informations ont été récoltées sur le site web principal (Globalvoices.org, en anglais), sur la plateforme informatique qui structure le site Web (WordPress), sur le groupe virtuel dans lequel se trouvent tous les membres de Global Voices (« GV Community List » sur Google Group), ainsi qu’à travers des échanges informels, qui m’ont permis de déterminer les personnes à interviewer pour la seconde phase.

La phase d'approfondissement s’est appuyée sur une analyse de ma propre participation écrite à la première personne, ainsi que sur certains « posts » écrits par des membres de Global Voices sur le blog dédié à la « communauté », le « Blog de la communauté ». On peut diviser ces « posts » en deux catégories, qui représentent chacune des sources d’information distinctes : d’un côté, la série « mon premier post / ma première traduction », qui a été créée pour célébrer les dix ans de Global Voices ; de l’autre, les posts de la catégorie « summit », où certains membres décrivent leur expérience pendant et après les rencontres Global Voices, qui se déroulent tous les deux ou trois ans. La phase d’approfondissement se constitue aussi de huit entretiens semi-directifs avec des personnes ayant différents rôles au sein de la « communauté ».

Les résultats de la phase exploratoire ont mis en évidence le rôle important des histoires et témoignages partagés sur le web 2.0 dans les apprentissages interculturels. Il en ressort que la participation des membres de la « communauté » et les liens affectifs créés lors des échanges et de la production des contenus ont une incidence importante sur l’intérêt pour les histoires, les témoignages et les informations venues d’autres pays et d’autres communautés. L’interaction entre les différents éléments (témoignages lus, échanges…), que ce soit en ligne ou physiquement, tant dans la « communauté » que sur le Web en général, semblent être ce qui permet d’apprendre sur d’autres cultures. Plus précisément, comme on pouvait s’y attendre, cet apprentissage semble être le résultat de processus cognitifs, mais pas seulement ; les processus affectifs entre les personnes y tiennent une part très importante.

Ces liens affectifs se développent à la fois dans des échanges interpersonnels, et à travers le partage d’histoires et de témoignages racontés à la première personne. Ils font donc partie des hypothèses finales, et sont présentés dans les résultats en rapprochement avec le concept de Sensibilité Interculturelle (Chen et Starosta, 1998).

Ceci dit, il est important de souligner ici que les résultats de cette étude ne s’appuient pas uniquement sur une immersion dans l’univers de Global Voices, du Web 2.0 et des

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apprentissages interculturels. Après des années d’observation, ma propre compréhension des processus d’enquête en Sciences Humaines et Sociales et en Sciences de l'Éducation a été fondamentale. Plus précisément, je me réfère ici au fait que l’enquêteur est lui-même un outil clé dans le travail d’observation.

Ce processus de recherche a permis un rapprochement avec les études déjà faites sur les processus d’apprentissage et les relations interculturelles. Une lecture critique de ces travaux, mise en relation avec l’enquête effectuée, a permis de comprendre sur quelles études et quelles questions pouvait s'appuyer ce travail. C’est ce qui a permis d’avancer considérablement sur les questions posées dans cette étude autour des apprentissages interculturels liés à la technologie. En effet, ce champs d’étude est en grande partie dominé par la question de la présence des ordinateurs et d’Internet dans les écoles, des échanges d’élèves entre deux pays, par l’apprentissage des langues ou la question de l’intégration de jeunes migrants. Parallèlement, la plupart des termes utilisés dans les débats (recherches, textes, discussions dans les colloques) ne paraissent pas véhiculer une vision égalitaire des régions et des cultures. Beaucoup d’entre elles sont presque absentes des études, et sont victimes de généralisations qui empêchent de les voir dans toute leur complexité. Les pays du continent africain en sont un exemple : ils sont presque toujours présentés comme un seul et même « pays », l’Afrique, et les recherches qui y sont menées abordent presque toujours les mêmes sujets : la migration, l’intégration et l’apprentissage de langues.

Enfin, bien que cette étude se concentre sur les apprentissages informels, elle a aussi un intérêt pédagogique. Il est souhaitable qu’une partie des résultats de l’enquête contribue aux méthodes et stratégies déjà à l’œuvre pour les apprentissages interculturels dans les milieux plus formels. En outre, ce travail, inspiré directement par l’expérience de Global Voices et de ses membres, lance des pistes de réflexion autour des alphabétisations digitales. Ces deux point seront développés plus bas.