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Chapitre V : Présentation du terrain et structure du travail de recherche

2. Un processus d’exploration complexe

La recherche s’est organisée en deux étapes (ou phases) principales : une étape exploratoire et une étape d’approfondissement. Il faudra souligner, pourtant, que même si le travail de recherche ici présenté a respecté une structure traditionnelle, les travaux de recueil de données, d'analyse et de lecture se sont mutuellement influencés à tout moment.

Par exemple, l’analyse des données venues du travail d’observation participante qui a été fait lors de la phase exploratoire a aidé à enrichir les analyses des entretiens faits pendant la phase d’approfondissement. De la même façon, certaines données issues des entretiens de la phase d’approfondissement ont aidé à ajouter des nouvelles analyses sur des résultats issus de la phase exploratoire.

Une vision d'ensemble des phases de la recherche est présentée dans le tableau de la figure 2. Ce tableau est une introduction aux deux phases d’investigations (exploratoire et

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d’approfondissement), et montre quand elles se sont déroulées. L’observation participante a été utilisée dans les deux phases et elle a été, d’une certaine manière, le fil conducteur du travail de terrain.

Phase / Date Description

Observation participante (2010 - 2016)

Travail de participation à partir de différent rôles:

-!Traductrice

-!Animatrice de communauté (« community manager »)

-!Éditrice

Phase exploratoire (2010 - 2013)

Phase de pré-enquête à l’occasion de mon observation participante :

-!Exploration de sources de données

-!Échanges avec d’autres membres

-!Analyse du site principal

-!Observation des échanges en ligne

-!Observation des échanges lors de rencontres

Phase d’approfondisement (2013 - 2016)

Travail de terrain structuré :

-!Analyse de ma participation

-!Entretiens semi-directifs

-!Analyse de témoignages publiés sur un des sites de Global Voices

-!Analyse des rencontres de l’organisation (« summits »)

Figure 2 : Phases de la recherche

La figure montre aussi les rôles que j’ai occupés au sein de la « communauté » pendant le travail d’observation participante. De même, on peut voir que durant la phase préliminaire, le travail d'investigation a été centré sur la recherche de sources d’information, mais aussi sur l’observation générale de la « communauté ». Cette phase avait pour objectif de décrire la communauté Global Voices et ses caractéristiques, autant comme « communauté » que comme organisation. Le travail ce cette étape a été guidé par les hypothèses selon lesquelles les membres de Global Voices pouvaient, par leur participation, apprendre sur d’autres cultures. C’est à ce moment du travail qu'ont été posées les bases de la phase d'approfondissement, qui peut être observée dans la deuxième partie du tableau.

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C’est aussi dans cette phase que les hypothèses ont évolué : dans la phase d’approfondissement, je travaille avec l’hypothèse selon laquelle les apprentissages d’autres cultures qui pourraient avoir lieu parmi les membres de Global Voices seraient liés aux témoignages personnels présents dans les contenus cités et partagés. Comme il l’est noté, cette phase s’est appuyée sur des stratégies bien précises de récolte et d’analyse de données. Les ressources mobilisées au cours des différentes étapes seront listées et décrites plus en détail un peu plus bas, dans la figure 3.

2.1 L’observation participante

L'observation participante constitue le point de départ et aussi la stratégie principale de recueil des données de ce travail de recherche. La période d'observation couvre et dirige les deux phases du travail (exploratoire et d’approfondissement), et elle s'alimente dans le même temps des données recueillies par la combinaison de méthodes et de sources consultées. C'est pourquoi la présentation des stratégies de recherche commence par un récit à la première personne qui rendra plus claire la caractéristique principale de chaque rôle.

Mon implication dans cette recherche, comme indiqué précédemment, nécessite une attention particulière. Les observations n'échappent pourtant pas à une possible subjectivité dans les analyses, mais ces biais sont réduits par l'étude comparée des informations données par d'autres membres à partir d'autres sources d'information.

Le but a été de profiter des avantages des « participations observantes » (Bastien, 2007) au sein desquelles les subjectivités du groupe étudié sont très bien comprises. Dans le cas de ma recherche sur Global Voices mon implication a été spécialement utile pour comprendre non seulement les objectifs communs, mais aussi le fonctionnement de l’organisation. Par exemple, pendant mon rôle d’éditrice, durant lequel je dois former de nouveaux bénévoles ou travailler avec des auteurs je constate la complexité de la mission et le travail de Global Voices. Les séances de formation de nouveaux auteurs ont tendance à être longues et nombreuses, et des discussions sur la mission de Global Voices ont lieu régulièrement. Même les membres qui participent au travail de Global Voices depuis longtemps ont du mal à saisir la structure avec les équipes de travail.

Le processus d'observation ne demande pas que les participants des groupes étudiés fassent quoi que ce soit au-delà de leurs activités quotidiennes, ce qui fait que le processus d'observation est de nature émergente et que le chercheur doit faire preuve de beaucoup de créativité (Agrosino, 2007). Au moment de l'étude d'un groupe comme Global

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Voices, qui fonctionne sur un terrain qui se transforme constamment, la flexibilité de cet outil de recueil de données est d’une grande utilité, car des échanges et des événements d'importance laissent des traces qui sont accessibles en ligne et qui sont adaptées à plusieurs méthodes d’analyse.

2.2 La phase exploratoire

La phase exploratoire a reposé principalement sur des sources d’information documentaire disponibles sur le site de Global Voices et sur les échanges avec d’autres membres lors de rencontres. Parmi les rencontres de Global Voices, les plus importantes sont connues comme les « summits », qui ont lieu tous les deux ou trois ans (je reviendrai sur ces rencontres au chapitre VII de la partie II). D’autres rencontres plus informelles ont lieu lors de visites ou voyages qui ont offert l’occasion de partager avec certains membres de la « communauté ». Cette phase s’est nourrie du travail d’observation participante, mais aussi de ma participation au cours des années précédant à la recherche.

Comme il l’a été mentionné plus haut, et comme on le verra dans la partie suivante, Global Voices est un espace d’information complexe et en transformation permanente dont les pratiques changent avec le temps. Cette phase exploratoire a été le moment de la description de la structure de Global Voices en tant qu’organisation et elle a été également un moment pour le repérage des ressources qui seraient le centre de l’étape approfondie.

Cette première phase a aidé à identifier les histoires et les témoignages qui se partagent sur le Web comme étant dignes d’intérêt pour le travail approfondi. Dans le même temps, les échanges avec d’autres membres et l’exploration des sources documentaires disponibles sur le site de la communauté ont aidé à analyser et repérer les références bibliographiques sur lesquelles repose la description de l’univers de travail de Global Voices : le Web 2.0.

La dynamique des échanges avec les membres a eu lieu sur plusieurs plate-formes. Par exemple, certains membres échangent sur des groupes sur l’application de messagerie WhatsApp, ou à travers Facebook. Des fois, certaines discussions qui ont eu lieu pendant les rencontres (« summits ») ont donné lieu à des échanges par e-mail, ainsi qu’à des discussions informelles ou des notes sur le site.

Cette phase exploratoire a fait évoluer les hypothèses et elle a aussi guidé la construction de la première grille d’analyse des données recueillies lors de la phase approfondie. Cette hypothèse, selon laquelle les membres de Global Voices pourraient avoir

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des expériences formatrices liées à l'échange entre personnes de cultures différentes évolue pour proposer les conjectures suivantes :

- Une partie de ces apprentissages serait véhiculée par les récits, les témoignages et les histoires centrés sur un individu ou un groupe d’individus. Par exemple, pendant la rédaction ou la traduction d’un « post » qui cite des témoignages partagés sur le Web.

- La réception de ces récits serait influencée par la participation dans le travail de Global Voices et les échanges entre membres de la « communauté ». Les membres se seraient intéressés à certains témoignages en particulier à cause des échanges, des discussions ou des recommandations d’autres membres de Global Voices.

2.3 Phase approfondie

Si la phase exploratoire comporte une vision de Global Voices à travers un nombre assez varié de sources, la phase d’approfondissement propose une vision de Global Voices à partir de trois angles :

- Mon expérience personnelle dans la « communauté », vue dans un récit analytique en première personne.

- Des entretiens semi-directifs avec huit membres de l’organisation

- Des témoignages partagés par certains membres sur le « blog de la communauté ».9 En combinaison avec les contributions de la phase préliminaire, les résultats de la phase approfondie seront discutés pour arriver au but principal de ce travail, qui est de proposer de nouvelles hypothèses dans la compréhension de phénomènes liés à l’apprentissage informel sur d’autres cultures.

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