• Aucun résultat trouvé

2.3 L’adolescent à risque de décrochage scolaire lors de la transition primaire-secondaire

2.3.1 Les processus de décrochage scolaire et de transition primaire-secondaire

D’une part, depuis la fin des années 1980, un large consensus scientifique s’est établi voulant que le DS soit un processus multidimensionnel de désengagement de l’élève envers l’école et non un évènement isolé, momentané (Bowers et Sprott, 2012; Christle et al., 2007; Finn, 1989; Garnier et al., 1997; Janosz et al., 2008; Ripamonti, 2017; Rumberger, 1987, 1995). La « paternité » de cette définition semble revenir à Rumberger (1987) puisque le document sur lequel il s’appuie pour la formuler n’aurait jamais été publié13. Cette conceptualisation du DS a ensuite été théoriquement reprise par Finn (1989), et de nombreuses études empiriques l’ont par la suite validée (Alexander et al., 2001; Barry et Reschly, 2012; Fall et Roberts, 2012; Janosz et al., 2008). Par exemple, l’étude menée par Janosz et ses collègues (2008) auprès d’élèves québécois a permis de constater que la stabilité de leur engagement était liée à un très faible taux

13 « Catterall, J. S. (1986). A process model of dropping out of school. Unpublished paper. University of California, Los Angeles. » (Rumberger, 1987, p. 120)

de DS, soit 2 %. De plus, l’idée que ce processus évolue dans le temps a été théoriquement avancée par Finn (1989) avant que de nombreuses études longitudinales valident empiriquement cette caractéristique du DS (Alexander et al., 2001; Fortin et al., 2006; Garnier et al., 1997; Janosz et al., 2008). Plus précisément, Rumberger (1995) est d’avis que le processus du DS commencerait au primaire alors que Garnier et al. (1997) parlent d’un enclenchement dans les expériences familiales vécues pendant l’enfance. Jimerson, Egeland, Sroufe et Carlson (2000) ainsi que Janosz et al. (2008), pour leur part, considèrent que ce processus multidimensionnel commencerait plutôt lors de l’entrée à l’école.

D’autre part, les transitions — qu’elles soient écologiques, systémiques, scolaires ou développementales — sont des étapes lors desquelles les individus doivent progressivement s’adapter à un nouvel environnement physique, social et humain (Crosnoe, 2009; Rice, 2001). Lorsqu’elles sont qualifiées d’écologiques, elles imposent des adaptations autant aux individus eux-mêmes, à leur environnement qu’aux relations que ces derniers entretiennent avec celui-ci (Bronfenbrenner, 1979, 1986; Bronfenbrenner et Morris, 1998; Margetts, 2009; Zittoun, 2012). Certains auteurs considèrent qu’elles constituent des ruptures ou des discontinuités qui viennent interrompre le cours de la vie des individus (Anderson et al., 2000; Poncelet et Born, 2008; Rice, 1997, 2001) comme c’est le cas des transitions systémiques. Les transitions scolaires, quant à elles, sont souvent considérées comme étant des rites de passage (Larose et al., 2006; McNamara, Roberts, Basit et Brown, 2002), soit des périodes cruciales pour les élèves et leurs parents (Barber et Olsen, 2004; Crosnoe, 2009; Poncelet et Born, 2008), pouvant ou non être accompagnés de ruptures ou de discontinuités (Poncelet et Born, 2008). Par exemple, les systèmes scolaires des pays occidentaux font vivre à tous leurs élèves une transition systémique, soit l’équivalent d’une transition scolaire du primaire au secondaire, et la plupart de ces adolescents, en réaction aux discontinuités vécues, connaissent alors une baisse de leurs résultats scolaires (Anderson et al., 2000; Blyth, Simmons et Carlton-Ford, 1983). De telles suites d’adaptations ont mené les chercheurs à considérer les transitions scolaires comme étant des processus plutôt que des évènements ponctuels survenant dans la vie des élèves (Bailey et Baines, 2012; Bohan-Baker et Little, 2004; Smith et al., 2006; Symonds et Galton, 2014;

70

début de la période développementale qu’est l’adolescence ne va pas sans conséquence. En effet, la TPS entraine habituellement une diminution de la réussite scolaire et de l’engagement (Anderson et al., 2000; Barber et Olsen, 2004; Brewin et Statham, 2011; Cantin et Boivin, 2005; Chen et Gregory, 2010; Davis et al., 2013; Eccles et Midgley, 1989; Eccles et al., 1993; Eccles et Roeser, 2009; Goldstein et al., 2015; Hodgkin, Fleming, Beauchamp et Bryant, 2013; Poncelet et Born, 2008; Smith et al., 2006; Waters, Lester, Wenden et Cross, 2012). Toutefois, la plupart des adolescents réussissent à s’adapter à ces bouleversements et, généralement, ils perçoivent plutôt positivement cette étape de leur vie (Cantin et Boivin, 2005). Par contre, la TPS demeure un très grand défi pour l’adolescent présentant des facteurs de risque (Chouinard, 2013; Desbiens et Vandenbossche-Makombo, 2013; Hodgkin et al., 2013; Tilleczek et Ferguson, 2007). Elle peut même constituer le début ou le renforcement de son processus de désengagement graduel envers l’école (Anderson et al., 2000; Born et al., 2006; Poncelet et Born, 2008), ce qui correspond au processus de DS (Archambault, Janosz, Fallu, et al., 2009; De Witte et al., 2013; Finn, 1989; Garnier et al., 1997; Rumberger, 1987, 1995; Van Rens et al., 2017). En effet, les changements entrainés par la TPS provoquent souvent un stress considérable pouvant engendrer le processus de DS (Anderson et al., 2000; Archambault, Janosz, Fallu, et al., 2009; Born et al., 2006; De Witte et al., 2013; Finn, 1989; Garnier et al., 1997; Poncelet et Born, 2008; Rumberger, 1987, 1995). Par exemple, l’adolescent issu du primaire, un environnement scolaire relativement protégé et structuré, peut appréhender différents changements sur les plans personnel et scolaire tels que l’augmentation de son autonomie et celle de sa charge de travail au secondaire, un environnement scolaire moins structuré et moins personnalisé où les intervenants s’attendent à ce qu’il prenne des initiatives et qu’il fasse preuve d’autonomie (Davis et al., 2013; De Witte et Rogge, 2013; Hodgkin et al., 2013). Par ailleurs, les parents ont tendance, à cette même période, à répondre positivement aux exigences d’autonomie de leur adolescent concernant, par exemple, les décisions relatives à son parcours scolaire alors que, paradoxalement, ce dernier a un besoin plus criant de conseils et de soutien (Crosnoe, 2009; Falbo et al., 2001; Symonds et Galton, 2014) pour maintenir son engagement et prévenir le DS ainsi que pour faire face aux difficultés liées à la TPS (Blondal et Adalbjarnardottir, 2014; Fredricks et al., 2004; Poncelet et Born, 2008). Ces différents exemples illustrent bien que, d’une part, l’adoption de l’approche théorique développée par Bronfenbrenner (1979) apparait fort pertinente pour comprendre la TPS et le DS et, d’autre part,

que l’étude de ces concepts doit concerner autant l’adaptation réciproque de l’adolescent et des environnements impliqués dans les processus de TPS et de DS que les facteurs de risque et de protection associés à ces processus.