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Chapitre 4 : Impacts des dysfonctionnements des institutions sur l’activité économique

II. Base de données «Doing Business»

5. La procédure de faillite

En principe, une procédure de faillite est d’une importance capitale pour un système économique car elle organise la restructuration d’entreprises solvables à long terme qui traversent une crise de liquidité. Si une entreprise est surendettée et peu performante, une restructuration s’avère nécessaire (changement d’équipe de direction, réduction de la dette, abandon des actifs non performants). Dans ce cas, débiteurs et créanciers font des concessions pour maintenir l’entreprise en activité. Elle sert également à faire respecter les contrats de dette. D’un point de vue micro-économique, la sortie est une sanction envers les entreprises non rentables, dont la disparition permet un transfert de ressources vers d’autres entreprises, plus rentables. Par conséquent, la procédure de faillite permet une réallocation des biens et du capital humain vers des utilisations plus productives en éliminant les entreprises non viables.

Outre ces deux aspects, selon Joseph [2000], les procédures collectives sont nécessaires pour au moins trois raisons principales.

Premièrement, si la valeur des actifs de l’entreprise est inférieure à celle des créances, les créanciers sont incités à faire «une course aux tribunaux». Or, si la valeur des actifs vendus séparément est inférieure à leur valeur globale, ce comportement est sous-optimal. Dans ce cadre, une loi, c'est-à-dire la mise en place de procédures collectives, est nécessaire pour maximiser la valeur de revente de l’entreprise.

Deuxièmement, les conflits entre les créanciers et les débiteurs entraînent des coûts d’agence qui induisent un sous-investissement et une prise de risque trop importante. Pour diminuer ces coûts, une réduction de la dette est souhaitable. Comme elle concerne l’intérêt collectif

(et non l’intérêt individuel), une loi coordonnant les actions de chaque créancier est indispensable.

Troisièmement, il faut prendre en compte les conflits d’intérêts entre les créanciers : employés, fournisseurs, Etat, banquiers et clients ayant versé des acomptes. Une loi est nécessaire pour définir l’ordre de priorité de ces différents créanciers.

5.2. Le dispositif en vigueur à Djibouti

A Djibouti, la loi en vigueur est du 3 février 1986 sur les sociétés commerciales.

Les liquidations judiciaires sont des procédures de faveurs accordées aux débiteurs de bonne foi; elles impliquent l’arrêt de poursuites individuelles, et avec l’autorisation du tribunal, le débiteur peut garder la direction de l’entreprise. Le facteur initiateur d’une liquidation judiciaire est la cessation des paiements au cours de quinze jours précédant la demande de mise en liquidation, c'est-à-dire le dépôt de bilan de l’entreprise.

Si les créanciers l’approuvent par le vote, la liquidation judiciaire débouche sur un plan concordataire qui est une tentative de redressement de l’entreprise. Sinon, les créanciers sont en état d’union : l’objectif est de vendre les actifs de l’entreprise pour rembourser ses dettes. Si au cours de la procédure de liquidation judiciaire, le débiteur commet des actes frauduleux, la liquidation judiciaire est convertie en faillite.

La faillite, quant à elle, peut être demandée par les créanciers ou ordonnée par le tribunal si le débiteur ne dépose pas son bilan dans les quinze jours qui suivent la cessation des paiements ou si des actes frauduleux ont été commis. Lors d’une faillite, le tribunal nomme un syndic chargé de vendre les actifs de l’entreprise.

5.3. L’application du dispositif

Peu de procédures collectives d’apurement du passif sont initiées à Djibouti car elles n’aboutissent ni au maintien de l’entreprise en activité ni à forcer le respect des contrats de dettes.

Non seulement la loi n’est pas adaptée au contexte économique mais elle n’est pas appliquée correctement. Selon les agents économiques concernés par les procédures collectives, la plupart des liquidations n’aboutissent pas au redressement des entreprises en raison du comportement des liquidateurs et des magistrats. En effet, les honoraires et l’étendue de la mission et des pouvoirs des liquidateurs sont fixés par les magistrats. Ils sont accusés de piller les actifs de l’entreprise et de percevoir des commissions sur les ventes des actifs. Il est

à souligner qu’en matière de compétence, les liquidateurs ne répondent pas toujours aux critères de la profession. En effet, un liquidateur doit être inscrit sur une liste au tribunal (décret n° 86 116/PRE du 30 novembre 1986 relatif aux sociétés commerciales) et être expert judiciaire en comptabilité. Ces dispositions ne sont pas toujours respectées, et certains liquidateurs sont nommés alors qu’ils ne sont ni experts judiciaires en comptabilité, ni inscrits sur les listes auprès des tribunaux.

La loi de 1986 ne prévoit aucune procédure d’alerte, et dans beaucoup de cas, lorsqu’une entreprise dépose son bilan au tribunal, toute tentative de réhabilitation a peu de chances d’aboutir. Cette absence de procédures d’alerte et le manque de fiabilité des éléments comptables retardent le moment où les créanciers sont informés de la situation de l’entreprise. De ce fait, pour déceler qu’une entreprise a des difficultés, les banquiers tiennent compte des éléments suivants : l’entreprise demande des concours bancaires alors que son niveau d’endettement est déjà très important, son fonds de roulement est négatif, et elle est incapable de régler ses échéances (salaires, impôts, cotisation…) en temps voulu.

5.4. Coût de la procédure collective

Trois indicateurs permettent de mesurer le coût des procédures collectives : la durée, le coût pour traverser le processus d’insolvabilité et une mesure de la part des biens d’insolvabilité qui est récupérée par les actionnaires.

L’enquête de la Banque Mondiale «Doing Business», souligne qu’il faut compter à Djibouti 5ans contre 3,7 ans et 1,3 ans en moyenne, respectivement pour les pays de la région MENA et ceux de l’OCDE (tableau 25).

Tableau 25/ Coûts de la procédure de faillite

Indicateur Djibouti Région MENA OCDE Durée (année) 5,0 3,7 1,3 Coût (% de la propriété) 18 13,9 7,5 Taux de recouvrement (centimes par $) 15,9 25,8 74,1

Avec une telle lenteur, le coût associé à une procédure collective est évidemment onéreux. Il est évalué à 18% de la propriété contre 13,9% et 7,5% en moyenne, respectivement pour les pays de la région MENA et ceux de l’OCDE. Malgré ces coûts, l’agent n’est pas sûr de recouvrir la totalité de ses dettes. Le taux de recouvrement est 15,9 centimes par $ contre 25,8 et 74,1 centimes en moyenne respectivement pour les pays de la région MENA et ceux de l’OCDE.

Les incertitudes du système de faillite, son applicabilité et son aptitude à aider à réorganiser les entreprises viables et fermer celles qui ne le sont pas, font que les banques sont réfractaires au financement des petites entreprises jugées trop risquées. Selon, la Banque Mondiale [2007], un des aspects clés de la qualité du climat des affaires à Djibouti est sans doute celui de la primauté du droit et la sécurité des droits de propriété. Les principales préoccupations exprimées par les investisseurs sont entre autres l’imprévisibilité du système judiciaire (en raison du manque d’autonomie des juges) et la lenteur des tribunaux à résoudre les différends. Une bonne illustration de l’impact des faiblesses de la gouvernance sur le climat des affaires est la longue liquidation de deux banques commerciales (Al Baraka Bank et Banque de Djibouti et du Moyen-Orient), qui n’est toujours pas finalisée. Les deux banques ont été placées en situation de liquidation respectivement en 1998 et 1999. Mais le recouvrement des dettes de ces banques et le remboursement progressif des déposants ont été lents, en raison de retards et difficultés judiciaires pour liquider les nantissements immobiliers.

Conclusion

Manque de transparence et corruption dans le domaine des marchés publics, partialité, favoritisme et népotisme dans les procédures administratives et juridiques influencent négativement le climat des affaires à Djibouti donc la réalisation d’une croissance forte et pérenne.

La compétence, la force et l’efficacité des institutions publiques définissent et déterminent la validité, l’impartialité et la transparence des décisions qu’elles prennent ainsi que des services qu’elles assurent. La fiabilité des appareils juridiques, réglementaires et administratifs est l’un des fondements de la confiance de l’investisseur. Cela suppose qu’il existe des tribunaux compétents, indépendants, impartiaux et intègres. Ainsi seulement seront assurés le respect de la légalité et la prompte application des contrats et des droits de la propriété. C’est là, une des plus importantes questions d’ordre institutionnel sur lesquelles il faut que l’investisseur soit convaincu et rassuré.

Sans des reformes institutionnelles sérieuses, la croissance économique sera hypothétique et les micro-entreprises quant à elles, se réfugieront dans le secteur informel car elles n’ont pas la capacité structurelle à rester dans le secteur formel. Le coût de leur maintien dans le secteur privé formel est exorbitant comme le montre le chapitre 5.