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Facteurs explicatifs de la croissance des micro-entreprises du secteur informel

Chapitre 5 : Contraintes institutionnelles et secteur informel

II. Contraintes institutionnelles et blocage du développement des micro-entreprises

3. Facteurs explicatifs de la croissance des micro-entreprises du secteur informel

Le tableau 43 suivant fournit les valeurs propres et le pourcentage de variance correspondant : 100% de la variance est représenté par le premier facteur (F1).

Tableau 43/ Valeurs propres

F1

Valeur propre 0,194

Discrimination (%) 100,000

% cumulé 100,000

Source : Mahamoud [2005a]

Tableau 44/ Corrélations variables/facteurs

F1

Secteur d'activité 0,215

Q7 : Combien des personnes travaillent maintenant 0,407

Q12 : Age 0,093

Q20 : Clientèle s'est rétrécie -0,075 Q20 : Clientèle est restée stable -0,036 Q20 : Clientèle s’est élargie 0,104

Q1 : Sexe-homme -0,415

Q1 : Sexe-femme 0,415

Q27 : Contrôle Administ-NON -0,721

Q27 : Contrôle .Administ-OUI 0,721

Source : Mahamoud [2005a]

Le graphique 16 permet de mieux visualiser la corrélation. Le facteur F1 est fortement corrélé avec Q27 et faiblement corrélé avec Q7. Par conséquent, c’est la variable «contrôle» semble être la plus discriminante.

Source : Mahamoud [2005a]

Graphique 16/ Variables (axes F1 et F2 : 100%)

Q27OUI Q27NON 10h Q1f Q20c Q20b Q20a Q12 Q7 Q0 -1 -0,75 -0,5 -0,25 0 0,25 0,5 0,75 1 -1 -0,75 -0,5 -0,25 0 0,25 0,5 0,75 1 F1 (100,00 %) F2 (0,00 %)

La matrice de confusion résume l'information concernant les reclassements d'observations, et on peut en déduire les taux de bon et mauvais classement. Le pourcentage «correct» correspond au rapport du nombre d'observations bien classées, sur le nombre total d'observations. On a plus de 92% des observations, ce qui nous conforte dans la robustesse des résultats, soit 8% observations mal classées.

Tableau 45/ Matrice de confusion pour l'échantillon d'estimation

de \ Vers NON OUI Total % correct

NON 2 6 8 25,00%

OUI 2 91 93 97,85%

Total 4 97 101 92,08%

Source : Mahamoud [2005a]

Source : Mahamoud [2005a]

Pour montrer la robustesse du modèle, nous avons recouru également à la courbe ROC (Receiver Operating Characteristic) qui permet d'étudier les variations de la spécificité et de la sensibilité d'un test pour différentes valeurs du seuil de discrimination.

La sensibilité correspond au pourcentage des valeurs positives (% des micro-entreprises dont la légalité dépend des contrôles) correctement prédites. Alors que la spécificité correspond le pourcentage des valeurs négatives (% des micro-entreprises dont la légalité ne dépend pas des contrôles) correctement prédites. Les modèles performants sont ceux qui maximisent la sensibilité pour de faibles valeurs de spécificité.

Graphique 17/ Courbe ROC (AUC =0,899)

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1 - Spécificité Sensibilité

L’aire sous la courbe AUC (Area Under the Curve) est un indice synthétique calculé pour la courbe ROC. L’AUC correspond à la probabilité pour qu’un événement positif ait une probabilité donnée par le modèle plus élevée qu’un événement négatif. On entend par événement positif lorsque la variable «légalité» est expliquée par la variable «contrôle». Pour un modèle idéal, on a AUC=1, pour un modèle aléatoire, on a AUC=0,5. On considère habituellement que le modèle est bon dès lors que la valeur de l’AUC est supérieure à 0,7. Un modèle bien discriminant doit avoir une AUC entre 0,87 et 0,9. Un modèle ayant une AUC supérieure à 0,9 est excellent.

Dans notre cas on a un modèle bien discriminant puisqu’on a un indice pour la courbe ROC de 0,899.

3.2. Interprétation des résultats

3.2.1. Les contrôles obligent les micro-entreprises à se conformer au cadre légal

La variable «contrôle» est un facteur explicatif tout à fait significatif pour la variable «légalité». Ce qui est logique. Les entrepreneurs craignent des sanctions et des pénalités qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de l’entreprise. Donc ici, on est loin de l’idée selon laquelle les micro-entreprises du secteur informel évoluent en dehors de tout cadre légal. D’ailleurs, plus de 90% des micro-entreprises du secteur informel enquêtées en 2005 déclarent avoir une autorisation administrative pour exercer leur activité.

Tableau 46/ Avez-vous eu une autorisation administrative ?

Effectifs % % valide % cumulé Valide NON 10 9,7 9,7 9,7

OUI 93 90,3 90,3 100,0 Total 103 100,0 100,0

Source : Mahamoud [2005a]

86,4% des micro-entreprises déclarent s’acquitter régulièrement de leur patente. S’agissant de l’inscription au registre du commerce, la quasi-totalité de ces entreprises ignorent cette formalité ou ne l’ont pas fait sciemment puisque lors des contrôles, les agents de l’administration du fisc ne leur demandent pas.

Tableau 47/ Type d’autorisation administrative

Effectifs % % valide % cumulé Valide Inscription au registre de commerce

2 1,9 2,2 2,2 Obtention d'une autorisation municipale

2 1,9 2,2 4,3 Déclaration de patente

89 86,4 95,7 100,0

Total 93 90,3 100,0

Manquante Système manquant 10 9,7

Total 103 100

Source : Mahamoud [2005a]

3.2.2. Les contrôles de l’administration dépendent de la taille de l’entreprise

Nous avons cherché à identifier la variable qui pourrait déterminer la variable «contrôle». Est ce que pour des raisons budgétaires, l’administration délaisse les contrôles des micro-entreprises, jugées trop couteux et se limite uniquement aux entreprises qui ont un effectif significatif ? Est ce que les contrôles sont plus importants dans certains secteurs (transport, restauration par exemple) par rapport à d’autres ? Est ce que l’âge de l’entreprise joue un rôle important dans la mesure où les anciennes entreprises sont plus repérables par l’administration que les nouvelles entreprises qui viennent de s’installer ? Selon que l’entrepreneur est un homme ou une femme, sont-ils égaux devant les contrôles ? Autant des questions que nous avons voulu analyser à l’aide d’une deuxième analyse factorielle discriminante.

On remarque que la variable contrôle est corrélée positivement (0,86) avec la taille.

Tableau 48/ Corrélations variables/facteurs 1

F1

Q0 : secteur d'activité 0,098 Q7 : combien des personnes travaillent maintenant 0,865

Q12 : âge -0,122

Q1h : homme 0,299

Q2f : femme -0,299

Source : Mahamoud [2005a]

Le graphique 18 montre comment la variable «taille» est corrélée avec le facteur F1 obtenu. Donc, la variable «taille» semble être la plus discriminante.

Source : Mahamoud [2005a]

3.2.3. Les contrôles de l’administration expliquent relativement le phénomène de

«missing middle»

Donc, lorsque la taille de l’entreprise augmente le risque d’être repérée par l’administration en cas de non respect des obligations légales est important. Ce qui explique que les micro-entreprises restent cantonnées en deçà du seuil de 6 à 9 actifs.

Les micro-entreprises n’ayant pas la capacité structurelle à supporter les coûts de transaction engendrés par une réglementation trop contraignante, leur petite taille leur permet de se soustraire du respect des prescriptions légales. Les réglementations sont compliquées et non adaptées aux micro-entreprises, font que ces dernières ne sont guère encouragées à la création officielle d’entreprises et ne facilitent nullement l’exécution des contrats ni ne protègent les droits de propriété. Donc, la nature du cadre réglementaire des micro-entreprises et leur mode de fonctionnement est responsable de leur informalité.

Toutefois la corrélation entre taille et contrôle reste instable. Les différents tests (voir annexe) montrent clairement que le modèle est aléatoire.

Graphique 18/ Variables (axes F1 et F2 :100%)

Q1f Q1h Q12 Q0 Q7 -1 -0,75 -0,5 -0,25 0 0,25 0,5 0,75 1 -1 -0,75 -0,5 -0,25 0 0,25 0,5 0,75 1 F1 (100, 00 %) F2 (0,00 %)

Source : Mahamoud [2005a]

L’aire sous la courbe AUC qui est de 0,578 est proche de 0,5 (modèle aléatoire) et ne correspond pas à un modèle idéal (AUC=1) ou discriminant (AUC entre 0,87 et 0,9). Autrement dit, une observation peut influencer sa prévision.

L’instabilité du modèle suggère que les contraintes règlementaires toutes seules n’expliquent pas le phénomène de «missing middle» et qu’il existerait également des contraintes économiques.

L’entrepreneur ne peut pas accroitre ses effectifs si le marché ne s’élargit pas. L’embauche d’un actif supplémentaire ne pourra que grever son profit. Donc il y a un effet de taille (celui du marché) qui bloque l’accroissement des effectifs dans les micro-entreprises.

La principale contrainte au niveau des micro-entreprises étant la demande, l’hypothèse d’un rendement croissant suppose que la capacité du marché permet d’accroître le volume de la production et que l’activité informelle puisse se maintenir et même se développer. On se réfère donc implicitement à l’hypothèse que l’entrepreneur possède une connaissance parfaite du marché et qu’il saura augmenter au moment opportun sa capacité de production, pour ne pas retomber dans une situation prévisible de sous utilisation du facteur après la phase ascendante actuelle de son échelle de rendement. Ces observations doivent tenir compte des spécificités de chaque secteur d’activité. [Marniesse et Morrisson, 2000].

Le résultat net d’exploitation des différentes catégories d’activité est relativement élevé, il

Graphique 19/ Courbe ROC (AUC=0,578)

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1 - Spécificité Sensibilité

la plupart des entreprises ont dépassé le stade de la simple reproduction du travail et les revenus accumulés par l’entrepreneur permettent largement à celui-ci de couvrir à la fois le coût du travail utilisé et la rémunération du capital et de disposer d’une capacité d’autofinancement à la mesure du risque encouru. L’importance de ce résultat s’explique du fait que les entreprises sous-déclarent car elles observent un minimum légal qui est la patente.

D’autre part, si le «missing middle» est une illusion statistique résultant du fait que, dans les recensements d'établissements, on assimile l'établissement à l'entreprise [Charmes, 2002], il reste à savoir les raisons qui incitent les micro-entreprises à opter pour cette stratégie de croissance horizontale. Préfères-t-elles restées de petite taille pour ne pas attirer les contrôles de l’administration (multiplication d’établissements)? Ce qui revient à souligner que l’explication de l’illusion statistique du «missing middle» rejoint celle du cadre réglementaire trop contraignant. Et que les deux explications ne font qu’une.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons essayé de comprendre l’existence des contraintes qui limitent le développement des micro-entreprises informelles à Djibouti.

Nous avons montré l’existence d’une relation entre le poids du secteur informel dans le PIB et la qualité de la justice. La défaillance du système judiciaire n’encourage pas la rigueur et l’honnêteté chez les agents de l’administration publique, en créant ainsi une impunité qui favorise la corruption et le clientélisme.

Ensuite, nous avons analysé, à travers une analyse longitudinale sur 2 enquêtes (2001 et 2005) comment les contraintes institutionnelles s’exercent sur les entreprises du secteur. L’analyse de la mobilité à l’aide de matrices nous révèle l’existence d’un seuil infranchissable pour les entreprises du secteur. Il existe un butoir à partir de 6 à 9 actifs. Les résultats contredisent l’idée selon laquelle les entreprises du secteur informel seraient caractérisées par la stagnation. La mobilité vers le haut montre que 60% des entreprises enregistrent des créations d’emplois d’au moins un actif. La probabilité qu’une entreprise passe de segment de 2 à 5 actifs à 6 à 9 actifs est de 20%. Les difficultés des entreprises à dépasser le seuil de 6 à 9 actifs pourraient s’expliquer par le mode de fonctionnement et la nature des institutions en place à Djibouti. Ainsi nous avons pu établir l’existence d’une corrélation entre le statut légal de l’entreprise et les contrôles. Cependant, la taille de

l’entreprise ne dépend pas vraiment des contrôles et des variables économiques entrent en jeu.

Enfin, si le financement ne constitue pas la principale contrainte rencontrée par les entreprises du secteur informel, néanmoins le chapitre 6 montre que ces entreprises éprouvent des difficultés à obtenir du crédit et adoptent souvent des solutions alternatives pour contourner les obstacles d’ordres institutionnels et structurels.