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Chapitre 1 : Contraintes structurelles de l’économie djiboutienne

I. Analyse macroéconomique et sectorielle

3. Pauvreté et développement

3.1.1. Le chômage structurel

Les données de l’emploi révèlent la présence d’une crise structurelle du marché du travail, avec un chômage dont le pourcentage, en définitive assez mal connu malgré la précision des chiffres avancés, atteindrait 59,5% en 2002, une forte augmentation par rapport à son niveau de 1996 (44,1%). 50,4% des chômeurs déclarent être à la recherche d’un premier emploi en 2002. Le phénomène concerne avant tout, les jeunes de moins de 30 ans et les ménages dont le chef est une femme (68,6%), mais également les agents sans instruction (62,9%). Les djiboutiens qui ont le niveau secondaire et plus sont en moyenne, relativement moins affectés par ce fléau social (45,9%) [PNUD, 2002].

Ces chiffres montrent à l’évidence que le chômage constitue toujours, et de loin, le plus grave problème économique de Djibouti. Ce chômage résulte de la conjonction de plusieurs facteurs, notamment la croissance rapide d’une population active que vient amplifier l’immigration des populations en provenance des pays voisins, les défaillances du système éducatif qui échoue à constituer une matrice de formation de l’éducation de base et de

qualifications professionnelles, enfin les dysfonctionnements du marché du travail. Le secteur moderne fonctionne sur une base étroite d’emplois avec des salaires qui ne sont pas en relation avec la productivité des facteurs. Historiquement, l’essentiel du système productif étant sous le contrôle de l’Etat, le secteur public a été leader en matière d’emploi et de formation des rémunérations. Cette situation a entraîné un effet d’éviction du secteur privé vers le secteur public des jeunes diplômés, en obligeant du coup le secteur privé à suivre les traitements de la fonction publique.

Les salaires les plus élevés s’observent dans le secteur du transport et des télécommunications. L’Administration n’est toutefois pas en reste, ce qui lui vaut d’avoir une masse salariale largement supérieure à celle des pays du Moyen Orient. Selon de chiffres produits par le FMI en 1998, le taux de salaire de la fonction publique était de 45% supérieur au salaire moyen des entreprises publiques et privées du secteur moderne. Et en moyenne, comparativement à l’Ethiopie ou au Yémen, les salaires nominaux, au taux de change courant, étaient de 3 à 6 fois supérieurs.

Avec la crise des finances publiques du début des années 1990, les recrutements dans le secteur public et privé se sont taris, sans que le niveau des salaires ne redescende à un niveau en rapport à la productivité du facteur. Même si ces chiffres de chômage masquent le phénomène du sous-emploi, ils révèlent le caractère structurel du phénomène et montrent à l’évidence que le chômage constitue toujours et de loin, le plus grave problème économique du pays.

3.2.2. Pauvreté et participation au marché du travail

La participation des individus au marché du travail et le niveau de vie auquel ils accèdent s’expliquent par leurs caractéristiques individuelles et le profil des ménages auxquels ils appartiennent. La corrélation entre le taux d’activité et le niveau d’instruction n’est cependant pas évidente. Le taux d’activité est évalué à 53,0% et concerne principalement la tranche d’âge des 20-39 ans, qui représente 58,1% du total des actifs. Il n’existe pas de différence significative de la structure par âge de l’offre de travail des pauvres extrêmes (moins de 1 $ par jour) et relatifs (moins de 2 $ par jour), qui reste à des niveaux plus élevés pour tous les groupes d’âge. Mais quelque soit le niveau de vie des ménages, les femmes participent moins au marché du travail que les hommes, leur taux d’activité étant en moyenne de 34,6%.

La participation au marché du travail est globalement dominée par des individus sans instruction (48,8%) ou ayant un niveau d’instruction primaire du CE2 au CM2 (23,5%), ou

secondaire 1er cycle (15,8%). Mais les pauvres (extrêmes ou relatifs) sont pour plus de la moitié sans instruction et près du quart avec un niveau d’instruction primaire. Le taux d’activité du chef de ménage marié ou célibataire se situe autour de la moyenne, ces deux catégories représentant respectivement 43,8% et 49,9% de l’ensemble des ménages. Mais le taux d’activité des femmes, chef des ménages est de 35,1% (veuves) et 47,6% (divorcées). Le phénomène de pauvreté touche aussi, à des degrés divers, les personnes occupées avec 59,5% des individus classés pauvres et parmi eux, 27,3% de pauvres extrêmes [PNUD, 2002].

Le chômage s’explique par plusieurs facteurs : l’insuffisance de l’activité économique; le coût élevé du travail; la faiblesse du capital humain qui limite les possibilités d’exploitation des opportunités qu’offre l’économie; la permanence d’un flux important d’immigration et les effets de certaines des mesures de stabilisation, qui ont également contribué au déséquilibre du marché du travail. Dans ce contexte de pauvreté structurelle et de fort taux de chômage, le taux de dépendance globale ne peut être qu’élevé : le revenu d’un actif occupé ou d’un retraité/rentier, supporte en moyenne 3,2 individus inactifs de 15 ans et plus [PNUD, 2002].

3.2. Pauvreté et inégalités

Selon l’IDH, Djibouti enregistre un score de 0,516 et se classe au 149ème rang sur 175 pays en 2006 [PNUD, 2007]. Cette mauvaise performance de l’IDH va de paire avec la pauvreté monétaire extrême ou relative. Et, il existe une forte incidence de la pauvreté extrême ou relative parmi les ménages dont le chef est travailleur indépendant, les chômeurs ayant déjà travaillé, et les chômeurs à la recherche d’un premier emploi. Ces trois catégories de

Encadré 2/ Définition de l’Indicateur de Développement Humain

L'indice de développement humain (IDH) est un indice composite, non pondéré, compris entre 0 (exécrable) et 1 (excellent), calculé par la moyenne de trois indices quantifiant respectivement: la santé/longévité

(mesurées par l'espérance de vie à la naissance), qui permet d’appréhender indirectement la satisfaction des besoins matériels essentiels tels que l'accès à une alimentation saine, à l'eau potable, à un logement décent, à une bonne hygiène et aux soins médicaux; le savoir ou niveau d'éducation est mesuré par le taux d'alphabétisation des adultes (pourcentage des 15 ans et plus, sachant écrire et comprendre aisément un texte court et simple traitant de la vie quotidienne) et le taux brut de scolarisation (mesure combinée des taux pour le primaire, le secondaire et le supérieur). Et le niveau de vie (logarithme du PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat), afin d'englober les éléments de la qualité de vie qui ne sont pas décrits par les deux premiers indices tels que la mobilité ou l'accès à la culture.

population représentent 38,7% des ménages. Les ménages dont le chef est salarié du secteur public, ont une incidence de pauvreté relative de 54,9% et représentent 23,8% des ménages. Et l’on retrouve dans cette catégorie socioprofessionnelle, 23,8% de ménages pauvres extrêmes (vivant avec moins 1 $ par jour). La répartition inégale de la population dans les différentes zones du pays et les inégalités spatiales de la pauvreté relative, s’accompagnent de profondes inégalités de niveau de vie.

L’enquête auprès des ménages du PNUD [2002] révèle que les inégalités se sont accentuées et l’indice de Gini est passé de 0,395 en 1996 à 0,409 en 2002. La décomposition de l’inégalité suivant l’indice de Theil (basé sur une moyenne géométrique pondérée des revenus relatifs de chaque individu ou groupe d’individus) indique que l’inégalité de la dépense est très forte entre les deux groupes (pauvres et non pauvres) et au sein des non pauvres, soit respectivement 57,8% et 31,5% de l’inégalité totale. L’inégalité de la dépense au sein des non pauvres extrêmes, représente 56,9% de l’inégalité totale, contre une inégalité inter groupe (pauvres extrêmes et non pauvres) qui se situe aussi à un niveau élevé, mais moindre, soit 31,5%. Cette configuration de l’inégalité de la dépense, entre les pauvres extrêmes ou relatifs et les non pauvres d’une part, et au sein des non pauvres d’autre part, se répercute dans les zones géographiques en fonction de la répartition spatiale de la pauvreté [PNUD, 2002]. Les ménages dont le chef est un actif occupé ont des niveaux d’inégalité beaucoup plus élevés que les actifs non occupés, et plus particulièrement chez les salariés des secteurs public et privé.