• Aucun résultat trouvé

Offre et demande de financement formel et informel

Chapitre 6 : Le financement du secteur informel

2. Offre et demande de financement formel et informel

2.1.1. Financement bancaire

L'importance et la composition de la demande de financement des micro-entreprises, leur accès ainsi que la disponibilité de telle ou telle source évoluent avec la maturité de l’entreprise [Liedholm, 1991]. En revanche, des enquêtes internationales s'accordent à constater que le secteur bancaire joue un rôle modeste, voire insignifiant en matière de financement des investissements [Morrisson, 1995; Liedholm, 1991; Mead et Liedholm, 1998].

Les banques justifient leurs réticences à octroyer des prêts aux micro-entreprises en invoquant la non rentabilité des prêts de faibles montants au regard de coûts de transaction élevés, le risque important induit par l’asymétrie de l’information et non couvert en l’absence de cautionnement. Le rationnement du crédit résulte donc des conditions d’octroi et non d’une sélection par les taux d’intérêt.

Du coté de la demande, les besoins sont multiples. Le manque de trésorie est un handicap crucial quant il s’agit notamment de renouveler le stock et l’activité peut, de ce fait, se trouver momentanément ralentie. Le financement des investissements pourrait générer une production plus abondante, à un coût plus bas grâce à l’aide d’équipements supplémentaires. Les besoins de financement de l’activité de l’entreprise et de la famille sont tellement confondus qu’il est souvent difficile d’apprécier la situation financière de l’entreprise.

Dans le cas de Djibouti, selon l’enquête PATARE [2001], l’investissement initial provient de 4 sources essentielles : l’épargne personnelle, les banques, la famille et les amis. Dans l’enquête 2005, cette question n’a pas été posée. Mais, on peut se référer à l’enquête PECTA de 1980, selon laquelle (tous secteurs confondus) 47% du capital initial était financé sur des fonds propres de l’entrepreneur (épargne personnelle), 23% des fonds provenaient des banques, 15% de la famille et 12% des prêts d’amis. S’il y a lieu de souligner le rôle actif des

banques dans le financement des activités informelles dans les années en 1980, l’enquête de 2001 relève un désengagement des banques à l’égard de ce secteur.

En 2005, la question de l’accès des petites unités économiques au système bancaire étaient abordée pratiquement de la même manière qu’en 2001. Les petites unités économiques devaient répondre en 2001 par «Oui» ou «Non» si elles avaient un compte bancaire alors qu’en 2005, elles devaient répondre par «Oui» ou «Non», si elles avaient obtenu un crédit bancaire, l’obtention du crédit bancaire étant évidemment conditionnée par la détention d’un compte bancaire ou non.

Sur 103 entreprises interrogées en 2005, deux entreprises qui possédaient un compte bancaire en 2005 n’ont pas répondu à la question si elles ont obtenu un crédit bancaire ou non. Ce qui nous fait un échantillon de 101 entreprises.

Elles sont 29,7% (30 entreprises) à avoir obtenu un crédit bancaire en 2005 alors qu’elles étaient 3,33% à posséder un compte bancaire en 2001. C'est-à-dire qu’elles sont huit fois plus nombreuses en 2005 à accéder au système bancaire qu’en 2001. Ce sont majoritairement des entreprises du secteur de commerce (95,8%).

Tableau 49/ Avez-vous un compte bancaire ?

Secteur d'activité OUI % NON % Commerce 2 1,33 126 84,00 Production 1 0,67 4 2,67 Bâtiment/construction. 2 1,33 0 0,00 Services 0 0,00 7 4,67 Transport 0 0,00 8 5,33 Total 5 3,33 145 96,67

Réponse 150 (100%) Non-réponse 0 (0,00%) sur un effectif total de 150 Source : PATARE [2001]

Tableau 50/ Avez-vous déjà obtenu un crédit bancaire ?

Secteur d'activité OUI % NON % Commerce 23 76,7 68 95,8 Production 2 6,7 1 1,4 Bâtiment/construction. 1 3,3 1 1,4 Services 2 6,7 0 0,0 Transport 2 6,7 1 1,4 Total 30 100 71 100

Tableau 51/ Le fait de ne pas être en règle vous empêche t-il d’accéder au crédit ?

Secteur d'activité OUI % NON %

Commerce 20 100 39 92,9 Production 0 0 1 2,4 Bâtiment/construction. 0 0 1 2,4 Services 0 0 0 0,0 Transport 0 0 1 2,4 Total 20 1 42 100

Réponse 62 (61,16%) Non-réponse 41 (39,80%) sur un effectif total 103 Source : Mahamoud [2005a]

En 2005, les deux entreprises qui n’ont pas répondu à la question sont des entreprises qui estimaient que le type de financement proposé par les banques ne correspondait pas à leur besoin : les propriétaires cherchent des prêts adaptés aux préceptes de l’islam.

La banque fait face à trois problèmes majeurs à Djibouti. D’abord, les petites micro-entreprises n’ont pas généralement d’actif circulant, un nantissement à faire valoir comme garantie. Cette faiblesse des biens à faire valoir comme garantie constitue un risque pour le banquier dans la mesure où il ne peut pas récupérer ses fonds en cas de faillite.

Ensuite, la banque dispose de très peu d'information (voire pas du tout) concernant son client. Ce manque d'information, avant la concrétisation du contrat de prêt engendre des problèmes de sélection adverse. La banque ne pouvant pas discriminer les entreprises, elle va traduire le risque par une hausse des taux d'intérêt qui engendre une sortie du marché des emprunteurs les moins risqués.

L'asymétrie d'information pendant le déroulement du contrat fait que le banquier n'a aucun contrôle sur l'utilisation effective du prêt octroyé (hasard moral).Enfin, les banques observent une certaine prudence du fait des problèmes de recouvrement des créances consenties dans les années 1980 et de l’inefficacité du système judiciaire et de la difficulté à donner de l’effectivité aux garanties; de 25 à 30% des créances bancaires seraient litigieuses [Plane, 2004].

Si les banques n’ont pas forcément le dynamisme qu’on observerait sur un marché plus concurrentiel, le coût du facteur capital résulte d’abord des institutions qui surchargent les coûts de transaction relatifs à l’intermédiation bancaire. Il manque à Djibouti toute une culture de la transparence qui engendre de la méfiance, et aboutit à une allocation du crédit qui est à la fois très coûteuse et fortement rationnée [Stiglitz et Weiss, 1981].

formel; la mise en œuvre d’une technologie financière appropriée (études préalables solides sur l’offre et la demande de crédit, approche multifonctionnelle, ciblage des groupes, approche par bénéficiaires, coûts de transaction limités et taux d’intérêt réalistes susceptibles d’assurer la pérennité des services et des institutions efficientes, bonne liaison épargne/crédit, produits financiers adaptés, prêts variés…).

Compte tenu du fait que les taux d’intérêt sont prohibitifs, certaines unités économiques du secteur informel n’osent pas s’engager dans de telles opérations, faute d’être sûres d’honorer les remboursements et préfèrent utiliser leurs ressources propres.

2.1.2. Financement formel public

Le fond de développement économique de Djibouti (FDED) cible une population relativement aisée de la société. Les prêts, dont les montants sont de 11 300 $ à 282 486 $ (2 à 50 millions FDJ), sont donc accordés aux promoteurs capables d’apporter 30% du coût du projet et disposant de biens servant de garantie.

7 ans après la mise en place du fonds en 2000, aucun projet n’a pu être financé. Les raisons sont multiples. Le gouvernement n’a pas débloqué le montant nécessaire (la contrepartie nationale) correspondant à l’apport national conformément à la convention de crédit signé avec le bailleur de fonds koweïtien. S’ajoute à cela, les difficultés du fonds à mener à terme la liquidation de l’ancienne banque de développement de Djibouti qui a fait faillite dans les années 1990.

Sur le principe de fonctionnement du fond, la démarche de «supply driving» comporte un risque de biais dans le fonctionnement de l’institution. L’expérience montre, en effet, que les meilleurs services financiers sont accordés sur des bases «demand driving». Le fonds risque d’attirer essentiellement une demande de financement des projets risqués [Plane, 2004].

Les faiblesses du financement des programmes d’appui aux activités économiques font que l’essentiel des besoins de financement de ces activités est satisfait par le secteur financier informel.

2. 2. Financement informel

Il s’agit des tontines (hagba) de garde-monnaies (bill ou marsouf) ou des prêts individuels à la consommation ou à la production. Ces pratiques financières, à l’instar des autres pays en développement, émergent et se substituent au financement formel. Elles concernent toutes les catégories de la population et les montants en jeu varient selon le niveau des revenus des personnes participantes.

2.2.1. Hagba ou tontine

Les salariés d’un même service dans une administration publique ou privée, les habitants d’un quartier, les membres d’un club de sport peuvent aussi utiliser les services d’une personne de confiance pour garder leur épargne. Les versements sont réguliers et identiques. Ils sont effectués au début du mois. Chaque membre reçoit à une date connue d’avance, la totalité de la mise. C’est une épargne forcée, chaque membre doit continuer à cotiser jusqu’à ce que tout le monde reçoive une fois la totalité de la mise.

Le hagba est fondé sur la discipline des participants. Des informations suffisantes doivent être recueillies sur chaque membre pour garantir la solvabilité du système. L’argent sert en général à faire face des dépenses urgentes, à financer des cérémonies de mariage et de deuil. Il arrive également qu’elle permette l'acquisition de biens d'investissement. Cette forme de tontine est organisée entre des gens ayant le même statut social.

Tableau 52/ Êtes-vous membre d’une association ou d'un groupement professionnel ?

Secteur d'activité Tontine Chambre de commerce Syndicat

Commerce 31 11 13 Production 1 2 0 Bâtiment/construction. 0 2 0 Services 0 2 0 Transport 0 0 0 Total 32 17 13

Réponse 62 (60,19%) Non-réponse 41(39,80%) sur un effectif total de 103 Source : Mahamoud [2005a]

En 2005, à la question «Etes-vous membre d’une association ou d'un groupement professionnel », 32% des entrepreneurs ayant répondu à la question disent appartenir à une association de hagba (tontine).

Parmi ces entrepreneurs qui font partie des tontines, seul 18,75% d’entre eux ont obtenu également du crédit à la banque. Alors que plus de 81% des entrepreneurs qui adhèrent à une tontine se sont vus refuser un crédit bancaire. Par conséquent on peut penser dire que les tontines constituent un financement alternatif au financement bancaire pour la majorité des entrepreneurs du secteur informel

Tableau 53/ Crédit bancaire et tontine

Tontine Crédit

bancaire

OUI NON Total

OUI 6 24 30

NON 26 45 71

Total 32 69 101

Source : Mahamoud [2005a]

2.2.2. Bill ou marsouf

En général dans les quartiers populaires, les habitants confient, en début de mois, une partie leur salaire au boutiquier du coin. Les gens viennent faire leurs achats course en denrées alimentaires quotidiennement à la boutique pendant tout le mois. Si, les dépenses dépassent la mise mensuelle, la différence est remboursée au mois suivant.

Il arrive également que le boutiquier fasse des crédits (sans intérêt) sous forme des denrées alimentaires ou des sommes liquides à ses clients. Il doit être remboursé à la fin du mois. Donc le marsouf constitue à la fois une fonction de crédit mais également d’épargne. Ces commerçants s’apparentent à des «gardes-monnaie», comme on les appelle en Afrique de l’Ouest [Lelart, 1990]. Les commerçants, sont toujours des personnes bien connues dont l’intégrité ne saurait être mise en doute et en lesquels les habitants ont une totale confiance. La confiance constitue le socle de la relation entre client et commerçant, et sans elle, ces jeux des créances et des dettes, certes de petite taille, ne sauraient exister et même se concevoir.

2.2.3. Les prêts individuels

Les prêts individuels proviennent des prêts d’amis ou des parents sur leurs propres ressources pour venir en aide à des proches. Ils financent l’auto emploi (achat d’un taxi ou mini bus, petit commerce de détail…) ou l’achat d’un logement. Les prêts individuels constituent la première source de finance pour les petites activités du secteur informel. Les petits entrepreneurs du secteur informel ne peuvent compter que sur leurs proches dans leur initiative entrepreneuriale.

A côté de ces différentes modalités de financement, les petites activités du secteur informel utilisent également le système de transfert des fonds, les hawalas, pour les activités d’import/export.