Chapitre 5 : Contraintes institutionnelles et secteur informel
I. Mauvaise performance des institutions et poids l’ENO dans le PIB officiel
1. Lien entre qualité des institutions et poids de l’ENO dans le PIB officiel
Nous utiliserons les abréviations suivantes : poids de l’économie non observée (Poids), Rule of Law (RL), Regulatory Quality (RQ) et Control of Corruption (CC). Il s’agit ici d’une approximation et que les mesures portent sur des valeurs absolues et non sur des variations (en log).
1.1. Corrélation entre poids de l’ENO dans le PIB officiel et indicateurs de gouvernance
Tableau 26/ Les variables
Poids de l’économie non observée dans le PIB officiel
Regulatory Quality Rule of Law Control of Corruption
199839,7 -0,82 -0,43 -0,86 200038,3 -0,73 -0,64 -1,23 200237,5 -0,73 -0,62 -0,69 200334,1 -0,78 -0,74 -0,88 200433,7 0,72 -0,78 -0,74 200535,4 -0,86 -0,87 -0,64
Source: Kaufmann et al. [2006]; reconstitution par nos soins
On observe une corrélation des trois indicateurs (RL, RQ et CC) avec le poids de l’ENO dans le PIB officiel. «RL» est fortement corrélé (-0,872) avec le poids de l’économie non observée dans le PIB officiel alors que les indicateurs «RQ» et «CC» sont corrélés, respectivement à – 0,734 et –0,502.
Tableau 27/ Matrice de corrélation
Variables RQ RL CC Poids
RQ 1,000 -0,347 0,173 -0,734
RL -0,347 1,000 -0,377 -0,872
CC 0,173 -0,377 1,000 -0,502 Poids -0,734 -0,872 -0,502 1,000
Source : résultat de la régression
On peut considérer qu’une amélioration de ces indicateurs pourrait induire une baisse du poids de l’économie non observée dans le PIB officiel, les entreprises profitant d’une diminution des coûts de transactions, résultant du cadre institutionnel, se conformeraient mieux aux prescriptions légales.
1.2. La qualité de la justice est déterminante pour expliquer le poids de l’ENO dans le PIB officiel
Pour une analyse plus fine, nous avons fait une régression linéaire simple afin d’étudier comment le poids de l’économie non observée varie selon l’indicateur de la qualité de la justice (RL).
Tableau 28/ Coefficients d’ajustement
Observations 6
Somme des poids 6
DDL 4
R² 0,713
R² ajusté 0,641
Source : résultat de la régression
Plus le khi deux carré est élevé, plus la probabilité sera forte qu’il y ait une relation entre les variables étudiées (Poids et RL). Dans le tableau 28, la variable «Poids» est expliquée à 64,1%, tel que indique le coefficient d’ajustement corrigé (R² ajusté=0,641). Le reste de la variabilité est dû à des effets qui ne sont pas pris en compte dans le modèle.
Tableau 29/ Analyse de la variance
Source DDL Somme des carrés Moyenne des carrés F Pr > F Modèle 1 20,862 20,862 9,919 0,035 Erreur 4 8,413 2,103
Total corrigé 5 29,275
Calculé contre le modèle Y=Moyenne(Y)
Source : résultat de la régression
Le tableau 29 d’analyse de la variance nous montre que selon le test de Fisher, la probabilité d’erreur de ce modèle est inférieure à 0,035 avec un degré de liberté de 4. Autrement dit, on prend un risque de se tromper de moins de 3,5%, en concluant que «RL» est la variable explicative du poids de l’économie non observée dans le PIB officiel.
Tableau 30/ Paramètres du modèle
Source Valeur Ecart-type t Pr > |t| Borne inférieure (95%) Borne supérieure (95%) Constante 45,515 2,938 15,490 0,000 37,356 53,673
RL -13,330 4,233 -3,149 0,035 -25,082 -1,579
Source : résultat de la régression
Le modèle dont les variables sont regroupées dans le tableau 30 (Paramètres du modèle) indique qu’à chaque fois que l’indicateur «RL» augmente d’un point, le poids de l’économie non observée dans le PIB officiel diminue de plus de 13% pour la période considérée (1997 à 2005).
Toutefois, cette relation est vérifiée uniquement sur le court terme puisqu’on a une période d’observation de 6 ans dont certaines années sont manquantes.
Equation du modèle:
Poids= 45,515-13,330*RL
Source : résultat de la régression
Le graphique 15 permet de visualiser les données, la droite de régression, et les deux courbes de l’intervalle de confiance (droite trait plein). Les deux courbes proches de la droite de régression (en pointillé) est l’intervalle autour de la moyenne de l’estimateur ponctuel ou l’intervalle de prédiction. On voit ainsi clairement une tendance linéaire assez forte autour de la droite. Aucune valeur suspecte n’apparaît en dehors des courbes de l’intervalle de confiance.
1.3. L’efficacité de l’administration et le contrôle de la corruption expliquent peu le poids de l’ENO dans le PIB officiel
Une régression simple permet d’apprécier comment agissent les indicateurs de gouvernance «Control of Corruption et Regulatory Quality» sur le poids de l’ENO dans le PIB officiel.
Tableau 31/ Coefficients d'ajustement
Variable «CC» Variable « RQ»
Observations 6 Observations 6 Somme des poids 6 Somme des poids 6
DDL 4 DDL 4
R² 0,157 R² 0,292
R² ajusté -0,054 R² ajusté 0,115
Source : résultat de la régression
Graphique 15/ Régression de Poids du secteur informel par rapport au PIB par RL R²=0,713)
25 30 35 40 45 50 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 RL Actives Modèle
Dans le tableau 31, on remarque que l’ajustement est d’une qualité médiocre et que la variable «Poids» est expliquée à 15,7% par « CC » et 29,2% par «RQ» selon R². On peut en conclure donc que les variables «CC» et «RQ» ont peu de pouvoir explicatif de la variable «Poids». En d’autres termes, l’amélioration de l’efficacité de l’administration et le contrôle de la corruption ne vont pas se traduire par un recul significatif du poids de l’ENO dans le PIB officiel.
1.4. Quelques enseignements
Seul l’indicateur «RL» constitue la variable explicative du poids de l’ENO dans le PIB officiel.
Par conséquent, le mauvais fonctionnement de la justice djiboutienne fait que la règle de droit soit mal connue ou mal respectée. La justice est trop éloignée des réalités des petits acteurs économiques. Lorsque certaines activités se conforment au droit, des habitudes telle la corruption, le passe droit, le clientélisme et l’arbitraire en matière de règlement de l’administration font que les agents économiques optent pour une solution qui leur permet de limiter les coûts de transaction.
Le fait que le contrôle de la corruption n’ait pas un impact sur le poids de l’ENO dans le PIB officiel ne signifie pas qu’il est moins couteux de maintenir la corruption que de la contrôler. Intuitivement, on aurait plutôt un enchaînement des effets institutionnels qui serait le suivant : la défaillance du système judiciaire conduit l’administration à être moins encline à l’efficacité et celle ci favorise à son tour chez les fonctionnaires une culture de corruption. Donc c’est la qualité du système judiciaire qui est déterminante car ses effets sur les autres variables sont importants.
2. La réglementation des micro-entreprises