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En vue dÕillustrer la complexitŽ du probl•me poursuivi dans cette Žtude, deux points cruciaux sont rappelŽs dans ce chapitre dÕŽlaboration de la problŽmatique : le fonctionnement professionnel des enseignants est historiquement marquŽ par une forme dÕindividualisme qui entre en conflit avec lÕinjonction au fonctionnement de travail collectif avec dÕautres acteurs Žducatifs ; et la dŽfinition du concept de partenariat est caractŽrisŽe par le paradoxe de lÕagir avec et lÕagir contre lÕautre.

3.1 Individualisme et injonction au fonctionnement collectif

QuÕest-ce qui fait quÕun changement, de lÕindividuel au collectif va aboutir, compte tenu des intŽr•ts de tous les partenaires ? (Crozier et Friedberg, 1981).

21 La problŽmatique du passage dÕun fonctionnement de travail individuel ˆ un fonctionnement collectif peut •tre spŽcifiŽe, ˆ minima, comme suit. On peut envisager une tendance des acteurs ˆ chercher un consensus mou, en sÕaccordant sur une visŽe commune dÕŽpanouissement de lÕenfant. Cependant, cela ne permet pas dÕentrer dans la dynamique collective et complexe du travail en partenariat (Van Zanten, 2008). Barr•re (2011) prŽcise que ce dŽveloppement du travail collectif, fait bouger lÕorganisation initiale du travail, prend du temps et demeure complexe ˆ mettre en place.

Historiquement, la culture professionnelle des enseignants est marquŽe par un fonctionnement de travail individuel voire individualiste (Gather Thurler, 1996 ; Tardiff et Lessard, 1999 ; Perrenoud, 2002). Et ˆ lÕinverse de ce fonctionnement, travailler en collectif suppose une mise en place de projets partenariaux (coopŽrations, collaborations) qui induisent progressivement la constitution de rŽseaux (van Zanten, 2008).

Toutefois, le partenariat peut •tre considŽrŽ indŽpendamment de cette contrainte historique dÕune culture professionnelle figŽe. Il appara”t alors comme un outil de rŽponse ˆ la sociŽtŽ Žmergente. DŽvelopper les partenariats Žducatifs soutient lÕidŽe dÕouverture de lÕŽcole sur le monde et dÕaccompagnement de la rŽussite de tous les enfants. En 1997, Dani•le Zay Žmettait lÕhypoth•se suivant laquelle le partenariat correspondrait ˆ une mutation de sociŽtŽ : Ç Il apparait ˆ la fois comme une stratŽgie de sortie de crise et comme une solution au probl•me de la prise en compte des diffŽrences culturelles, ethniques et sociales, dans des sociŽtŽs menacŽes de la fracture sociale mais qui aspirent ˆ une homogŽnŽisation È. Cet argument est aujourdÕhui la raison majeure nommŽe par les lŽgislateurs. Ainsi, au delˆ de lÕinjonction ˆ faire ensemble, et compte tenu de lÕhistoire de lÕinstitution scolaire, spŽcifier la dŽmarche partenariale mŽrite dÕ•tre considŽrŽ.

3.2 La notion de partenariat

Vilatte rappelle que la multiplicitŽ des situations o• le terme de partenariat est utilisŽ fait Žcho ˆ sa polysŽmie, et il en dresse lÕorigine Žtymologique suivante :

ÇPartenariatÈ est un mot rŽcent qui date des annŽes 80. On lui trouve avant le terme de ÇpartenaireÈ. On prŽsente souvent le mot partenaire comme d'origine anglo-saxonne : ÇpartnerÈ alors quÕil vient du Fran•ais du XVIIIe et appara”t pour la premi•re fois dans une lettre de Mme du Deffand sous sa forme anglo-normande, ÇpercenerÈ. Le mot partenaire vient du mot en vieux fran•ais Çpar•onierÈ qui signifierait propriŽtaire

22 indivis, copartageant. La dimension forte qui est mise en avant est celle d'association. Les partenaires sont en effet propriŽtaires indivis du projet et de l'action conjointe. Sous cet aspect, la dimension de coopŽration, Çl'avecÈ, est primordiale. Si l'on creuse plus avant l'origine Žtymologique du mot ÇparcenerÈ, il vient de Çpar•unerÈ et lˆ, c'est son aspect contraire qui Žmerge. ÇPar•unerÈ, ÇparcernerÈ viennent du vieux fran•ais, Çpar•on/pare•onÈ issus eux-m•mes du latin ÇŽpartitio-partitionisÈ signifiant division, sŽparation, partage. C'est plut™t la dimension d'opposition, le Ç contre È, qui prŽvaut. Autrement dit, s'il y a bien fait d'association dans le partenariat, ce n'est pas seulement sur la base de communautŽ, c'est surtout sur la base des diffŽrences existantes, ce qui explique que la relation partenariale soit paradoxale, interactive et Žvolutive.

Cette relation s'organise en effet autour du double aspect : - agir avec lÕautre,

- agir contre l'autre.È Vilatte (2006).

Cette complexitŽ inhŽrente ˆ la notion de partenariat nÕen fait pas moins une dimension essentielle des nouvelles approches Žducatives. Vice-prŽsidente de la Ligue de lÕenseignement, Claire Pessin-Garric estime que Ç lÕŽcole ne peut pas trouver toute seule les rŽponses Žducatives. Il faut des partenariats et des projets communs È (Berthet & Fillaud-Jirari, 2008). Les collectivitŽs doivent sortir de la logique de prestataire pour devenir partenaires dÕune Ç conduite participative de lÕŽcole pilotŽe par les collectivitŽs È.

Des questionnements commencent alors ˆ •tre soulevŽs : Les municipalitŽs sont-elles les lieux les plus adŽquats pour organiser ce pilotage, action dÕorchestration dÕune action collective ? LÕŽcole est-elle pr•te pour un co-pilotage de ses activitŽs ? Et quels espaces alternatifs de transmission de la culture, relevant de lÕaction de partenaires hors de lÕŽcole peuvent •tre pensŽs pour quitter la forme scolaire partout et tout le temps ?

3.3 ProblŽmatique

Que manque-t-il aux acteurs du monde de lÕŽducation pour faire Žvoluer leurs pratiques professionnelles dans le sens du dŽveloppement des partenariats Žducatifs ?

23 AujourdÕhui, acte III de la dŽcentralisation, les professionnels constatent que Ç les outils de gouvernance font cruellement dŽfaut (Bouvier, 2013). Il est prescrit aux enseignants, notamment, de professionnaliser leurs relations avec les parents d'Žl•ves, avec leurs coll•gues, avec des partenaires extŽrieurs, ainsi qu'avec la hiŽrarchie afin de gagner en efficience.

Cependant, en pratique, les modifications introduites dans l'environnement de travail des enseignants demeurent limitŽes, voire formelles et bureaucratiques (Barr•re 2011). De plus, sÕorganiser sur la base dÕune confiance mutuelle o• Ç les enjeux de pouvoir font place au pouvoir dÕhumaniser les problŽmatiques et les projets menŽs conjointement È (Berthet & Kus, 2013) soul•ve des questions identitaires et professionnelles complexes. La question se pose donc du dŽclenchement de logiques de rupture ˆ diffŽrents niveaux.

ConsidŽrer la complexitŽ de la mise en place des pratiques partenariales am•ne ˆ les envisager suivant des enjeux institutionnels, organisationnels, mŽthodologiques, environnementaux, sociaux et individuels. Plus prŽcisŽment, dans cette recherche, il sÕagit de considŽrer lÕimpact de ces divers aspects.

Dans le chapitre 2, lÕentrŽe institutionnelle Ð lŽgislative - a ŽtŽ envisagŽe comme porteuse dÕun caract•re injonctif imposant lÕentrŽe dans la pratique collaborative pour les professionnels de lÕŽducation. Les aspects mŽthodologique et de lÕorganisation du travail nŽcessaires pour que les acteurs parviennent ˆ dŽvelopper ces partenariats doivent encore •tre questionnŽs. Enfin, le rapport collectif et individuel ˆ ces ŽlŽments institutionnels et organisationnels dans un environnement de travail donnŽ pourra •tre pris en compte. Le cadre thŽorique permettra de mettre en lumi•re ce lien entre les aspects environnementaux (institutionnels-mŽthodologiques-organisationnels), et les aspects individuels et sociaux (pouvoir dÕagir des acteurs et des groupes sociaux) soutenant et accompagnant lÕentrŽe dans la collaboration et le changement des pratiques.