• Aucun résultat trouvé

6 Objet de la recherche et prŽsentation des donnŽes

7.2 Evaluer lÕenqu•te

7.2.1 Quels indicateurs ?

Pour valider le caract•re opŽratoire de sa dŽmarche, Sen propose de partir de ce que les personnes rŽalisent. Ç Il est nŽcessaire de partir de fonctionnements afin de parvenir ˆ une vision partielle mais significative des libertŽs dont jouissent des individus diffŽrents. È (Farvaque, 2008, p. 63). Partir des fonctionnements revient ˆ partir de ce que les acteurs dŽcrivent. Tester les indicateurs de la recherche revient donc ˆ les confronter ˆ la parole des acteurs interviewŽs. Ainsi, leurs facilitŽs et difficultŽs ˆ entrer dans un fonctionnement collaboratif pŽrenne seront spŽcifiŽes avec les indicateurs suivant lÕangle de recherche privilŽgiŽ. DÕune certaine mani•re, lÕincomplŽtude assumŽe de la thŽorie de Sen permet aux acteurs de devenir Žvaluateurs. Ce qui nÕest ainsi plus rŽservŽ ˆ un groupe dÕexperts-externes et ce qui permet de sÕadapter aux situations locales (Farvaque, 2008, p.59). Ç LÕincomplŽtude de lÕapproche doit se rŽsoudre ponctuellement, pour des questions prŽcises et selon le contexte, par une nŽcessaire dŽmarche empirique È rapporte Sen (Farvaque, 2008, p.60).

Ainsi, les aller-retour dans les rŽcits des acteurs Žducatifs entre ce que la situation leur permet de faire, ce quÕils rŽalisent dans des situations locales et ce que lÕon attend dÕeux ˆ une Žchelle globale, devraient permettre une juste Žvaluation de lÕŽtat de libertŽ dans lequel ils se trouvent pour rŽpondre ˆ lÕinjonction de la rŽforme et mettre en place des partenariats Žducatifs.

7.2.2 Une thŽorie Žvaluative

La complexitŽ a toute sa place dans lÕAC et il revient donc au chercheur de dŽlimiter le champ dÕŽvaluation de son enqu•te. Cette dŽlimitation est liŽe aux valeurs poursuivies dans lÕenqu•te : Ç The identification of the objects of value specifies what may be called an evaluative space. È (Sen, 1993).

Le dilemme de lÕopŽrationnalisation du cadre thŽorique est donc nourri par la pluralitŽ des perspectives que lÕapproche de Sen recouvre (thŽories Žgalitaristes, champ concret de lÕŽvaluation, situations individuelles et sociales). ConsidŽrer le caract•re Žvaluatif de lÕAC impose un positionnement initial du chercheur-thŽoricien. Etant donnŽ que les thŽories scientifiques poursuivent une variŽtŽ dÕintŽr•ts, une Žtape cruciale est de considŽrer ˆ quoi notre thŽorisation se destine. Ç LÕincontestable sŽlection des faits par le thŽoricien pose la question de son principe, qui ne peut renvoyer quÕˆ une finalitŽ (un intŽr•t) È (De Munch, 2008, p.38).

42 La finalitŽ de ce dossier est de chercher une considŽration la plus juste possible des facteurs de conversion permettant la rŽalisation de projets de partenariats Žducatifs. Et si une catŽgorisation doit •tre envisagŽe ˆ lÕissue de cette Žtude, elle devrait pouvoir se faire sur une base qui prend en considŽration le vaste champ entre la norme politique et sa mise en application rŽelle. LÕobjectif de la dŽlimitation de la recherche revient ˆ se distinguer des philosophies morales et politiques extr•mement normatives pour admettre quÕune thŽorie Žvaluative met en Žcho la cohŽrence logique de la norme et la validitŽ de lÕempirie, pour servir des intŽr•ts pratiques et politiques (De Munch, 2008, p.38).

7.2.3 Articuler la logique de la norme et la validitŽ de lÕempirie !

Articuler raisonnement normatif et raisonnement empirique refl•te la notion dÕŽvaluation pluraliste pour laquelle Sen plaide (De Munch, 2008, p.37). CÕest ˆ dire que nÕŽtant ni en phase avec le positivisme, ni partisan du relativisme post-moderne, il va dŽfendre une ŽpistŽmologie pragmatiste et pluraliste : pluralisme des intŽr•ts que dŽfendent les thŽories (pluralisme ŽpistŽmologique externe) et pluralisme des crit•res dÕŽvaluation (pluralisme ŽpistŽmologique interne).

En adŽquation avec les considŽrations de Morin (2000) notamment sur le rapport ˆ lÕincertitude que nos sociŽtŽs post modernes doivent adopter, Sen (2010) plaide pour une version du jugement pratique qui nÕhŽsite pas ˆ opŽrer des estimations de Ç compensations È entre les valeurs pondŽrŽes selon diffŽrents biens : si deux valeurs sont en conflit dans une situation (par exemple deux droits), les bŽnŽfices de lÕune peuvent compenser les faiblesses de lÕautre sans pour autant que la premi•re soit strictement supŽrieure ˆ la seconde dans une m•me Žchelle dÕŽvaluation. CÕest dire que sa version du jugement pratique est respectueuse de la raison illimitŽe et ouverte ˆ lÕincertitude, et m•me ˆ la tension, au dilemme et au conflit moral. Ç LÕagent rationnel est traversŽ de remords, de conflits, de divisions, dÕhŽsitations (Sen, 1993, p.64-66 in De Munch, 2008, p.40) È. Suivant ces considŽrations, une prise en compte de lÕincertitude, de mani•re rŽflŽchie, doit faire prŽvaloir la stratŽgie sur le programme : Ç La stratŽgie Žlabore un scŽnario dÕaction en examinant les certitudes et incertitudes de la situation, les probabilitŽs et improbabilitŽsÉ È (Morin, 2000). CÕest dans cette optique dÕŽlaboration dÕune stratŽgie que les chapitres discussion et perspectives seront traitŽs.

43 7.2.4 LÕenqu•te face ˆ lÕincertitude

Mettre en place une stratŽgie est une base rŽflexive pour les acteurs qui font face ˆ des contextes Žvolutifs et changeants, et qui en alternance font preuve dÕaudace ou de prudence.

Une telle attitude requiert un engagement en terme de dŽveloppement professionnel. Et concernant la saisie empirique de ce type de dŽmarche, les capacitŽs peuvent •tre approchŽes par des mŽthodes qualitatives, situŽes et narratives. Dans ce type dÕapproche, la libertŽ nÕest pas considŽrŽe de mani•re statique et centrŽe sur les acteurs, elle est dynamique et centrŽe sur lÕagir (Zimmermann, 2008, p.125).

Par consŽquent, de m•me que dans les considŽrations thŽoriques, les capacitŽs ne posent pas seulement une question de libertŽ de choix et dÕaptitude ˆ convertir les opportunitŽs en rŽalisations effectives, elles soul•vent aussi le probl•me de lÕŽvaluation de leur production et de leur transformation dans le temps (Zimmermann, 2008, p.126).

7.3 Outillage

7.3.1 Entretien comprŽhensif et semi-directif

LÕApproche par les CapacitŽs induit lÕentrŽe dans le discours des diffŽrents acteurs pour comprendre les sens quÕils donnent aux r™les qui se jouent dans les relations. Cette approche sÕaccorde donc avec un type dÕentretien Ç comprŽhensif È (Kaufmann, 2008). Travailler sur la collaboration entre acteurs Žducatifs au sein de partenariats Žducatifs nŽcessite dÕentrer dans le discours des diffŽrents acteurs impliquŽs pour comprendre le sens quÕils donnent ˆ leur r™le de collaborateur. Bien que ce mode dÕentretien ne permette pas dÕaccŽder ˆ une palette suffisante pour •tre reprŽsentative, il permet dÕapprofondir les diffŽrentes visions des acteurs.

LÕanalyse fine que procure lÕentretien comprŽhensif permet de saisir comment se positionnent les acteurs par rapports aux diffŽrents niveaux de la recherche (institutionnels, organisationnel, collectifs, individuels et environnementaux). Schurmans spŽcifie ce dont de sens que procure lÕentretien comprŽhensif :

ConsidŽrer la personne sous lÕangle de son agir communicationnel signifie en effet de lÕapprŽhender en tant que productrice de sens, et dÕaffirmer ainsi que chacun dÕentre nous dispose dÕun pouvoir sur la dŽfinition des objets du monde : chacun participe, dans lÕŽchange et la nŽgociation, ˆ cette entreprise collective quÕest la dŽfinition sociale de la rŽalitŽ. (2006, p.84)

44 LÕentretien comprŽhensif a ŽtŽ assorti dÕun entretien semi-directif (cf. grille dÕentretien en Annexe VI), en fonction de la difficultŽ des interviewŽs ˆ entrer dans le cadre de dŽpart proposŽ (cf. explicitation de la recherche aux interviewŽs en amont de lÕentretien rapportŽe ci-dessous). LÕentretien semi-directif compl•te la dŽmarche comprŽhensive dans le sens quÕil permet dÕanalyser spŽcifiquement et pour des objets choisis par lÕintervieweur le Ç sens que les acteurs donnent ˆ leurs pratiques, aux Žv•nements dont ils ont pu •tre les tŽmoins actifs È (Blanchet & Gotman, 2007, p.24). LÕentretien semi-directif est considŽrŽ par Blanchet et Gotman comme un Ç instrument privilŽgiŽ de lÕexploration des faits dont la parole est le vecteur principal È (p.23). Ces spŽcificitŽs des modalitŽs dÕentretiens mobilisŽs entrent en rŽsonnance avec lÕobjectif de cette recherche. Si lÕon souhaite apprŽhender la vision des interviewŽs sur la collaboration au sein de partenariats Žducatifs, on doit les faire parler pour atteindre une comprŽhension non pas de leur personne, mais du social incorporŽ dans cette personne (Matthey, 2005, p.5). Le fait que chacun des individus ainsi interviewŽs soit considŽrŽ comme reprŽsentant des relations de collaboration ne permet certes pas dÕŽtablir des normes, cependant, les points de vue des individus isolŽs orientent la reconstruction des besoins partagŽs dÕun collectif dÕacteurs Žducatifs.

ConformŽment aux exigences des cadres thŽorique et mŽthodologique, la dŽmarche de prise de contact initiale a permis de se mettre dÕaccord, avant toute forme dÕaction, sur les finalitŽs visŽes dans ce projet. JÕai donc explicitŽ ma recherche aux personnes interviewŽes dans les termes suivants :

Ç Mon È idŽe gŽnŽrale est de voir comment on passe dÕun fonctionnement de travail individuel ˆ un fonctionnement collectif. Cela dans tous les aspects :

¥ individuels (point de vue personnel sur la collaboration)

¥ collectifs (lÕimpact du groupe sur la rŽalisation du partenariat)

¥ environnementaux (les situations particuli•res dans lesquelles les partenariats sont vŽcus)

¥ organisationnels (les types de mŽthodologies rencontrŽes)

¥ institutionnels (la place de lÕinjonction)

Ma recherche sÕintŽresse ˆ lÕŽvolution du regard portŽ sur les partenariats, au fil du temps. Le dŽroulement de l'entretien - de type rŽcit de vie - am•ne ˆ raconter l'histoire de son propre

45 rapport au travail en collectif, si possible de mani•re chronologique : quand la question a commencŽ ˆ vous interpeller, pourquoi, et comment vos considŽrations ont ŽvoluŽ... ? Voici succinctement quelques prŽcisions :

- Je vais faire une dizaine d'entretiens.

- Ils seront enregistrŽs, retranscrits et rendus anonymes, puis analysŽs dans le cadre de mon mŽmoire.

- Je cherche ˆ traiter de la question de la collaboration-coopŽration entre acteurs Žducatifs, dans les partenariats Žducatifs.

- Le type d'entretien est semi-directif et basŽ sur la mŽthode du rŽcit de vie. JÕai donc quelques questions, mais sans ordre particulier (cf. Canevas dÕentretien. Annexe VI). Je mÕadapte ˆ votre rŽcit.

- L'idŽe est de faire un retour sur votre histoire - personnelle si c'est pertinent - et professionnelle, ˆ propos de votre rapport aux pratiques de collaboration avec d'autres acteurs Žducatifs (en lien avec l'Žcole et/ou d'autres institutions Žducatives).

Ce cadre a ŽtŽ proposŽ dÕabord ˆ lÕŽcrit, puis en rappel oral au dŽbut de chaque entretien. Je nÕai volontairement pas prŽcisŽ les dŽfinitions de collaboration et coopŽration et de partenariat. La finalitŽ de ma recherche correspond ˆ une tentative de dŽfinition du cadre organisationnel nŽcessaire au dŽveloppement de partenariats Žducatifs entre acteurs Žducatifs dÕun m•me territoire. Questionner ce cadre revient donc ˆ questionner lÕimplication des acteurs, quel que soit leur degrŽ de participation, dans le sens o• le cadre serait favorable et incitatif pour cet engagement recherchŽ.

7.3.2 RŽcit de vie

L'usage des histoires de vie en sciences humaines est dŽclinŽ dans une typologie proposŽe par Pineau et Le Grand (2007). L'entrŽe qui correspond ˆ la prŽsente recherche est celle du rŽcit de pratiques : Ç ce qui intŽresse le chercheur, c'est un tron•on du vŽcu d'un certain nombre de personnes correspondant ˆ une pratique sociale È (Pineau & Le Grand, 2007, p.110). La pratique sociale ici analysŽe est celle de la collaboration entre acteurs Žducatifs au sein de leurs partenariats.

46 ConsidŽrant que susciter une histoire de vie est d'abord une histoire de relation (Pineau &

Le Grand, 2007), j'ai cherchŽ des acteurs Žducatifs que je connaissais pour leur dynamisme et leur investissement, et avec qui jÕavais dÕemblŽe une aisance relationnelle. Les biais de recherche qui peuvent en dŽcouler ont ŽtŽ je pense compensŽs par ma connaissance de leur environnement de travail qui a eu lÕavantage de me permettre dÕentrer en profondeur dans certains questionnements caractŽristiques de la recherche.

Le rŽcit de vie sÕaccorde avec le caract•re processuel de la dŽfinition des capacitŽs. LÕidŽe de chronologie qui entre en jeu donne ˆ la question du rapport ˆ la collaboration une forme de continuitŽ, propre ˆ lÕinterviewŽ. De fait, •tre confrontŽ ˆ une diversitŽ de temporalitŽs induit une diversitŽ de regards sur lÕobjectif de recherche initial. Et cette diversitŽ, propre ˆ chaque acteur et ˆ chacune des institutions Žducatives rencontrŽs, permet de rendre compte de la complexitŽ de lÕobjet de recherche poursuivi. Les acteurs forgent peu ˆ peu leur posture de partenaire. Et les considŽrations qui accompagnent le positionnement inter-institutions sont relativement rŽcentes. Cet argument, alimentŽ par la mŽthode du rŽcit de vie, souligne la modernitŽ de lÕinjonction partenariale et le temps dont nŽcessitent les institutions pour sÕinscrire dans de tels fonctionnements. Ainsi, au fil des Žv•nements construits dans le rŽcit de vie, chaque individu, convaincu ou pas du bien fondŽ de lÕinjonction au travail partenarial, va comprendre qui il est dans le jeu de la collaboration et peut-•tre exprimer ce quÕil souhaite devenir dans ce fonctionnement de travail. CÕest bien lˆ quÕentre en jeu le r™le de lÕintervieweur, au sens de Gide : Ç Le r™le d'un intervieweur, c'est de forcer l'intimitŽ; c'est de vous amener ˆ parler de ce dont vous ne parleriez pas de vous-m•me È.

Je tiens ˆ prŽciser que cet objectif dÕaccŽder au caract•re processuel du regard des Žducateurs interviewŽs sur la collaboration les a parfois amenŽ ˆ dŽborder du cadre de questionnement proposŽ. Par soucis de clartŽ, jÕai donc retranscrit de mani•re synthŽtique certaines parties des entretiens. JÕai retranscrit dans leur totalitŽ les ŽlŽments de prŽsentation professionnelle et tous les aspects propres au travail en collectif. En outre, jÕai omis certains dŽtails de la pratique de lÕinterviewŽ lorsque cela ne concernait plus le travail en collaboration.

Pour finir, et malgrŽ lÕintŽr•t des propos des interviewŽs sŽlectionnŽs, cette recherche aurait une validitŽ supplŽmentaire si pour chaque groupe dÕinterviewŽs lÕŽchantillon Žtait plus nombreux. Les acteurs Žducatifs sŽlectionnŽs appartiennent aux domaines du scolaire, du sport, de la culture et des familles. Pour chaque domaine, deux acteurs ont ŽtŽ interviewŽs.

MalgrŽ les avantages soulignŽs ˆ propos des modalitŽs de recherche comprŽhensive dans la

47 partie prŽcŽdente, deux acteurs pour quatre domaines poss•dent un caract•re limitant pour le recueil de donnŽes. Bien que les donnŽes auxquelles on acc•de soient nombreuses et suffisamment denses pour •tre analysŽes, cela est trop peu pour tirer des conclusions dÕordre gŽnŽral. Ainsi, il aurait ŽtŽ souhaitable dÕajouter des entretiens rŽalisŽs avec des professionnels de la ville ayant participŽ ˆ un projet collectif avec une institution Žducative (architecte, boulanger, luthier...).

7.3.3 Grilles dÕanalyse

Les grilles dÕanalyse correspondent ˆ la dŽfinition de lÕapproche thŽorique qui serait pragmatiste et configurationnelle. Cette approche permet dÕintŽgrer les ŽlŽments institutionnels et organisationnels, les consistances propres au sujet, ses choix inscrits dans une temporalitŽ, ses affirmations intŽrieures de libŽration vis ˆ vis des contingences interactionnelle ; autant dÕŽlŽments qui fa•onnent les prises sur lÕenvironnement (Zimmermann, 2008, p.127).