9 Synth•se des rŽsultats
15.3 Intervention dÕA. BOLLON
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Comment analysez vous ces problŽmatiques telles quelles sont vŽcues sur les terrains ? 114
JÕai enseignŽ pendant 35 ans dans une vingtaine dÕuniversitŽs. Je travaille depuis tr•s 115
longtemps dans les organisations internationales : UNESCO ou Banque Mondiale et en 116
Europe sur lÕŽvaluation des syst•mes Žducatifs. Comme jÕaccompagne un certain nombre de 117
PEdT (en France et ailleurs), ce qui mÕintŽresse cÕest lÕŽvaluation pŽdagogique des 118
apprentissages de ceux qui apprennent et dont on ne parle pas assez.
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A la question Ç comment se fait le pilotage pŽdagogique ? È, je comprends bien tous les 120
troubles institutionnels, politiques ŽvoquŽsÉmais quand on va dans un pays ÉcÕest dix fois 121
pire que chez nous ! 122
Pour moi la question est tr•s simple : Comment faire pour Žvaluer pŽdagogiquement un projet 123
lÕŽcole et en plus ils deviendraient.É profs ! 127
Par ailleurs, la rŽforme des rythmes scolaires nÕexiste pas. ! En effet sur le plan scientifique 128
nÕexistent que les rythmes chrono- biologiques et les rythmes dÕapprentissages.
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LÕorganisation scolaire nÕest que la forme extŽrieure de lÕapproche des rythmes 130
dÕapprentissages.
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Donc la question centrale est : comment peut- on faire pour Žvaluer un projet Žducatif quÕil 132
soit petit grand ou moyen ? Cela vaut pour un pays ou pour une petite commune. CÕest tr•s 133
simple : on demande aux enfants qui ont traversŽ le projet quÕest-ce quÕils ont gagnŽ de plus 134
en Žducation ? Et on ne leur demande pas de le dire mais on leur demande de le montrerÉ!
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116 ƒvaluer en pŽdagogie cÕest comparer des traces successives et ce nÕest pas regarder les 136
rŽsultats qui sÕapparente au contr™le. Donc Žvaluer cÕest expliciter la qualitŽ de la trajectoire 137
et expliciter les possibilitŽs de transfert. Donc quand on Žvalue un projet Žducatif, quand on 138
accompagneÉ je redis tout de suite que personne nÕest habilitŽ ˆ Žvaluer ˆ la place dÕun autre 139
si on est tout seul ˆ prendre la dŽcision ou ˆ lire les indicateurs si on est tout seul ˆ les choisir 140
cela sÕappelle du contr™le. Et quand cÕest un contr™le exacerbŽ cela sÕappelle de lÕaudit.
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Une des raisons de la vitrification provisoire de lÕEcole cÕest lÕexc•s de contr™le. Tous les 142
syst•mes meurent dÕexc•s de contr™le.
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Par consŽquent, Žvaluer des stratŽgies dÕapprentissages nÕest pas contr™ler des rŽsultats. Il faut 147
donc sÕy prendre autrement. CÕest ce quÕessaye de faire maladroitement PISA vous savez Ç le 148
grand programme international È, or PISA nÕŽvalue que des acquis. Et sur les acquis vous ne 149
savez toujours pas si la construction des acquis est pŽrenne. Et vous ne savez toujours pas si la 150
construction des acquis est finalisŽe dans la vie de tous les jours.
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Par rapport ˆ la question du territoire ˆ lÕUNESCO on cÕest mis dÕaccord sur deux trois choses 152
simples ˆ savoir : Comme le territoire cÕest lÕavenirÉla bonne unitŽ de pilotage du syst•me 153
cÕest le territoire. A un moment on avait eu la faiblesse de croire que cÕŽtait le projet 154
dÕŽtablissement ; or les projets dÕŽtablissements ne sont pas Žvaluables : dÕailleurs il nÕy a pas 155
projets. Les Žtablissements scolaires ne suffiront pas puisque les derni•res Žtudes montrent 160
que un enfant de 11 ans qui a suivi une scolaritŽ normale utilise ce quÕil a appris ˆ lÕŽcole que 161
formelles, les compŽtences dites non scolaires, les compŽtences dites informelles (ce qui est 165
dÕailleurs pour nous un gros mot car la compŽtence existe en soi ; elle nÕest ni formelle ni 166
117 informelle. Je vous rappelle quÕ•tre compŽtent cÕest construire ˆ partir de soi les 167
ressources pour rŽsoudre les probl•mes quÕon va rencontrer pour exister. Donc cÕest rŽservŽ ˆ 168
personne. Si vous •tes vivant vous •tes forcŽment compŽtentÉ!
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Je reprends ma question, Ç Comment sÕy prendre ? È Normalement Žvaluer un projet 170
Žducatif cÕest dire la plus-value Žducative ; ce nÕest pas un gros mot ; cÕest-ˆ-dire la valeur 171
ajoutŽe Žducative. Or vous voyez la difficultŽ majeure ; cÕest que pour dire la plus-value ˆ la 172
fin il faut la regarder au dŽbut ; sinon quÕest-ce que vous faites ? Vous mesurez. Je suis soi- 173
disant un spŽcialiste dÕŽvaluations ; il nÕy a pas de mesures dans les Žvaluations. La mesure 174
est rŽservŽe aux contr™les.
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Il y a une explication du changement de la qualitŽ ce qui nÕest pas tout ˆ fait pareil. Autrement 176
dit on nÕŽvalue pas un projet en demandant aux gens sÕils ont dŽpensŽ beaucoup dÕargent, en 177
demandant aux adultes sÕils ont ŽtŽ compŽtents, en demandant ˆ ceux qui ont fait le projet ˆ la 178
place des enfants sÕils ont bien fait. On Žvalue un projet en prenant ceux qui sortent et en leur 179
demandant ce qui leur est arrivŽ. Et en leur demandant ce qui leur en reste.ÉEt jÕesp•re 180
quÕavec les PEdT on va y arriver.
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Deuxi•me condition : si les enfants, par exemple, ont appris ˆ construire leur personnalitŽ. Au 182
QuŽbec on travaille avec eux. Je vous rappelle que tout le syst•me Žducatif du QuŽbec est 183
finalisŽ sur 9 capacitŽs. 9 pas 141 et qui fonctionnent de la maternelle ˆ Bac +2.
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Structurer sa personnalitŽ cÕest dans les capacitŽs. Si on a accompagnŽ lÕenfant pour quÕil 185
structure une petite partie tr•s modeste de sa personnalitŽ ; la deuxi•me question va •tre est- 186
ce que le dispositif mis en place Žtait cohŽrent ? Est- ce que les adultes avaient les 187
compŽtences ? Et on appelle cela les effets en Žvaluation.
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Les effets, cÕest-ˆ-dire que si votre syst•me a bien fonctionnŽ il va bouleverser le syst•me lui-189
m•me. Et cÕest pour cela quÕon appelle pilotage cette posture qui consiste ˆ dire Ç jÕai mis en 190
place des choses ; je suis garant du sens mais je laisse les acteurs prendre le risque de 191
faire autrement È.
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Si vous contr™lez les stratŽgies cela sÕappelle diriger.
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- Quand vous dirigez vous donnez la direction vous donnez les directives ; les autres se taisent 194
et font les programmes.
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118 Quand vous pilotez vous donnez la direction, le sens et vous laissez les acteurs prendre les 196
risques pour pouvoir faire autrement au plus pr•s des besoins des gens.
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Et vous avez une troisi•me dimension dans lÕŽvaluation des projets qui est ce que lÕon appelle 198
hypoth•ses dÕimpact. Or les hypoth•ses dÕimpact sont dans le projet politique.
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Comment vous voulez que soient vos jeunes dans 5 ˆ 10 ans si le projet Žducatif que vous 206
mettez en place tient la route ? Est- ce que vous •tes sžr que vous voulez quÕils soient 207
questionnants ? Est- ce que vous •tes sžr que vous voulez quÕils soient confrontants ? Est- ce 208
que vous •tes sžr quÕils soient Žmancipants ? Je vous rappelle quÕŽmanciper en latin •a veut 209
puisquÕun projet Žchoue toujours et rŽussit toujours. Et cela a m•me plut™t tendance ˆ rŽussir 215
lˆ o• on ne lÕattendait pas.
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CÕest pour cela que lÕautre concept quÕil faut dŽvelopper cÕest celui dÕŽvaluation. On voit bien 217
ˆ lÕUNESCO tous les syst•mes qui sont sur le mod•le du n™tre. Je vous rappelle quÕon 218
a colonisŽ une grande partie du monde ; dans tous les pays dans lesquels je vais en ce moment 219
ce nÕest pas un bon exemple parce quÕen ce moment ils sÕappellent le Mali, il sÕappelle la 220
Centrafrique, il sÕappelle la RŽpublique du Congo ; ils sont tous dans un mauvais Žtat. Et on 221
nÕen est pas compl•tement irresponsables. En tout cas quand on regarde on voit bien que tous 222
les syst•mes comme le n™tre cÕest-ˆ-dire latin, mŽditerranŽen fondŽ sur la richesse des 223
contenus on a exacerbŽ le contr™le. On contr™le tout. On contr™le chaque petit morceau et si 224
119 jamais il manque un morceau vous savez comment •a se passe dans nos syst•mes on 225
recommence tout! Cela sÕappelle le redoublement.
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DÕautres syst•mes ont ŽtŽ b‰tis diffŽremment. Ils ont ŽtŽ faits pour accueillir les jeunes, pour 227
que les jeunes puissent devenir des adultes, puissent grandir et du coup ce qui est dŽveloppŽ 228
cÕest la prise de risque. Et cela serait bien que dans les projets Žducatifs de territoires on l‰che 229
le contr™le pour dŽvelopper une Žvaluation intelligenteÉ Une Žvaluation dit Vincent 230
PEILLON valorisante. PEILLON qui est agrŽgŽ en Grammaire et qui conna”t bien la langue 231
fran•aise : Žvaluation valo-ri-sante cÕest un plŽonasme ! Valeur en latin cela veut dire Ç le 232
sens et la force È ; cela a donnŽ Žvaluer et cela a donnŽ valoriser justement. Quand on parle de 233
faudrait quÕon arrive ˆ faire ? Vous savez tr•s bien que la difficultŽ majeure actuellement dans 237
les classes cÕest lÕindicateur majeur de dŽveloppement dÕun enfant, dÕune personne ˆ savoir la 238
cage dÕescalier vous savez tr•s bien quÕon ne vous laissera pas rentrer dans la cage dÕescalier ! 242
Par exemple : il y aurait une tendance quÕil ne faudrait pas l‰cher. Toute activitŽ qui a ŽtŽ 243
construite dÕun projet Žducatif doit donner lieu ˆ une Žvaluation de lÕamŽlioration de la 244
pratique langagi•re. CÕest fondamental. Entre un Žl•ve qui sort de 3•me qui a une ma”trise de 245
difficultŽ en mathŽmatiques ne sont pas en difficultŽ en mathŽmatiques ; ils sont en difficultŽ 251
de comprŽhension des consignes. Ils ne comprennent pas la mani•re dont cÕest dit. Alors ils 252
sÕarrangent pour trouver des stratŽgies qui satisfassent aux contr™les bien sur. Ils redisent ce 253
que moi prof jÕai dit mais ils nÕont toujours pas compris. Je vous rappelle que la rŽussite nÕa 254
120 jamais garanti la comprŽhension. RŽussir ce nÕest pas comprendre ; cÕest satisfaire aux 255
indicateurs de contr™les de la normalitŽ.
256
Un autre ŽlŽment fondamental : la capacitŽ. CÕest ce qui transverse, cÕest ce qui est 257
indŽpendant du contexte et ce qui structure ainsi la personne. Vous en avez une troisi•me. Je 258
Structurer sa pensŽe par exemple cÕest important.
262
Pourquoi est-ce quÕon nÕarriverait pas ˆ ce que vous (et cette fois moi qui suis sur le pilotage 263
pŽdagogique parce quÕil en faut un entre le moment o• lÕŽl•ve fait un travail doit comprendre 264
les consignes de maths. Si le prof pouvait discuter avec lÕanimateur de foot pour quÕil 265
explique ˆ lÕŽl•ve que comprendre des consignes de foot et comprendre des consignes de 266
maths cÕest le m•me processus cognitif mais ce nÕest pas la m•me situation ; cÕest pour cela 267
que quand vous changez la situation vous changez la compŽtence. Pourquoi il nÕarriverait pas 268
En fait et on est dans quelque chose qui est dans la dŽfinition que Jean a lu toute ˆ lÕheure il 272
faut rechercher la cohŽrence et la continuitŽ. Et moi jÕaurai tendance ˆ renverser la question 273
du pilotage ; pour moi il nÕy a quÕun seul pilote dans lÕavion : cÕest lÕenfant. Apr•s il y a 274
dÕautres pilotes autour qui sont payŽs pour lÕaccompagner. Cela repose la question, vous le 275
disiez, des postures et des compŽtences : est-ce que vous •tes sžr quÕils savent le faire ? 276
JÕai une vieille dent contre ma maison qui sÕappelle lÕƒducation nationale. JÕai ŽtŽ le 277
conseiller de 4 ministres successifs cela nÕa pas ŽtŽ tr•s efficace ! Si lÕƒducation nationale ne 278
veut pas montrer sa compŽtence ˆ piloter toutes les formes dÕapprentissages que traversent les 279
enfants elle va •tre mise sur la touche par des organismes aujourdÕhuiÉ des cabinets privŽs 280
ont dŽjˆ proposŽ dans beaucoup de communes de le faire. Si personne ne veut le faire on va le 281
faire disent-ils ? A 1200/ 1500 Euros la journŽe ! 282
On pilote les apprentissages par les capacitŽs. On construit les apprentissages par des 283
compŽtences. On rentre dans les compŽtences, par des savoirs, des connaissances, des 284
121 techniques et du sens. Et ensuite on construit des trajectoires. Le vrai enjeu des projets 285
territoriaux cÕest celui lˆ : faire la m•me chose mais faire autrement.
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Je termine en vous rappelant les trois indicateurs de lÕUNESCO que jÕai dŽjˆ eu lÕoccasion de 287
discuter avec vous. Pour nous la rŽussite scolaire nÕexiste pas ; elle nÕa jamais ŽtŽ garante 288
dÕune rŽussite Žducative et je connais plein de pays o• il nÕy a pas dÕ Ecole. Il y a beaucoup 289
de pays o• lÕ Ecole est entrain de dispara”tre pour diverses raisons ; donc le concept ne nous 290
intŽresse pas ; ce qui nous intŽresse cÕest la rŽussite Žducative.
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QuÕest-ce que cÕest quÕune rŽussite Žducative ? CÕest quelquÕun qui a traversŽ un dispositif ou 292
un syst•me et qui sort avec trois outils dans les mains. Le premier outil cÕest : voilˆ ce que je 293
sais faire quand je vous quitte ; cela sÕappelle un portefeuille de compŽtences. Nous, on parle 294
m•me pas de portefolio. On en demande une ou deux. Derri•re la compŽtence il y a 295
Ç entretien public È tu verras dans 5 ans ta compŽtence tu vas la perdre. Je vous rappelle que 296
les compŽtences sont mortelles ; les mŽtiers disparaissent des rŽpertoires internationaux ; il 297
y en a dÕautres ˆ la place. Regardez tous les mŽtiers que vous avez traversŽs vous, quÕest-ce 298
quÕil vous en reste des compŽtences dÕavant ? 299
EmploiÉ Pas sur des compŽtences mais sur des capacitŽs. CÕest avec les capacitŽs quÕon fait 303
la validation des acquis des expŽriences et cÕest avec les capacitŽs quÕon construit la 304
formation tout au long de la vie.
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Et on a un troisi•me indicateur : quÕest-ce que tu penses de ce que tu vas faire de tout ce que 306
Ç tu as appris È quand tu ne seras plus avec moi ? 307
Je vous rap-pelle que la finalitŽ de lÕƒducation cÕest de libŽrer lÕautre et de lui apprendre ˆ se 308
passer de nous.
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