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Problématique et hypothèses

Dans le document Autoédition en ligne : stratégies (Page 12-17)

L’autoédition en ligne sur les plateformes prévues à cet effet ou les réseaux sociaux permet de casser les codes à plusieurs niveaux. La mise en page peut bien sûr être différente mais au-delà de cela, le format en lui-même change et des ouvrages hors du commun naissent, comme les Twiller (les thrillers sur Twitter), les Instapoètes (ceux qui postent de la poésie sur Instagram) ou encore simplement les autoéditions chapitres par chapitres, tenant compte des commentaires, sur la plateforme Wattpad (plateforme sociale d’écriture) ou sur les blogues. Il ne faut, effectivement, pas oublier que la disparition de l’éditeur ne supprime pas l’intervention d’autres intermédiaires comme les réseaux ou plateformes sociales. Les choix sont variés et dépendent beaucoup du contenu du texte mais aussi des compétences de son auteur et du but recherché. L’autoédition n’est, pour certains, qu’une étape avant d’atteindre ce qu’ils recherchent réellement. Nonobstant, le regard sur ce phénomène se développe d’année en année et il est approché de manière très hétérogène par les auteurs ; tremplin, voie de secours, ou simple canal permettant de s’exprimer, l’autoédition peut donc aussi parfaitement être une fin en soi. En outre, dans l’autoédition en ligne, le tri est fait par les lecteurs plutôt que par les éditeurs. Le contact entre l’œuvre et son public est instantané. L’auteur a souvent lui aussi un contact direct avec ses lecteurs, ce qui est un phénomène nouveau. Cette situation plus immédiate et technologique apporte sûrement alors une touche de modernité qui permet d’attirer de nouveaux lecteurs.

Etant donné que les moyens en ligne se multiplient, l’autoédition est amenée à se développer encore davantage et une question s’impose :

Comment appréhender la multiplication de l’autoédition de textes en ligne ?

L’avènement du numérique et des réseaux sociaux incite à l’autoédition car il amène de nouveaux moyens d’autopublication. De ce fait, ce sont alors les éditeurs qui, pour ne pas louper la nouvelle sensation littéraire vont devoir partir en chasse de ces auteurs qui publient leurs textes en ligne. L’éditeur n’est plus le premier lecteur de beaucoup d’autres mais souhaite éditer l’auteur car celui-ci a déjà énormément de lecteurs. Aujourd’hui, les éditeurs doivent aussi faire l’effort d’aller eux-mêmes chercher en ligne les écrivains talentueux et rentables.

Hypothèses :

Le rôle des éditeurs, on l’a relevé, a vu s’opérer des modifications. Bien sûr, la plupart des maisons d’édition continuent à recevoir beaucoup de manuscrits et, en général, bien plus qu’elles ne peuvent en traiter. Les éditeurs sont toujours demandés par beaucoup d’auteurs, c’est un fait. Ce que l’éditeur recherche, c’est de publier des livres auxquels il croit. Dans l’édition traditionnelle, cela veut dire que l’éditeur publie des ouvrages dont il pense qu'il est le premier lecteur de beaucoup d'autres (Ramdarshan, 2018). Cela-dit, quand on regarde l’autoédition sur les réseaux et plateformes sociales, on voit apparaître le phénomène inverse. En effet, dans ces cas-là, c’est la maison d’édition qui est demandeur de l’auteur. L’éditeur n’est plus le premier lecteur de beaucoup d’autres, mais souhaite éditer l’auteur car celui-ci a déjà énormément de lecteurs. De ce fait, pour ne pas manquer le potentiel prochain best-seller, les éditeurs ne peuvent plus simplement attendre qu’on leur envoie un manuscrit. Aujourd’hui, ils doivent eux-mêmes chercher en ligne les écrivains talentueux et rentables.

Penchons-nous sur l’un des plus gros succès de l’autoédition sur la plateforme d’écriture interactive Wattpad ; la saga de l’auteure Anna Todd, appelée After. Anna Todd a en fait commencé, en 2013, à poster son histoire sur la plateforme d’écriture en ligne, elle écrit et poste des chapitres régulièrement depuis son Smartphone.

L’histoire est une fanfiction3. Son personnage principal est inspiré de Harry Stiles (chanteur dans le boys band « One direction » à cette époque). Les fanfictions sont un genre qui marche très bien sur les plateformes d’écriture en ligne car, en reprenant des personnages auxquels les gens sont déjà attachés, les auteurs s’attirent des lecteurs déjà convertis. En une année, stimulée par ses dizaines de milliers de lecteurs, leurs commentaires élogieux et les encouragements à continuer, Anna Todd finit ses trois premiers livres sur Wattpad (Sanchez, 2019). L’auteure est alors approchée par la maison d’édition Simon and Shuester ayant eu vent de l’engouement que provoquait la saga sur Wattpad. Bien leur en a pris. En 2014, After devient un best-seller mondial et il sera ensuite adapté en film. Grâce à ce succès, Wattpad prend

3 Une fanfiction est une fiction écrite par un ou une fan faisant figurer des personnages de fiction déjà connus (des personnages de romans, films ou séries) ou même des célébrités réelles.

de l’importance sur la scène éditoriale et en 2017, signe un partenariat avec la maison d’édition Hachette (Ramdarshan, 2018) afin que cette dernière puisse avoir la primauté sur certains textes de la plateforme.

Aujourd’hui, un auteur, en plus d’utiliser les réseaux et plateformes sociales afin d’autoéditer ses textes, peut se servir de ces premiers afin de les promouvoir et de rameuter davantage de lecteurs. Cependant, on voit ici que même si l’auteur veut être lu, la plupart du temps, le texte dans son entièreté reste gratuit. En effet, que ce soit de la poésie sur Instagram, des romans policiers sur Twitter ou des textes sur Wattpad, toutes les personnes ayant un compte ont un accès libre aux productions des auteurs.

De plus, même s’ils sont repérés ensuite par une maison d’édition traditionnelle, on peut se demander pourquoi les lecteurs mettraient de l’argent dans un texte qu’ils ont déjà pu lire en ligne. Pour cela il nous faudrait revenir aux attentes de l’auteur.

Cette réflexion nous mène à notre première hypothèse.

Hypothèse 1 : Les auteurs sont moins intéressés par l’argent que par le retour du public et donc s’autoéditer rend les éditeurs centralisés moins importants pour assouvir cette recherche.

Arrêtons-nous un instant afin de préciser l’énoncé ; le « retour du public » est formé des réactions des lecteurs que génère le texte de l’auteur. « S’autoéditer » comprend autant ceux qui publient leur texte en ligne (réseaux sociaux, plateformes,…) que ceux qui s’autoéditent sur une plateforme destinée spécifiquement à l’autoédition (Edilivre, Librinova, Kindle Direct Publishing, etc.). Enfin, la dénomination « éditeurs centralisés » correspond aux maisons d’éditions, aux éditeurs dont les façons d’éditer sont celles traditionnelles.

Les options que donnent internet et en particulier les réseaux et plateformes sociales afin de s’exprimer et de créer sont vastes et faciles d’accès. C’est ce qui pousse beaucoup d’individus à s’en servir. Ces outils numériques relient des personnes du monde entier et si les cultures et les langues sont différentes, l’instapoésie ou les romans à l’eau de rose rapprochent. Il est de savoir commun qu’il est difficile de vivre de son art. De ce fait, le nombre de personnes publiant des textes en ligne nous fait nous poser des questions sur les motivations et les attentes de ces auteurs. On peut

prendre l’exemple d’Atticus, un poète à succès qui publie ses productions sur Instagram. Cet auteur, dont personne ne connaît le visage, s’autoédite et s’autopublie, il tient un blogue sur lequel il promeut ses recueils qu’il vend directement sur Amazon.

On réalise par-là qu’aucun éditeur extérieur ne fait partie du processus et qu’Atticus reste proche de ses lecteurs du début de sa production à la vente de son recueil.

Cette hypothèse nous pousse à se questionner de façon encore plus précise. Le phénomène de ce retour des lecteurs face à un texte est particulièrement visible sur la plateforme sociale d’écriture Wattpad. En effet, cette interface poursuit deux buts ; la lecture et l’écriture. Les auteurs peuvent poster leurs histoires, chapitres après chapitres et les lecteurs peuvent faire des commentaires (auxquels les auteurs peuvent répondre à leur tour). Le lien entre l’écrivain et sa communauté est ici très fort et presque instantané. Cela est aussi dû au fait que les internautes assistent au processus de création de l’histoire et peuvent donc avoir une influence en interagissant sur celle-ci. C’est de cette réflexion, que découle notre seconde hypothèse.

Hypothèse 2 : Sur la plateforme Wattpad, les retours des lecteurs au fur et à mesure de la publication du texte, ont une influence sur le contenu, la qualité générale ainsi que la poursuite de ce dernier.

De nouveau, commençons par clarifier les termes de cette hypothèse ; Les « retours » sur la plateforme sociale Wattpad se traduisent en votes, commentaires, nouveaux abonnés, discussions. Quant à l’« influence », on utilise ici ce concept pour définir l’impact qu’exercent les retours des usagers sur le texte. En ce qui concerne le

« texte », il consiste en toutes les productions écrites – quel que ce soit le genre – et publiées sur Wattpad. Enfin, le terme « qualité », utilisé dans cette seconde hypothèse, englobe à la fois, la forme (style, paragraphes, chapitres) et le fond (intrigue, personnages) du texte publié.

Une des caractéristiques de l’autopublication étant l’instantanéité des commentaires et retours des lecteurs, on peut supposer qu’elle affecte le déroulement de l’histoire ainsi que sa forme. En effet, si un auteur publie sur Wattpad c’est pour être lu et pour créer une relation avec ses lecteurs. Sur cette plateforme, les auteurs publient en général leur histoire chapitre par chapitre, il est donc plus que probable que l’auteur lise les commentaires sur son chapitre avant d’en écrire un nouveau et donc qu’il

puisse prendre en compte les potentiels commentaires que ses lecteurs lui laissent.

De plus, il est parfaitement envisageable de penser que si l’écrivain ne reçoit que des commentaires négatifs sur son texte, il stoppera sa publication et que, dans le cas inverse, cela l’encouragera à continuer. Enfin, il serait aussi intéressant de connaître la réaction des auteurs dans la situation où ils ne recevraient aucun retour.

Dans le document Autoédition en ligne : stratégies (Page 12-17)