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Autoédition en ligne : stratégies

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Autoédition en ligne : stratégies

PAGELLA, Laure Emma Orane

Abstract

Ce travail de Master porte sur l'autoédition en ligne et ses différentes stratégies. C'est un travail qui étudie ce phénomène du point de vue des auteurs pratiquant ce procédé. Nous parlons d'abord de l'édition puis de l'édition numérique pour ensuite arriver à l'autoédition numérique. Les sites d'autoédition ainsi que les plateformes et réseaux sociaux y sont expliqués et analysés : ils révèlent une nouvelle façon d'écrire, née avec la révolution numérique. On tente ici d'appréhender l'augmentation de textes autoédités à travers l'avènement du digital. L'enquête se fait sur la base de deux questionnaires qui interrogent les écrivains s'étant autoédités, que ce soit sur des sites internet dédiés à ce processus ou encore sur les réseaux sociaux ou les plateformes sociales d'écriture.

PAGELLA, Laure Emma Orane. Autoédition en ligne : stratégies. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:150391

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Remerciements

Je voudrais dans un premier temps remercier, mon directeur de mémoire, le Dr. Jean- Marc Seigneur pour ses judicieux conseils, qui m’ont permis d’alimenter ma réflexion.

Je tiens aussi à témoigner toute ma reconnaissance aux personnes suivantes, pour leur aide dans la réalisation de ce mémoire :

Monsieur Neo Monfort et Monsieur Ivan Slatkine pour m’avoir accordé des entretiens et avoir répondu à mes questions sur l’édition et l’autoédition ainsi que leur expérience personnelle.

Tous les répondants anonymes des questionnaires que j’ai mis en ligne et envoyés.

Mes parents et grands-parents, pour leur soutien constant et leurs encouragements.

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Synopsis

Ce travail de Master porte sur l'autoédition en ligne et ses différentes stratégies. C'est un travail qui étudie ce phénomène du point de vue des auteurs pratiquant ce procédé.

Nous parlons d’abord de l’édition puis de l’édition numérique pour ensuite arriver à l’autoédition numérique. Les sites d’autoédition ainsi que les plateformes et réseaux sociaux y sont expliqués et analysés : ils révèlent une nouvelle façon d’écrire, née avec la révolution numérique. On tente ici d'appréhender l'augmentation de textes autoédités à travers l'avènement du digital. L'enquête se fait sur la base de deux questionnaires qui interrogent les écrivains s'étant autoédités, que ce soit sur des sites internet dédiés à ce processus ou encore sur les réseaux sociaux ou les plateformes sociales d'écriture.

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Abstract

Le phénomène d’autoédition est aujourd’hui en plein essor. Ce travail s’emploie à trouver des façons d’appréhender la multiplication de l’autoédition de textes en ligne.

Deux hypothèses sont avancées :

1. Les auteurs sont moins intéressés par l’argent que par le retour du public et donc s’autoéditer rend les éditeurs centralisés moins importants pour assouvir cette recherche.

2. Sur la plateforme Wattpad, les retours des lecteurs au fur et à mesure de la publication du texte, ont une influence sur le contenu, la qualité générale ainsi que la poursuite de ce dernier.

La méthode utilisée afin de confirmer ou infirmer ces hypothèses reposent à la fois sur des recherches théoriques et empiriques. Une recension de littérature, deux questionnaires et des interviews ont été réalisés.

L’analyse des résultats valide partiellement la première hypothèse. On se rend compte qu’il existe deux types d’auteurs autopubliés : Il y a d’abord ceux qui se tourne vers ce processus après une mauvaise expérience avec l’édition traditionnelle (notamment au niveau de la rémunération). Et il y a les auteurs qui s’autopublient parce qu’ils recherchent bel et bien ce contact avec leurs lecteurs ainsi que leurs retours.

En ce qui concerne la seconde hypothèse, elle est validée. En effet, on s’aperçoit que les commentaires négatifs ont bien une influence sur la qualité textes publiés sur Wattpad car ils poussent à une réécriture des passages et aspects critiqués.

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Table des matières

Remerciements

... 2

Synopsis

... 3

Abstract

... 4

Table des illustrations

... 7

I. Introduction du sujet

... 9

II. Problématique et hypothèses

... 11

III. Méthode

... 16

IV. Revue de la littérature et cadre théorique

... 19

IV.a. L’édition et son évolution ... 19

IV.a.1. De l’édition à l’édition numérique ... 19

IV.a.2. De l’édition numérique à l’autoédition numérique ... 21

IV.a.3. Les différents types d’édition ... 22

IV.a.4. L’évolution du rôle de l’éditeur, de l’auteur et du lecteur ainsi que leur relation ... 26

IV.b. Le rôle du social dans l’autoédition ... 31

IV.b.1. Le modèle de Wiener (1948) et le concept du social dans les médias sociaux ... 31

IV.b.2. L’auteur social ... 33

VI.b.3. Rappel sur certains réseaux et plateformes sociales ... 34

IV.b.4. Wattpad, qu’est-ce que c’est ? ... 38

IV.b.5. Collaboration et commentaires ... 42

V. Enquête

... 44

VI. Résultats et discussion

... 48

VI.a. Résultat du questionnaire adressé aux différents auteurs autopubliés .. 48

VI.a.1. Genre de textes autoédités et plateformes et réseaux utilisés ... 48

VI.a.2. Attentes des autoédités ... 52

VI.a.3. Présence et activité des auteurs sur les réseaux et plateformes sociales (questions 9, 10, 11 et 18) ... 56

VI.b. Résultats du questionnaire aux auteurs et autrices wattpadien-ne-s ... 59

VI.b.1. Présentation du profil de l’auteur wattpadien type et de ses motivations ... 59

VI.b.2. Abonnés et visibilité ... 61

VI.b.3. Genre de publications ... 68

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VI.b.4. L’afflux des vues, votes et commentaires ... 71

VI.b.5. Les différents commentaires et leur influence ... 72

VI.b.6. Quelle appréciation pour Wattpad et ses fonctionnalités? ... 78

VII. Reprise des hypothèses

... 81

VIII. Apports et limites de la recherche

... 83

IX. Conclusion

... 85

X. Bibliographie

... 87

XI. Annexes

... 92

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Table des illustrations

Figure 1: Modèle de Wiener (Badillo, 2019) ... 31

Figure 2 : Le récit interactif - schéma ... 37

Figure 3: Section commentaire sur Wattpad ... 39

Figure 4: commentaire directement sur le texte ... 40

Figure 5 : Résultat question 1 questionnaire aux auteurs autoédités ... 48

Figure 6: Résultat question 5 questionnaire aux auteurs autoédités ... 51

Figure 7: Question 6 questionnaire aux auteurs autoédités ... 51

Figure 8: Résultat question 6 questionnaire aux auteurs autoédités ... 52

Figure 9: Résultat question 8 questionnaire aux auteurs autoédités ... 53

Figure 10: Résultat question 12 questionnaire aux auteurs autoédités ... 56

Figure 11: Question 11 questionnaire aux auteurs autoédités ... 56

Figure 12: Résultat question 11 questionnaire aux auteurs autoédités ... 57

Figure 13 : Exemple de biographie sur un profil Wattpad ... 62

Figure 14: Résultat question 9, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 63

Figure 15: Résultat question 9, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 64

Figure 16: Résultat question 10a, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 64

Figure 17: Exemple de publication sur le groupe Facebook « Wattpad ~ France » ... 66

Figure 18: Résultat question 12, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 68

Figure 19: Résultat question 22a, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 73

Figure 20: Résultat question 23a, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 74

Figure 21: Résultat question 24, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 75

Figure 22: Résultat question 25a, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 76

Figure 23: Question 30, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices wattpadiennes ... 78

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Figure 24: Résultat question 30, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices

wattpadiennes ... 79 Figure 25: Résultat question 29, questionnaire aux auteurs wattpadiens et autrices

wattpadiennes ... 79

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I. Introduction du sujet

En 2018, « Bande de Français », un texte de Marko Koskas, est sélectionné par le jury du prix Renaudot. Ce faisant, le prix littéraire s’est attiré les foudres des libraires. C’est la première fois qu’un livre autoédité, distribué uniquement sur Amazon, est sélectionné. Le syndicat des libraires français se plaint car si le livre remporte le prix, ils ne pourront pas le vendre. En effet, pour avoir sa place dans leurs étals, il vaut mieux s’être fait éditer de façon traditionnelle (FranceInfo Culture, 2018).

Cette nomination montre bien que l’autoédition n’est pas un phénomène isolé. C’est une stratégie qu’utilisent certains auteurs et qui existe depuis longtemps. Ainsi, depuis la deuxième moitié du 18ème siècle, il y a des auteurs qui s’autoéditent (Caron, 2010) ; Au Québec par exemple, ceux-ci faisaient des campagnes de souscription auprès du public et ils s’occupaient aussi de la promotion et de la distribution de leur œuvre. Si les auteurs prenaient ces initiatives, c’était à cause du petit nombre d’éditeurs présents mais aussi et surtout car la censure religieuse était très importante.

Aujourd’hui, la censure est évidemment beaucoup moins forte. Cela-dit, les maisons d’éditions les plus populaires reçoivent entre 3000 et 6000 manuscrits tous les ans (Peras, 2012). Les éditeurs sont donc forcés de faire des choix, qu’ils soient en rapport au thème du texte, à son auteur ou encore à son style d’écriture. De là, l’auteur évincé peut donc voir ce choix comme une sorte de « censure du marché » (Caron, 2010).

Accepter le rejet des maisons d’édition et renoncer est une option, s’autoéditer en est une autre. S’il y a trente ans encore, ce phénomène demandait beaucoup d’argent, de contacts et de temps, aujourd’hui, suite à l’avènement du numérique, l’autoédition (appelée aussi autopublication) est plus accessible que jamais. Cependant, il est encore difficile d’avoir des chiffres et des rapports sur l’autoédition par manque de données sur cette industrie. On sait seulement, grâce au rapport Bowker, que 2008 est la première année où le nombre de livre autoédités dans le monde a dépassé celui des livres édités par des maison d’éditions (Monbeaulivre, 2018).

Jusque vers la fin des années 80, la définition de l’autoédition était qu’un auteur s’affranchissait d’un lien avec un éditeur. Après avoir écrit son texte, il traitait

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directement avec un imprimeur et assurait lui-même la distribution et la promotion de son œuvre de façon artisanale (Goldestein, 1981). Cette pratique était alors très marginale et plutôt dépréciée. Puis, les support de lecture Kindle sont lancés et ils engendrent les e-books1 : c’est l’édition numérique qui apparaît. C’est alors que la manière de produire ces ouvrages électroniques se diversifie et l’autoédition en ligne2 ainsi se révèle et change la vision dénigrante que l’on peut avoir du phénomène d’autoédition.

C’est un phénomène mondial et considérable qui grandit encore aujourd’hui.

L’autoédition s’est développée très rapidement. Ce processus mérite donc notre attention et certaines recherches. Ici, nous nous poserons plusieurs questions quant aux multiples stratégies d’autoédition en ligne.

1 Dans tout cet écrit, par « e-book » nous entendrons les textes numérisés ou livres en ligne et non les supports pour lire ceux-là.

2 Dans tout cet écrit, lorsque l’on parle d’autoédition en ligne, sont compris aussi ceux qui passent par les plateformes internet pour s’autoéditer et qui reçoivent leur livre imprimé.

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II. Problématique et hypothèses

L’autoédition en ligne sur les plateformes prévues à cet effet ou les réseaux sociaux permet de casser les codes à plusieurs niveaux. La mise en page peut bien sûr être différente mais au-delà de cela, le format en lui-même change et des ouvrages hors du commun naissent, comme les Twiller (les thrillers sur Twitter), les Instapoètes (ceux qui postent de la poésie sur Instagram) ou encore simplement les autoéditions chapitres par chapitres, tenant compte des commentaires, sur la plateforme Wattpad (plateforme sociale d’écriture) ou sur les blogues. Il ne faut, effectivement, pas oublier que la disparition de l’éditeur ne supprime pas l’intervention d’autres intermédiaires comme les réseaux ou plateformes sociales. Les choix sont variés et dépendent beaucoup du contenu du texte mais aussi des compétences de son auteur et du but recherché. L’autoédition n’est, pour certains, qu’une étape avant d’atteindre ce qu’ils recherchent réellement. Nonobstant, le regard sur ce phénomène se développe d’année en année et il est approché de manière très hétérogène par les auteurs ; tremplin, voie de secours, ou simple canal permettant de s’exprimer, l’autoédition peut donc aussi parfaitement être une fin en soi. En outre, dans l’autoédition en ligne, le tri est fait par les lecteurs plutôt que par les éditeurs. Le contact entre l’œuvre et son public est instantané. L’auteur a souvent lui aussi un contact direct avec ses lecteurs, ce qui est un phénomène nouveau. Cette situation plus immédiate et technologique apporte sûrement alors une touche de modernité qui permet d’attirer de nouveaux lecteurs.

Etant donné que les moyens en ligne se multiplient, l’autoédition est amenée à se développer encore davantage et une question s’impose :

Comment appréhender la multiplication de l’autoédition de textes en ligne ?

L’avènement du numérique et des réseaux sociaux incite à l’autoédition car il amène de nouveaux moyens d’autopublication. De ce fait, ce sont alors les éditeurs qui, pour ne pas louper la nouvelle sensation littéraire vont devoir partir en chasse de ces auteurs qui publient leurs textes en ligne. L’éditeur n’est plus le premier lecteur de beaucoup d’autres mais souhaite éditer l’auteur car celui-ci a déjà énormément de lecteurs. Aujourd’hui, les éditeurs doivent aussi faire l’effort d’aller eux-mêmes chercher en ligne les écrivains talentueux et rentables.

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Hypothèses :

Le rôle des éditeurs, on l’a relevé, a vu s’opérer des modifications. Bien sûr, la plupart des maisons d’édition continuent à recevoir beaucoup de manuscrits et, en général, bien plus qu’elles ne peuvent en traiter. Les éditeurs sont toujours demandés par beaucoup d’auteurs, c’est un fait. Ce que l’éditeur recherche, c’est de publier des livres auxquels il croit. Dans l’édition traditionnelle, cela veut dire que l’éditeur publie des ouvrages dont il pense qu'il est le premier lecteur de beaucoup d'autres (Ramdarshan, 2018). Cela-dit, quand on regarde l’autoédition sur les réseaux et plateformes sociales, on voit apparaître le phénomène inverse. En effet, dans ces cas-là, c’est la maison d’édition qui est demandeur de l’auteur. L’éditeur n’est plus le premier lecteur de beaucoup d’autres, mais souhaite éditer l’auteur car celui-ci a déjà énormément de lecteurs. De ce fait, pour ne pas manquer le potentiel prochain best-seller, les éditeurs ne peuvent plus simplement attendre qu’on leur envoie un manuscrit. Aujourd’hui, ils doivent eux-mêmes chercher en ligne les écrivains talentueux et rentables.

Penchons-nous sur l’un des plus gros succès de l’autoédition sur la plateforme d’écriture interactive Wattpad ; la saga de l’auteure Anna Todd, appelée After. Anna Todd a en fait commencé, en 2013, à poster son histoire sur la plateforme d’écriture en ligne, elle écrit et poste des chapitres régulièrement depuis son Smartphone.

L’histoire est une fanfiction3. Son personnage principal est inspiré de Harry Stiles (chanteur dans le boys band « One direction » à cette époque). Les fanfictions sont un genre qui marche très bien sur les plateformes d’écriture en ligne car, en reprenant des personnages auxquels les gens sont déjà attachés, les auteurs s’attirent des lecteurs déjà convertis. En une année, stimulée par ses dizaines de milliers de lecteurs, leurs commentaires élogieux et les encouragements à continuer, Anna Todd finit ses trois premiers livres sur Wattpad (Sanchez, 2019). L’auteure est alors approchée par la maison d’édition Simon and Shuester ayant eu vent de l’engouement que provoquait la saga sur Wattpad. Bien leur en a pris. En 2014, After devient un best-seller mondial et il sera ensuite adapté en film. Grâce à ce succès, Wattpad prend

3 Une fanfiction est une fiction écrite par un ou une fan faisant figurer des personnages de fiction déjà connus (des personnages de romans, films ou séries) ou même des célébrités réelles.

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de l’importance sur la scène éditoriale et en 2017, signe un partenariat avec la maison d’édition Hachette (Ramdarshan, 2018) afin que cette dernière puisse avoir la primauté sur certains textes de la plateforme.

Aujourd’hui, un auteur, en plus d’utiliser les réseaux et plateformes sociales afin d’autoéditer ses textes, peut se servir de ces premiers afin de les promouvoir et de rameuter davantage de lecteurs. Cependant, on voit ici que même si l’auteur veut être lu, la plupart du temps, le texte dans son entièreté reste gratuit. En effet, que ce soit de la poésie sur Instagram, des romans policiers sur Twitter ou des textes sur Wattpad, toutes les personnes ayant un compte ont un accès libre aux productions des auteurs.

De plus, même s’ils sont repérés ensuite par une maison d’édition traditionnelle, on peut se demander pourquoi les lecteurs mettraient de l’argent dans un texte qu’ils ont déjà pu lire en ligne. Pour cela il nous faudrait revenir aux attentes de l’auteur.

Cette réflexion nous mène à notre première hypothèse.

Hypothèse 1 : Les auteurs sont moins intéressés par l’argent que par le retour du public et donc s’autoéditer rend les éditeurs centralisés moins importants pour assouvir cette recherche.

Arrêtons-nous un instant afin de préciser l’énoncé ; le « retour du public » est formé des réactions des lecteurs que génère le texte de l’auteur. « S’autoéditer » comprend autant ceux qui publient leur texte en ligne (réseaux sociaux, plateformes,…) que ceux qui s’autoéditent sur une plateforme destinée spécifiquement à l’autoédition (Edilivre, Librinova, Kindle Direct Publishing, etc.). Enfin, la dénomination « éditeurs centralisés » correspond aux maisons d’éditions, aux éditeurs dont les façons d’éditer sont celles traditionnelles.

Les options que donnent internet et en particulier les réseaux et plateformes sociales afin de s’exprimer et de créer sont vastes et faciles d’accès. C’est ce qui pousse beaucoup d’individus à s’en servir. Ces outils numériques relient des personnes du monde entier et si les cultures et les langues sont différentes, l’instapoésie ou les romans à l’eau de rose rapprochent. Il est de savoir commun qu’il est difficile de vivre de son art. De ce fait, le nombre de personnes publiant des textes en ligne nous fait nous poser des questions sur les motivations et les attentes de ces auteurs. On peut

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prendre l’exemple d’Atticus, un poète à succès qui publie ses productions sur Instagram. Cet auteur, dont personne ne connaît le visage, s’autoédite et s’autopublie, il tient un blogue sur lequel il promeut ses recueils qu’il vend directement sur Amazon.

On réalise par-là qu’aucun éditeur extérieur ne fait partie du processus et qu’Atticus reste proche de ses lecteurs du début de sa production à la vente de son recueil.

Cette hypothèse nous pousse à se questionner de façon encore plus précise. Le phénomène de ce retour des lecteurs face à un texte est particulièrement visible sur la plateforme sociale d’écriture Wattpad. En effet, cette interface poursuit deux buts ; la lecture et l’écriture. Les auteurs peuvent poster leurs histoires, chapitres après chapitres et les lecteurs peuvent faire des commentaires (auxquels les auteurs peuvent répondre à leur tour). Le lien entre l’écrivain et sa communauté est ici très fort et presque instantané. Cela est aussi dû au fait que les internautes assistent au processus de création de l’histoire et peuvent donc avoir une influence en interagissant sur celle-ci. C’est de cette réflexion, que découle notre seconde hypothèse.

Hypothèse 2 : Sur la plateforme Wattpad, les retours des lecteurs au fur et à mesure de la publication du texte, ont une influence sur le contenu, la qualité générale ainsi que la poursuite de ce dernier.

De nouveau, commençons par clarifier les termes de cette hypothèse ; Les « retours » sur la plateforme sociale Wattpad se traduisent en votes, commentaires, nouveaux abonnés, discussions. Quant à l’« influence », on utilise ici ce concept pour définir l’impact qu’exercent les retours des usagers sur le texte. En ce qui concerne le

« texte », il consiste en toutes les productions écrites – quel que ce soit le genre – et publiées sur Wattpad. Enfin, le terme « qualité », utilisé dans cette seconde hypothèse, englobe à la fois, la forme (style, paragraphes, chapitres) et le fond (intrigue, personnages) du texte publié.

Une des caractéristiques de l’autopublication étant l’instantanéité des commentaires et retours des lecteurs, on peut supposer qu’elle affecte le déroulement de l’histoire ainsi que sa forme. En effet, si un auteur publie sur Wattpad c’est pour être lu et pour créer une relation avec ses lecteurs. Sur cette plateforme, les auteurs publient en général leur histoire chapitre par chapitre, il est donc plus que probable que l’auteur lise les commentaires sur son chapitre avant d’en écrire un nouveau et donc qu’il

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puisse prendre en compte les potentiels commentaires que ses lecteurs lui laissent.

De plus, il est parfaitement envisageable de penser que si l’écrivain ne reçoit que des commentaires négatifs sur son texte, il stoppera sa publication et que, dans le cas inverse, cela l’encouragera à continuer. Enfin, il serait aussi intéressant de connaître la réaction des auteurs dans la situation où ils ne recevraient aucun retour.

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III. Méthode

La méthode que nous allons suivre durant ce travail s’articule en plusieurs étapes afin de couvrir de la manière la plus approfondie possible le champ d’étude visé.

Recherches traditionnelles

Nous retiendrons plusieurs articles et ouvrages afin de constituer la base de ce travail.

Pour commencer nous nous appuierons sur trois ouvrage : Inside Book Publishing de Giles Clark et Angus Phillips ; The Copyeditor's Handbook: A Guide for Book Publishing and Corporate Communications d’Amy Einsohn ; The Future of the Book in the Digital Age de Bill Cope et Angus Phillips et Les livres dans l´univers numérique de Christian Robin. Le premier nous servira surtout à expliquer et préciser le concept d’autoédition. Le second, regorgeant d’informations sur l’autoédition en ligne en générale ainsi que sur la communication nous permettra de faire le lien entre les deux sujets. Le troisième ouvrage nous permettra d’appréhender la suite et à soulever plusieurs thématiques pertinentes qui nous serviront pour ce qui est théorique. Enfin, le dernier titre cité nous rappellera les définitions ainsi que le rôle de l’auteur et de l’éditeur, sans omettre leurs évolutions.

En ce qui concerne les articles, nous nous focaliserons principalement sur les suivants : Wattpad Revolutionizes Online Storytelling de Grace Bello ; The return of the social author : negotiating autorithy and influence on Wattpad de Melanie Ramdarshan Bold ; À propos du social dans les médias sociaux d’André Mondoux et Vers une poésie commune ? Les poètes amateurs de Twitter, Instagram et Wattpad d’Olivier Belin.

Nous nous concentrerons dessus car ils permettent une réflexion qui nous aiderait à répondre aux questions que nous nous posons.

Enfin, nous étudierons différentes plateformes. Effectivement, nous avons vu plus tôt que l’autoédition en ligne pouvait apparaître sous plusieurs formats par différents biais.

Le but ici sera donc de surveiller les plateformes sur lesquelles fleurissent les productions autoéditées afin de capter l’actualité de ce phénomène mais aussi de prendre en compte les réactions que cela suscite. Nous avons déjà mentionné

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Instagram, Twitter ainsi que Facebook mais nous nous concentrerons surtout sur Wattpad.

Questionnaires et interviews

Nous ferons passer deux questionnaires différents à deux cibles distinctes.

Le premier questionnaire (voir annexe 1 et 2) sera pour des auteurs autoédités qui ont ou non ensuite publié leurs productions de manière traditionnelle. Les cibles sont, entre autres ; Mathilde Aloha, Agnès Martin Lugand, Anna Todd, Rupi Kaur, Virginie Grimaldi, Thierry Crouzet, Catana Chetwynd, Beth Reekles, Amanda Hocking, Perrin Langda, Cynthia Havendean, Nine Gorman.

Néanmoins, et pour des raisons exposées plus tard (c.f. Enquête), si certaines de ces personnes ont été ciblées, ce sont, pour la plupart, d’autres auteurs autoédités à qui le questionnaire a été transmis, faute de réponse.

Le second questionnaire s’adresse aux auteurs wattpadiens4 en général et exclusivement. Dans ce formulaire sont posées des questions relatives à la plateforme sociale Wattpad, à ses options, ses avantages et inconvénients. Ce sont les auteurs francophones qui sont ciblés (le questionnaire étant en français).

La dernière question du premier questionnaire prépare le terrain pour les entretiens que je souhaiterais conduire car je leur demande s’il serait possible que l’on se rencontre afin de répondre à mes questions de manière plus approfondie. Celles-ci seront assez similaires aux questions de mon questionnaire mais comme je pose des réponses plutôt fermées pour ne pas décourager le répondant, il y aurait encore beaucoup à développer. Ces interviews se feront soit par téléphone soit en face-à- face, selon les disponibilités de ces personnes et de l’endroit où elles habitent.

En outre, étant en stage aux Editions Slatkine, j’ai pensé qu’il serait pertinent de réaliser une interview de son directeur, Ivan Slatkine, pour avoir le point de vue d’une maison d’édition concernant le phénomène d’autoédition. Les Editions Slatkine

4Dans l’intégralité de ce travail, le terme « Wattpadien » ou « Wattpadiennes » réfèrera aux personnes utilisant la plateforme Wattpad.

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viennent tout juste de lancer une plateforme d’autoédition (la première en Suisse romande). Récolter l’avis d’Ivan Slatkine était donc très à propos et ne pouvait qu’être intéressant.

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IV. Revue de la littérature et cadre théorique

IV.a. L’édition et son évolution

IV.a.1. De l’édition à l’édition numérique

L’avènement du web, du e-marketing et l’édition numérique Le web :

Le web est créé en 1991. On parle aujourd’hui de web 1.0. Ce web-là était fait pour la diffusion d’informations et pour la lecture. Il équivalait plus ou moins à la télévision car il ne comportait que des pages statiques. Il était utilisé par les entreprises et avait une logique descendante. Puis, du web 1.0, nous sommes passé au web 2.0. Davantage interactif, il pousse à la fois à la lecture et à l’écriture. Les internautes font leur entrée et deviennent des contributeurs. Les interactions sont monnaie courante, le web 2.0 a une dimension sociale et les utilisateurs commencent à y avoir un impact important, des communautés se forment. Enfin, c’est le web 3.0 qui apparaît. Celui-ci est le web de la mobilité, des données et des objets connectés. Le Big Data se révèle, c’est un outil qui va être capable de contextualiser ce que l’on cherche, qui peut créer un service adapté pour chaque type de clients. Les individus deviennent plus importants encore, ils sont profilés par rapport à des objectifs marketing, ce sont des usagers dont on doit recueillir la fidélité. On est donc passés du web 1.0 au web 3.0 grâce à une dynamique portée par des activistes du web qui ont introduit diverses notions (Badillo, 2019).

Le marketing et le e-commerce :

Le marketing s’est lui aussi transformé au fil des années. En effet, le marketing transactionnel, simplement basé sur la transaction de produits et d’argent a fini par laisser sa place et le marketing relationnel s’est développé. Celui-ci consiste en un panel d’outils destinés à établir des des relations individualisées et interactives avec des clients, en vue de créer et d’entretenir chez eux des attitudes positives et durables à l’égard d’une marque ou d’une entreprise. Les outils de marketing direct, qui ne

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nécessitent aucun intermédiaire entre le potentiel consommateur et le producteur sont très bénéfiques pour cela, comme la vente en face-à-face, le télémarketing ou encore la vente par catalogue.

Le e-commerce se développe entre 2000 et 2005 (et entre 2005 et 2020 beaucoup de nouveaux outils sont créés). Il démontre plusieurs avantages à la fois pour les consommateurs et les entreprises. Les produits sont accessibles 24 heures sur 24, les déplacements sont supprimés et les entreprises et marques peuvent produire à moindre coût. On utilise pour ce faire les sites, les blogues ou les forums.

Les enjeux du marketing changent, on cherche de plus en plus à individualiser la communication avec le potentiel client. A la communication de masse on préfère donc le message sur les réseaux sociaux, c’est plus rapide et plus personnel. Les entreprises cherchent à connaître, cibler, atteindre, persuader. Nous constatons que le marketing de masse et la communication de masse se sont transformés en parallèle.

Le marketing est désormais un marketing personnalisé, et la communication est désormais individualisée. Cette convergence illustre la place non négligeable qu’ont occupé le web et les réseaux sociaux dans ces deux disciplines : permettant une expérience unique à tout un chacun. L’internaute est au cœur de la communication et du marketing (Badillo, 2019).

L’édition numérique :

En Europe, c’est à la fin des années 2000, avec l’émergence du support de lecture Kindle, lancé par Amazon, que l’édition numérique apparaît. Les liseuses trouvent rapidement leur audience (Cahier et Sutton, 2016). Ainsi, une fois qu’est sorti un support pour lire des livres numériques, l’offre de ceux-ci a sensiblement augmenté, Les sujets de ces e-books sont d’une variété immense ; du recueil de poésie à la cuisine en passant par le self-help, le roman d’amour ou encore le jardinage. En outre, beaucoup de livres sont réédités de façon numérique. La société FeniXX (https://www.fenixx.fr), par exemple réédite des œuvres littéraires françaises du XXème siècle (plus de 500'000). En ce qui concerne les chiffres de l’industrie de l’édition numérique ils augmentent tous les ans. En France, en 2017, le chiffre d’affaire s’établit à 202 millions d’euros, ce qui constitue une progression de 9,8% par rapport à l’année précédente. La part des ventes du livre numérique dans le chiffre d’affaire total des éditeurs, elle, est de 7,6%, comme nous pouvons le voir sur le site du Syndicat national de l’éducation (https://www.sne.fr ).

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IV.a.2. De l’édition numérique à l’autoédition numérique

L’importance des plateformes et médias sociaux

L'essor des médias sociaux, ou encore des réseaux sociaux ou même de ce que l'on a pu appeler les technologies sociales a lieu en 2000. Ils renforcent une nouvelle tendance. Ils nous permettent d’aller encore plus loin en ce qui concerne les relations entre les personnes et les sous-groupes (loi de Reed : valeur réseau augmente exceptionnellement avec le nombre d’utilisateurs) (Habefast group, 2018). Aujourd’hui encore, bien qu’ils soient parfois mal vus, Les médias sociaux ne cessent d’attirer de nouveaux utilisateurs. Que ce soient les blogues, Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn, Snapchat, Youtube, etc. ils sont tous beaucoup utilisés et cela n’est pas prêt de s’arrêter. Néanmoins, les réseaux sociaux ne sont plus, à ce jour, si nouveaux et les utilisateurs commencent à savoir comment tirer profit de chacun. Il y a d’abord ceux que l’on emploie dans une optique professionnelle, comme LinkedIn par exemple.

Ainsi, grâce à ce réseau, on peut développer son réseau professionnel et optimiser sa recherche d’emploi. Ensuite, il y a les réseaux sociaux visuels comme Snapchat et Instagram. Ils sont tous les deux simples et en vogue. Leur aspect très visuel permet de travailler sur l’attractivité d’un produit que l’on désirerait mettre en avant. Il faut aussi savoir que si on calcule la moyenne d’âge des utilisateurs des deux réseaux, ce sont en particulier les 15-25 ans qui les utilisent. Puis, il y a les réseaux de micro-blogging comme Twitter, ils sont utilisés pour leur instantanéité, pour suivre les actualités et différents comptes de personnalités publiques, de marques ou encore de journaux.

Enfin, il y a les réseaux sociaux qui se focalisent sur la vidéo, tels que Facebook, Youtube ou Snapchat. On peut publier des vidéos nous-mêmes ou s’abonner à des chaînes ou des comptes qui produisent des vidéos et il y est aussi possible de publier et suivre des vidéos en direct(Habefast group, 2018). Les réseaux et autres médias sociaux ont pris une importance considérable dans la vie quotidienne de beaucoup de populations, il est donc important d’en tenir compte ici. En outre, ils ne servent plus seulement au simple contact entre personnes, ils servent aussi à vendre et à faire

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toutes sortes de promotions et d’affaires comme on a pu le voir un peu plus haut. Mais grâce à l’évolution du web, ce ne sont plus seulement les entreprises qui peuvent en retirer des gains. De nos jours, si les particuliers connaissent un peu les médias sociaux, ils sont parfaitement capables de réaliser leur propre campagne de publicité à leur échelle. Le Web, qui avait une dimension principalement technique (et entreprises), a dorénavant une triple dimension « conversationnelle », sociale et marketing ; elle est portée par les individus, les usagers et les communautés (Badillo, 2019).

Les auto-éditeurs peuvent donc tirer leur épingle du jeu s’ils s’y prennent bien : Les plateformes et réseaux sociaux sont des outils qui peuvent leur devenir précieux afin d’aller au bout de leur processus. De ce fait, les médias sociaux comme Instagram, Twitter et Wattpad sont abondamment exploités par des auteurs cherchant à exposer leur travail.

IV.a.3. Les différents types d’édition

Citons pour commencer, les propos d’Ivan Slatkine, co-directeur des Éditions Slatkine, qui décrit le cahier des charges d’un éditeur traditionnel de la façon suivante : « [un éditeur] reçoit des manuscrits ou il commande des manuscrits, il va d’abord lire les manuscrits pour savoir si ces derniers rentrent dans le cadre de ce qu’il publie en terme de public cible, en terme de marché, en terme de style d’écriture, en terme de sujet.

Et puis, une fois qu’il a fait cette sélection, il va travailler avec l’auteur sur le titre en lui donnant quelques recommandations pour améliorer la qualité de son manuscrit. S’il estime qu’il faut améliorer la qualité, alors c’est : suppression de répétition, amélioration de la qualité des dialogues, parfois raccourcir le volume parce qu’on le trouve trop long, supprimer les longueurs. Enfin bref, c’est un travail éditorial. Et puis après, il y a tout le travail d’édition qui est la mise en page, la relecture professionnelle, l’impression du livre et puis ensuite sa commercialisation dans le réseau de la librairie. » (propos rapportés d’Ivan Slatkine lors de l’interview). Ici, on se rend compte que l’éditeur a plusieurs casquettes et que le processus d’un ouvrage est loin de s’arrêter à sa conception. Il est maintenant un peu plus facile de comprendre que si l’autoédition se passe de cet intermédiaire, c’est alors tout le concept d’édition qui diffère.

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Comme mentionné dans l’introduction, l’autoédition n’est pas un concept nouveau.

Cependant, afin de clarifier celui-ci, il est important de revenir sur les différentes manières de s’éditer.

L’édition à compte d’éditeur

Cette forme d’édition est la plus connue et la plus traditionnelle aujourd’hui. L’auteur écrit un manuscrit, puis, il l’envoie à une maison d’édition qui peut l’accepter ou le refuser. Après lecture et décision du comité, si le texte s’insère bien dans sa ligne éditoriale, qu’il est bien écrit et qu’il détient un potentiel commercial, la maison d’édition va sûrement aller de l’avant avec ce manuscrit. Elle contacte alors l’auteur pour l’informer qu’elle veut l’éditer. Si celui-là entre temps ne s’est pas déjà engagé avec une autre maison, un contrat est écrit puis signé par les deux parties. Ce contrat concerne spécialement les droits financiers que l’auteur va toucher (10% en général) mais aussi le fait qu’il abandonne à la maison d’édition tous ses droits sur l’œuvre. En contrepartie, celle-là s’engage à prendre à sa charge tous les coûts de la production de l’ouvrage (relecture, mise en page, imprimerie, …), sa diffusion et sa promotion.

Bien-sûr, l’auteur participera aussi en donnant son avis (en corrigeant et relisant les épreuves de son ouvrage qui lui seront envoyées) et un peu de son temps (il devra être présent aux séances de dédicaces), mais il n’aura pas à débourser quelque somme que ce soit.

L’édition à compte d’auteur

L’édition à compte d’auteur est sans doute la moins connue du grand public car elle comporte des similarités à la fois avec l’autoédition et avec celle à compte d’éditeur (Caron, 2010). Le début du processus est le même que pour l’édition à compte d’éditeur ; un auteur écrit puis envoie son manuscrit à une maison d’édition.

Néanmoins, après lecture du texte ou du projet, l’éditeur juge que le texte est bon mais qu’il n’a pas assez de potentiel commercial ou alors qu’il est trop ambitieux (projet photo, très gros manuscrit, …) et qu’il n’a pas les moyens de le mener à bien. Dans ces cas-là, l’éditeur propose souvent à l’auteur une édition à compte d’auteur. C’est- à-dire que c’est l’auteur qui finance la production de ses ouvrages, il paye la maison d’édition pour être édité sous le nom de l’éditeur. Cela permet alors à l’auteur de bénéficier de tout le processus d’une édition traditionnelle (l’éditeur est chargé de la

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production, impression, diffusion et promotion de l’œuvre) mais à ses frais, c’est donc un processus beaucoup plus cher que celui de l’autoédition (propos rapportés d’Ivan Slatkine lors de l’interview). Les droits d’auteur sont donc négociés différemment (ils varient d’un ouvrage à l’autre) bien qu’ils soient souvent assez proches de ceux négociés lors d’une édition à compte d’éditeur. La qualité des livres à compte d’auteur est donc égale à celle des ouvrages à compte d’éditeur, c’est pour cette raison qu’ils portent le nom de la maison d’édition avec qui l’écrivain s’est associé. Et si un lecteur n’a que le livre entre les mains, il n’est pas possible pour lui de savoir si ce texte a été publié à compte d’auteur ou d’éditeur. L’écrivain paye donc pour une certaine qualité ainsi qu’une légitimité et l’éditeur approuve ce manuscrit et accepte de le porter sans prendre de risque financier.

L’autoédition

L’autoédition c’est une option qui permet de démocratiser ce processus d’édition (Caron, 2010). Quand un auteur finit d’écrire son manuscrit, il peut souhaiter directement l’autoéditer ce qui, selon Ivan Slatkine « permet à des auteurs de rester sur le marché sans avoir ce filtre et ce frein qui peut être celui de l’éditeur » (propos rapportés d’Ivan Slatkine lors de l’interview) ou alors il n’aura pas eu de chance en envoyant son ouvrage à des maisons d’édition et il se tournera de ce fait vers ce type d’édition. Plusieurs options s’offrent alors à l’auteur désireux de tester cette forme d’édition.

Il y a d’abord les plateformes d’autoédition. Celles-ci, que ce soit Edilivre, Librinova, ISCA ou encore Kindle Direct Publishing (Amazon), proposent – quoiqu’à des tarifs divers – quasiment la même chose ; N’importe qui ayant écrit un texte (que que soit le genre) peut aller sur ce type de site où il est proposé plusieurs formules auxquelles correspondent des prix. L’auteur peut éditer son texte tel quel (donc l’auteur doit faire sa mise en page lui-même et se relire) pour ensuite envoyer son fichier afin que son ouvrage soit imprimé. Et c’est ensuite, de nouveau lui qui devra aller démarcher les librairies s’il souhaite que son œuvre soit diffusée, ainsi qu’assurer sa promotion. Cela correspond à la formule la moins chère mais les auteurs peuvent décider de mettre un certain prix et de cette façon obtenir une relecture professionnelle et/ou une mise en page et/ou une certaine diffusion et/ou une certaine promotion en plus de l’impression de leur ouvrage. Lorsque le livre est imprimé, il est possible pour le lecteur de savoir

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que c’est un manuscrit autoédité simplement en regardant le nom de l’« éditeur ». Soit il n’y a pas d’information, soit le nom de la plateforme d’autoédition est apposé là où se trouve traditionnellement le nom de la maison d’édition. Cependant, à part cette indication, si par exemple, le lecteur n’est pas au courant que ISCA est une plateforme d’autoédition et qu’il ne fait aucune recherche à ce propos, il ne saura pas que le livre n’est pas passé par une maison d’édition. Le fait que l’ouvrage ait été autoédité n’est (dans la plupart des cas) mentionné nulle part.

Les livres autoédités ne se valent pas tous, il y en a de très bons comme de très mauvais ne serait-ce que sur la forme. Le fond est presque complètement libre. Ces ouvrages ne bénéficient pas forcément de la même légitimité qu’aurait un livre publié par une maison d’édition. Celui-ci est obligatoirement passé par différentes étapes censées garantir un certain standard de qualité. Toutefois, s’il passe par l’autoédition, l’auteur est complètement libre et garde tous les droits sur son œuvre, ce qui peut être très attractif.

Ensuite, il y a l’autoédition sur les réseaux sociaux et plateformes sociales. Ici, il serait peut-être plus judicieux de parler d’autopublication (bien que les deux termes sont utilisés) car la forme est différente. Les textes restent sur la toile, ils ne sont pas physiques et bien que les lecteurs puissent les posséder en les imprimant eux-mêmes, cela reste inhabituel. C’est une forme assez distincte ; les auteurs publient leurs textes sur un ou des réseaux et leurs lecteurs sont leurs abonnées/followers/amis. De nouveau, leur créativité ne se heurte qu’aux limites du réseau ou de la plateforme sociale et ils sont très libres en ce qui concerne le fond. Cette manière de faire ne coûte rien d’ordinaire en terme d’argent (bien que l’on puisse booster la visibilité de ses publications moyennant argent) mais elle peut prendre du temps. Effectivement, se construire et garder une communauté5 demande des efforts et une présence quasi constante sur les réseaux ainsi qu’un lien avec les autres internautes assez forts (répondre aux commentaires, publier du contenu attractif, publier très régulièrement des textes…). Cette autopublication permet aux écrivains amateurs (ou professionnels) de publier leur travail, d’avoir un retour et de réseauter avec d’autres écrivains et lecteurs (Ramadarshan Bold, 2018). De plus, l’autopublication peut aussi

5 Une communauté sur les réseaux ou plateformes sociales correspond à un public fidèle et réactif suivant le créateur du compte.

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parfois mener à l’édition traditionnelle car ces plateformes et réseaux sont un foyer de talents littéraires, où agents et éditeurs peuvent partir à la recherche de nouveaux talents. Effectivement, un auteur ayant une grande communauté a un potentiel commercial presque acquis et certains best-sellers ont une genèse d’autopublication.

IV.a.4. L’évolution du rôle de l’éditeur, de l’auteur et du lecteur ainsi que leur relation

Comme énoncé plus haut, la filière des livres connaît, depuis cinquante ans, beaucoup de transformations et la diffusion numérique des ouvrages, considérée comme une révolution dans ce domaine, pourrait bien être la dernière étape de tous ces changements. Que ce soit le rôle de l’auteur, celui de l’éditeur ou la relation entre les deux, nous allons ici, observer leur évolution.

C’est d’abord la manière d’écrire qui a évolué. Un auteur n’écrit plus forcément avec les limites que le papier impose. Effectivement, d’après Brigitte Chapelain, une littérature d’écran est apparue en France depuis les années 1980 (Chapelain, 2007).

Elle reprend la notion d’écrilecteur avancée par Pedro Barbosa (Barbosa, 1992). Un écrilecteur est un lecteur qui participe à la construction de l’histoire, une sorte d’écriture collective. Seulement, si l’écriture collective n’est pas un phénomène nouveau, il a évolué avec l’avènement du web mais surtout celui des réseaux et plateformes sociales. Des interactions entre lecteurs et auteurs ont pu se développer de façon instantanée, ou presque, les commentaires des uns infléchissant parfois le cours du récit des autres.

Si l’écriture a évolué, la lecture n’est pas en reste. Il y a une différence rentre la lecture sur papier et la lecture sur écran. La lecture sur écran, mais plus spécialement sur le web tend à devenir plus superficielle que celle sur papier. Le phénomène de scrolling en est la cause. En effet, faire défiler une page sur un écran pour un visualiser le contenu va impliquer une perte de temps car cela entraine une instabilité dans la portée du regard. Le lecteur doit souvent revenir sur le texte afin de le mémoriser, et plus particulièrement si le lecteur n’a pas de connaissances préalables quant au sujet

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de ce qu’il lit. La lecture sur le web mène alors à de la perturbation, ce qui nuit à la compréhension. En outre, la mémorisation du texte est plus difficile. C’est pour ces raisons que lorsqu’on lit en ligne, nous avons tendance à être centrés sur la recherche d’informations tout en faisant fi du reste afin d’éviter une surcharge au niveau cognitif (c’est-à-dire, une saturation de la mémoire) (Premat, 2012).

Quant aux éditeurs, ils sont confrontés aujourd’hui à toute une série de défis.

Beaucoup se lancent dans une édition multi-support. Par exemple, ils publient le livre en format papier mais aussi en format numérique dans lequel les éditeurs ajoutent des liens, des images ou autres médias qu’il n’est pas possible d’intégrer dans le format papier. De cette façon, ils créent une valeur ajoutée au format numérique.

En ce qui concerne le multi-support : Il y a d’abord les liseuses et ebooks qui sont des supports dédiés à la lecture, sur lesquels on télécharge des fichiers afin de les lire. Ils sont conçus pour apporter un confort optimal au lecteur en matière de lumière et de taille des caractères par exemple. À côté de ces canaux, il y a aussi les appareils multifonctions, ceux qui ne sont pas créés spécialement pour la lecture. Dans cette catégorie, on trouve pêle-mêle ; les ordinateurs (portables et fixes), les smartphones et les tablettes. De ces machines, les smartphones, et plus encore, les phablettes (les téléphones portables avec un grand écran) sont ceux qui sont les plus vendus de par leur grande mobilité. En outre, ils détiennent un avantage considérable par rapport aux liseuses (d’où leur plus grande popularité) ; leur multifonctionnalité. Malgré, leur faible confort de lecture et leur autonomie limitée, ils restent beaucoup plus utilisés que les liseuses (Premat, 2012).

Les éditeurs doivent faire face à des choix ; éditer un livre au format numérique en utilisant « simplement » le fichier au format PDF (appelé livre homothétique) ou réaliser un réel travail éditorial pour en adapter l’usage ?

Du livre homothétique, au livre enrichi, et au livre-appli. Les éditeurs doivent prendre parti et décider des formats sur lesquels ils parieront sachant que plus le livre est adapté à des formats différents, plus le coût de production est élevé. Les stratégies éditoriales varient en fonction des régions du monde mais surtout selon le genre d’écrits. Les éditeurs qui publient des livres professionnels pourront mettre davantage d’argent dans les ouvrages qu’ils produisent car ils les vendent chers. Alors que les maisons d’édition grand public vendent leur livre à un prix moins élevé et doivent investir leur argent dans d’autres services (Le Crosnier, 2018).

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En France, seules quelques maisons d’édition marginales se consacrent exclusivement à la production de livres numériques. Ce sont en général les maisons d’édition traditionnelle qui produisent la plupart des livres dans ce format-là. Cela-dit, il y a aussi les plateformes d’autoédition en ligne, comme Edilivre par exemple, qui publie les œuvres de ses auteurs en format numérique.

Les plateformes de littérature en ligne sont plutôt récentes dans le paysage francophone. En revanche, celles-là existent depuis presque vingt ans en Chine. En effet, le site chinois Qidian.com a plus ou moins la même fonctionnalité que la plateforme Wattpad et a été lancé en 2002 (Liu ; Li ; Liao ; Yang & Li, 2019). Des épisodes gratuits sont proposés aux lecteurs, puis, s’ils marchent bien, l’internaute qui aura envie de lire les chapitres suivants rapidement devra payer quelques yuans afin d’avoir un abonnement VIP. De plus, la publicité présente (bien que discrète) sur la plateforme aide aussi à financer le site.

Beaucoup d’éditeurs ont eu peur de voir disparaître une partie de leurs revenus à cause du prix de vente trop bas du livre numérique. La stratégie adoptée par l’éditeur traditionnel varie donc en fonction de la politique qu’il a choisie pour éviter cette baisse de revenus. Certains grands groupes comme Hachette ont décidé d’accompagner le changement en nouant des partenariats, notamment avec la plateforme Wattpad en 2017 (Oury, 2017). Amazon ou Apple, nouveaux acteurs sur cette scène du livre, ont réussi à tirer leur épingle du jeu en se consacrant à la diffusion et/ou en créant sa propre plateforme d’édition. Les maisons d’édition moyennes telles que Gallimard ou Flammarion ont créé avec La Martinière leur propre plateforme de distribution numérique. Enfin, pour ce qui est des petites maisons d’édition elles ont le choix de suivre le mouvement ou non. Cela dit, en ce qui concerne la diffusion numérique, le Centre national du livre propose des subventions pour la numérisation des œuvres et les maisons d’édition y font souvent appel.

L’analyse de l’autoédition est difficile en terme de chiffres car Amazon, l’un des principaux acteurs, ne publie pas de données précises. Du livre imprimé aux réseaux sociaux, en passant par les plateformes spécifiquement dédiées à l’autoédition, l’autoédition recouvre de nombreuses pratiques. Il arrive aussi que l’autoédition mène à l’édition traditionnelle. Cette explosion de l’autoédition est facilitée par la baisse des coûts de production, l’existence de longue date de l’édition aprofessionnelle et la

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possibilité d’imprimer à la demande (propos rapportés d’Ivan Slatkine lors de l’interview). En outre, une donnée sociologique entre aussi en ligne compte, c’est le fait qu’une plus grande part de la population a aujourd’hui accès aux études et donc, que l’écriture n’est plus réservée à une élite. Cependant, si on observe une offre plus vaste et variée, la consommation ne s’est pas diversifiée de manière aussi évidente.

Le phénomène d’autoédition rend plus floue la frontière entre édition professionnelle et édition non professionnelle. Aujourd’hui le plus gros de la valeur des éditeurs traditionnels consiste en la légitimité qu’ils donnent à une œuvre qu’ils publient (propos rapportés d’Ivan Slatkine lors de l’interview). De par leur ligne éditoriale mais aussi leur formation, leur professionnalisme et leur expérience, un énorme tri est fait en amont en ce qui concerne les manuscrits. Evidemment, on pourrait aussi y voir une censure de certains sujets mais quoi qu’il en soit, les ouvrages que les maisons d’édition publient sont de qualité car le lecteur est assuré que le texte est passé par un travail éditorial poussé. L’autoédition est, elle, beaucoup plus libre et moins contrôlée (dans tous les sens du terme). Tous ceux qui ont envie d’écrire et d’être publiés le peuvent et c’est au lecteur ensuite de faire le tri dans le bon et le moins bon.

C’est donc sur ces aspects de légitimité et de qualité que l’éditeur traditionnel doit se faire valoir afin de rester dans la course (Premat, 2012).

Rüdiger Wischenbart (Wischenbart, 2017) a observé que la part globale des ventes chez les dix plus grands éditeurs du monde a dégringolé en 2009, au moment de la crise économique. Néanmoins, il y a eu un réel redressement du marché de l’édition, presque tous pays confondus, en 2015. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, le marché des livres numériques s’est beaucoup développé au même moment et atteindrait des parts de plus de 20% alors qu’en Europe continentale, ces parts n’atteindraient même pas 10% (3% en France). Chez les grands éditeurs français cela dit, la valeur de ces parts concernant la diffusion de livres numériques est tout de même de 9%.

Nonobstant, les abonnements et l’autoédition étant plutôt mal comptabilisés, ces statistiques sont à considérer avec précaution.

L’écrivain Thierry Crouzet résume bien le nouveau défi de l’auteur novice. Pour lui, aujourd’hui, les écrivains doivent prouver ce qu’ils valent aux éditeurs traditionnels avant de leur soumettre un manuscrit. Cette preuve doit consister à montrer que l’auteur a déjà réussi à former une communauté autour de lui et qu’il a su gérer son image et s’auto-promouvoir. Il doit en quelque sorte donner une garantie et montrer

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que son livre a un potentiel commercial certain : « Pour les éditeurs, publier un texte issu de l’auto-édition, c’est s’assurer une certaine rentabilité financière dès lors que le texte aura fait ses preuves en diffusion numérique sur les plateformes de sites libraires. » (Deseilligny, 2017).

« À quoi ressemblera l’éditeur du futur ? Je le vois comme une structure émergente, née de l’interaction entre un réseau d’auteurs. Chacun d’eux sera le point de diffusion de ses propres œuvres et l’éditeur sera une sorte de portail. Il n’aura peut- être pas d’existence juridique, pas d’employé, pas de contrat. Ce sera à chacun des

auteurs de promouvoir les autres. » (Crouzet, 2010).

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IV.b. Le rôle du social dans l’autoédition

IV.b.1. Le modèle de Wiener (1948) et le concept du social dans les médias sociaux

Norbert Wiener (1894-1964) est un chercheur en mathématiques et théoricien américain qui est considéré comme le père fondateur de la cybernétique. La cybernétique est une science qui étudie la communication et les mécanismes chez les êtres vivants, en d’autres termes, une science du contrôle des systèmes d’informations. Elle s’organise autour des éléments suivants : l’entrée d’information, le stockage mémoriel, le traitement ainsi que la sortie de cette information. C’est Wiener qui va définir ce qu’est la cybernétique et surtout c’est le premier à s’intéresser au concept de feedback que crée la transmission d’une information. Il démontre que le récepteur d’une information va à son tour envoyer un message à l’émetteur et prouve donc que la communication est interactive (Badillo, 2019).

Figure 1: Modèle de Wiener (Badillo, 2019)

Comme nous l’avons énoncé plus tôt, le web 2.0. se prête à la création d’outils qui se veulent sociaux, c’est-à-dire qui tentent de produire le social. On peut alors se demander en quoi consiste la nature du social produite par ces nouveaux outils numériques.

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Société et technique sont liées l’une à l’autre et créent un processus de reproduction sociale permanent.

De nos jours, nous pouvons observer que la technique a poussé à l’hyperindividualisation, le « je » a pris le pas sur le « nous » (Mondoux, 2009).

André Mondoux affirme que ce concept d’hyperindividualisation se manifeste par l’émérgence de personnes se prétendant advenir par et pour elles-mêmes sans aucune influence, qu’elle soit idéologique ou morale. Ces personnes vont pratiquer des stratégies d’auto-expression et vont tenter de découvrir par elles-mêmes qui elles sont, leur identité. La floraison de blogues et autres pages sur les réseaux sociaux (mur Facebook, feed Instagram, …) sont bel et bien des outils qui permettent ce genre de quête personnelle de recherche d’expression ainsi que de découverte.

C’est aussi en se penchant sur ces outils que nous pouvons réaliser que le « je » prime aujourd’hui sur le « nous ». Toutefois, il ne faut pas sauter aux conclusions et penser que le « nous » a été relégué à l’arrière-boutique pour toujours, car le « je » ne peut se développer que par rapport à un « nous ».

Les médias sociaux ont participé à induire cette sorte de construction identitaire et ce phénomène s’est imprégné d’une forme de surveillance (cookies et profilage). On se définit par rapport à l’offre. Par exemple, on utilise les boutons « j’aime » pour ce qui est des pages qui parlent de nos sujets favoris, on utilise aussi la page qui nous permet de nous décrire, autant notre statut civil que nos gouts musicaux. Le « je » qui prime est aussi dû à notre recherche constante de gratification (de like, de commentaires) sur une base de temps réels (Mondoux, 2009). Ce qui rend les plateformes mobiles très attractives. Les individus peuvent s’exprimer où ils le veulent et quand ils le veulent grâce à des réseaux sociaux, tels que Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn, etc.

Cette gratification est rapide et éphémère mais cela rend la recherche (de cette gratification) constante. Le social revêt ici des formes personnelles.

Dans le système de l’hyperindividualisme, tous les discours se valent (chacun a le droit d’exprimer son opinion), ce qui fait qu’un discours ne peut pas prendre et asseoir le pouvoir. Cela nous amène à une forme de neutralité d’où sort une dynamique sociale perpétuelle car du fait que nous nous exprimons, des réactions sont alors provoquées et ainsi de suite… Donc, bien que les médias sociaux commencent avec un primat du

« je », ils créent aussi du « nous » indirectement. Comme une ruche (Mondoux, 2009).

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Certains réseaux sociaux et plateformes sociales sont tournés vers un but spécifique, la communauté a un intérêt commun, ce qui vaut à ces outils numériques d’être optimisés. En effet, la communauté, le réseau, la plateforme peut tourner sans anicroches, comme une machine : la production se transforme en reproduction. Et cela sous la surveillance du gestionnaire de la communauté qui, lui, est responsable d’orienter les interventions, de les animer, de former fans et ambassadeurs de la page/communauté/réseau.

On peut alors se rendre compte qu’il y a une contradiction avec notre envie de découverte, d’expression (de liberté créatrice) et les moules dans lesquels ils faut obligatoirement rentrer pour pouvoir s’exprimer, produire. Effectivement, lorsque l’on parle, même sur la base d’un monologue, on attend un retour, une réaction. Quelque chose sur lequel rebondir (Mondoux, 2009).

IV.b.2. L’auteur social

En 1936, Paul Eluard (1895-1952) envisage déjà un communisme de l’écriture, qui effacerait la frontière entre les poètes professionnels et les amateurs. Cela se présente comme « un triomphe de l’amateurisme » (Belin, 2020). Avant cela, l’amateurisme se heurte à la représentation que l’on a traditionnellement de la poésie ; une inspiration et un travail sur la langue hors-pair. On réalise alors que cette perception ne laisse pas de place à l’amateurisme, on ne veut pas que cet exercice littéraire soit démocratisé et désacralisé. Ce n’est qu’au 19e siècle que la poésie commence à se démocratiser (Belin, 2020), bien qu’à la suite de la révolution française, il y a déjà eu une démocratisation de l’accès aux livres.

Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, on pourrait penser que tout le monde peut se targuer de publier des poèmes ou du texte en général (même si cela reste sur ses propres pages/murs/feed) de son cru. Il apparaît alors difficile de qualifier une personne d’auteur. Cependant, nous avons vu plus haut que le concept même de l’auteur avait changé :

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« La plupart des poètes actifs sur Twitter, Instagram ou Wattpad, en effet, ne cultivent guère l’impersonnalité, l’anonymat ou la banalité comme peut le faire une part de la poésie moderne et contemporaine, mais intègrent délibérément la pratique poétique à la constitution d’espaces de collégialité et de convivialité, ce qui redessine les contours d’une poésie communicative et transitive, à la fois publique et intime, lyrique et ludique. » (Belin, 2020).

Avec les médias sociaux, on est passé de la culture de la consommation à la culture de la participation (Ramdarshan Bold, 2018). Les réseaux sociaux auraient sûrement beaucoup amusé les fondateurs de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (l’OuLiPo)6 qui auraient pu y voir un vaste terrain d’écriture imposant, selon le réseau, une certaine contrainte. Et c’est sans le savoir que les internautes développent les visées de l’OuLiPo.

VI.b.3. Rappel sur certains réseaux et plateformes sociales

Twitter

On pourrait commencer par illustrer ces propos en parlant du réseau social Twitter.

Cette plateforme intime un certain nombre de caractère par tweet, c’est à une contrainte de forme que les utilisateurs sont forcés de se plier (jusqu’en 2017, la limite d’un tweet était de 140 caractères. Elle est, aujourd’hui, de 280 caractères). Twitter se voit devenir un terreau d’expérimentations où se forme le twaïku par exemple (mot valise formé des termes Twitter et haïku) qui consiste en 3 vers libres. Le twaïku est loin d’être un phénomène isolé. En effet, le twiller (mot valise formé des termes Twitter et Thriller) – ou la construction d’un roman du genre thriller par morceau de 280 caractères – nait aussi sur la plateforme sociale. L’écrivain Thierry Crouzet, admirateur de Georges Perec (membre incontournable de l’OuLiPo) a tenté l’expérience en 2008 avec son ouvrage Croisade qu’il a donc posté à coup de 140 caractères sur Twitter.

6 L’OuLiPo, fut créé en 1960 par François le Lionnais avec Raymond Queneau comme co- fondateur. Leur but, faire du neuf avec du vieux ou inventer de nouvelles contraintes par eux- mêmes. Les Oulipiens ont une tâche ardue mais des plus stimulantes, qui renouvelle les formes littéraires et alimente les pratiques de nouvelles possibilités narratives et poétiques.

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Composé de 80 chapitres sur le thème de la néo croisade technologique, son roman témoigne d’un système qui l’a plus inspiré qu’ennuyé finalement. Cette contrainte pousse l’auteur a réinventer sa façon d’écrire et à celle-ci s’ajoute le « direct » de l’écriture, les lecteurs peuvent réagir. Thierry Crouzet déclare sur son blogue, qu’ils peuvent être des « capteurs sismiques » et qu’ils l’influencent ; « Quand on me demande de révéler quelque chose sur un personnage, soit ça me donne une idée pour développer dans une direction imprévue, soit, au contraire, je retarde le moment de dire… » (Crouzet, 2009).

Ces nouvelles façons de faire sont de plus quelque peu reconnues par des institutions comme les universités. En effet, l’Université de Lausanne avait lancé plusieurs concours de twaïku en 2016, ce qui a formé une sociabilité autour de cette sorte de vers. La micropoésie fait sa place ainsi que ses auteurs. On observe que cette contrainte d’un certain nombre de caractère est liée au fonctionnement du réseau car Twitter est une plateforme sur laquelle tout va très vite ; les messages sont courts, si on aime, on les like ou on les retweete. Les textes sont vite lus et et vite partagés, le flux de ce réseau est très rapide, les messages sont instantanés et éphémères. On pourrait voir Twitter comme une expérience de l’instant présent. De plus, les usagers de ce réseau, lorsqu’ils partagent un micropoème, utilisent souvent un hashtag (#poesie ; #haiku ; #twaiku ; …) ce qui permet de l’identifier comme un auteur. C’est utile pour eux, afin de se créer davantage de visibilité ainsi que pour ceux qui cherchent à lire ce genre de mini textes. Ce hashtag accroit la diffusion de ce genre de message dans un cadre donné en s’insérant dans la communauté des auteurs et lecteurs. Ce signe permet aussi une catégorisation des différents genres de mini textes. On réalise alors qu’il existe bien une poésie collective créée au fur et à mesure.

Instagram

Instagram est aussi un réseau sur lequel pullulent les auteurs. Comme Twitter, c’est une interface qui permet à ses utilisateurs de casser les codes en publication de texte et de tirer parti de ses spécificités. Instagram est une plateforme dont la caractéristique de base est l’image : l’auteur va donc poser son texte sur une image, le mélanger à une photo ou à une vidéo ou encore l’écrire sous celle-ci. Les auteurs usagers d’Instagram publient souvent des images de textes dont la police se rapproche de l’écriture manuelle ou encore de la typographie de type machine à écrire. Il y a un

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