Problématique et hypothèses

Le contexte contemporain et le cadre conceptuel nous ont conduit à problématiser le sujet suivant :

Dans quelle mesure l’ESS représente-t-elle un dispositif socioéconomique idéal pour la transition écologique ? Étude de cas de l’apport de l’ESS autour d’un pilote de RTE dans

le canton de Vaud.

Par suite logique et en se basant sur les arguments développés précédemment, nous en avons déduit ces deux hypothèses :

1) L’ESS représente un allié idéal du RTE grâce à ces trois points :

a. Innovation socioéconomique et managériale : gouvernance collaborative, lucrativité limitée, utilité sociale, intérêt collectif, raison d’être socioécologique – baisser son empreinte écologique tout en créant du lien social

b. Activité locale de ses acteurs : relocalisation à impact écologique positif et ancrage socioéconomique dans un territoire donné

c. Modèles d’affaires circulaires et durables

2) Le RTE permettrait de développer l’ESS via ses trois volets constitutifs : a. Le revenu monétaire

b. Le dispositif d’accompagnement

c. L’adhésion à une structure démocratique 3.3 Méthodologie

3.3.1 Entretiens qualitatifs

Afin de tester ces hypothèses, nous avons procédé à une récolte de données primaires, sous forme d’entretiens semi-directifs, mais avec une certaine dimension exploratoire pour

« défricher » le terrain, pour identifier les acteurs intéressés, intéressants, les synergies, les articulations, etc. Le but principal est de mettre en lumière à la fois les éventuels liens et incompatibilités entre l’ESS et le RTE. Globalement, la méthode adoptée ici se base sur les guides d’Alain Blanchet, d’Anne Gotman (2005) et de Chauncey Wilson (2013).

Les enquêtés ont été contactés par mail ou par téléphone. Le lien s’est fait très facilement, les personnes montrant un intérêt particulier pour le sujet. Les dix entretiens ont été enregistrés, retranscrits et codés. Seules les parties jugées pertinentes pour le travail ont été retranscrites⁶⁶. Les entretiens ont été réalisés en ligne durant les mois de novembre et décembre 2020 au moyen de Skype ou Zoom, suite aux conditions sanitaires. Bien que l’échange, sur un plan humain et social, ne soit pas équivalent à une entrevue présentielle, nous n’avons pas rencontré de difficultés particulières pendant les entretiens à distance. Ceux-ci ont duré, en moyenne, une heure chacun.

À noter que, ce travail, dans son ensemble, ne s’appuie pas uniquement sur les entretiens. En effet, l’analyse des entretiens est complétée par la recherche bibliographique et les sources académiques, auxquelles nous avons fait référence – pour étayer nos propos – dans les chapitres antérieurs. Le chapitre suivant repose, quant à lui, sur des témoignages tirés des

66 Les retranscriptions partielles sont disponibles en annexe.

entretiens. Les citations n’ont pas été retouchées, de sorte à rester au plus proche du sens exprimé par les enquêtés.

3.3.2 Sélection et présentation de l’échantillon

La sélection s’est faite à l’aide de ma superviseuse académique et de mon maître de stage. Nous avons tenté d’identifier les acteurs-clés de la transition écologique dans le canton de Vaud, à la fois du côté du RTE et de l’ESS. Quant aux acteurs de cette dernière, nous avons décidé, après réflexion, qu’il était pertinent de sélectionner des personnes également en dehors des membres d’APRÈS-VD, notamment en se basant sur les travaux de Gonin et Gachet (2015), qui montrent que les acteurs de l’ESS vaudoise constituent une nébuleuse ; il serait donc incomplet de s’arrêter aux membres d’APRÈS-VD. Le but était aussi de toucher des domaines variés de l’ESS, même s’il est évidemment impossible, dans le cadre de ce mémoire, d’interroger tous les secteurs actifs dans l’ESS. L’échantillon n’est donc pas censé être représentatif, mais offre certains points de vue, approfondis, d’acteurs-clés de l’ESS et de l’implémentation du RTE dans le canton de Vaud. Chacun a apporté des éléments précieux à l’analyse, selon sa position respective.

À une exception près, toutes les personnes interviewées ont accepté d’être nommées, ce qui facilite la compréhension pour le lecteur. Voici une brève présentation des acteurs :

• Alexandre Burnand : membre du comité d’APRÈS-VD et acteur de l’ESS depuis plusieurs années ;

• Fanny Brenet : membre du comité d’APRÈS-VD, intéressée par l’entrepreneuriat et la transition écologique, diplômée à l’EPFL en sciences de la vie en 2018 ;

• Christophe Dunand : membre du comité d’APRÈS-GE, co-fondateur de l’association en 2003, et ex PDG de « réalise⁶⁷ » à Genève ;

• Bertrand Donninger : responsable financement entreprises en Romandie à la Banque Alternative Suisse⁶⁸ (BAS), entreprise membre d’APRÈS-VD ;

• Julie Scotton : co-fondatrice de la bibliothèque d’objets « La Manivelle⁶⁹ » à Lausanne en 2019, représentante du pôle « partenariat », non-membre

67 https://www.realise.ch/fr

68 https://www.bas.ch/

69 https://lausanne.manivelle.ch/

d’APRÈS-VD, docteure en sciences de la vie moléculaire à l’EPFL depuis 2018 ;

• Cyril Maillefer : fondateur de « L’Autre Temps⁷⁰ » en 2011, coopérative basée dans la commune vaudoise de Chavornay et membre d’APRÈS-VD. C’est une entreprise sociale prestataire de programmes d’insertion socioprofessionnelle.

Ils ont, par exemple, une ferme agroécologique (Rovéréaz) et une bourse aux fruits ;

• Jean-Claude Huot : agent pastoral pour la pastorale œcuménique dans le monde du travail (Vaud), acteur de l’ESS, membre d’APRÈS-VD, et potentiel futur acteur du RTE ;

• Paul⁷¹ : responsable d’une ONG en Romandie impliquée dans la proposition de mise en œuvre d’un RTE dans le canton de Vaud, non-membre d’APRÈS-VD ;

• Mònica Serlavós : directrice de la fondation Zoein, contribue à l’implémentation du RTE en Suisse, docteure en sciences de l’environnement à l’UNIL depuis 2020 ;

• Christian Anglada : responsable pédagogique de l’association « Les Jardins du Rocher⁷² », association non-membre d’APRÈS-VD et impliquée dans le pilote du RTE vaudois.

3.3.3 Élaboration des guides d’entretien

Pour accompagner les entretiens, nous nous sommes appuyés sur deux guides d’entretien, disponibles en annexe. L’un contient des questions principalement destinées aux acteurs de l’ESS, et l’autre aux acteurs du RTE. Mais, globalement, ils sont fort semblables.

Chaque guide a été légèrement adapté à la personne interviewée. Les questions sont majoritairement ouvertes, de sorte à laisser aux acteurs une certaine liberté. Certaines questions sont directes, d’autres indirectes. De manière générale, les guides ont été élaborés à partir des hypothèses et du cadre conceptuel présentés ci-dessus. Certaines questions sont inspirées du canevas d’adhésion d’APRÈS-VD, lequel n’est pas disponible publiquement. En excluant les questions de relance, les guides comprennent entre 10 et 15 questions.

70 https://autre-temps.ch/

71 Prénom d’emprunt.

72 http://www.jardinsdurocher.ch/

3.3.4 Analyse thématique

D’un point de vue épistémologique, nous nous référons ici essentiellement à l’article de Braun et Clarke (2006). Celui-ci a permis d’identifier les manières les plus adéquates d’analyser thématiquement les entretiens, notamment en suivant les différentes phases relatives au codage.

Les thèmes ont été identifiés à un niveau relativement explicite ou sémantique, c’est-à-dire que, le plus souvent, nous n’avons pas cherché à lire entre les lignes. La plupart des thèmes occupe une place prépondérante au sein de chaque entretien. Certains thèmes sont d’ordre plus théoriques, ou académiques, et d’autres plus pratiques, ou plus tournés vers la stratégie et l’opérationnel. Une fois les cinq grands thèmes identifiés, le codage des retranscriptions a été effectué manuellement sur Word. Puis, en regroupant les codes selon les différents thèmes et acteurs, l’analyse a été rédigée sous forme d’une synthèse à la fois descriptive et interprétative.

CHAPITRE 4 - L’ESS

RTE,

?

L’objectif principal de ce travail est d’apporter de nouveaux éléments analytiques quant aux perspectives possibles de transition écologique. Jusqu’à maintenant, nous avons contextualisé notre époque – traversée par des crises conséquentes –, mis en cause le modèle socioéconomique dominant, présenté une éventuelle alternative à ce modèle, analysé quelques-unes de ses caractéristiques – au prisme de la durabilité –, et proposé le cadre conceptuel spécifique et inédit du RTE, afin de le mettre en perspective avec l’ESS. Dans ce chapitre, nous allons étudier les éventuelles synergies entre ce dispositif et ce mouvement, tous deux étant perçus comme de potentiels vecteurs de la transition écologique. Cette analyse, qui repose sur des données recueillies à travers des entretiens, tentera de compléter notre analyse plus

« académique » des chapitres précédents. Ainsi, dans quelle mesure l’ESS et le RTE se nourrissent-ils mutuellement, à un niveau à la fois théorique et pratique ?