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2.4.1 Valeurs, principes d’action et durabilité

Nous allons présenter ici la conception de l’ESS par l’organisme faîtier de l’ESS vaudoise, à savoir l’association APRÈS-VD. Ces critères sont rassemblés au sein d’une charte58, dont le but est de connaître et reconnaître les valeurs qui définissent l’identité

commune et orientent l’action des acteurs de l’ESS vaudoise. La charte permet, en quelque sorte, de dessiner les contours du périmètre de ce type d’économie, de les clarifier. Il est donc important de les appréhender pour ensuite procéder à l’analyse de ce champ. Par ailleurs, la signature de cette charte est un acte contractuel, mais n’est pas contraignant : « par sa signature, toute partie prenante s’engage à mettre progressivement en œuvre les termes de la Charte et à

déployer tous ses efforts pour les faire partager à ses réseaux et les traduire dans ses activités comme dans ses relations avec le secteur privé et avec l’État » (APRÈS-VD, 2014, p. 1). Voici, de manière résumée, les sept valeurs de l’ESS retenues dans la charte d’APRÈS-VD59 :

1. « Bien-être social : être plutôt qu’avoir » – primauté de la personne sur le capital (personnalisme60) ; reconnaissance de dimensions immatérielles (esthétiques, émotionnelles, spirituelles, etc.) ;

2. « Citoyenneté : chaque contributeur a une voix qui compte » – participation égalitaire en appliquant la démocratie participative et en reconnaissant le rôle de chacun ;

58 Précisons que cette charte se base sur celle d’APRÈS-GE, consultable à cette adresse : https://www.apres-ge.ch/sites/default/files/Charte_ESS_francais.pdf.

59 http://www.apres-vd.ch/wp-content/uploads/2014/05/charte-ess-vd.pdf

60 Voir (Swaton, 2018c) pour une analyse développée de la philosophie de la personne dans l’ESS.

3. « Écologie : produire pour vivre et non vivre pour produire » – reconnaissance de l’interdépendance des processus socioéconomiques et écologiques ; respecter l’équilibre écologique ;

4. « Autonomie : autonomes mais pas individualistes » – recherche d’une plus grande indépendance vis-à-vis du secteur public et privé ;

5. « Solidarité : 1 + 1 > 2 » – privilégier la recherche de l’intérêt collectif par rapport à l’intérêt individuel ; valorisation de la création de liens sociaux ; 6. « Diversité : riches de nos différences » – prohibition de toutes formes de

discrimination et valorisation des différences ;

7. « Cohérence : dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit » – recherche d’une cohérence entre les valeurs prônées à tous les niveaux de fonctionnement.

Ces valeurs sont ensuite complétées par des principes d’action vers lesquels les acteurs de l’ESS sont supposés tendre. Citons ceux qui nous semblent significatifs dans le cadre de ce travail. En premier lieu, un volet social et démocratique est encouragé :

• « Définir, protéger et développer l'utilité sociale de ses activités et s'écarter de toute organisation qui contribue à la violence, à la destruction et à diverses formes d'asservissement ;

• Développer des relations économiques avec des filières de production qui offrent des conditions de travail et de rémunération équitables ;

• Poursuivre un but non lucratif ou à lucrativité limitée. Les éventuels profits sont prioritairement réinvestis pour promouvoir le but social de l’activité ;

• S’informer et sensibiliser aux problématiques d’équité et de justice sociale ;

• Rechercher l'égalité : une personne qui contribue de manière significative aux activités a une voix ;

• Attribuer les responsabilités et les pouvoirs de décision au plus près de l'action et des usagers, en favorisant une structure horizontale. »

S’ensuit un volet environnemental :

• « S'appliquer à la sobriété et la simplicité volontaire, pour diminuer l’empreinte écologique de son activité et pouvoir redistribuer ;

• Connaître, appliquer et transmettre les solutions et pratiques plus respectueuses de l'environnement : tri des déchets, récupération, recyclage, utilisation

d'énergies renouvelables, mobilité douce, économies d'énergie (eau, électricité, essence, pétrole, etc.) ;

• Privilégier la consommation locale et saisonnière ;

• Développer des relations d’échange et de consommation avec des filières de production qui respectent notamment les cycles écologiques naturels et une minimisation de l’utilisation des ressources énergétiques fossiles ;

• Choisir d'appliquer ces solutions préférentiellement, même si elles coûtent plus cher. »

En dernier lieu, un volet sur le travail est exposé :

• « Promouvoir une ambiance et des conditions de travail favorables à l'épanouissement des personnes ;

• Rendre publique la rémunération des collaborateurs et veiller à limiter les écarts de l’échelle de salaire ;

• Offrir un emploi stable et/ou évolutif aux employés ;

• Intégrer des personnes en rupture ou difficulté professionnelle. »

De surcroît, APRÈS-VD a publié, en mai 2020, un plaidoyer 61 en faveur du développement de l’ESS dans le canton de Vaud. Ce plaidoyer milite pour le développement de « territoires résilients aux changements climatiques et socialement inclusifs » et déclare que l’approche de l’ESS est une approche « systémique », permettant de « réconcilier rentabilité économique avec régénération écologique et cohésion sociale. » L’association a également relayé sur son site web le manifeste d’APRÈS-GE pour un new deal écologique et solidaire62, faisant suite à la crise sanitaire que nous traversons. Enfin, l’association APRÈS-GE a également tenu à définir la durabilité et la transition qu’elle promeut dans un document publié

en mai 201763. Celui-ci mentionne, notamment, un but de « réduire équitablement l’empreinte écologique » et de « ne dépasser aucune des frontières écologiques de la biosphère. » Sur un plan théorique du moins, les objectifs sont ainsi en phase avec les enjeux évoqués dans le premier chapitre.

61 http://www.apres-vd.ch/wp-content/uploads/2020/05/Plaidoyer-ESS-VD_2020-pdf.pdf

62 https://www.apres-ge.ch/system/files/documents/page/manifeste_apres_signataires_2020.04.29_0.pdf

63 https://www.apres-ge.ch/actualites/apres-ge-presente-sa-vision-de-la-transition

2.4.2 Les formes juridiques en Suisse

Même si, comme déjà mentionné, l’approche par les formes juridiques ne suffit pas à définir le mouvement de l’ESS64, il est important de connaître les possibilités institutionnelles à cet égard. En Suisse, le cadre légal permet une relative intégration des organisations de l’ESS65. Les formes traditionnellement les plus proches de l’ESS sont (APRÈS-GE, 2012, 2015, p. 8) :

• L’association : organisation à but idéal, obligatoirement à but non lucratif ; l’organe suprême est l’assemblée générale, chaque membre dispose d’une voix ;

• La coopérative : organisation à but économique idéalisé, en garantissant des intérêts patrimoniaux communs pour ses membres ; rémunération limitée du capital ; l’organe suprême est l’assemblée générale, chaque coopérateur a une voix ;

• La fondation : masse de biens dotée de la personnalité juridique et affectée à la poursuite d’un but idéal ; à but non lucratif ; l’organe suprême est le conseil de fondation.

Pourtant, les formes généralement liées au secteur privé lucratif ont désormais un poids croissant au sein de l’ESS romande. Ceci est explicable par la primauté – en tout cas dans le canton de Genève et de Vaud – de l’approche par les critères sur l’approche par les formes juridiques (APRÈS-GE, 2015, p. 18). Ces « nouvelles » formes sont les suivantes :

• La Société Anonyme (SA)

• La Société à responsabilité limitée (Sàrl)

• La Raison Individuelle (RI)

64 Pour un débat approfondi sur la question, basé sur l’exemple d’APRÈS-GE, voir (Swaton & Baranzini, 2013).

65 À noter que la forme mutualiste n’existe pas en Suisse.

CHAPITRE 3 - C

A DR E C ON CE PT UE L ET