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L’ESS et le RTE comme vecteurs de la transition écologique ?: étude de cas dans le canton de Vaud

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Academic year: 2022

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Master

Reference

L'ESS et le RTE comme vecteurs de la transition écologique ?: étude de cas dans le canton de Vaud

JOSSERON, David Robert Thierry

Abstract

Ce travail s'inscrit dans le cadre de la transition écologique. Il montre, en premier lieu, les limites du système socioéconomique actuel, et discute des enjeux qui caractérisent le 21ème siècle, tant au niveau social qu'environnemental. En second lieu, ce mémoire explore des pistes de solution pour accélérer et opérer la transition écologique dans un territoire donné – ici le canton de Vaud. L'économie sociale et solidaire (ESS) et le revenu de transition écologique (RTE) sont tous deux considérés comme de potentielles voies de sortie de la crise sociale et écologique. En dernier lieu, à travers des entretiens qualitatifs effectués auprès de divers acteurs-clés de la transition, ce travail cherche à analyser les possibles synergies entre l'ESS et le RTE, de manière à consolider l'implémentation d'un pilote de RTE sur le territoire vaudois, possiblement. Les résultats, bien que de plus amples recherches soient requises, attestent que des synergies existent bel et bien. Nous suggérons d'entreprendre une collaboration entre les acteurs vaudois de l'ESS et du RTE, lesquels contribuent tous deux [...]

JOSSERON, David Robert Thierry. L'ESS et le RTE comme vecteurs de la transition écologique ?: étude de cas dans le canton de Vaud. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:148427

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L’ESS ET LE RTE COMME VECTEURS DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ? ETUDE DE CAS DANS LE CANTON DE VAUD

DAVID JOSSERON – SUPERVISÉ PAR SOPHIE SWATON, PROFESSEURE (UNIL) RAPPORT DE STAGE (APRÈS-VD)

MASTER DE SOCIOÉCONOMIE JANVIER 2021

Université de Genève – Institut de démographie et socioéconomie https://www.unige.ch/sciences-societe/ideso

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T

AB LE D E S M AT I ER ES

Liste d’acronymes _____________________________________________________ 1 Remerciements _______________________________________________________ 2 Résumé _____________________________________________________________ 3 Abstract _____________________________________________________________ 3 Introduction _________________________________________________________ 4 Du désencastrement de l’économie___________________________________________ 4 À son réencastrement ? ____________________________________________________ 7 Le contexte de ce travail ___________________________________________________ 9 CHAPITRE 1 - Des enjeux du 21ème siècle ______________________________ 10

1.1 La crise écologique ________________________________________________ 10 1.1.1 Le déclin de la biodiversité ______________________________________________ 10 1.1.2 Le changement climatique _______________________________________________ 11 1.1.3 La finitude des ressources et le pic pétrolier _________________________________ 12 1.1.4 Le dépassement des limites planétaires _____________________________________ 12 1.2 La crise sociale ___________________________________________________ 14 1.2.1 Les inégalités _________________________________________________________ 14 1.2.2 L’emploi _____________________________________________________________ 15 1.2.3 Justice sociale et crise écologique _________________________________________ 16 1.3 État des lieux et enjeux des territoires suisse et vaudois __________________ 18 1.3.1 La Suisse ____________________________________________________________ 18 1.3.2 Le canton de Vaud _____________________________________________________ 19 1.4 La croissance verte comme modèle de développement ? _________________ 20 1.4.1 L’indicateur du PIB ____________________________________________________ 20 1.4.2 Le découplage ________________________________________________________ 21 1.4.3 Changer de cap ? ______________________________________________________ 23 1.5 La transition écologique ____________________________________________ 24 1.6 Conclusion du chapitre ____________________________________________ 25 CHAPITRE 2 - L’ESS en revue _______________________________________ 26

2.1 Contextualisation historique ________________________________________ 26 2.2 Les différents courants théoriques et pratiques _________________________ 29 2.2.1 L’associationnisme _____________________________________________________ 30 2.2.2 Le tiers-secteur ________________________________________________________ 30 2.2.3 L’économie sociale ____________________________________________________ 31 2.2.4 L’économie solidaire ___________________________________________________ 32 2.2.5 L’entrepreneuriat social _________________________________________________ 33 2.2.6 La responsabilité sociale des entreprises ____________________________________ 34 2.2.7 La jonction « ESS » ____________________________________________________ 36 2.3 L’ESS vue au prisme de la transition écologique _______________________ 37 2.3.1 L’utilité sociale ________________________________________________________ 38 2.3.2 L’ancrage territorial ____________________________________________________ 40 2.3.3 La gouvernance collaborative ____________________________________________ 41 2.3.4 La lucrativité limitée ___________________________________________________ 42

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2.4 L’ESS selon APRÈS-VD et APRÈS-GE _______________________________ 43 2.4.1 Valeurs, principes d’action et durabilité ____________________________________ 43 2.4.2 Les formes juridiques en Suisse ___________________________________________ 46

CHAPITRE 3 - Cadre conceptuel et Méthodologie ________________________ 47 3.1 Le RTE __________________________________________________________ 47

3.1.1 Définition et cadre _____________________________________________________ 47 3.1.2 Soubassements philosophiques ___________________________________________ 48 3.1.3 La mise en œuvre du dispositif à travers une CTE ____________________________ 50 3.2 Problématique et hypothèses ________________________________________ 51 3.3 Méthodologie _____________________________________________________ 52 3.3.1 Entretiens qualitatifs ____________________________________________________ 52 3.3.2 Sélection et présentation de l’échantillon____________________________________ 53 3.3.3 Élaboration des guides d’entretien _________________________________________ 54 3.3.4 Analyse thématique ____________________________________________________ 55

CHAPITRE 4 - L’ESS et le RTE, un avenir commun ? ____________________ 56 4.1 Stade d’avancement du pilote _______________________________________ 56 4.2 Sur la même longueur d’onde ? ______________________________________ 57 4.3 L’ESS comme milieu d’implémentation idéal du RTE ? _________________ 60 4.3.1 Les points forts de l’ESS ________________________________________________ 60 4.3.2 Les limites de l’ESS ____________________________________________________ 64 4.4 Le RTE comme soutien au développement de l’ESS ? ___________________ 67 4.4.1 Les points forts du RTE _________________________________________________ 67 4.4.2 Les limites du RTE _____________________________________________________ 74 4.5 Un futur opérationnel commun ? ____________________________________ 79 4.6 Au-delà du canton de Vaud ? _______________________________________ 82 4.7 Conclusion du chapitre ____________________________________________ 83 Conclusion générale __________________________________________________ 85

4.8 Recommandations et limites ________________________________________ 85 4.9 Résultats généraux et perspectives ___________________________________ 87 Références bibliographiques ___________________________________________ 89

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L

I S TE D

AC R ONY M E S

AC Approche par les capabilités

APRÈS Association de promotion de l’économie sociale et solidaire

BAS Banque alternative suisse

BIT Bureau international du travail

CF Conseil fédéral (Suisse)

CTE Coopérative de transition écologique

DD Développement durable

DES Département de l’environnement et de la sécurité (Vaud)

DGE Direction générale de l'environnement (Vaud)

ESS Économie sociale et solidaire

GES Gaz à effet de serre

GIEC / IPCC Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

IEA International energy agency

IPBES Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ODD / SDG Objectifs de développement durable

OFEV Office fédéral de l'environnement

ONU Organisation des Nations unies

PIB Produit intérieur brut

RBI Revenue de base inconditionnel

RIPESS Réseau intercontinental de promotion de l'économie sociale solidaire RSE / CSR Responsabilité sociale des entreprises

RTE Revenue de transition écologique

UNEP Programme des Nations unies pour l'environnement

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R

E M ER C IE ME NT S

Je voudrais dans un premier temps remercier tous les membres du comité de l’association APRÈS-VD (Alexandre B., Fanny, Lucie, Sophie H., Jacques-André et Julie R.), qui m’ont accordé une grande confiance en me donnant une large marge de manœuvre dans l’élaboration de mon projet de recherche. Tout particulièrement, je souhaite remercier Alexandre Burnand, mon maître de stage, pour son accompagnement rigoureux et régulier tout au long de ce travail. Sans son expérience, ses conseils et ses orientations, ce travail n’aurait pas été le même, et ce en bien des aspects. Son attache avec les acteurs de l’ESS m’a apporté

une aide considérable lors du contact des personnes avec qui j’ai pu m’entretenir par la suite.

Par ailleurs, un tout grand merci aux personnes interviewées, qui se sont montrées fort disponibles pour mes entretiens. Ces dernières ont apporté une dimension supplémentaire à ce travail.

Je remercie également mes amis, et plus particulièrement Murillo, Alexandre L., et Thibaud, qui ont fortement contribué à mon émancipation intellectuelle. Encore merci à Thibaud, pour sa précieuse relecture. Mille mercis à mes parents, pour m’avoir toujours soutenu, quels que soient mes choix, et rendu attentif à d’autres réalités que celles issues du monde académique.

Je souhaite remercier Solène Morvant-Roux pour avoir accepté de participer au jury de soutenance.

Enfin, je souhaite adresser des remerciements distincts à ma superviseuse académique, Sophie Swaton, pour sa sympathie, sa rigoureuse direction, et ses recommandations indispensables. Je suis extrêmement reconnaissant d’avoir pu bénéficier de son expérience à la fois académique et pratique. Ses connaissances profondes de l’ESS et des enjeux écologiques, outre son savoir-faire de chercheuse, m’ont permis d’apporter un certain fond conceptuel à mon rapport de stage. De surcroît, ses liens avec les acteurs de l’ESS et du RTE – compte tenu de son rôle de théoricienne de l’outil et de pionnière dans l’implémentation de celui-ci – ont grandement facilité l’accès au terrain.

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R

E S UM E

Ce travail s'inscrit dans le cadre de la transition écologique. Il montre, en premier lieu, les limites du système socioéconomique actuel, et discute des enjeux qui caractérisent le 21ème siècle, tant au niveau social qu'environnemental. En second lieu, ce mémoire explore des pistes de solution pour accélérer et opérer la transition écologique dans un territoire donné – ici le canton de Vaud. L’économie sociale et solidaire (ESS) et le revenu de transition écologique (RTE) sont tous deux considérés comme de potentielles voies de sortie de la crise sociale et écologique. En dernier lieu, à travers des entretiens qualitatifs effectués auprès de divers acteurs-clés de la transition, ce travail cherche à analyser les possibles synergies entre l'ESS et le RTE, de manière à consolider l'implémentation d'un pilote de RTE sur le territoire vaudois, possiblement. Les résultats, bien que de plus amples recherches soient requises, attestent que des synergies existent bel et bien. Nous suggérons d’entreprendre une collaboration entre les acteurs vaudois de l'ESS et du RTE, lesquels contribuent tous deux au réencastrement de l’économie. Enfin, nous recommandons également d’amorcer un pilote de RTE dans le canton de Genève, tel qu’envisagé dans le canton de Vaud.

A

B S TRA CT

This work is part of the ecological transition. It shows, first, the limits of the current socio-economic system, and discusses the challenges that characterize the 21st century, both socially and environmentally. Secondly, this thesis explores possible solutions to accelerate and operate the ecological transition in a given territory – here the canton of Vaud. Social and solidarity economy (SSE) and the ecological transition income (ETI) are both considered as potential ways out of the social and ecological crisis. Finally, through qualitative interviews carried out with various key players in the transition, this work seeks to analyze the possible synergies between SSE and the ETI, so as to consolidate the implementation of an ETI pilot in the canton of Vaud, possibly. The results, although more research is needed, show that synergies do exist. We suggest moving towards collaboration between the Vaudois actors of SSE and the ETI, both of which contribute to the re-embedding of the economy. Eventually, we also recommend starting an ETI pilot in the canton of Geneva, as envisaged in the canton of Vaud.

Mots-clés : transition écologique, encastrement, économie sociale et solidaire, revenu de transition écologique

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I

N TR OD UC T I ON Du désencastrement de l’économie

« La fonction économique n’est que l’une des nombreuses fonctions vitales de la terre. Celle-ci donne sa stabilité à la vie de l’homme ; elle est le lieu qu’il habite ; elle est une condition de sa sécurité matérielle ; elle est le paysage et les saisons. Nous pourrions aussi bien imaginer l’homme venant au monde sans bras ni jambes que menant sa vie sans terre » (Polanyi, 2009, p. 253).

Ces quelques mots, l’économiste Karl Polanyi les a originellement écrits en 1944.

Septante-six ans plus tard, la séparation de l’homme et de la terre est à son paroxysme ; elle est telle que l’humanité, en tout cas en Occident, oppose désormais presque entièrement le concept de culture à celui de nature (Descola, 2018), de sorte à nous mener au point de rupture que nous connaissons aujourd’hui. Ce point de rupture, c’est une menace, quasi intangible mais bien réelle – et déjà en cours –, d’une sixième extinction de masse. Ce point de rupture, c’est aussi l’opportunité de revenir sur notre rapport à la nature. Ce lourd enjeu anthropologique implique sans doute de repenser nos modes de consommation et de production, c’est-à-dire de repenser, dans une optique disruptive, notre modèle économique.

Ce modèle est fondé sur la théorie économique néoclassique. Au cœur de celle-ci se trouve le récit de l’homo oeconomicus, cet homme économique qui serait guidé, de manière utilitariste, par son propre intérêt. Rationnel, il cherche à la fois à maximiser son utilité et à minimiser ses coûts ; ses préférences sont ordinales et ne dépendent que de lui (la société n’a pas d’influence sur celles-ci) (Clerc & Piriou, 2011). Ces hypothèses sont celles de la théorie microéconomique, pourtant déconstruite par l’hérésie économique (Fine, 2016; Keen, 2017), et désormais aussi fortement remise en cause par l’orthodoxie, notamment à travers le développement de l’économie comportementale. Cette conception abstraite de l’être humain, où celui-ci est réduit à un simple consommateur ou producteur, résulte certainement d’un désencastrement de l’économie – ou vice versa.

Cette notion polanyienne suppose une déconnexion entre économie et société. L’humain ne serait qu’un simple agent économique dans une société où les lois de l’offre et de la demande sont érigées en lois naturelles. Le postulat de Polanyi est d’infirmer la naturalisation du Grand Marché en argumentant que celui-ci est une construction sociale, qui ne fonctionnerait pas sans les institutions mises en place par l’humain. Autrement dit, le marché autorégulateur comme seul moyen d’organiser les échanges économiques – l’économie dite formelle – est un mythe :

« en assimilant société et économie mais aussi économies et marchés, la présence d’un marché

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imaginaire aboutit à un réductionnisme économique » (Chochoy, 2015, p. 169). Un marché efficace doit s’autoréguler et tendre vers l’équilibre. Mais l’équilibre existe-t-il ?

« Aujourd'hui, la plupart des économistes dédaignent impérieusement l'idée que l'idéologie puisse jouer le moindre rôle dans leurs pensées. La profession a même conçu l'expression d’« économie positive » pour décrire une théorie économique sans jugements de valeur, alors que l'économie avec jugements de valeur se nomme « économie normative » – et elle glorifie le positif par rapport au normatif. Cependant, l'idéologie se tapit, par nature, dans l'ombre de l'économie positive, sous la forme de la croyance profonde dans l'équilibre. Comme les chapitres précédents l'ont montré, la théorie économique s'est contorsionnée de manière à s'assurer que ses résultats conduisent bien à l'idée qu'une économie de marché atteint l'équilibre » (Keen, 2017, Chapitre 8).

Par ailleurs, à la question « les marchés sont-ils efficaces ? », la crise dans laquelle se trouve actuellement l’humanité donne une piste de réponse. L’efficacité est en fait un terme bien subjectif et relatif. Le mythe du Grand Marché autorégulateur et de l’équilibre prend aujourd’hui une dimension toute particulière : il joue un rôle prépondérant dans l’anthropisation de l’environnement, car il laisse supposer que, grâce à un mécanisme économique automatique motivé par la recherche de croissance, le système Terre retournera à l’équilibre.

L’autonomisation de l’économie, en ce sens, « a engendré un oubli de l’imbrication entre économie, social et environnement qui est constitutif de l’idéologie du progrès et de la croissance » (Laville, 2016, p. 335). La croissance économique – nous y reviendrons – demeure un impératif de l’économie formelle, et ce malgré l’invraisemblance de la faisabilité de la croissance verte. L’économie formelle, dès lors, peut prétendre à sa naturalisation seulement parce qu’elle ne prend pas en considération les fonctions qui permettent la reproduction dans le temps des écosystèmes naturels (Passet, 1996, p. 74). Dans ce travail, c’est essentiellement en ce point que le désencastrement prend forme.

Depuis de nombreuses années maintenant, la situation gravissime du changement climatique, et plus généralement de l’environnement, est connue des dirigeants politiques et économiques. Pourtant, et ceci malgré les multiples sommets internationaux organisés autour du thème du climat, peu de choses évoluent ; les décideurs économiques mondiaux sont structurellement indifférents à l’intérêt de préserver l’habitabilité de la planète (Bourg, 2019), à l’instar des objectifs économiques qui, à l’échelle macro, restent immuables. Signée en 1992 par presque tous les pays, la convention-cadre des Nations Unies qui régit les conférences sur le climat posait le décor : les nations peuvent prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique, à condition de ne pas entraver le commerce international (article 3,

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alinéa 5)1. Le ton est donné. Lorsqu’il théorisa la notion de désencastrement, Polanyi ne pensait certainement pas au changement climatique2, mais aujourd’hui, il paraît pertinent de parler de déconnexion entre économie et société lorsque la croissance des échanges commerciaux est privilégiée à la vie – humaine et non-humaine – sur terre.

L’apogée 3 du désencastrement, que les sociétés thermo-industrielles traversent aujourd’hui, a été rendue possible grâce la mise en œuvre de la pensée néolibérale4 avec l’arrivée au pouvoir de Thatcher au Royaume-Uni et Reagan aux USA. L’agenda néolibéral a comme but principal la croissance économique, qui est accomplie via la privatisation – donc la marchandisation –, la dérégulation financière et le démantèlement du service public et des acquis sociaux (Bourdieu, 1998; Économistes atterrés, 2015) ; ceci dans un cadre où l’État, contrairement à la doctrine du laissez-faire ou du libéralisme classique, promeut activement les règles du jeu en imposant le marché à l’ensemble de la société (Amable, 2011). Par ailleurs, l’un des autres jalons du néolibéralisme, figure singulière du capitalisme (Dardot, 2013), est composé de la globalisation industrielle et financière. La libéralisation et l’ouverture des marchés financiers ont contribué à la financiarisation de l’économie, qui a notamment transformé une partie de la lutte contre la pauvreté dans les « pays du Sud » en un marché, par le biais de certains microcrédits malveillants s’inscrivant dans des préceptes néolibéraux (Fouillet et al., 2007). Quant à la globalisation industrielle, il n’est plus à démontrer que les activités économiques des entreprises multinationales sont souvent détachées du territoire où se trouvent le siège social ou la production. De plus, les échanges internationaux induits par leur commerce augmentent significativement les flux entropiques5 de ressources et d’énergie.

Le néolibéralisme, en assujettissant les pays à une concurrence féroce entre eux, a réussi à s’imposer comme un nouvel impératif indépassable : « There is no alternative » (TINA)6 (Barbara Stiegler, 2019). En ce sens, il constitue certainement la forme de désencastrement la plus pure de l’histoire contemporaine ; bien que l’urgence écologique soit connue et reconnue,

1 https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19920113/index.html

2 Même si, comme vu précédemment, Polanyi faisait une certaine critique écologique en dénonçant la marchandisation des terres.

3 Son apogée ou alors sa nouvelle forme contemporaine.

4 À l’origine de celle-ci, se trouvent des intellectuels comme Walter Lippman, Milton Friedman ou Friedrich Hayek. Les fondements néoclassiques sont d’autant plus présents au sein du néolibéralisme, notamment avec la naissance de la biopolitique (Foucault, 2000).

5 Ces flux font référence au deuxième principe de la thermodynamique ; cette branche s’oppose à la physique newtonienne, sur laquelle reposent les théories économiques néoclassiques (Georgescu-Roegen, 2011; Bernard Stiegler, 2018).

6 Célèbre slogan de Margaret Thatcher pour signifier que l’économie de marché est la seule économie possible.

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les lois du marché néolibéral (concurrence, croissance du PIB7, libre-échange, etc.) sont considérées comme inaliénables.

À son réencastrement ?

En parallèle de ce désencastrement, se construit une économie alternative à l’économie telle que formellement définie par les puissances publiques, ou telle qu’entendue dans l’imaginaire d’un citoyen lambda. Autrement dit, c’est une économie alternative à l’économie purement marchande, capitaliste, que cherche à construire le courant à la fois théorique et pratique de l’économie sociale et solidaire. Il n’est pas aisé de le définir brièvement – nous y reviendrons longuement plus tard –, mais en quelques mots, il s’agit d’une économie ni privée ni publique, située entre ces deux pôles, parfois dite du tiers secteur, qui poursuit simultanément un but commercial et social, marchand et non-marchand, et qui place l’humain au centre de son modèle. C’est une économie qui veut se constituer à partir de ses rapports au monde, de manière bottom-up, démocratique, en phase avec le réel, et c’est en ce sens qu’elle peut produire un réencastrement économique : « un premier mouvement exprime la tendance au désencastrement d’une économie restreinte à un marché autorégulateur et à une seule forme d’entreprise, un second mouvement lui répond, il exprime la tendance inverse au réencastrement démocratique de l’économie s’exprimant à travers une approche plurielle de celle-ci » (Laville, 2008). Des fondements a priori radicalement opposés à ceux de l’économie néoclassique susmentionnée.

Dans ce travail, nous nous intéresserons surtout à l’émergence de la problématique environnementale au sein de l’ESS, qui se dit être une alternative capable d’apporter des réponses concrètes à la crise climatique et écologique. Si le modèle économique actuel est à l’origine de cette crise, en changer constitue la solution. La question sociale est par ailleurs indissociable de la question écologique. C’est en partant de ces postulats que s’inscrit ce travail, qui vise à analyser, dans un territoire donné, la capacité de l’ESS à innover socialement et économiquement pour tendre vers un modèle écologiquement soutenable :

« C’est évidemment à cet endroit que l’économie sociale et solidaire entre en scène. Non plus comme une sorte d’appendice marginal au capitalisme mainstream, ou comme une concession destinée à se donner bonne conscience en aménageant le programme néolibéral en vue de rendre le choc de ses

« thérapies » moins traumatisant, mais comme la manifestation de ce qu’est fondamentalement une entreprise : un projet de société microéconomique dont la valeur repose sur son aptitude à augmenter la

7 Voir chapitre 1 pour une définition de l’indicateur et de ses préceptes.

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capacité relationnelle de ses parties prenantes à l’intérieur du cadre imposé à la fois par la dignité

humaine (décence du travail) et le respect de la planète (contrainte écologique) et, à travers elle, des générations futures. Ce projet microéconomique prend lui-même sens une fois replacé dans la perspective, macroéconomique cette fois, de la transition écologique. (…) Voilà donc les grandes lignes du cadre alternatif dans lequel l’économie de demain peut être pensée : un vaste projet d’abandon de l’économie héritée de la révolution industrielle et fondée presque exclusivement sur l’augmentation de la consommation d’hydrocarbures, en faveur d’une économie décarbonée, au sein duquel s’inscrit une redéfinition de la fonction de l’entreprise comme projet microéconomique qui ne prend sens qu’à condition de respecter deux contraintes fondamentales (humaine et écologique) et de contribuer à la qualité du tissu social » (G. Giraud, 2014, p. 25).

Par ailleurs, l’ESS n’est pas le seul acteur considéré ici. En effet, le dispositif du revenu de transition écologique, conceptualisé par Sophie Swaton, fait aussi l’objet de ce travail.

L’intérêt empirique de ce dernier est, en quelques mots, d’analyser les articulations possibles entre l’ESS et le RTE, sur le territoire du canton de Vaud, c’est-à-dire avec les acteurs vaudois de la transition écologique. L’idée finale est d’identifier d’éventuels liens possibles entre ces deux dispositifs, sachant que les chambres de l’ESS française et suisse sont considérées comme des alliés potentiels du RTE (Swaton, 2020, p. 102). Nous reviendrons longuement sur le RTE, mais précisons d’ores et déjà qu’il se distingue d’un projet comme le Revenu de Base Inconditionnel (RBI) ; ce dernier, comme son nom l’indique, est inconditionnel, tandis que le RTE est doté d’une conditionnalité bien spécifique : « chaque citoyen se verrait attribuer un socle garanti de revenu différent selon sa contribution, ou sa non-contribution, à l’effort collectif de contraction de l’empreinte écologique » (Swaton, 2018a, p. 142).

À l’heure actuelle, trois territoires en France sont déjà engagés, à des degrés différents, dans l’expérimentation d’un tel revenu : la ville de Grande Synthe, l’écosystème coopératif de Tera et la haute vallée de l’Aude8. En revanche, il n’existe encore pas d’expérimentation en Suisse – même si un projet pilote est actuellement en pourparlers dans le canton de Vaud. Les cantons du Jura et de Genève, à travers certains députés, ont aussi exprimé leur intérêt envers le RTE. Les enjeux et l’intérêt de ce travail sont ainsi tout à fait actuels : l’ESS vaudoise demande encore à être développée et visibilisée à une échelle plus importante, alors que le projet du RTE doit trouver des alliés pour renforcer sa concrétisation en Suisse.

Ainsi, dans quelle mesure l’ESS est-elle un dispositif socioéconomique efficace pour penser et pratiquer une économie humaine et écologiquement durable ? En quoi permet-elle de

8 https://zoein.org/le-revenu-de-transition-ecologique/les-territoires-dexperimentation-en-france/

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favoriser la transition écologique ? Comment conjugue-t-elle dimensions sociale et écologique ? Dans quelle mesure est-elle un allié idéal du RTE ? Ces questions, assez générales, seront précisées dans le chapitre 3, lors du développement de la problématique et des hypothèses.

Le contexte de ce travail

C’est en tant que stagiaire de la chambre de l’économie sociale et solidaire vaudoise, APRÈS-VD9, et étudiant du master de socioéconomie de l’Université de Genève que j’effectue ce travail de recherche. Celui-ci, outre son intérêt académique, cherche à s’inscrire dans une perspective pratique. À ce titre, il s’agit d’apporter une contribution empirique au développement de l’ESS dans le canton de Vaud – qui est la mission principale de la chambre –, mais aussi, dans la mesure du possible, dans d’autres territoires ; de souligner les points forts de l’ESS mais aussi ses limites, dans une approche critique constructive. L’ambition de ce rapport de stage est également de préparer le terrain, et ceci pour la première fois, d’une éventuelle collaboration entre le dispositif du RTE et l’ESS suisse. Si les résultats de l’analyse s’avèrent prometteurs, alors un véritable partenariat pourrait voir le jour entre APRÈS-VD et la fondation Zoein10, notamment.

Divisé en quatre grands chapitres, le plan de ce travail est le suivant : en premier lieu, les enjeux écologiques, sociaux et économiques de notre siècle seront présentés. En second lieu, le mouvement de l'ESS sera passé en revue – historiquement et théoriquement –, et discuté au prisme de la transition écologique. L'ESS en Suisse romande sera succinctement étudiée.

Ensuite seront posés le cadre conceptuel du RTE, la problématique et les hypothèses précises de ce travail, ainsi que la méthodologie. En dernier lieu, en s’appuyant sur des données primaires récoltées sous forme d’entretien qualitatif, les éventuelles synergies entre l'ESS et le RTE seront analysées, de même que les limites de ces deux « mouvements ».

9 L’acronyme APRÈS signifiant Association de Promotion de l’Économie Sociale et solidaire, mais aussi « après » la fin de l’économie conventionnelle. Site web de l’association : http://www.apres-vd.ch/.

10 https://zoein.org/

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CHAPITRE 1 - D

E S EN JEU X DU

21

È M E S I ÈCL E

Ce premier chapitre est l’occasion de produire une synthèse des enjeux actuels, notamment la crise écologique et sociale. Cette dernière sera d’abord présentée dans sa globalité

– puisque le système économique est mondialisé et que les enjeux dépassent l’échelle d’un seul pays ou continent –, puis spécifiquement aux territoires suisse et vaudois. Ensuite sera discutée la pertinence et la faisabilité d’une croissance verte, élément moteur du modèle de développement économique contemporain. Enfin, la transition écologique sera sommairement définie.

1.1 La crise écologique

Le but ici n'est pas de faire un état des lieux exhaustif de la crise écologique, mais d'en donner un bref aperçu pour rendre compte de son ampleur ; et également de rappeler qu’elle n’implique pas uniquement le changement climatique. Cette année 2020 est marquée par la pandémie COVID-19, considérée par Lebel et Descamps, hydroclimatologue et philosophe, comme un « avant-goût » du choc climatique : « signe avant-coureur de possibles effondrements plus graves, le naufrage sanitaire actuel peut se voir à la fois comme un modèle réduit et une expérience en accéléré du chaos climatique qui vient » (Lebel & Descamps, 2020).

Il y a encore des incertitudes scientifiques sur les causes du COVID-19. Or, il est connu que le risque de zoonose varie positivement à la dégradation de l’environnement, c’est-à-dire notamment à la destruction des habitats naturels (Shah, 2020). Lorsque la déforestation augmente, les animaux se rapprochent des humains, et donc les microbes aussi. Il y a ainsi une relation étroite entre la destruction des écosystèmes, l’érosion de la biodiversité et l’actuelle pandémie (Bourg et al., 2020, p. 11; IPBES, 2020). Hormis cette dernière, quels sont les tenants et aboutissants de la crise écologique ?

1.1.1 Le déclin de la biodiversité

Nous faisons référence ici à l'extinction de masse évoquée en tout début de texte.

L’érosion de la biodiversité a atteint un niveau inédit. Celle-ci est d’autant plus inquiétante, d’un point de vue anthropocentré, que les écosystèmes et la biodiversité sont absolument essentiels à l’existence humaine (IPBES, 2019). Un récent rapport du fonds mondial pour la nature signale : « les vertébrés – mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons – examinés dans le rapport ont diminué en moyenne de 68% entre 1970 et 2016. Les causes principales sont la perte d’habitats, la chasse illégale ou une agriculture non durable » (WWF, 2020b). Les tendances sont également à la hausse : « le taux mondial d’extinction d’espèces est

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déjà au moins plusieurs dizaines à centaines de fois supérieur au taux moyen des 10 derniers millions d’années, et le rythme s’accélère » (ibid., 2019, p. 24). Aujourd’hui, notamment à cause de l’accélération de la déforestation, seuls 70% des habitats terrestres de la biodiversité

indigène subsistent (Bar-On et al., 2018). En Europe, selon l’Agence européenne pour l’environnement, 81% des habitats naturels sont en « piètre état » et seuls 15% sont bien conservés (EEA, 2020). L’enjeu est par conséquent gigantesque, et seule une transformation rapide – voire immédiate – des économies business-as-usual permettrait de préserver la nature telle que nous la connaissons aujourd’hui (Díaz et al., 2019). La solution passe notamment par une transformation radicale des systèmes de production alimentaire (Leclère et al., 2020).

1.1.2 Le changement climatique

S'il y a une composante de la crise écologique qui a été très médiatisée, c'est bien celle du dérèglement climatique. Celui-ci est causé par les rejets de gaz à effet de serre (GES) passés et actuels, générés par les activités humaines11 ; aujourd’hui, le réchauffement planétaire s’élève à environ 1°C au-dessus des niveaux préindustriels (GIEC, 2018). Les risques liés aux changement climatiques sont nombreux et d’ordre à la fois environnemental et social : vagues de chaleur (voir Mizutori & Guha-Sapir, 2020; Vautard et al., 2020 par exemple), sécheresses, élévation du niveau des mers, augmentation de l’intensité et de la fréquence des catastrophes naturelles, dégradation des écosystèmes, érosion de la biodiversité12, augmentation des flux migratoires du Sud vers le Nord, fragilisation des structures sociales, etc. Notons qu’à + 2°C, 28% de la population mondiale sera en situation de péril vital (GIEC, 2018).

Pour conserver une chance confortable de rester en-dessous d’une hausse de 2°C, les émissions de GES doivent diminuer globalement de 40 à 70% entre 2010 et 2050, chutant à un zéro net d’ici 2070 (Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2019b). Sur une échelle plus courte, si rien n’est fait jusqu’alors, il faudra réduire de 15,5% nos émissions de CO2 chaque an, dès 2025, pour limiter le réchauffement à +1,5°C – objectif initial de l’Accord de Paris (Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2019a). Sachant que l’économie mondiale dépend largement de la combustion d’énergies fossiles, responsable de près de 86%

11 L’Anthropocène est le nom de l’ère géologique qui a été proposé en référence à l’impact de l’humanité sur l’écosystème terrestre. Même si largement acceptée, la terminologie suggère une responsabilité de l’humanité tout entière. Le géographe suédois Malm a défendu l’utilisation du terme « Capitalocène », faisant porter le fardeau de la responsabilité de la crise écologique, dans une perspective marxienne, au capital ; il n’y a pas de « mauvais » Anthropos en soi, mais bien une mise en forme destructrice de l’activité humaine par le capitalisme (Malm, 2017).

12 Exemple parmi tant d’autres, les feux de brousse de 2019-2020 en Australie, vraisemblablement causés par la hausse des températures, ont tué près de trois milliards de vertébrés (WWF, 2020a).

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des rejets de CO2 (Friedlingstein et al., 2019), le risque d’effondrement des sociétés thermo- industrielles est bien réel (Servigne & Stevens, 2015).

1.1.3 La finitude des ressources et le pic pétrolier

L’état des sols et des ressources naturelles est lui aussi inquiétant. Le système économique actuel repose sur un prisme de lecture productiviste et extractiviste. Cependant, l’intensification de l’exploitation des forêts, des minerais, du sable, du pétrole, des terres fertiles, etc., se heurte à la finitude de nos ressources, à la fois matérielles et énergétiques (Abraham & Murray, 2015; Bihouix, 2014; Jancovici, 2015; Meadows et al., 2017). La bio- capacité de la planète est dépassée chaque année depuis plus de 40 ans et il faudrait aujourd’hui 1,6 terre pour répondre aux exigences annuelles de consommation de l’humanité (FRB, 2019).

Le mode de vie « suisse » requiert, quant à lui, près de trois planètes terre13. Les Suisses, bien qu’ils ne constituent pas un ensemble homogène, vivent donc aux dépens des générations futures et d’autres régions du globe.

La finitude de nos ressources peut, par exemple, être constatée lors du pic pétrolier.

Celui-ci représente l’instant où l’exploitation mondiale de pétrole plafonne avant de commencer à décliner en raison de l'épuisement des réserves de pétrole exploitables. Le moment du pic fait débat, mais le pic d’exploitation du pétrole conventionnel a probablement été franchi en 2008.

En revanche, le pétrole non-conventionnel (notamment les sables bitumineux du Canada ou les pétroles de roche mère des USA), qui coûte plus cher à extraire, a permis de retarder le pic

« tous pétroles ». Ce dernier sera néanmoins franchi d’ici à 202214, laissant de nombreuses questions en suspens au sujet de la transition énergétique « verte ».

1.1.4 Le dépassement des limites planétaires

Le concept des limites planétaires a été introduit en 2009, dans le but de définir les limites environnementales dans lesquelles l’humanité peut opérer en toute sécurité ; en bref, pour maintenir les conditions de l’époque géologique de l’Holocène (O’Neill, 2015). Neuf limites, liées aux processus critiques et à la résilience du système Terre, ont été identifiées (O’Neill, 2012). Ces limites incluent les points précédemment abordés ; c’est en quelque sorte un indicateur synthétique pour évaluer la situation écologique de la planète. Voici un schéma récapitulatif :

13 https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/developpement-durable/autres-indicateurs-developpement- durable/empreinte-ecologique.html

14 https://jancovici.com/publications-et-co/articles-de-presse/du-petrole-ou-pas/

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Figure 1 : État actuel des variables de contrôle pour sept des limites planétaires15

Nous pouvons observer que sur les sept limites mesurées, quatre sont actuellement transgressées (Steffen et al., 2015). La situation est alarmante et les efforts individuels et collectifs à mettre en œuvre sont conséquents. À cet égard, le cadre des Objectifs de Développement Durables (ODD)16 de l’ONU, dont le but est « d’éradiquer la pauvreté, protéger la Planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité »17, s’avère insuffisant – tel qu’élaboré actuellement – pour maintenir l’humanité dans des limites saines et supportables :

« Overall, our findings suggest that the pursuit of universal human development, which is the ambition of the SDGs, has the potential to undermine the Earth-system processes upon which development ultimately depends. But this does not need to be the case. A more hopeful scenario would see the SDGs shift the agenda away from growth towards an economic model where the goal is sustainable and equitable human well-being. However, if all people are to lead a good life within planetary boundaries, then the level of resource use associated with meeting basic needs must be dramatically reduced » (O’Neill et al., 2018, p. 6).

15 Image tirée de (Steffen et al., 2015) ; https://science.sciencemag.org/content/347/6223/1259855

16 ODD en français, et Sustainable Development Goals (SDG) en anglais.

17 https://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals.html

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1.2 La crise sociale

1.2.1 Les inégalités

Les inégalités sociales et économiques, accentuées depuis l’avènement de politiques néolibérales dans les années 80 – le contexte macroéconomique et politique est bien celui discuté en introduction –, sont complexes car multidimensionnelles et multiformes, mais également systémiques (Bihr & Pfefferkorn, 2008). Ces deux sociologues la définissent ainsi :

« une inégalité sociale est le résultat d'une distribution inégale, au sens mathématique de l'expression, entre les membres d'une société, des ressources de cette dernière, distribution inégale due aux structures mêmes de cette société et faisant naître un sentiment légitime ou non, d'injustice au sein de ses membres » (ibid., 2008, p. 8). Nous n’allons pas ici prolonger la réflexion sur les aspects théoriques des inégalités ; rentrons plutôt dans le vif du sujet avec quelques chiffres.

Selon l’organisation Oxfam, les 1% les plus riches du monde ont plus de deux fois plus de richesse qu’environ 6,9 milliards d’humains (Alejo Vázquez Pimentel et al., 2018). Ce « top 1% » se partagerait aujourd’hui 46% de la richesse globale (Milanović, 2018). Le constat est assez ahurissant, d’autant plus que la tendance se renforce. En effet, les inégalités au niveau mondial sont en hausse. Ce serait un phénomène inhérent au fonctionnement du capitalisme ; la richesse se concentre inexorablement dans les mains d’une certaine caste de rentiers, lorsque le rendement du capital est plus élevé que la croissance économique (Piketty, 2013). La croissance du PIB, dès lors, ne bénéficie pas au plus grand nombre. La période des Trente Glorieuses est seulement une « aberration historique » (Marshall, 2014). En guise d’illustration, aux États-Unis, le niveau d’inégalités a récemment atteint celui de 1929 (Saez & Zucman, 2016). La situation dans les pays de l’OCDE n’est pas meilleure, avec notamment une pression grandissante sur les classes moyennes (OCDE, 2019). Notons également que le taux de pauvreté est égal à environ 8% en Suisse18 et 14% en France (INSEE, 2019, p. 196). In fine, les inégalités croissent non seulement entre les pays, mais également à l’intérieur des pays, ce qui mène à une fragilisation des structures sociales et à une brutalisation des rapports humains19.

18 https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/situation-economique-sociale-population/bien-etre-pauvrete/pauvrete-et- privations-materielles/pauvrete.html

19 À titre d’exemple, la montée des partis d’extrême droite, en Europe et ailleurs, est, en tout cas partiellement, symptomatique de la violence sociale de la classe bourgeoise (Bégaudeau, 2019; Pinçon & Pinçon-Charlot, 2014). Les discours des Trump, Le Pen, Poutine ou Salvini, sont toujours plus fascisants et rencontrent un certain succès. Par ailleurs, selon le philosophe Éric Sadin, la brutalisation croissante des rapports humains est également le produit des progrès technologiques récents (Sadin, 2020).

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Ces chiffres, bien qu’ils soient probants, ne suffisent pas à rendre compte de la misère que vivent les classes sociales les plus défavorisées des sociétés contemporaines (voir par exemple Bourdieu, 2015). Il s’agit d’ôter le caractère abstrait et dépersonnalisant de ces chiffres en allant voir ce qu’il se passe dans le « réel ». À ce titre, de nombreuses manifestations contestataires ont récemment eu lieu, attestant de l’instabilité actuelle des structures sociales : Occupy Wall Street à New York en 2011, mouvement « anti-G20 » à Hambourg en 2017, le mouvement des Gilets jaunes en France, les manifestations de 2019-2020 au Chili, Black Lives Matter aux USA en 2020, etc. Ces mouvements sont le fruit d’une politisation de la crise sociale, qui n’est pas née d’un processus « naturel » ; les racines de la crise sont éminemment politiques et idéologiques :

« Avec la phase du néolibéralisme, la classe dominante tente par tous les moyens, idéologiques, politiques et médiatiques, de transformer en ennemis les agents sociaux les plus pauvres, les plus déstabilisés par la précarisation du travail. (…) Quoi qu’ils fassent, quels que soient leurs porte-parole, les dominés ont tort. Les organisations syndicales et politiques, les militants qui dénoncent les inégalités sont systématiquement taxés de populisme. Il s’agit, pour les dominants, de marquer leur sécession en stigmatisant le peuple, devenu incompétent au stade du capitalisme mondialisé et censé ne plus pouvoir prétendre à la démocratie et à la souveraineté » (Pinçon & Pinçon-Charlot, 2014, p. 250).

1.2.2 L’emploi

Les taux de chômage, en Europe et ailleurs, dans certaines tranches de la population plus que d’autres, suscitent l’inquiétude des gouvernements – et la pandémie actuelle n’arrange pas les choses (BIT, 2020b). La période du « plein emploi » semble en effet avoir pris fin ; la conjoncture économique et la tendance à l’automatisation du travail accentuent les difficultés d’accès à l’emploi. En outre, le seul accès à l’emploi n’est pas suffisant ; il s’agit d’accéder à un travail décent, c’est-à-dire à un travail qui fasse sens et qui soit rémunéré convenablement20. Sans cela, l’inefficacité économique croît et la cohésion sociale décroît (BIT, 2020a, p. 41). Or, comme l’indiquent les conflits sociaux évoqués ci-dessus, la situation actuelle du marché du travail n’offre pas suffisamment de travail décent. Les bullshit jobs se multiplient (Graeber, 2018) et le salariat se précarise, avec une part du revenu du travail qui ne cesse de diminuer (BIT, 2020a, p. 73). Nous pourrions également mentionner la tendance à l’ubérisation du travail – l’autoentrepreneuriat via des plateformes de l’économie dite numérique –, qui constitue une nouvelle forme d’exploitation des travailleurs, lesquels sont dépourvus de droits sociaux ou de

20 Notons qu’un management « humain », non-coercitif et non-despotique est également une composante essentielle d’un travail décent, et donc de l’émancipation individuelle. En somme, tous les droits et conditions des salariés sont des facteurs d’un travail décent.

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garanties dont bénéficie habituellement le salariat classique (Linhart, 2017). Comme le marché du travail, par ailleurs, reflète les besoins en capital humain des entreprises – lesquelles sont souvent aliénées par le paradigme économique productiviste –, de nombreux emplois sont incompatibles avec une société écologique.

Dans un tel contexte, la question de l’emploi doit être repensée. À cet égard, la transition écologique offre de nouvelles opportunités : « l’écologisation de nos économies créera des millions d’emplois à mesure que nous adopterons des pratiques durables et des technologies propres, mais d’autres emplois disparaîtront à mesure que les pays réduiront leurs industries à forte intensité de carbone et de ressources » (BIT, 2019, p. 10). La fin du travail qui résulterait de la révolution numérique (Rifkin, 2006) n’est a priori pas pour demain. Il est essentiel de proposer de nouvelles perspectives professionnelles décentes à la population active, c’est-à-dire en créant des emplois avec des projets d’utilité sociale21, écologique et territoriale ; sans quoi le sentiment d’inutilité risque d’enfermer l’humanité dans une trappe dont il est difficile de sortir (P.-N. Giraud, 2018), car, ne l’oublions pas, le travail est un facteur d’intégration sociale important (Swaton, 2020, p. 12).

La marchandisation du travail a assujetti la condition humaine aux aléas du marché.

Résultat de nombreuses luttes sociales, la protection sociale a permis, dans une certaine mesure, de le démarchandiser (Esping-Andersen, 1990; Friot, 2012). Aujourd’hui, il s’agit de réactualiser les mesures prises autour ou au-delà du marché du travail au prisme de la transition écologique, car les emplois rémunérés en lien avec celle-ci manquent, bien que le travail, lui, ne manque pas (Swaton, 2020). De cette manière, une éventuelle sortie de la crise de l’emploi par le haut est envisageable.

1.2.3 Justice sociale et crise écologique

La justice sociale et la problématique écologique sont indissociables ; l’une ne peut se résoudre sans l’autre. Comme le souligne l’économiste Thomas Piketty, « aucune politique ne parviendra à lutter efficacement contre le réchauffement climatique si l’on ne place pas au cœur de la réflexion la question de la justice sociale et fiscale » (Piketty, 2019, Chapitre 13). À l’échelle mondiale, les inégalités environnementales sont colossales. Par exemple : « en 2014, un Qatari rejetait en moyenne 34’500 kilogrammes de gaz carbonique dans l’atmosphère ; un Luxembourgeois, 17’600 ; un Américain, 16’400 ; un Tadjik, 625 ; et un Tchadien, seulement

21 La notion d’utilité sociale sera développée au sein du prochain chapitre.

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5322 » (Descamps, 2019). En résumé, les 10% des humains les plus riches sont à eux seuls responsables d’environ 50% des émissions (Chancel & Piketty, 2015; Oxfam et al., 2020;

UNEP, 2016). Nous comprenons bien ici que les consommateurs des pays importateurs émettent largement plus d’émissions que ceux des pays producteurs.

Mais l’inégalité environnementale se mesure aussi au sein d’une même nation. Car, nous l’avons souligné précédemment, les inégalités économiques dans les sociétés occidentales sont fortes, croissantes et oppressantes. L’enjeu dépasse largement le « choix du consommateur ».

D’une part, si l’on fait partie des tranches précaires, même au sein d’un « pays riche », la consommation « responsable », par exemple issue d’agriculture biologique et locale, est inabordable pour un petit revenu. La priorité pour celui-ci est avant tout de subvenir à ses besoins primaires ; les produits écologiques étant réservés à une minorité privilégiée. D’autre part, dans un même pays, au Nord comme au Sud, les plus riches sont les principaux pollueurs (Chancel, 2020). La justice climatique suggérerait donc que la responsabilité leur incombe ; les contraintes devraient peser sur les plus riches et non sur les classes populaires23, déjà affaiblies par la précarité énergétique24.

Par conséquent, sans une profonde redéfinition des politiques économiques, sociales et fiscales, et sans de sérieuses régulations, la transition écologique ne s’opérera pas. Les inégalités sociales figent et frustrent les masses. La « contrainte » écologique ne doit pas en être une. Au contraire, l’urgence climatique et écologique est l’occasion, une fois encore, de mettre en lumière les éléments nuisibles de notre système socioéconomique et, par là même, d’y remédier en articulant le monde social et économique avec l’environnement :

« Bien davantage encore que le COVID-19, le défi climatique conduit à remettre en cause notre système socioéconomique. Comment rendre acceptable une évolution aussi radicale, un changement à la fois social et individuel ? Tout d’abord en ne confondant pas la récession actuelle – et délétère – avec la décroissance bénéfique de nos productions insoutenables : moins de produits exotiques, de passoires énergétiques, de camions, de voitures, d’assurances ; plus de trains, de vélos, de paysans, d’infirmières, de chercheurs, de poètes, etc. Les conséquences concrètes de cette dernière ne deviendront acceptables

22 Voir http://cait.wri.org/ pour plus de données à ce sujet.

23 Par exemple, Emmanuel Macron avait souhaité instaurer une hausse des taxes sur les carburants en 2018. Cette mesure faisait peser le poids de la responsabilité climatique sur les plus pauvres. Rappelons que cette tentative a été l’élément déclencheur du mouvement des Gilets jaunes à l’automne 2018, même si celui-ci ne se résume pas à la hausse des taxes, mais est le résultat de la crise sociale dans son ensemble.

24 Voir (Missemer & Swaton, 2017) pour plus de détails quant aux dimensions structurelles de la précarité énergétique.

(22)

par le plus grand nombre qu’en plaçant la justice sociale au rang des priorités et en favorisant l’autonomie des collectifs à tous les niveaux » (Lebel & Descamps, 2020).

1.3 État des lieux et enjeux des territoires suisse et vaudois

1.3.1 La Suisse

Les indicateurs révèlent que la Suisse est particulièrement impactée par les changements climatiques (OFEV, 2020). Un récent rapport de l’administration suisse (CH2018, 2018) a analysé les risques consécutifs au dérèglement climatique sur le territoire helvétique. Il est tout d’abord essentiel de souligner que le réchauffement observé en Suisse est environ deux fois plus élevé qu’en moyenne globale (+2°C par rapport à +1°C). Voici une liste non exhaustive de quelques effets notables sur le climat suisse :

• Étés secs ;

• Augmentation du nombre de journées tropicales et intensification des vagues de chaleur ;

• Intensification des précipitations ;

• Hivers peu enneigés.

Ces perturbations ont des conséquences croissantes en fonction du changement climatique sur l’agriculture, la gestion des forêts et de l’eau, la préservation de la biodiversité, la santé publique, le tourisme et la production d’électricité (CH2018, 2018; Jaccard et al., 2020;

Köllner et al., 2017; OFEV, 2019). De surcroît, les effets du réchauffement global ont aussi des impacts indirects sur la Suisse, notamment sur son économie (exportations) ou via l’augmentation du nombre d’immigrants (réfugiés climatiques et politiques). De manière générale, une forte hausse des températures, à l’échelle globale comme nationale, pourrait provoquer une déstabilisation des structures sociales suisses.

Par ailleurs, la Suisse a signé l’Accord de Paris en 2016 et l’a ratifié en 2017, s’engageant de fait à prendre des mesures pour limiter le réchauffement. Elle est, malgré cela, nettement en retard sur ses objectifs. Par exemple, l’Office Fédéral de l’Environnement (OFEV) notait en avril 2020 que la Suisse allait manquer son objectif de -20% d’émissions de GES pour 2020 par rapport à 199025. La Suisse a également révisé sa législation sur le CO2 le 25 septembre 2020, au terme de presque trois ans de délibération26. Néanmoins, la nouvelle loi s’avère

25 https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/documentation/communique/anzeige-nsb-unter-medienmitteilungen.msg-id- 78720.html

26 https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/climat/droit/totalrevision-co2-gesetz.html

(23)

insuffisante compte tenu de l’ampleur de la crise ; le parlement n’a pas reconnu l’urgence climatique, la justice climatique n’est pas respectée et les objectifs de réduction des émissions ne sont pas à la hauteur de l’Accord de Paris27.

Notons également que l’impact de la Suisse sur la biodiversité globale a augmenté d’environ 9% sur la période étudiée (CF, 2018) et près de la moitié des milieux naturels évalués en Suisse sont menacés (Delarze et al., 2016). La Suisse compte aussi quelque 38’000 sites pollués, dont 4’000 sont contaminés et présentent un danger pour l’humain ou l’environnement28. L’empreinte hydrique de la Suisse a augmenté de 28% entre 2000 et 2015, et les eaux ne sont plus aussi propres qu’avant, à cause de la présence croissante de micropolluants ou de pesticides agricoles (ibid., 2018). Enfin, bien que des progrès aient été réalisés ces dernières années en Suisse dans certains domaines, l’origine de cette amélioration provient souvent d’une délocalisation de l’impact environnemental à l’étranger (ibid., 2018).

En résumé, « si tous les êtres humains avaient le même train de vie que la population helvétique, les limites planétaires seraient sensiblement dépassées » (ibid., 2018, p. 9).

1.3.2 Le canton de Vaud

Globalement, la Suisse étant un petit pays et le canton de Vaud le troisième plus peuplé de la confédération, les faits et effets décrits ci-dessus sont aussi valables pour le canton de Vaud. Revenons tout de même sur quelques enjeux et actions spécifiques au territoire vaudois.

En premier lieu, un rapport de l’administration vaudoise souligne que les mesures mises en œuvre actuellement par les autorités compétentes sont passablement incomplètes pour répondre à la crise climatique (DGE et al., 2016). Ce même rapport identifie huitante-cinq enjeux liés à l’écologie et au climat, catégorisés dans neuf « stratégies sectorielles », dont deux ont un « grand » degré de priorité et un « grand » besoin d’agir : le domaine de la santé et la gestion de la biodiversité. La gestion des eaux, de la forêt, de l’agriculture et de l’énergie figure également parmi les domaines critiques. Ainsi, l’évaluation de six secteurs sur neuf est préoccupante.

En second lieu, un Plan climat vaudois a été mis sur pied par le Conseil d’État en juin 2020, afin de « contribuer activement à l’effort national et international visant à réduire le

27 Ces insuffisances ont notamment été dénoncées par des activistes écologistes et certains partis politiques suisses (voir https://www.rts.ch/info/suisse/11647784-trahis-par-la-loi-sur-le-co2-des-grevistes-du-climat-la-combattront.html ou https://verts.ch/communiques/loi-sur-le-co2-reste-insuffisante). Notons aussi que la loi ne prévoit aucune restriction quant aux investissements des banques suisses dans les énergies fossiles.

28 https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/sites-contamines/en-bref.html#1803576574

(24)

réchauffement climatique et à s’adapter à ses effets » (DES & DGE-ARC, 2020, p. 6). Le plan s’inscrit dans le cadre des ODD, et donc dans la lignée de la durabilité faible. Dix domaines d’action ont été identifiés (mobilité29, énergie30, agriculture31, aménagement du territoire, milieux et ressources naturels, santé et dangers naturels), et trente mesures stratégiques doivent être mises en œuvre, lesquelles se déclinent en plus de cent mesures opérationnelles. À cet égard, un financement de 173 millions CHF est prévu au budget d’investissement dès 2021, en plus des 702 millions CHF déjà acquis. Dans la même veine, un Plan d’action biodiversité a également été élaboré par l’administration vaudoise, invitant le canton à « initier urgemment des mesures » (DGE, 2019, p. 14). Un autre document de l’État de Vaud discute des diverses manières de tendre vers un milieu bâti plus sobre et qualitatif, mettant en lumière les défis de la région en termes d’urbanisme durable (Rol & Gnaegi, 2018). De toute évidence, dans le canton de Vaud aussi, la problématique écologique requière une attention toute particulière.

1.4 La croissance verte comme modèle de développement ?

Il s’agit ici de questionner le futur de notre modèle de développement actuel, qui repose largement sur la croissance économique, mais aussi de démontrer une corrélation, sinon une causalité, entre les activités économiques et la dégradation de l’environnement. Si celle-ci est causée par les activités humaines – ce qui n’est plus à démontrer (ère de l’Anthropocène) –, son lien direct avec le modèle économique mainstream est plus flou.

1.4.1 L’indicateur du PIB

La croissance économique est souvent mesurée grâce à l’indicateur du Produit Intérieur Brut (PIB). Jean Gadrey et Jany-Catrice définissent sa croissance comme « la progression du volume de toutes les productions de biens et de services qui se vendent ou qui coûtent monétairement, produites par du travail rémunéré » (Gadrey & Jany-Catrice, 2012). En des termes plus techniques, le PIB est égal – dans une économie ouverte – à la somme de la consommation, des investissements, des dépenses publiques et du solde de la balance commerciale. Mécaniquement, si la consommation ou les exportations augmentent, ceteris paribus, le PIB augmente à son tour. Il existe une relation positive entre la croissance de cet indicateur, soit la croissance des activités économiques telles que mesurées aujourd’hui, et les pressions sur l’environnement. Nous pouvons aisément le voir grâce à la pandémie du COVID- 19 : depuis sa progression, l’appareil productif est ralenti, sinon paralysé, dans de nombreuses

29 Dans le canton de Vaud, la mobilité représente plus de 40% des émissions de GES.

30 Dans le canton de Vaud, la combustion d’énergies fossiles génère près de 38% des émissions de GES.

31 L’agriculture, quant à elle, est responsable d’environ 11% des émissions de GES sur le territoire vaudois.

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