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M E T HOD OL OGI E

4.6 Au-delà du canton de Vaud ?

La question ici est de savoir si l’analyse est réplicable à d’autres territoires, si elle peut s’étendre au-delà du canton de Vaud, en l’occurrence à Genève. Nous appuyons notre propos essentiellement sur des citations tirées de l’entretien avec Christophe Dunand, qui nous donne déjà un bon premier aperçu des conditions genevoises et de la volonté d’un acteur aussi central qu’APRÈS-GE.

En Suisse, la notion territoriale est certainement bien différente qu’en France. Quand bien même le canton de Vaud est doté de certaines spécificités, sa base sociale, économique, et environnementale est certainement analogue à celle du canton de Genève, et peut-être même à d’autres cantons suisses. « Je sais qu’à Genève, Neuchâtel, et Jura je crois, y’a eu des discussions. Y’a des individus politiques qui sont intéressés » (Paul, entretien no 8). Si le canton de Genève dispose d’un avantage, c’est en raison du degré d’institutionnalisation d’APRÈS-GE bien plus élevé que celui d’APRÈS-VD. En ce sens, l’implémentation du RTE via l’ESS pourrait être d’autant plus fructueuse sur le territoire genevois.

« Passer d’une perception des alternatifs aux pionniers, d’être reconnus aujourd’hui comme étant, ce qui est largement le cas, les pionniers de cette transition. Pionniers imparfaits, mais les pionniers. Le next step est finalement d’être un acteur-clé de la transition, par le renforcement de ces pratiques à l’intérieur de ce réseau, (…), mais surtout faire profiter au reste de l’économie de toutes les innovations qui ont été

développées dans l’ESS, pour montrer qu’une autre économie est non seulement souhaitable, mais aussi possible » (Dunand, entretien no 3).

Par ailleurs, le responsable financement de la BAS nous explique que la banque collabore souvent avec l’organisme faîtier genevois :

« Pour nous, c’est vraiment un acteur très précieux. Vu ce qui est déjà en place par une structure comme APRÈS-GE, si quelque chose devait se créer à Genève avec le RTE, je trouverais presque dommage que y’ait pas une recherche de synergies qui soit faite avec l’ESS, parce qu’en termes d’objectifs, de valeurs, y’a beaucoup de choses en commun » (Donninger, entretien no 4).

Nous avons déjà cité plusieurs propos du co-fondateur d’APRÈS-GE qui attestent de sa volonté d’aller de l’avant avec le RTE, ou en tout cas qui témoignent de son intérêt pour le dispositif. Il confirme ici l’apport que le RTE amènerait, à travers son accompagnement d’un nouveau projet écologique et social, jusqu’à qu’il devienne pérenne :

« C’est un soutien énorme à l’innovation je veux dire. À l’évidence, on le voit, j’interviens à Genève, y’a un prix IDDEA [Idées de développement durable pour les entreprises d’avenir] ; un des

problèmes-clés qu’ils ont, c’est de manger pendant une année, le temps que le projet commence à devenir raisonnablement rentable. La moitié disparaît dans cette année-là, le taux de mortalité est très élevé.

Donc oui, expérimenter des nouvelles formes, soutenir l’innovation, la création de projets, des projets avec un potentiel de lucrativité jusqu’à des projets essentiellement citoyens ou écologiques. Donc on a moins besoin d’être sur une rentabilité, on peut choisir, on ajuste son niveau de vie au niveau du RTE, ou on prend le RTE comme base et après on est capable d’améliorer cette base avec d’autres activités ou pas. Ça laisse le champ des possibles. Je pense que c’est un soutien » (Dunand, entretien no 3).

Pour lui, la récente focalisation de l’ESS sur la transition écologique serait plus forte si elle pouvait compter sur le RTE. « Tout élément qui serait contributif, par exemple sur la création de coopérative de cette nature-là [CTE], je vois tous les voyants au vert » (Dunand, entretien no 3). À son avis, il n’y pas d’incompatibilités entre le RTE et l’ESS :

« Pour moi, c’est complètement aligné. Est-ce qu’il y a une critique sociale et solidaire du RTE ? Non, on est plus sur le comment, pourquoi, est-ce que c’est possible, est-ce qu’il faut politiquement encore le travailler un peu. Je pense, à titre personnel, qu’aujourd’hui y’a plus de chances de faire passer un RTE que faire passer un RBI » (Dunand, entretien no 3).

Pour finir, mentionnons un exemple, en cours de développement dans le canton de Genève. La commune de Meyrin est en effet « fort intéressée » par le modèle du RTE et l’accompagnement que propose la fondation Zoein76. Ainsi, c’est peut-être dans cette commune que démarrera l’implémentation du RTE à petite échelle en Suisse. « Je sais qu’à Meyrin, ça avance pas mal » (Anglada, entretien no 10). Dans tous les cas, des parallèles existent entre les cantons de Genève et de Vaud. D’ailleurs, plus là-bas qu’ici l’implémentation du RTE via l’ESS est prometteuse, compte tenu de l’importance des acteurs de l’ESS dans le canton genevois.

4.7 Conclusion du chapitre

Dans l’ensemble, les acteurs avec qui nous nous sommes entretenus semblent être en phase à la fois avec le cadre théorique du RTE, les limites du modèle économique dominant, et les manières d’y remédier. En outre, l’analyse des entretiens montre que des synergies entre le RTE et l’ESS existent bel et bien. Par exemple, pour revenir à nos hypothèses, l’intérêt collectif, le principe de lucrativité limitée, ou la gouvernance collaborative, sont tous des éléments appréciés et mis en lumière, tant par les acteurs de l’ESS que du RTE. L’ancrage territorial a en revanche été moins discuté, et les principes de durabilité en pratique demandent encore, a priori, d’être mis en œuvre plus largement. La marginalité des acteurs de l’ESS vaudoise

76 https://blogs.letemps.ch/philippe-le-be/2019/02/19/sophie-swaton-face-aux-effondrements-zoein-offre-des-cles-pour-un-vivre-autrement/

constitue également une limite non négligeable de l’ESS. L’hypothèse 1 est par conséquent partiellement vérifiée.

Réciproquement, le RTE est perçu positivement par les acteurs de l’ESS. Ses trois volets constitutifs semblent convaincre, pas l’un plus que l’autre, mais plutôt dans la globalité qu’ils représentent. Les acteurs trouvent la liaison entre le social et l’écologie infrangible, et précisent bien qu’un unique volet financier, comme le propose le RBI par exemple, est insuffisant pour faire face aux enjeux contemporains. L’accompagnement monétaire et immatériel, tout comme l’aspect communautaire et collectif autour de la transition, sont des éléments qui pourraient contribuer au développement de l’ESS et à l’accélération de la transition. Le RTE serait par ailleurs un moyen de parvenir à la reconnaissance institutionnelle dont APRÈS-VD est à la recherche. Sous réserve d’études empiriques – uniquement réalisables une fois le pilote démarré –, l’hypothèse 2 est dès lors validée.

Enfin, dans une optique purement opérationnelle et stratégique, l’analyse indique qu’une mise en commun des forces entre RTE et ESS serait la bienvenue, aussi bien dans le canton de Vaud que dans le canton de Genève ; des synergies significatives peuvent être réalisées en coopérant. Tant pour le dispositif du RTE que pour le mouvement de l’ESS romande, cette collaboration serait vraisemblablement bénéfique.

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