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institutionnelle dominante : un enjeu d’intégration et de transposition dans le référentiel normatif

Critère 6 - La prise en compte des appréciations rendues par les stagiaires

3.4.4. Prise de recul sur la dynamique de la norme

L’ensemble des observations des différentes phases de mise en œuvre de la norme qualité nous éclaire sur le phénomène de dynamique des normes au sein des organisations.

Plusieurs points sont à souligner. D’abord, que l’intégration primaire de la norme peut être un phénomène progressif qui dépend de la manière dont les acteurs se saisissent de la problématique normative. Dès lors que la norme concerne différents services ou fonctions de l’organisation, sa mise en œuvre demande une approche soit coordonnée, soit progressive, fonction par fonction. Dans le cas présent, la norme a été implémentée par l’angle du service support puis étendue au service commercial et aux « productifs ».

Le second point est l’influence qu’ont eu les référentiels sur la mise en œuvre de la norme. Le référentiel est la traduction de l’exigence normative. Il constitue parfois la norme elle-même. La norme ISO9001:2015 ne peut être connue qu’à travers son référentiel. Dans le cas de la norme qualité, dans sa version de 2015, les référentiels en sont une interprétation. Suite à la réforme de 2018, le « décret qualité » a été accompagné d’un référentiel qualité unique gommant les différences d’interprétation entre les différents organismes certificateurs. La norme est constituée de 6 critères que les référentiels déclinent en indicateurs ou en exigences particulières. Datadock est celui des financeurs qui pilotent la plateforme du même nom, le second référentiel est celui d’un organisme certificateur spécialisé du secteur de la formation. La manière de formaliser les exigences, le champ du référentiel (critères qualité uniquement ou incluant les exigences légales et réglementaires) ont eu une influence sur la manière de mettre en œuvre la norme. Les référentiels ont apporté des degrés de précision différents et ont été plus ou moins directifs sur la manière d’appliquer la norme. La façon dont le référentiel est pris en compte (système qualité : procédure, outils) constitue le référentiel interne de l’organisation qui correspond dans notre cas, en partie, au « kit qualité ». Son objectif est de maintenir dans le temps la norme au sein de l’organisation. Il est dès lors légitime de considérer que la qualité des référentiels externes et internes a joué un rôle dans la dynamique de la norme.

L’importance du référentiel externe ne peut cependant pas être considérée comme centrale. Au final, les acteurs n’auront comme perception de la norme que ce que l’organisation a mis en œuvre pour la traduire. Un formateur retiendra-t-il qu’il répond à l’exigence d’ « identification précise des objectifs de la formation » ou qu’il faut nécessairement avoir un programme en annexe de la convention de formation qui doit être signée avant le démarrage de la mission ? Cela remet au centre la question de la transcription de la norme dans le référentiel interne de l’organisation. Naturellement, l’activité de formation est comprise et mise en œuvre selon le référentiel existant de l’entreprise, lié à l’activité de conseil, qui a ici l’inconvénient de ne pas être capable de traduire les exigences des normes qualité de la formation professionnelle.

Imbrication de l’activité de formation dans le référentiel « conseil »

« Quand tu colles des nouvelles activités il faut les faire coller à un système normatif empirique et historique et au mode de fonctionnement décidé par la direction générale. » Dirigeant 1

Ici, le principal dirigeant confirme que l’activité de formation n’a pas fait l’objet d’une transcription mais s’est intégrée dans le référentiel de base qui s’appuyait sur le respect des normes comptables et financières. Le référentiel interne mis en œuvre dans le cadre de la transcription de la norme était donc un second référentiel, parallèle, à mettre en œuvre, obligeant les acteurs à changer de référentiel en fonction de l’activité exercée.

Ce même acteur a souligné que « Le normatif peut être très lié aux individus ». Sur une période de 2 mois l’entreprise a enregistré le départ de l’office manager et du commercial qui avaient œuvré pour la mise en place de la norme (Octobre et décembre 2018). Cependant, ces départs sont trop tardifs pour expliquer les résultats des contrôles sur octobre et novembre 2018 et couvrant des actions de formations réalisées sur la période allant de décembre 2017 à septembre 2018. Un instant-clé a pu être la décision de démission de l’office manager en juin 2018, démission qui correspond avec le début du retrait du chercheur du terrain. Dès lors, les 2 principaux promoteurs et contrôleurs de la norme n’ont plus été acteurs du maintien, au quotidien, du dispositif qualité (conseil aux acteurs, rappel de l’importance du respect de la norme, contrôle sur les missions en cours). Cependant, cela ne peut être qu’un des facteurs

explicatifs des non-conformités constatées et du peu de maîtrise des acteurs. Nous n’avons pas pu observer un phénomène de rupture de la conformité qui pourrait s’expliquer par un événement bien identifié.

Figure 37 - Dynamique d’intégration de la norme qualité dans l’entreprise

Au contraire, ces résultats indiquent que derrière l’apparente conformité à la norme et l’apparente implication des acteurs, se cachait une forme de fragilité structurelle dans l’intégration de la norme. Les résultats des « audits » Datadock et de certification n’ont pas reflété la réalité de la capacité de l’organisation à respecter la norme. Surtout si l’on considère la proximité temporelle entre les audits et les actions de formation contrôlées quelques mois plus tard. Une erreur méthodologique a peut-être été de ne pas faire en sorte que les consultants-formateurs soient visés par l’audit. L’occasion a été perdue de donner tout son sens à la démarche d’audit. Cependant, les modalités d’audit, à distance, n’ont pas permis une mise en contact direct des collaborateurs avec l’expérience de l’audit. Peut-être aurait-il fallu refléter les exigences de l’audit par l’organisation d’un audit interne.

Cependant, cette observation de la dynamique normative permet d’identifier les facteurs de la dynamique de la norme dans le temps :

- Le référentiel externe et la mesure dans laquelle il est porteur d’outils et de méthodes pour une transposition précise et pérenne de la norme ;

- La transposition interne de la norme, surtout au regard de la logique dominante de l’organisation ;

- L’expérience des collaborateurs en lien avec l’activité normalisée et la norme ;

- L’influence des acteurs-clés : leur mobilisation dans le temps, leur relation avec les collaborateurs en charge de l’application de la norme ;

- La capacité des acteurs à comprendre et à appliquer la norme, indépendamment de l’intervention d’un référent ou responsable.

Tout l’intérêt de l’identification de ces facteurs réside dans leur maîtrise et le rôle qu’ils peuvent jouer dans la réussite de l’intégration initiale de la norme et de sa gestion à long terme.

3.5. Leadership et légitimation de la norme : l’implication des