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institutionnelle dominante : un enjeu d’intégration et de transposition dans le référentiel normatif

2/ Le pilotage de la charge des consultants

3.3.3. La puissance de la norme originelle

Comme l’indiquent les verbatims des entretiens avec les dirigeants, les obligations comptables sont les premières normes auxquelles ils ont été confrontés. Dans la dynamique de développement de l’entreprise, la première des choses a été de se conformer aux obligations comptables, comme une condition de « survie ». D’une certaine manière, la compréhension des dirigeants du fonctionnement et du pilotage d’une entreprise a été modelé par ce contact avec les contraintes normatives de l’ensemble de « Normes comptables et financières ». Au point que tous les outils de pilotage s’inscrivent en miroir des obligations comptables de l’entreprise. Or, plusieurs observations ont montré une décorrélation entre facturation et charge de travail des collaborateurs :

- Il existe une variation entre la complexité des missions vendues et soumises au même type de forfait. La technicité de la rédaction, le nombre de données à traiter, la capacité du client à co-piloter la mission varient d’une mission à l’autre. Un certain nombre de consultants se sont plaint de clients « faisant le mort » ou de données manquantes qui bloquent la réalisation de la mission, et du temps réel que cela implique par rapport à la projection initiale.

- Le prix des missions varie pour une même prestation. En observant le processus commercial et les propositions commerciales, plusieurs éléments ressortent. Une même prestation peut être vendue à des prix variables selon le volume global de missions (achat de plusieurs missions regroupées en une seule) ou le fait qu’un client fidèle sollicite une remise.

- Le prix des missions varie selon les prestations. Certaines missions longues sur des marchés publics ou parapublics, obtenues sur appel d’offres, ont des TJM (Taux Journalier Moyen : taux de facturation moyen par jour d’un consultant) très inférieurs aux pratiques habituelles (30% à 50%). D’autres, en raison de l’expertise mobilisée, auront un TJM supérieur de 25%.

- Le temps de travail pour la réalisation d’une mission varie également selon la séniorité du consultant. Il y a souvent eu des remarques en réunion hebdomadaire que les consultants séniors produisaient plus vite que les autres. Nous avons été témoins de

nombreuses plaisanteries sur la capacité d’un consultant à réaliser des dossiers dans des temps courts, du fait de sa grande maîtrise technique.

Ces différentes observations nous permettent de constater le peu de fiabilité du suivi de la charge de travail des consultants par le montant de facturation. Pourtant, malgré ces éléments connus au sein de l’entreprise, la logique de pilotage par l’outil comptable est restée centrale et les indicateurs comptables ont toujours été privilégiés. Pour verser les primes aux consultants, pour envisager un recrutement, pour évaluer la capacité de pilotage des missions des consultants, par exemple.

Cela nous amène à nous interroger sur la prégnance des normes comptables et de leur influence sur les choix de pilotage et sur l’orientation stratégique de l’entreprise. La « force centrifuge » exercée par cet ensemble de normes, qui a structuré le fonctionnement de l’entreprise dès le départ, et sa complexité moindre (selon les dirigeants), pourrait expliquer sa prévalence. Nous retenons différents facteurs de forces de l’ensemble « normes comptables et financières » dans l’entreprise :

- Leur antériorité : elles constituent les normes originelles de l’organisation ;

- Leur caractère socle dans l’organisation : les normes comptables de base sont, d’une certaine manière, communes à toutes les entreprises et proposent une façon de comprendre et de piloter l’activité d’une organisation ;

- Leur rôle dans la survie de l’entreprise : les normes comptables et financières jouent un rôle central dans la compréhension des mécanismes comptables et financiers qui préservent l’entreprise de la faillite (trésorerie, besoin en fonds de roulement, recouvrement, marge, rentabilité…).

- Le langage qu’elle constitue pour interagir avec les organisations tiers partenaires (banque, investisseurs) et de contrôle (URSSAF, Administration fiscale).

Ces deux derniers points sont cristallisés dans la relation au Commissaire aux comptes dont le défaut de nomination (obligatoire pour la société à sa création au regard de son statut) expose le dirigeant à une peine d’emprisonnement de deux ans et à une amende de 30 000 euros (article L820-4 du code du commerce). La réglementation ayant changé, nous avons interrogé le principal dirigeant sur le maintien d’une certification des comptes par un Commissaire aux

comptes, obligation à laquelle il n’était plus tenu. Il a répondu que ce dernier « nous apportait un regard différent de celui de notre expert-comptable ».

Les « normes comptables et financières » offrent, lors de la création de l’entreprise, les premières clés de gestion de l’organisation et montrent une efficacité (au moins ressentie) pour le pilotage et l’interaction de l’organisation avec son environnement.

L’influence des normes comptables pourrait expliquer en partie l’orientation interne vers l’activité de conseil qui n’appelle pas l’application d’autres normes, si nous considérons la question de la production de la prestation, alors que l’activité de formation provoque une recomposition des 4 ailes de la tétranormalisation interne, uniquement par le changement de la nature de la prestation fournie.

La force de cet ensemble de normes, ainsi que son imprégnation des logiques de gestion et son effet sur la normalisation du comportement des collaborateurs, semble avoir créé une forme de perméabilité de l’entreprise à d’autres types de normes. Cela pourrait s’expliquer par un phénomène de confusion entre normes externes et normes de fonctionnement interne. Les comportements, les outils, les indicateurs sont orientés par les logiques normatives de cet ensemble de normes. Plus l’organisation grandit, plus cette logique se renforce :

- Elle s’auto-légitime : si l’entreprise croît ainsi, alors la logique est bonne ;

- Plus un grand nombre de personnes agit selon un référentiel normatif donné, plus il est légitimé.

Figure 35 - L’organisation imprégnée par les normes comptables et financières devient-elle hermétique ?

3.4. La dynamique d’intégration de la norme qualité de service dans