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2. Cadre théorique

2.4 Prise en compte du harcèlement scolaire

2.4.1 Textes législatifs internationaux et nationaux

Revenons sur la Convention internationale des droits de l’enfant adopté en 1989, évoqué au début du chapitre. Comme nous l’avons vu, ce traité marque un tournant dans la reconnaissance juridique des droits de l’enfant, notamment de par sa ratification massive.

Il ne fait pas expressément référence au harcèlement scolaire, mais l’article 19 légifère sur les violences subies, dont voici un extrait :

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« Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitement ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié » (Zermatten, 2012, p.44).

L’article 19 fait spontanément penser à la violence faite par les adultes sur les enfants, mais il concerne aussi la violence exercée par des enfants sur d’autres enfants. Ainsi, cet article condamne explicitement la violence, qui est une formule générale, mais le harcèlement y est implicitement inclus. Les termes « brutalités physiques ou mentales » correspondent au harcèlement physique, psychologique, verbal et cyberharcèlement que nous avons défini plus haut, tandis que la « violence sexuelle » correspond au harcèlement sexuel. Les Etats signataires ont cependant la liberté de définir plus exactement les termes en question, ainsi que d’établir des politiques d’intervention basées sur ces définitions (Zermatten, 2012).

Au niveau européen, le Conseil de l’Europe émet également de nombreuses directives en matière de violence infantile (Zermatten, 2012).

En ce qui concerne le cadre légal suisse, Lachat (2012) nous renseigne à ce sujet. Il annonce d’entrée que le terme « harcèlement » n’apparaît pas dans les textes de loi suisses en tant que tel, alors même que notre pays montre la volonté de le combattre.

La Constitution fédérale suisse est semblable à la Convention internationale des droits de l’enfant, puisqu’elle se limite également aux droits fondamentaux, dont voici deux exemples :

∙ Art. 8 Egalité : « Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, […] d’une déficience corporelle, mentale ou psychique » (p.55)

∙ Art. 11 Protection des enfants et des jeunes : « Les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l’encouragement dans leur développement » (p.56)

Le Code pénal suisse n’utilise pas non plus le terme « harcèlement », mais renferme divers articles faisant référence à la violence physique, verbale, psychologique et sexuelle. En ce qui concerne la violence physique, les articles s’y rapportant de manière explicite sont :

∙ Art. 122 Lésions corporelles graves

∙ Art. 123 Lésions corporelles simples

∙ Art. 126 Voies de fait (ex : tapes, gifles, crachat, gestes d’humiliation)

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La violence verbale peut être associée aux articles suivants :

∙ Art. 177 Injure

∙ Art. 261 Discrimination raciale

∙ Art. 180 Menaces

La violence psychologique est représentée par :

∙ Art. 173 Diffamation

∙ Art. 174 Calomnie

Enfin, la violence sexuelle est condamnée par l’article 189 du CP sur les contraintes sexuelles (Lachat, 2012).

Il n’y a par contre pas de lois spécifiques aux cyberviolences, et les comportements qui y sont liés sont régis par les mêmes articles que ceux cités (Bellon & Gardette, 2013).

Cependant, contrairement à ce que Lachat (2012) affirme, le terme « harcèlement » est utilisé dans le Code civil suisse, depuis une modification datant de juin 2006 et entrée en vigueur en juillet 2007. L’article 28b est consacré à la protection des victimes de « violence, de menaces ou de harcèlement » (Code civil suisse, 2006, p.137). Le harcèlement scolaire en tant qu’entité spécifique n’est par contre pas abordé.

En ce qui concerne à présent les démarches pénales, elles ne sont pas représentatives de l’ampleur du phénomène, car une grande partie des situations de harcèlement scolaire ne sont pas dénoncées, n’arrivent pas jusqu’aux tribunaux ou sont seulement traitées à l’intérieur de l’école. De plus, il n’est pas facile de réunir suffisamment de preuves pour confondre les agresseurs lors d’une démarche judiciaire (Lachat, 2012).

2.4.2 Mesures du Département de l’instruction publique

A Genève, un plan d’action et de prévention a été lancé en janvier 2016 par le Département de l’instruction publique, avec pour objectif de diminuer la prévalence du harcèlement (DIP, 2016a). Les mesures s’articulent autour de 4 axes :

∙ Mesurer le harcèlement : La mesure du harcèlement a pour objectif d’évaluer l’ampleur du phénomène. A cette fin, une enquête conduite en 2012 avait évalué à 6% le nombre d’élèves victimes de micro-violences répétées et 2% déclaraient être la cible de cyberharcèlement (DIP, 2016b).

∙ Former les professionnel-le-s : L’objectif est de former tous les employés des écoles (enseignants, personnel administratif et technique) du primaire et du secondaire, de manière à

« renforcer la détection précoce, agir de manière collective […] et favoriser les initiatives et

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les projets locaux » (DIP, 2016b, p.10). L’ensemble des établissements de l’enseignement ordinaire sous soumis à cette formation.

∙ Agir en cas de harcèlement : Un protocole est mis en place pour traiter les situations de harcèlement, avec 4 étapes : la déclaration de la situation, l’échange et l’évaluation de la situation, la prise en charge et le suivi à long terme (DIP, 2016b).

∙ Informer sur le harcèlement et cyberharcèlement : Des brochures d’information sont mises à disposition pour les professionnels, les parents et les élèves (DIP, 2016b).

La mise en œuvre du plan d’action et de prévention prévoit également la création de deux dispositifs internes à l’école, que sont le Groupe-Prévention et la Cellule intervention. Le Groupe-Prévention a pour missions :

• « L’adaptation du protocole ;

• L’organisation des actions de formation continue des collaborateurs de l’école ;

• La coordination des actions de prévention visant à informer les élèves et à développer leurs compétences sociales et émotionnelles ;

• La coordination des actions d’information à l’attention des parents » (DIP, 2016c, p.5).

La Cellule intervention se met en route lorsqu’une situation de harcèlement est supposée ou avérée. Contrairement au Groupe-Prévention, elle doit réagir rapidement et est mise en place jusqu’à ce que la situation soit réglée. Sa durée est donc déterminée.

Concernant le 3ème axe du plan d’action, à savoir « Agir en cas de harcèlement », les 4 étapes du protocole pour traiter les situations de harcèlement sont expliquées plus en détail dans le formulaire DIP (2016c), dont la synthèse (DIP, 2016b) est visible en annexe 1.

Ainsi, la 1ère étape est la déclaration de la situation, et comprend le signalement de la situation par toute personne détenant des informations sur un cas de harcèlement, suivi d’un recueil d’éléments concrets auprès de toute personne susceptible d’en détenir (élèves, personnel de l’école, familles, partenaires externes). Le directeur de l’école et/ou l’enseignant titulaire prend ensuite la victime en entretien individuel, afin d’avoir sa version des faits. Des entretiens individuels sont également menés avec les témoins et le(s) élève(s) auteur(s).

La 2ème étape est l’échange et l’évaluation de la situation, et implique la mise en place de la Cellule d’intervention qui permet d’ouvrir un espace de discussions entre professionnels.

L’objectif est triple : le partage des informations recueillies, l’évaluation et l’analyse de la situation, ainsi que la définition des mesures d’intervention.

La 3ème étape est la prise en charge de la situation, qui a pour but de :

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• « Faire immédiatement cesser les comportements et agissements violents ;

• Reconnaitre à la victime son statut de victime et lui assurer des mesures de protection ;

• Rappeler la loi et les comportements attendus ;

• Apporter une réponse éducative visant à la réparation des actes (sanctions, mesures de protection, mesures réparatrices) ;

• Apporter une réponse proportionnée et conforme au cadre scolaire » (DIP, 2016c, p.11).

A cet effet, des entretiens individuels sont menés avec les élèves et leurs parents par le directeur et l’enseignant titulaire, pour expliciter les mesures prises.

Enfin, la 4ème et dernière étape est le suivi post évènement. Il est en effet nécessaire d’évaluer l’impact des mesures prises et éviter une récidive, afin que la victime améliore son estime de soi, et que les capacités d’empathie de(s) auteur(s) soient renforcées. Des rencontres sont ensuite organisées avec les élèves et leur famille pour discuter de l’évolution de la situation.

2.5 Recommandations de la littérature