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Le harcèlement scolaire en enseignement spécialisé : représentations et interventions des professionnels de l’éducation en classe intégrée du cycle d’orientation

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Le harcèlement scolaire en enseignement spécialisé : représentations et interventions des professionnels de l'éducation en classe intégrée

du cycle d'orientation

JARGY, Ludivine

Abstract

Le harcèlement scolaire au sein de l'enseignement spécialisé constitue un champ d'étude encore très peu abordé par la communauté scientifique, alors qu'il est un véritable fléau pour les élèves. Ce mémoire a donc pour objectif de comprendre comment les enseignants spécialisés et les éducateurs y font face, en se focalisant sur les classes intégrées du cycle d'orientation à Genève. L'accent est mis sur les représentations que ces professionnels ont du harcèlement scolaire, mais également sur les interventions mises en place pour le contrer, tant au niveau de la prévention, que de la détection et du traitement de celui-ci.

JARGY, Ludivine. Le harcèlement scolaire en enseignement spécialisé :

représentations et interventions des professionnels de l'éducation en classe intégrée du cycle d'orientation. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:110347

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Le harcèlement scolaire en enseignement spécialisé : représentations et interventions des professionnels de

l’éducation en classe intégrée du cycle d’orientation

MEMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT SPÉCIALISÉ

REALISE PAR Ludivine Jargy

SOUS LA DIRECTION DE

Isabelle Collet

MEMBRES DU JURY

Aneta Mechi Geneviève Mottet Maria Fraga

SOUTENU LE

Genève, 22 août 2018

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DÉCLARATION SUR L’HONNEUR

Genève, le 22 août 2018

Je déclare que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Je suis bien l’auteure de ce texte et atteste que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de ma réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

Ludivine Jargy

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RÉSUMÉ

Le harcèlement scolaire au sein de l’enseignement spécialisé constitue un champ d’étude encore très peu abordé par la communauté scientifique, alors qu’il est un véritable fléau pour les élèves. Ce mémoire a donc pour objectif de comprendre comment les enseignants spécialisés et les éducateurs y font face, en se focalisant sur les classes intégrées du cycle d’orientation à Genève. L’accent est mis sur les représentations que ces professionnels ont du harcèlement scolaire, mais également sur les interventions mises en place pour le contrer, tant au niveau de la prévention, que de la détection et du traitement de celui-ci.

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REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont pris part, de près ou de loin, à la réalisation de ce mémoire.

Je remercie pour commencer ma directrice de mémoire, Isabelle Collet, pour ses conseils et son aide précieuse qui m’ont permis d’avancer pas à pas dans l’élaboration de ce mémoire.

Un grand merci aux jurées, Aneta Mechi, Geneviève Mottet et Maria Fraga, pour avoir accepté de me lire et de faire partie de la commission d’évaluation de mon mémoire.

Je remercie également les neuf enseignants spécialisés et éducateurs qui ont accepté de me donner un peu de leur temps pour participer aux entretiens, sans lesquels la recherche n’aurait pas pu avoir lieu.

Enfin, je tiens à remercier mes proches pour leur soutien et encouragements, ainsi qu’à mon ordinateur qui a fait preuve d’une endurance à toute épreuve sans jamais m’abandonner.

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Table des matières

1. Introduction ... 7

2. Cadre théorique ... 9

2.1 Emergence de la notion de harcèlement scolaire ... 9

2.2 Processus et impacts du harcèlement scolaire ... 11

2.2.1 Définitions et prévalences ... 11

2.2.2 Les facteurs de risque ... 13

2.2.3 Caractéristiques et processus ... 14

2.2.4 Perception des professionnels de l’éducation ... 16

2.2.5 Les facteurs protecteurs ... 17

2.2.6 Conséquences du harcèlement ... 18

2.3 Le harcèlement scolaire en enseignement spécialisé ... 19

2.3.1 L’enseignement spécialisé à Genève ... 19

2.3.2 Spécificités du harcèlement en enseignement spécialisé ... 20

2.4 Prise en compte du harcèlement scolaire ... 23

2.4.1 Textes législatifs internationaux et nationaux ... 23

2.4.2 Mesures du Département de l’instruction publique ... 25

2.5 Recommandations de la littérature ... 27

2.5.1 Interventions pour l’enseignement ordinaire ... 27

2.5.2 Pistes d’interventions pour l’enseignement spécialisé ... 32

3. Problématique ... 36

4. Méthodologie ... 37

4.1 Choix méthodologique ... 37

4.2 Contexte de l’entretien ... 38

4.3 Description des participants à la recherche ... 39

4.4 Dispositif de recueil des données ... 41

4.5 Démarche d’analyse ... 42

5. Présentation des résultats ... 45

5.1 Formation des participants ... 45

5.2 Définition et conception du harcèlement scolaire ... 46

5.3 Identification/exemples et interprétation de cas de harcèlement scolaire ... 53

5.4 Interventions mises en place ... 61

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5.4.1 Prévention ... 61

5.4.2 Détection ... 66

5.4.3 Traitement ... 69

5.5 Rôles et collaboration des enseignants et éducateurs en cas de harcèlement ... 78

5.6 Efficacité perçue des interventions mises en place... 79

5.7 Connaissance de dispositifs existants pour contrer le harcèlement scolaire ou idées de mesures ... 81

6. Discussion et conclusion ... 83

6.1 Réponse à la première question de recherche ... 83

6.2 Réponse à la deuxième question de recherche ... 85

6.3 Limites et perspectives de la recherche ... 87

7. Bibliographie ... 89

8. Annexes ... 96

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1. Introduction

Qui n’a jamais entendu parler de harcèlement scolaire au détour d’une émission, d’une conférence ou d’une simple discussion ? Qui surtout n’y a jamais été confronté à l’école, en tant que témoin, victime ou auteur ?

Si aujourd’hui il est presque impossible d’ignorer l’existence de ce problème de société, cette prise de conscience est encore récente, malgré l’ampleur du phénomène. Pourtant, le harcèlement scolaire demeure encore un sujet tabou et mal connu du grand public.

Me destinant au métier d’enseignante spécialisée, mon désir d’étudier ce sujet est parti d’une situation personnelle que j’ai vécue lors d’un remplacement en classe intégrée du cycle d’orientation. En effet, dès le début des cours, j’ai remarqué qu’une élève était la cible de remarques négatives à son encontre de la part de plusieurs autres élèves, et ceci de manière fréquente. « Arrête de me regarder », « Arrête de faire du bruit avec ton stylo » ou « Arrête de répondre n’importe quoi » sont des exemples de réflexions que j’ai entendues et qui me paraissaient injustifiées. Malgré mes tentatives d’interventions, ces remarques n’ont baissé ni en fréquence ni en intensité de toute la matinée, jusqu’à ce que l’élève acculée m’appelle pour me demander de vérifier l’orthographe d’un mot. C’est alors qu’elle m’a montré un mot où il était écrit : « Je veux les tuer ». La violence des réflexions ainsi que le sentiment de détresse que l’élève a essayé de me communiquer m’ont vivement interpellée, et j’ai été poussée à considérer la gravité de la situation que je n’étais, à l’époque, pourtant pas en mesure de définir.

Je me suis aperçue au fil de mes expériences professionnelles qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé, et que les manifestations n’avaient pas besoin d’être aussi visibles pour être vectrices de souffrances. C’est ainsi que j’ai pu mettre un terme sur ce phénomène : le harcèlement scolaire. Pour définir rapidement cette notion sur laquelle nous reviendrons, il s’agit de

« l’ensemble des violences verbales, physiques et psychologiques répétées dans le temps par un ou plusieurs élèves à l’encontre d’un autre qui se trouve dans l’impossibilité de se défendre » (Ansermet & Jaffé, 2012, p.17).

Mes diverses observations m’ont amenée à l’idée d’effectuer un mémoire sur le sujet du harcèlement scolaire, car il s’agit d’un phénomène de société grave occasionnant des souffrances importantes. Certains cas médiatisés d’élèves poussés au suicide à cause du harcèlement subi de la part de camarades illustrent le problème dans toute son ampleur. Ils

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montrent également la nécessité de détecter ce genre de situations et d’intervenir le plus tôt possible, et ceci même si la souffrance occasionnée ne débouche pas sur une fin aussi tragique.

Quelles sont alors les représentations et interventions, des enseignants et des éducateurs spécialisés, face au harcèlement scolaire ? Telle est la question de départ dont découle l’élaboration de mon mémoire.

Dans ce but, nous allons dans un premier temps faire une revue de littérature concernant le harcèlement scolaire en milieu ordinaire ; en abordant l’émergence de la notion de harcèlement, puis ses processus et impacts. Les spécificités du harcèlement scolaire en enseignement spécialisé seront ensuite exposées, ainsi que la prise en compte du harcèlement par les différents acteurs étatiques. Pour clore le cadre théorique, les principales pistes d’interventions seront présentées.

Par la suite, le contexte de la recherche ainsi que la méthode mise en place vont être abordés.

Enfin, les résultats seront présentés et analysés.

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2. Cadre théorique

2.1 Emergence de la notion de harcèlement scolaire

Le phénomène de harcèlement est pointé pour la première fois dans les années 60 par un psychiatre suédois, Peter-Paul Heinemann, qui avait observé un groupe d’adolescents qui malmenait un enfant (Catheline, 2015). Au début des années 70, la communauté scientifique des pays scandinaves commence à se pencher plus précisément sur la problématique du harcèlement scolaire, mais cette préoccupation naissante ne s’étend cependant pas jusqu’aux directeurs d’écoles (Olweus, 1999). Dan Olweus, professeur de psychologie à l’Université de Bergen en Norvège, se saisit alors plus sérieusement du problème et mène, à partir de 1973, en enquête au niveau national auprès de 140'000 élèves âgés de 8 à 16 ans. L’envergure de la recherche est sans précédent et sert encore de modèle à l’heure actuelle (Blaya, 2006).

L’événement qui marque un tournant décisif dans l’étude du phénomène a lieu en 1982, lorsque trois jeunes garçons norvégiens âgés de 10 à 14 se suicident des suites de brimades commises par leurs camarades. Cette tragédie entraîne un malaise et des questionnements considérables parmi le public et les médias. C’est alors que les recherches de Dan Olweus servent de base à une campagne anti-harcèlement au sein des écoles norvégiennes durant l’année 1983 (Olweus, 1999). La prise de conscience du harcèlement scolaire s’étend ensuite au reste du monde, notamment au Japon au milieu des années 1980, à nouveau par le biais de suicides d’élèves fortement médiatisés. Les autres pays tels que les Etats-Unis, l’Australie, le Canada, et en Europe : l’Angleterre, les Pays-Bas et l’Irlande, s’y intéressent dans la foulée (Ansermet & Jaffé, 2012). Les premières recherches ne font leur apparition en France que dans les années 1990 (Blaya, 2006).

Il est important de replacer cette évolution de la conscience collective touchant au harcèlement scolaire, dans le contexte plus large de la prise en considération de l’enfant. En effet, cette dernière est un phénomène récent à l’échelle de l’humanité, puisque l’enfant n’est pas perçu comme un sujet de droits avant le XIXème siècle. Le premier texte législatif qui reconnaît au niveau international des droits pour les enfants est la déclaration dite « de Genève », et date de 1924 (Romano, 2015). L’attention portée aux enfants s’accroît ensuite progressivement.

A partir des années 1970, il y a un changement de la sensibilité publique à l’égard de la violence infantile qui est notoire. Cette transformation de la sensibilité collective est issue d’une part de la désinstitutionnalisation de la famille, due à l’érosion du mariage, la

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banalisation des divorces, la fréquence moindre des familles traditionnelles, l’augmentation des familles monoparentales et l’augmentation des enfants nés hors mariage. Dans ce contexte, l’enfant devient une valeur refuge qu’il convient de protéger. La sensibilité collective est d’autre part influencée par la reconnaissance juridique des droits de l’enfant en 1989, par l’Assemblée Générale des Nations Unies, qui élève désormais ce dernier au statut d’individu à part entière et donc doué de droits (Frauenfelder & Delay, 2005). La Convention des droits de l’enfant n’est donc pas le premier texte de loi international en faveur de l’enfance, mais il est le premier à être adopté par un nombre aussi important d’états, puisque le traité est ratifié par 193 d’entre eux. De plus, il est également le premier à responsabiliser les pays signataires (Romano, 2015).

L’apparition de la notion et de l’étude du harcèlement scolaire en Scandinavie dans les années 1970 va donc de pair avec la transformation de la sensibilité collective à l’égard de la violence infantile, lorsque l’enfant commence à représenter une valeur refuge. La prise en compte du problème au niveau international apparaît cette fois à la même période durant laquelle la Convention des droits de l’enfant voit le jour. Nous ne pouvons pas en déduire une cause à effet certaine, mais la correspondance n’est probablement pas fortuite.

A Genève, la prise en considération des violences scolaires coïncide avec la Convention internationale des droits de l’enfant, et apparaît en même temps qu’en France. En effet, le problème du harcèlement scolaire n’est considéré comme tel qu’en début des années 1990, lorsque la commune de Meyrin commence à mener des travaux sur le sujet. Les résultats sont alors repris par un groupe de députés du parlement cantonal qui s’emploie à montrer au grand public l’existence des violences scolaires (Frauenfelder & Mottet, 2012, cité dans Decroux et Dussex, 2016). Il faut cependant attendre 2004 pour qu’un groupe de coordination stratégique soit mis en place au sein du Département de l’Instruction Publique (DIP). Celui-ci comprend notamment des représentants du secrétariat général, des directions des trois degrés d’enseignement, ainsi que de l’Office de la jeunesse. Leur but est alors de s’unir pour mettre en place une politique de lutte contre le harcèlement scolaire. Après avoir utilisé pendant cinq ans un logiciel informatique dédié au recensement des violences dans les écoles genevoises, celui-ci n’est pas considéré comme étant optimal pour détecter la forme de violence moins visible qu’est le harcèlement scolaire.

Des suites de ce constat, une enquête de victimisation est menée auprès des élèves du cycle et du post-obligatoire, entre juin et novembre 2012, de manière à pouvoir ensuite mettre sur pied un plan d’action (Gros, 2013).

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Il est important de noter que durant la même période, à savoir dans les années 2000, une nouvelle forme de harcèlement apparaît avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (Lachat, 2012). Le terme « cyberbullying », qui veut dire « cyberharcèlement », est utilisé pour la première fois en 2003 par un professeur canadien (Bellon & Gardette, 2013). Nous reviendrons sur sa définition et ses spécificités dans les chapitres suivants.

2.2 Processus et impacts du harcèlement scolaire

2.2.1 Définitions et prévalences

Comme cela a déjà été brièvement défini dans l’introduction, le harcèlement scolaire est

« l’ensemble des violences verbales, physiques et psychologiques répétées dans le temps par un ou plusieurs élèves à l’encontre d’un autre qui se trouve dans l’impossibilité de se défendre » (Ansermet & Jaffé, 2012, p.17). Plus précisément, trois points font consensus dans la littérature quant aux caractéristiques de ces violences, à savoir : une inégalité des forces au niveau physique, social ou émotionnel entre la victime et le harceleur, une intention de blesser physiquement ou émotionnellement la victime, et des actions d’intimidation survenant de manière répétée (Rose & al., 2011).

Blaya (2006), précise toutefois qu’il n’y a pas de convention sur la durée et la fréquence des actions d’intimidations pour que celles-ci soient qualifiées de harcèlement, les chercheurs n’utilisant pas tous les mêmes critères. Elle souligne également que le harcèlement scolaire est la « face cachée » de la violence, c’est-à-dire qu’il est généralement le résultat d’un ensemble de petites actions négatives répétées, plutôt que d’évènements spectaculaires. C’est d’ailleurs cette spécificité qui en fait un phénomène insidieux, difficile à déceler pour les adultes.

De plus, il convient de distinguer le harcèlement direct et indirect. En effet, le harcèlement direct comprend les actions dirigées ouvertement contre la victime, c’est-à-dire les agressions physiques (bousculades, coups de poing, coups de pieds etc.), verbales (moqueries, paroles dégradantes, menaces) ou sexuelles (paroles à caractère sexuel ou contraintes sexuelles) (Walker, Ramsey & Gresham, 2004, cité dans Rose & al, 2011). Le harcèlement indirect, parfois appelé harcèlement psychologique, est plus pernicieux car moins visible. Il agit au niveau relationnel et résulte d’une volonté d’isoler la victime, de l’ostraciser, notamment par la propagation de rumeurs ou par exclusion sociale (Catheline, 2015). Il n’y a cependant pas

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de consensus dans la littérature sur la catégorisation du vol et de la dégradation d’objets personnels.

Le cyberharcèlement est l’action de diffuser des textes (ex : insultes, rumeurs), des images ou des films qui portent atteinte à l’intégrité de la victime, par le biais d’un canal numérique (Lachat, 2012). Tous les moyens de communication virtuels entrent dans cette catégorie, à savoir les réseaux sociaux, sms, e-mails etc. Comme pour le harcèlement ordinaire, le cyberharcèlement vise à « humilier, répandre des rumeurs, ostraciser, exercer une coercition externe sur un individu qui ne peut pas facilement se défendre seul ou qui subit une domination » (Couchot-Schiex, Moignard & Richard, 2016, p.13).

Le cyberharcèlement diffère du harcèlement scolaire ordinaire d’un point de vue de l’interaction, puisqu’il s’agit d’une interaction virtuelle et non plus physique. L’absence de face-à-face accentue le défaut d’empathie de l’agresseur, qui n’a plus accès aux émotions de la victime. En outre, les agresseurs sont souvent anonymes et le nombre de protagonistes peut se démultiplier très rapidement, puisque la portée d’action et de diffusion des données numériques est nettement supérieure (Bellon & Gardette, 2013).

Au niveau de la prévalence du harcèlement scolaire, nous pouvons observer de grandes différences au sein des pays, selon une enquête internationale menée en 2006 auprès de 24 pays. En effet, alors que la Turquie et la Grèce se trouvent à l’extrémité supérieure avec un taux de harcèlement et de victimisation pouvant avoisiner les 30% dans certaines configurations, la Suède et l’Espagne se situent à l’autre bout du classement avec un taux d’environ 5 %. La Suisse se situe un peu au-dessus de la moyenne, avec 14,7% de garçons victimes de harcèlement contre 11,7% de filles, et 17,1% de garçons auteurs de harcèlement contre 8,7% de filles (OCDE, 2009). Ainsi, comme dans la quasi-totalité des pays étudiés, les garçons sont plus impliqués dans le harcèlement scolaire que les filles, à la fois comme auteurs mais aussi comme victimes (OCDE, 2009). Les différents types de harcèlement sont toutefois genrés, puisque les garçons sont davantage les cibles et les auteurs de harcèlement physique, alors que les filles sont plus victimes de harcèlement psychologique (Olweus, 1999) et de harcèlement sexuel (Moody, Piguet, Barby & Jaffé, 2013).

En Suisse romande, diverses études ont évalué entre 5 et 10% le nombre d’élèves concernés par le phénomène (DIP, 2016a). A Genève, les taux sont similaires (Gros, 2013).

En ce qui concerne le cyberharcèlement, il apparaît que 98% des élèves qui en sont victimes sont également victimes de harcèlement scolaire ordinaire (Bellon & Gardette, 2013). Bien que la différence de prévalence concernant le genre ne soit pas observée pour les

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comportements de cyberharcèlement en général (Görzig, 2012), il apparaît que les filles sont davantage la cible de cyberviolences à caractère sexuel (Couchot-Schiex, Moignard &

Richard, 2016). Ces dernières sont appelées cybersexisme, et comprennent les « actes, commentaires, messages à caractère sexuel ou qui critiquent la manière de s’habiller, l’apparence physique, le comportement amoureux ou sexuel » (Centre Hubertine Auclert, s.d).

2.2.2 Les facteurs de risque

Dan Olweus (1999), révèle que le premier facteur explicatif du harcèlement scolaire, particulièrement du côté de l'agresseur, est le contexte familial. En effet, lorsque les enfants sont témoins ou victimes de violences - tels que les châtiments corporels, disputes, cris ou insultes- ils sont plus à risque de développer un comportement agressif (Blaya, 2006). Il en est de même lorsque l’enfant évolue dans un milieu familial très laxiste, sans règles ni limites clairement établies, ou qu’il y a alternance entre rigidité et indifférence (Blaya, 2006 ; Debarbieux, 2012). Les styles éducatifs excessivement autoritaires, laxistes ou inconsistants sont donc des facteurs de risque importants.

A l’inverse, un environnement familial surprotecteur favorise la victimisation, car les enfants ont moins d’opportunités pour développer leur assertivité (Olweus, 1999). Il n’y a par contre pas d’influence négative significative en ce qui concerne les familles monoparentales et recomposées (Blaya, 2006).

Les facteurs personnels sont aussi considérés comme des facteurs de risque. Ainsi, les enfants timides ou dépressifs sont plus à risque de devenir des victimes (Voss & Mulligan, 2000, cité dans Debarbieux, 2012).

Les élèves présentant des difficultés d’apprentissage sont également plus susceptibles de devenir victimes ou agresseurs de harcèlement (Blaya, 2006).

Un faible niveau socio-économique - à savoir un faible revenu des parents, un bas niveau d’étude et un logement exigu - favorise également les conduites agressives. Cependant, le lien de cause à effet semble moins clair en ce qui concerne le harcèlement à l’école. Il ne jouerait à priori qu’un rôle périphérique, en étant davantage un facteur aggravant plutôt qu’un facteur explicatif (Debarbieux, 2012). Olweus (1999) n’a pas trouvé non plus de lien entre le niveau socio-économique des parents et leur style éducatif. Il s’agit cependant d’un aspect qui reste sujet à débat.

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Un dernier facteur sur lequel il vaut la peine de s’attarder est l’environnement scolaire. En effet, même si le climat scolaire est influencé par l’emplacement de l’école, le harcèlement scolaire n’est pas réservé aux établissements défavorisés, contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord. Certains établissements favorisés ou très favorisés misent sur la culture dominante et l’excellence, générant de par ce fait des violences envers les élèves qui ne répondent pas à ces critères. Un tiers des établissements défavorisés présente à contrario un climat scolaire satisfaisant, lorsqu’ils ont une équipe soudée qui collabore efficacement à la lutte contre les violences à l’école (Blaya, 2006).

L’instabilité de l’équipe enseignante, lorsque celle-ci est empreinte de conflits et de désaccords, est le facteur le plus prédictif de l’augmentation du harcèlement scolaire, car moins de ressources peuvent être allouées à ce problème. L’absence d’un règlement clair et une impunité des actes violents ont également un impact négatif (Debarbieux 1999, 2012), de même que le regroupement des élèves en classes de niveaux (Eith, 2005, cité dans Debarbieux, 2012). Pour finir, les établissements de grandes tailles seraient aussi plus à risque du fait des relations moins individualisées entre les adultes et les élèves, mais aussi entre les élèves eux-mêmes (Gottfredson, 2001). Ce constat reste cependant controversé (Olweus, 1999).

2.2.3 Caractéristiques et processus

Selon Olweus (1999), spécialiste renommé en la matière, il y a deux sortes de victimes ; la victime « type », appelée victime passive ou soumise, et la victime provocante.

Les victimes passives se caractérisent par une absence de riposte en cas d’insultes ou d’attaques. Ce sont généralement des élèves « timides, sensibles et calmes » (p.37), qui pleurent facilement et se referment sur eux-mêmes lorsqu’ils sont la cible de harcèlement.

Leur comportement n’est en rien agressif ou agaçant, mais ils sont peu populaires au sein de leur classe et n’ont pas beaucoup d’amis. De plus, les garçons concernés ont une constitution physique plus faible que la moyenne.

Les victimes provocantes, nettement moins nombreuses, se caractérisent par leur mode de réaction à la fois angoissé et agressif. C’est-à-dire que leur comportement, souvent associé à des troubles de l’attention et de la concentration, est à l’origine de l’irritation de leurs camarades, ce qui engendre un effet boule de neige. Ces élèves-là sont donc involontairement plus « actifs » dans le déclenchement de leur propre harcèlement, sans pour autant que ce dernier soit justifié par le comportement de la victime.

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Olweus (1999) s’est également employé à définir et catégoriser les agresseurs. Comme pour les victimes, deux catégories distinctes ressortent : les agresseurs « types », appelés agresseurs actifs, et les agresseurs passifs.

Les agresseurs actifs sont caractérisés par une attitude agressive globale dirigée envers les autres élèves et les enseignants, et sont à l’origine des actes de harcèlement. Ils recourent volontiers à la violence, sont souvent impulsifs et éprouvent une empathie faible. Ils présenteraient selon Olweus (1999) une bonne estime de soi, mais ce résultat est contesté par O’Moore et Kirkham (2001) qui trouvent une corrélation inverse. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’élèves qui savent se faire obéir et respecter. Ils ont également une constitution physique supérieure à la moyenne lorsque ce sont des garçons.

Les agresseurs passifs sont quant à eux de nature hétérogène, et prennent volontiers part aux violences sans pour autant en être les initiateurs.

Voyons à présent plus en détail les mécanismes du harcèlement. En effet, il ressort souvent des médias et des croyances populaires que les victimes sont désignées en fonction d’une différence notoire. Les élèves eux-mêmes affirment que les victimes le sont devenues car elles présentent des « déviations extérieures (négatives) comme l’obésité, les cheveux roux, un accent bizarre[ou] le port de lunettes » (Olweus, 1999, p.36). Les recherches mettent cependant en lumière que les victimes ne présentent pas plus de déviations extérieures que les élèves non agressés. D’ailleurs, 75% de ces derniers en affichent au moins une. La seule différence externe qui distingue les victimes des agresseurs est donc la constitution physique, et cela ne concerne que les garçons. Les agresseurs utilisent pourtant la « déviance » perçue comme argument à leurs brimades, mais sans que celle-ci en soit la cause réelle (Olweus, 1999).

Remplaçons à présent le harcèlement scolaire dans ce qui en fait sa force destructrice, à savoir la dynamique de groupe. Ce même auteur explique que les élèves ont davantage tendance à se comporter agressivement s’ils voient un camarade agir de la sorte, et plus encore s’ils ont une bonne opinion de lui. L’agresseur est alors perçu comme un « modèle » qu’il est tentant de copier. Cet effet est encore renforcé si les élèves le voient tirer un bénéfice de ses agissements. Des conséquences négatives pour l'agresseur ont cependant l’effet inverse.

Le harcèlement scolaire trouve aussi sa source dans ce que l’on appelle la « dilution de la responsabilité », c’est-à-dire que le sentiment de responsabilité individuelle diminue lorsque la personne se trouve en groupe. Ainsi, une personne actrice ou témoin de harcèlement

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scolaire se sent d’autant moins responsable, et donc coupable, que le nombre d’acteurs ou de témoins est élevé.

Un autre effet pervers est le changement de perception que les élèves ont de la victime au fil du temps. Suite aux brimades et aux insultes répétées, la victime « finit par être perçue comme une personne sans valeur qui demande presque à être battue et qui mérite d’être harcelée » (Olweus, 1999, p.47). Pour finir, les témoins hésitent souvent à intervenir de peur de perdre leur statut dans le groupe, et ceci même s’ils n’adhèrent pas aux actions malveillantes. La crainte de devenir à son tour victime est également présente (Debarbieux, 2008, cité dans Ansermet & Jaffé, 2012).

Regardons maintenant les mécanismes périphériques qui entrent en jeu pour les victimes et les enseignants. Bellon & Gardette (2011) qualifient le harcèlement d’ « invisible visibilité » (p.12), c’est-à-dire qu’il est la somme de petits actes malveillants qui pris isolément semblent insignifiants. C’est cette particularité qui en fait son caractère pernicieux, car il peut être compliqué pour les enseignants de déceler le harcèlement s’ils n’ont pas accès à une vue globale de ce qu’endure l’élève. Certains harceleurs savent très bien rendre visibles leurs attaques aux yeux de leurs camarades, tout en les dissimulant suffisamment pour que l’enseignant ne se rende compte de rien. De plus, il n’y a qu’environ 10% de ces actes qui se déroulent en classe. Cette difficulté à détecter le harcèlement est amplifiée par le silence qui entoure les victimes. Ces dernières ont en effet tendance à se replier sur elles-mêmes et à ne pas parler de leurs souffrances, par honte et par peur (Bellon & Gardette, 2011).

2.2.4 Perception des professionnels de l’éducation

Kochenderfer-Ladd & Pelletier (2008) séparent les croyances des enseignants envers le harcèlement en trois catégories ; ils distinguent les assertifs, les normatifs et les évitants. Les enseignants qui font partie de la catégorie des assertifs considèrent que les victimes de harcèlement ne s’affirment pas assez, et que la réaction la plus efficace est de résister aux harceleurs. Les normatifs pensent que le harcèlement est un aspect naturel et inévitable du développement social, que tous les enfants expérimentent sans que cela ait nécessairement des conséquences négatives à long terme. Enfin, les évitants reconnaissent les dommages que le harcèlement cause et estiment que la réaction la plus efficace est d’éviter les situations à risque et le contact avec les harceleurs dès que cela est possible. Les différents types de croyances influencent de par ce fait les interventions.

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Les exemples suivants montrent en effet qu’il peut y avoir une méconnaissance du harcèlement par les professionnels de l’éducation, liée parfois à un certain fatalisme, qui se répercute ainsi sur leur pratique. Romano (2015) affirme en l’occurrence que les directeurs perçoivent souvent la situation de harcèlement comme étant limitée à la victime et le(s) auteur(s), oubliant ainsi les témoins et les autres victimes qui n’ont jamais dénoncé leur(s) agresseur(s). Cette chercheuse cite également un directeur d’établissement que l’on pourrait aisément qualifier de normatif, en référence aux catégorisations ci-dessus : « Du harcèlement il y en a toujours eu, ici comme dans les autres établissements. Le gouvernement dit que la moyenne c’est un élève harcelé pour dix et ben disons que je suis dans cette moyenne. On n’y peut rien, c’est comme dans la vie il y a toujours une part de personnes qui ne s’intègre pas quoique l’on fasse ; j’ai mon quota et ça ne changera pas » (p.175). Cet état d’esprit rejoint ce que Olweus (1999) affirme lorsqu’il interroge des enseignants réfractaires à la surveillance de la cour de récréation. Ceux-ci avancent qu’ils ne sont pas là pour « faire le gendarme », reflétant ainsi bien le manque de connaissances sur les mécanismes du harcèlement.

De plus, certains chercheurs ont observé des différences au sein des enseignants en fonction de leur genre. En effet, les enseignants de sexe masculin auraient plus tendance à ignorer le harcèlement, alors que les enseignants de sexe féminin interviendraient plus volontiers (Burger et al., 2015, cité dans Gerber, 2016).

Au niveau de la Suisse, une enquête a été menée dans le canton de Vaud auprès des directeurs d’établissements. 43% d’entre eux disent que la violence à l’école est un phénomène préoccupant, mais seulement 22% affirment que c’est un problème préoccupant dans leur établissement (Duperrex & Ruiz, 2012). Cette minimisation des faits est notamment illustrée par le chargé de prévention auprès de la brigade des mineurs du canton de Fribourg, qui déclare « constater que le harcèlement ne doit toucher que 1 à 2 % des élèves » (Siggen, 2012, p.149).

2.2.5 Les facteurs protecteurs

Quelques facteurs protecteurs ont été identifiés par les chercheurs dans le phénomène de harcèlement scolaire. Le premier se situe au niveau structurel et concerne les classes à degrés multiples, qui présentent en effet un taux de victimisation inférieur aux classes à degrés simples. Ces résultats sont expliqués par les pratiques pédagogiques mises en places dans ces classes, plus axées sur la coopération entre élèves (Piguet, Moody & Bumann, 2012).

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Il apparaît par ailleurs qu’une bonne collaboration de l’équipe enseignante, ainsi que des règles claires et cohérentes sont bénéfiques à un bon climat scolaire (Gottfredson, 2001), de même que la collaboration des parents et la participation des élèves à des activités communautaires avec l’école (Benbenishty & Astor, 2005, cité dans Debarbieux, 2012). De plus, les établissements qui réussissent à « développer un sens d’appartenance et à valoriser les apprentissages arrivent à inverser les prédictions d’attitudes violentes chez les élèves qui avaient été identifiés [à] risque » (Blaya, 2006, p.75).

Olweus (1999) aborde un dernier facteur de protection non négligeable, qui est celui de la surveillance pendant les récréations et les repas. Il a en effet remarqué que pendant ces périodes critiques, le taux de harcèlement est inversement proportionnel à la densité du personnel surveillant.

2.2.6 Conséquences du harcèlement

Les conséquences du harcèlement étant multiples et variées, nous allons donc voir ensemble les plus courantes.

Du côté des victimes, l’anxiété, la dépression et une faible estime de soi sont les répercussions les plus fréquentes du harcèlement. Ces sentiments dévastateurs peuvent amener des pensées suicidaires et dans les cas les plus graves mener au suicide (Olweus, 1999). De plus, un état de stress post-traumatique est présent chez 40% des victimes (Catheline, 2015). Des problèmes somatiques, comme des maux de ventre récurrents ou de la fatigue chronique, peuvent également être une conséquence du stress engendré (Bellon & Gardette, 2011). Les produits toxiques pour la santé sont quant à eux plus volontiers utilisés pour éviter les reviviscences traumatiques (Romano, 2015).

Les conséquences néfastes s’observent aussi au niveau scolaire puisqu’il devient plus difficile de se concentrer, entraînant une chute des résultats scolaires. Les victimes ont en outre un absentéisme plus important, dû à leur comportement d’évitement (Blaya, 2006).

Parmi les effets à plus long terme, il est important de noter qu’une partie des enfants harcelés finissent par devenir à leur tour auteurs de harcèlement (Olweus, 1978). Il apparaît également qu’à l’âge adulte, les problèmes de dépression et d’estime de soi tendent à persister (Olweus, 1993).

Bien qu’étant les plus touchées, les victimes ne sont cependant pas les seules à ressentir les effets du harcèlement. En effet, Kubiszewski (2016) a montré que les élèves témoins présentent plus de difficultés psychologiques et scolaires que les élèves non-témoins.

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Du côté des harceleurs, les conséquences sont aussi présentes. Si ces derniers ne sont pas freinés dans leurs actes, ils développent à long terme un sentiment de toute-puissance et d’impunité, augmentant encore davantage leurs comportements antisociaux et violents. Il s’agit donc d’un cercle vicieux qu'il convient d’enrayer (Olweus, 1999). Une fois adultes, ils sont en effet davantage auteurs de violence sexuelle, conjugale ou familiale (Ansermet &

Jaffé, 2012).

Pour finir, le harcèlement a également des répercussions négatives sur le climat scolaire en général, puisque celui-ci enseigne aux élèves « la loi du plus fort, la loi du silence et la non- assistance à personne en danger » (Bellon & Gardette, 2011, p.15). Ce climat est bien sûr inadapté aux aspirations de l’école et anxiogène pour tous les élèves.

Nous pouvons donc constater que les répercussions négatives sont présentes à tous les niveaux, à court terme comme à long terme.

2.3 Le harcèlement scolaire en enseignement spécialisé

2.3.1 L’enseignement spécialisé à Genève

A la fin du XIXème siècle, le gouvernement suisse fait face à un paradoxe de taille. En effet, l’école est devenue obligatoire pour tous les enfants mais l’intégration de certains d’entre eux dans le système scolaire demeure impossible, car ils ne sont pas en mesure de suivre le rythme imposé. Cependant, une conviction forte naît selon laquelle chacun peut être utile à la société quelles que soient ses capacités. C’est ainsi que le Conseil fédéral mène une enquête en 1897, qui révèle que 7'667 des 500'000 enfants inscrits dans les écoles primaires suisses sont dans l’impossibilité de suivre une forme d’enseignement classique ; ce qui incite la Suisse à prendre des mesures concrètes afin de remédier à ce problème. Deux classes spéciales ouvrent alors à Genève dans la foulée, et elles sont au nombre de 8 deux ans plus tard (Malsch, 1912).

Depuis, les structures n’ont cessé d’augmenter et de se diversifier.

A l’heure actuelle, l’enseignement spécialisé est pris en charge par l’Office médico- pédagogique (OMP), et s’adresse à tous les enfants et adolescents présentant des difficultés importantes d’apprentissage et de développement, les empêchant de suivre un cursus scolaire ordinaire. Plus précisément, l’enseignement spécialisé concerne les élèves entre 4 et 20 ans qui ont des besoins éducatifs particuliers, de manière à ce que ces derniers puissent bénéficier d’un programme d’apprentissage adapté et individualisé (République et canton de Genève, 2017a).

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20

L’accueil de ces élèves se fait dans différentes structures, en fonction de leur âge et de leurs besoins. Dans chacune d'entre elles, un professionnel endosse le rôle de responsable pédagogique en plus de sa fonction première, et un psychologue affecté sur plusieurs autres lieux a le rôle de responsable thérapeutique (République et canton de Genève, 2017b).

• Les centres médico-pédagogiques (CMP) : reçoivent chacun entre 12 et 25 élèves du cycle élémentaire, moyen ou secondaire. Ils sont constitués d’une équipe pluridisciplinaire (enseignants, éducateurs, psychomotriciens, logopédistes et thérapeutes) qui prend en charge la scolarité de l’élève, mais aussi son autonomie et son développement général.

• Les regroupements de classes spécialisées : sont des classes à effectif réduit situées dans les écoles primaires ordinaires et encadrées par un enseignant spécialisé, qui crée des programmes personnalisés. Les élèves peuvent dans certains cas bénéficier d’une intégration partielle en classe ordinaire.

• Les dispositifs d’intégration et d’apprentissage mixtes (DIAMs) : accueillent 24 élèves de 7 à 13 ans, qui sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire composée d’enseignants ordinaires et spécialisés, ainsi que d’éducateurs. Le travail se divise en un temps d’enseignement dans la classe ordinaire, la moitié du temps sans mesure particulière et l’autre moitié avec l’appui d’un éducateur ou d’un enseignant spécialisé, et un temps d’enseignement en petit groupe dans une salle à part avec un enseignant spécialisé. Il n’y a cependant que deux dispositifs de la sorte à Genève.

• Les classes intégrées : se situent dans des écoles primaires, des cycles d’orientation ou des établissements du secondaire II. Le fonctionnement est similaire à celui de la classe spécialisée, à la différence près que les élèves sont également encadrés par un éducateur.

• Les écoles de formation préprofessionnelle : s’adressent à des élèves de 13 ans à 15 ans, et chaque classe accueille au maximum 15 élèves. Le programme individualisé comprend un axe pédagogique, éducatif et préprofessionnel.

• Les enseignants spécialisés détachés : s’occupent d’élèves inscrits dans l’enseignement ordinaire, mais qui présentent toutefois des besoins éducatifs particuliers à un moment donné de leur cursus. Ces enseignants peuvent donner un appui à l’élève dans sa classe régulière, ou intervenir à l’hôpital ainsi qu’au centre de détention pour mineurs.

2.3.2 Spécificités du harcèlement en enseignement spécialisé

Pour commencer, il faut savoir que la littérature concernant le harcèlement scolaire en spécialisé est très pauvre en comparaison avec les recherches menées dans l’enseignant ordinaire. De plus, une grande partie de ces études sont menées aux Etats-Unis, où la norme

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est à l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers. En effet, 95% de ces élèves ont une classe ordinaire comme classe principale, et la moitié d’entre eux y passent plus de 80%

de leur temps (Hartley, Bauman, Nixon & Davis, 2015). Le harcèlement scolaire est donc principalement étudié dans l’interaction entre les élèves de l’enseignement ordinaire et spécialisé, mais pas ou peu entre les élèves du spécialisé. Ces facteurs impliquent que les chiffres présentés ne sont pas généralisables en l’état au contexte suisse et genevois, du fait notamment d’une inclusion moindre, mais les recherches existantes apportent cependant de précieuses informations quant aux tendances générales du harcèlement scolaire touchant les élèves à besoins éducatifs particuliers.

Si nous commençons par regarder les études qui comparent la prévalence du harcèlement en ordinaire et en spécialisé, il apparaît que les élèves recevant un enseignement spécialisé ont deux fois plus de risques d’être harcelés que les élèves ordinaires (Carter & Spencer, 2006), et cette augmentation de la victimisation concerne également le cyberharcèlement (Simpson, Rose & Ellis, 2016). McNamara (2013) explique ces résultats en rappelant que le harcèlement est un jeu de pouvoir, et que les élèves à besoin éducatifs particuliers ont souvent moins de compétences physiques, intellectuelles ou émotionnelles. Cependant, une méta-analyse de Rose & al. (2011) montrent que le taux d’élèves harceleurs en enseignement spécialisé est également plus haut qu’en ordinaire, et qu’il y a au final plus de 50% des élèves en spécialisé qui ont déjà été impliqués dans du harcèlement scolaire, contre 20 à 30 % des élèves de l’ordinaire. Il n’y a par contre à priori pas de différence significative de genre entre les deux populations, puisqu’à l’instar des élèves en ordinaire, les garçons à besoins éducatifs particuliers sont plus fréquemment victimes de harcèlement physique et les filles de harcèlement psychologique (Hartley & al., 2015), ce sujet restant toutefois sujet à débats.

Simpson & al. (2016) complètent ces résultats en montrant que les garçons en spécialisé sont aussi plus impliqués dans le harcèlement scolaire que les filles en spécialisé.

Une autre différence entre les élèves issus des deux systèmes se situe dans la forme du harcèlement et son évolution. Alors que les jeunes élèves en ordinaire manifestent davantage d’agressions physiques que leurs camarades plus âgés, ces derniers faisant alors plus recours au harcèlement psychologique, il apparaît que le harcèlement physique ne diminue pas avec l’âge des élèves en spécialisé. De même, alors que le harcèlement scolaire en général diminue entre le secondaire I et II dans l’enseignement ordinaire, il tend à rester stable ou même à augmenter dans l’enseignement spécialisé (Rose, Espelage & Monda-Amaya, 2009).

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Si nous nous focalisons à présent seulement sur l’enseignement spécialisé, nous pouvons voir apparaître des différences en son sein. Premièrement, les élèves en classe spécialisée sont plus confrontés au harcèlement scolaire, en tant que victime ou auteur, en comparaison avec les élèves en intégration ; alors même que ces derniers y sont déjà plus confrontés que les élèves de l’enseignement régulier (Rose & al., 2009). Cette différence s’explique par le fait qu’en situation d’intégration, les élèves ont davantage d’opportunités pour entraîner leurs habiletés sociales et calquer leur comportement sur celui de leurs pairs. Cependant, si l’intégration est partielle ou de mauvaise qualité, cela peut maintenir ou exacerber les situations de harcèlement, autant pour le harcelé que pour le harceleur. En effet, l’isolement diminue pour l’élève les occasions de développer ses aptitudes sociales et limite l’attachement aux pairs, alors que ceux-ci peuvent servir de support en cas d’agression (Martlew & Hodson, 1991, cité dans Rose & al., 2009). Pourtant, l’apprentissage de ces aptitudes est d’autant plus important pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, car leurs difficultés sont souvent associées à de faibles capacités sociales. Ils ont tendance à mal interpréter les signaux verbaux et non verbaux, les considérant alors plus ou moins menaçants qu’ils ne le sont réellement, et ne savent pas comment désamorcer les situations de violence physique (Carter & Spencer, 2006).

Leur traitement de l’information déficitaire, couplé parfois à une faible maîtrise de soi, les amène à agir de façon inappropriée dans une situation sociale donnée (Rose & al., 2011).

Il est dès lors facile de tomber dans un cercle vicieux, où une fréquence moindre d’interactions avec les pairs limite le développement des facultés sociales déjà déficitaires, qui entraînent à leur tour une plus grande difficulté à créer des liens. Les risques de harcèlement sont alors augmentés, ce qui accroît l’isolement et la solitude de l’élève en engendrant une baisse de la motivation à se rapprocher de ses camarades, et ainsi de suite (Humphrey &

Hebron, 2015).

Whitney, Nabuzoka & Smith (1992) ont par ailleurs remarqué que les élèves adoptent en moyenne plus de comportements harceleurs en classe spécialisée, lorsqu’ils étaient au préalable dans une classe intégrée où ils avaient le rôle de victime. Rose & al. (2011) font état d’une possible réaction à une victimisation prolongée, de manière à combattre le harcèlement subi ou se protéger du risque d’être harcelé à nouveau.

Une méta-analyse de Rose & al. (2011) met également en lumière l’existence de profils d’élèves et de dynamiques très différents au sein de l’enseignement spécialisé en fonction du type de handicap, par la comparaison des pourcentages d’élèves présentant des comportements harceleurs ou subissant des situations de harcèlement. Les résultats s’avèrent

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intéressants, puisque les élèves souffrant de dysphasie, de troubles psychiatriques ou de déficiences physiques sont 20% de plus à être victimes de harcèlement en comparaison avec les élèves ordinaires. Ce pourcentage monte à 30% chez les élèves avec des troubles émotionnels et du comportement, et à 66% pour les élèves souffrant du syndrome d’Asperger.

La prévalence la plus haute trouvée dans une étude fait état de 94% d’enfants à trouble du spectre autistique ayant subi du harcèlement scolaire durant les 12 derniers mois (Humphrey

& Hebron, 2015). Les auteurs expliquent ces taux élevés par les habiletés sociales particulièrement faibles de cette dernière population, son attitude passive et effacée face aux attaques, ainsi que sa grande difficulté à se faire des amis et entretenir les relations.

A l’inverse, les élèves qui harcèlent le plus, toutes catégories confondues, sont ceux avec des troubles émotionnels et du comportement (Rose & al., 2011). Margraf & Pinquart (2016) apportent toutefois des précisions et des nuances supplémentaires par rapport à ces élèves-là.

Ces chercheurs montrent en effet que les adolescents avec des troubles du comportement sont plus enclins à harceler, alors que ceux avec des troubles émotionnels (anxiété, dépression) sont plus à risque d’être harcelés. Les adolescents qui ont des troubles émotionnels et du comportement associés, peuvent quant eux aussi bien-être du côté des harceleurs que des harcelés, notamment par l’adoption du statut de victime provocante.

Les recherches menées en enseignement spécialisé ont donc mis en lumière une spécificité du harcèlement scolaire, en comparaison avec l’enseignement ordinaire, tant au niveau du taux de harceleurs et harcelés qu’au niveau des formes que prend le harcèlement. Des études plus poussées ont aussi montré des différences entre classes spécialisées et classes intégrées, le harcèlement étant plus élevé en classe spécialisée, sauf en cas d’intégration partielle ou de mauvaise qualité en classe intégrée. De plus, des différences ont même été trouvées à l’intérieur des classes suivant les profils des élèves.

2.4 Prise en compte du harcèlement scolaire

2.4.1 Textes législatifs internationaux et nationaux

Revenons sur la Convention internationale des droits de l’enfant adopté en 1989, évoqué au début du chapitre. Comme nous l’avons vu, ce traité marque un tournant dans la reconnaissance juridique des droits de l’enfant, notamment de par sa ratification massive.

Il ne fait pas expressément référence au harcèlement scolaire, mais l’article 19 légifère sur les violences subies, dont voici un extrait :

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« Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitement ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié » (Zermatten, 2012, p.44).

L’article 19 fait spontanément penser à la violence faite par les adultes sur les enfants, mais il concerne aussi la violence exercée par des enfants sur d’autres enfants. Ainsi, cet article condamne explicitement la violence, qui est une formule générale, mais le harcèlement y est implicitement inclus. Les termes « brutalités physiques ou mentales » correspondent au harcèlement physique, psychologique, verbal et cyberharcèlement que nous avons défini plus haut, tandis que la « violence sexuelle » correspond au harcèlement sexuel. Les Etats signataires ont cependant la liberté de définir plus exactement les termes en question, ainsi que d’établir des politiques d’intervention basées sur ces définitions (Zermatten, 2012).

Au niveau européen, le Conseil de l’Europe émet également de nombreuses directives en matière de violence infantile (Zermatten, 2012).

En ce qui concerne le cadre légal suisse, Lachat (2012) nous renseigne à ce sujet. Il annonce d’entrée que le terme « harcèlement » n’apparaît pas dans les textes de loi suisses en tant que tel, alors même que notre pays montre la volonté de le combattre.

La Constitution fédérale suisse est semblable à la Convention internationale des droits de l’enfant, puisqu’elle se limite également aux droits fondamentaux, dont voici deux exemples :

∙ Art. 8 Egalité : « Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, […] d’une déficience corporelle, mentale ou psychique » (p.55)

∙ Art. 11 Protection des enfants et des jeunes : « Les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l’encouragement dans leur développement » (p.56)

Le Code pénal suisse n’utilise pas non plus le terme « harcèlement », mais renferme divers articles faisant référence à la violence physique, verbale, psychologique et sexuelle. En ce qui concerne la violence physique, les articles s’y rapportant de manière explicite sont :

∙ Art. 122 Lésions corporelles graves

∙ Art. 123 Lésions corporelles simples

∙ Art. 126 Voies de fait (ex : tapes, gifles, crachat, gestes d’humiliation)

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La violence verbale peut être associée aux articles suivants :

∙ Art. 177 Injure

∙ Art. 261 Discrimination raciale

∙ Art. 180 Menaces

La violence psychologique est représentée par :

∙ Art. 173 Diffamation

∙ Art. 174 Calomnie

Enfin, la violence sexuelle est condamnée par l’article 189 du CP sur les contraintes sexuelles (Lachat, 2012).

Il n’y a par contre pas de lois spécifiques aux cyberviolences, et les comportements qui y sont liés sont régis par les mêmes articles que ceux cités (Bellon & Gardette, 2013).

Cependant, contrairement à ce que Lachat (2012) affirme, le terme « harcèlement » est utilisé dans le Code civil suisse, depuis une modification datant de juin 2006 et entrée en vigueur en juillet 2007. L’article 28b est consacré à la protection des victimes de « violence, de menaces ou de harcèlement » (Code civil suisse, 2006, p.137). Le harcèlement scolaire en tant qu’entité spécifique n’est par contre pas abordé.

En ce qui concerne à présent les démarches pénales, elles ne sont pas représentatives de l’ampleur du phénomène, car une grande partie des situations de harcèlement scolaire ne sont pas dénoncées, n’arrivent pas jusqu’aux tribunaux ou sont seulement traitées à l’intérieur de l’école. De plus, il n’est pas facile de réunir suffisamment de preuves pour confondre les agresseurs lors d’une démarche judiciaire (Lachat, 2012).

2.4.2 Mesures du Département de l’instruction publique

A Genève, un plan d’action et de prévention a été lancé en janvier 2016 par le Département de l’instruction publique, avec pour objectif de diminuer la prévalence du harcèlement (DIP, 2016a). Les mesures s’articulent autour de 4 axes :

∙ Mesurer le harcèlement : La mesure du harcèlement a pour objectif d’évaluer l’ampleur du phénomène. A cette fin, une enquête conduite en 2012 avait évalué à 6% le nombre d’élèves victimes de micro-violences répétées et 2% déclaraient être la cible de cyberharcèlement (DIP, 2016b).

∙ Former les professionnel-le-s : L’objectif est de former tous les employés des écoles (enseignants, personnel administratif et technique) du primaire et du secondaire, de manière à

« renforcer la détection précoce, agir de manière collective […] et favoriser les initiatives et

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les projets locaux » (DIP, 2016b, p.10). L’ensemble des établissements de l’enseignement ordinaire sous soumis à cette formation.

∙ Agir en cas de harcèlement : Un protocole est mis en place pour traiter les situations de harcèlement, avec 4 étapes : la déclaration de la situation, l’échange et l’évaluation de la situation, la prise en charge et le suivi à long terme (DIP, 2016b).

∙ Informer sur le harcèlement et cyberharcèlement : Des brochures d’information sont mises à disposition pour les professionnels, les parents et les élèves (DIP, 2016b).

La mise en œuvre du plan d’action et de prévention prévoit également la création de deux dispositifs internes à l’école, que sont le Groupe-Prévention et la Cellule intervention. Le Groupe-Prévention a pour missions :

• « L’adaptation du protocole ;

• L’organisation des actions de formation continue des collaborateurs de l’école ;

• La coordination des actions de prévention visant à informer les élèves et à développer leurs compétences sociales et émotionnelles ;

• La coordination des actions d’information à l’attention des parents » (DIP, 2016c, p.5).

La Cellule intervention se met en route lorsqu’une situation de harcèlement est supposée ou avérée. Contrairement au Groupe-Prévention, elle doit réagir rapidement et est mise en place jusqu’à ce que la situation soit réglée. Sa durée est donc déterminée.

Concernant le 3ème axe du plan d’action, à savoir « Agir en cas de harcèlement », les 4 étapes du protocole pour traiter les situations de harcèlement sont expliquées plus en détail dans le formulaire DIP (2016c), dont la synthèse (DIP, 2016b) est visible en annexe 1.

Ainsi, la 1ère étape est la déclaration de la situation, et comprend le signalement de la situation par toute personne détenant des informations sur un cas de harcèlement, suivi d’un recueil d’éléments concrets auprès de toute personne susceptible d’en détenir (élèves, personnel de l’école, familles, partenaires externes). Le directeur de l’école et/ou l’enseignant titulaire prend ensuite la victime en entretien individuel, afin d’avoir sa version des faits. Des entretiens individuels sont également menés avec les témoins et le(s) élève(s) auteur(s).

La 2ème étape est l’échange et l’évaluation de la situation, et implique la mise en place de la Cellule d’intervention qui permet d’ouvrir un espace de discussions entre professionnels.

L’objectif est triple : le partage des informations recueillies, l’évaluation et l’analyse de la situation, ainsi que la définition des mesures d’intervention.

La 3ème étape est la prise en charge de la situation, qui a pour but de :

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• « Faire immédiatement cesser les comportements et agissements violents ;

• Reconnaitre à la victime son statut de victime et lui assurer des mesures de protection ;

• Rappeler la loi et les comportements attendus ;

• Apporter une réponse éducative visant à la réparation des actes (sanctions, mesures de protection, mesures réparatrices) ;

• Apporter une réponse proportionnée et conforme au cadre scolaire » (DIP, 2016c, p.11).

A cet effet, des entretiens individuels sont menés avec les élèves et leurs parents par le directeur et l’enseignant titulaire, pour expliciter les mesures prises.

Enfin, la 4ème et dernière étape est le suivi post évènement. Il est en effet nécessaire d’évaluer l’impact des mesures prises et éviter une récidive, afin que la victime améliore son estime de soi, et que les capacités d’empathie de(s) auteur(s) soient renforcées. Des rencontres sont ensuite organisées avec les élèves et leur famille pour discuter de l’évolution de la situation.

2.5 Recommandations de la littérature

2.5.1 Interventions pour l’enseignement ordinaire

En 1999, Olweus énonce les principes de base des interventions qui doivent être mises en place, à commencer par la création d’un environnement scolaire dans lequel les adultes sont à la fois bienveillants, mais posent des limites claires et fermes concernant les comportements inacceptables. Ainsi, « les attitudes, habitudes et comportements du personnel de l’établissement, surtout ceux des enseignants, sont des facteurs cruciaux lors de la prévention et du contrôle des violences entre élèves, ainsi que du redéploiement de ces comportements vers des voies socialement plus acceptables » (p.49). Concernant ce dernier point, il précise en effet que c’est un service rendu aux harceleurs que d’essayer de s’opposer à leurs actes, de manière à les faire dévier de leur trajectoire antisociale vouée à perdurer. En cas de transgression de ces limites, des sanctions éducatives doivent donc être appliquées de façon systématique. L’idée est de contrebalancer les facteurs propices au développement d’un mode de réaction agressif, à savoir le manque de repères clairs et le recours à des méthodes coercitives. Debarbieux précise toutefois en 2012 qu’il est illusoire de vouloir éradiquer le harcèlement scolaire, mais qu’il est nécessaire de mettre en place des stratégies afin de le réduire au maximum.

McNamara (2013) insiste ensuite à son tour sur l’importance des témoins comme levier d’action, car il rappelle que la majorité des élèves ne sont pas impliqués directement dans les situations de harcèlement. Ils peuvent par conséquent jouer un rôle déterminant dans l’arrêt de

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celles-ci, à condition qu’une formation adaptée soit mise en place. Sans cela, ils n’osent souvent pas intervenir ou ne savent pas comment le faire. C’est ainsi que Humphrey &

Hebron suggèrent en 2015 que les méthodes d’intervention les plus efficaces sont multimodales. Celles-ci ciblent aussi bien les harceleurs que les victimes, leurs familles et les élèves témoins.

En parallèle, Romano (2015) complète ces propos en affirmant qu’il est primordial pour les victimes de se sentir soutenues. En effet, la confiance en l’adulte est fragile et un sentiment de trahison peut rapidement apparaître si l’adulte sollicité ne leur vient pas en aide. Ceci comprend les « expressions excluantes » auxquelles il n’est pas conseillé de faire recours, comme la fausse réassurance (ex : « Ce n’est pas grave, ça va aller »), la banalisation (ex :

« Tu n’es pas le premier à vivre ça, c’est normal dans les écoles ») ou la culpabilisation (ex :

« Tu n’as qu’à grandir et apprendre à te défendre »)

Nous allons à présent passer en revue certaines techniques pour prévenir, déceler et traiter le harcèlement scolaire en classe ordinaire, qui nous semblent transposables dans le spécialisé.

Pour cela, nous allons nous appuyer sur les recherches de Dan Olweus, qui comme nous l’avons vu, est le pionnier des programmes d’intervention.

En effet, à partir de l’année 1983 son programme a été mis en œuvre dans 42 établissements scolaires de Norvège, auprès de 2500 élèves âgés de 11 à 15 ans. Les résultats ont été très positifs, puisqu’une diminution de 50% à 70% des problèmes de harcèlement a été observée deux ans après son introduction, aussi bien pour le harcèlement direct qu’indirect, et indifféremment de l’âge ou du sexe. Les comportements antisociaux, comme les bagarres, le vandalisme ou l’absentéisme, ont également diminué, et les rapports sociaux positifs ont augmenté. Par la suite, ce programme a été testé dans des milliers d’écoles et a agi sur des dizaines de milliers d’élèves (Olweus, 1999). Il a été repris en partie ou en totalité par de nombreux pays, à l’instar de l’Angleterre avec l’aide de P.K. Smith, des Etats-Unis avec D.

Gottfredson, ou de la Finlande avec le programme « KiVa Koulu » qui a vu le jour en 2006 (Catheline, 2015).

Regardons à présent les mesures les plus efficaces qui sont ressorties de l’analyse des effets préventifs, faite par Olweus (1999) sur son propre programme d’intervention. Les conditions préalables à une bonne intervention sont d’une part la connaissance de l’étendue du phénomène de harcèlement au sein de l’école. Le chercheur conseille par conséquent de faire passer un questionnaire anonyme afin de mesurer son ampleur. Un engagement des

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