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Le principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens

Paragraphe second – Les autres fondements à la continuité de service

A. Le principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens

À l’occasion de l’analyse de la loi relative à la protection et au contrôle des matières nucléaires52, le Conseil constitutionnel érige la protection de la santé et de la sécurité des personnes et

des biens au rang de principe de valeur constitutionnelle. Ce principe peut justifier le maintien d’une certaine continuité des services publics notamment durant la grève.

Le droit de grève est effectivement concilié avec certains impératifs de la vie collective, en particulier la sécurité que la population et les pouvoirs publics sont en droit d’exiger des installations nucléaires. En 1979, le Conseil Constitutionnel rappelle que le législateur est habilité à tracer les limites du droit de grève, et par-là même qu’il est habilité à assurer une certaine continuité des services publics en cas de grève. Cette opération prend la forme d’une conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen de défense et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte. En 1980, le Conseil constitutionnel ajoute que le législateur doit opérer ces limitations nécessaires du droit de grève « en vue d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, protection qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle »53 permettant d’assurer une certaine continuité des services publics.

Une fois encore, le Conseil, « maître du jeu législatif », « étend son catalogue des principes constitutionnels »54. Ce nouveau principe semble pouvoir être rattaché plus facilement à la Constitution que le principe de continuité. À ce propos, Monsieur Dominique TURPIN55 considère

52 Loi n° 80-572 du 25 juillet 1980, art. 6 (JO 26).

53 CC n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, Protection et contrôle des matières nucléaires, décision précitée, note 36.

54 Expressions respectivement empruntées à D. TURPIN, « Le droit de grève face à un nouveau principe de valeur

constitutionnelle », Dr. soc. 1980, p. 441 et à C. LEYMARIE, loc. cit., note 36.

55 Idem, p. 446. Voir également : Bruno GENEVOIS, « La jurisprudence du Conseil Constitutionnel relative au droit de

grève dans les services publics », Dr. soc. 1989, pp. 796 s. spéc. p. 798. À noter que l’article L. 230-3 du Code du travail dispose qu’il « incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail. »

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que ce principe n’est rien d’autre que l’ordre public, objectif traditionnel de la police, qu’elle soit administrative ou législative. L’ordre public s’analyse en la trilogie : tranquillité, sécurité, salubrité publiques. Deux de ces éléments figurent dans ce nouveau principe constitutionnel : la sécurité qui tend à éviter les dangers qui menacent la collectivité ou les particuliers ; la salubrité qui signifie au sens large l’hygiène et la santé publique. Cette trilogie constituant l’ordre public se trouve dans l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales et figurait initialement, comme le rappelle l’auteur, dans la loi municipale du 5 avril 1884, loi de la République.

Monsieur Dominique TURPIN évoque également l’article 1er de l’Ordonnance du 18 octobre 1945 instituant le Commissariat à l’Énergie Atomique [C.É.A.]. Cette institution « étudie les mesures propres à assurer la protection des personnes et des biens contre les effets destructifs de l’énergie atomique. » Par ailleurs, ce nouveau principe rappelle le Préambule de la Constitution de 1946 et son alinéa 11 aux termes duquel « la Nation […] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Cette disposition est sans conteste le siège du principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens.

La promotion de ce principe au rang de principe de valeur constitutionnelle est critiquable dans la mesure où elle est le résultat d’une interprétation large des textes susvisés. Elle l’est d’autant plus si l’on considère le peu de marge de manœuvre qu’il reste au législateur pour assurer un certain maintien des services publics au détriment de l’exercice du droit de grève. L’exercice du droit de grève peut parfois faire obstacle au principe constitutionnel de la continuité des services publics pour les services qui ne nécessitent pas une continuité absolue. En revanche, est-il envisageable de permettre à l’exercice du droit de grève de prendre le dessus sur la santé et la sécurité ? Lorsque la santé ou la sécurité sont en jeu, le maintien des services ne peut faire défaut. Le droit de grève semble devoir s’incliner devant les exigences de santé et de sécurité pour que soit assurée une certaine continuité des services publics concernés.

Il convient de souligner que cette décision du Conseil constitutionnel a été rendue dans un contexte particulier. En effet, plusieurs incidents nucléaires avaient eu lieu un an plus tôt. Par ailleurs, nul ne peut écarter l’influence de la crainte légitime des activités dangereuses que sont celles de l’exploitation de l’énergie atomique.

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À côté de ces grands principes découlant des nécessités de l’ordre public, d’autres fondements peuvent être envisagés pour le maintien d’une certaine activité pendant la grève.

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