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Les principaux acteurs de la régulation de la glycémie

1. H OMEOSTASIE DU GLUCOSE : ASPECT PHYSIOLOGIQUE ET PATHOPHYSIOLOGIQUE

1.1. Importance de l’homéostasie du glucose

1.1.2. Les principaux acteurs de la régulation de la glycémie

La régulation de la glycémie est un mécanisme complexe faisant intervenir plusieurs organes ainsi que différentes hormones (représentés en partie dans la figure 1). Les hormones telles que l’insuline ou le glucagon sont des messagers primaires qui une fois fixés à leurs ré-cepteurs activent différentes voies métaboliques essentielles à la régulation de la glycémie. Les organes sont quant à eux impliqués dans la régulation de la glycémie soit par leur consommation soit par leur production de glucose. Nous allons maintenant voir quels sont les organes et les hormones impliqués dans la régulation de la glycémie.

Quand on parle de la régulation de la glycémie, le premier organe venant à l’esprit est généralement le pancréas. Toutefois, même si cet organe ne produit ni ne consomme de glucose, il reste néanmoins un acteur majeur de la régulation de la glycémie. Le pancréas possède deux parties distinctes, l’une exocrine impliquée dans les processus de digestion, l’autre endocrine composée d’îlots de Langerhans qui permettent la sécrétion de deux hormones majeures pour le contrôle glucidique : l’insuline et le glucagon (cf. Chapitre 2). Ces îlots de Langerhans con-tiennent les détecteurs de glucose les plus importants de l’organisme : les cellules bêta produc-trices d’insuline et les cellules alpha producproduc-trices de glucagon. La sécrétion de ces deux hor-mones dans l’organisme est dépendante de la glycémie. En effet, les cellules bêta sécrètent de l’insuline à des concentrations de glucose élevées tandis que les cellules alpha sécrètent du glucagon à de faibles concentrations de glucose. L’insuline, qui est une hormone anabolisante, va agir sur différentes cellules cibles de l’organisme. Ses effets dans l’organisme sont mul-tiples : elle va notamment inhiber la production de glucose par le foie et les reins, favoriser la synthèse de glycogène par le foie et les muscles et permettre la capture du glucose par les tissus adipeux. De plus, elle intervient sur l’inhibition des lipases (essentielles au mécanisme de lipo-lyse) et favorise la lipogenèse dans les adipocytes pour permettre la formation de triglycérides à partir d’acides gras. L’insuline agit également sur le métabolisme des protéines en favorisant la capture des acides aminés par le foie et les muscles et en inhibant la dégradation des protéines.

En plus de son effet sur le métabolisme des glucides, lipides et protéines, l’insuline peut égale-ment intervenir au niveau du système nerveux central. Elle va principaleégale-ment agir au niveau de la région hypothalamique, où elle va pouvoir influencer les comportements alimentaires. En effet, l’insuline est considérée comme anorexigène étant donné qu’elle diminue la prise alimen-taire grâce au sentiment de satiété. De même, elle va inhiber la production du neuropeptide Y

INTRODUCTION

capable d’interférer avec les mécanismes impliqués dans la « contre-régulation de l’hypogly-cémie ». L’ensemble des mécanismes induit par l’insuline va entraîner le stockage du glucose alimentaire et l’arrêt de la production de glucose endogène, permettant ainsi à la glycémie de baisser.

Si l’insuline est l’hormone hypoglycémiante de l’organisme, le glucagon est au contraire une hormone hyperglycémiante. Par conséquent, ces effets vont être opposés à ceux de l’insu-line et vont s’inscrire dans le cadre d’une baisse de la glycémie. Ses fonctions sont notamment développées dans de plus amples détails dans le chapitre 3 (section 3.1.1). Son rôle principal est donc de permettre la production et la libération de glucose dans la circulation sanguine afin de ramener la glycémie dans des valeurs physiologiques. En plus de ces deux hormones, les îlots pancréatiques sécrètent d’autres hormones comme la somatostatine (STT), le polypeptide pancréatique (PP) et la ghréline, toutes impliquées dans le maintien de la glycémie.

Parmi les organes essentiels au maintien de l’homéostasie glucidique, le foie apparaît comme un élément crucial. Son rôle dans la régulation de la glycémie a notamment été mis en évidence en 1855 par Claude Bernard dans l’expérience dite « du foie lavé » (Karamanou et al.

2016). Grâce à la veine porte hépatique et à ses détecteurs de glucose hépato-portal, le foie est capable de détecter les variations glycémiques. En effet, cette veine recueille le flux sanguin provenant du tube digestif et par conséquent les différents nutriments issus de l’alimentation.

Ces détecteurs de glucose hépato-portal vont notamment agir au niveau du système nerveux central en induisant une sensation de satiété après les repas. Les mécanismes de régulation en-trant en jeu sont complexes et supposent une modification de l’activité électrique des afférences hépato-portales vagales et spinales, provoquant une modification de l’activité des neurones hy-pothalamiques impliqués dans le contrôle de la faim (Delaere, Magnan, and Mithieux 2010;

Mithieux 2014).

D’autre part, le foie capte environ 30% du glucose circulant après un repas. Le glucose y est stocké sous forme de glycogène, faisant de cet organe la source n°1 de glucose endogène utilisable dans l’organisme et la cible principale de l’insuline et du glucagon. En effet, lors d’exercices physiques intenses ou en condition hypoglycémique, le glucagon va agir directe-ment sur le foie pour permettre la libération de glucose dans la circulation sanguine. Cela se traduit par l’activation de deux voies métaboliques : la glycogénolyse (production de glucose à partir du glycogène) et la néoglucogenèse (formation de glucose à partir de composés

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glucidiques) (Nordlie, Foster, and Lange 1999). Au contraire, en condition hyperglycémique, sous l’action de l’insuline, le foie va capter le glucose et le stocker sous forme de glycogène (glycogénogenèse). En période postprandiale, le glucose présent dans la circulation sanguine provient de l’absorption intestinale des nutriments. Lors de cette période, le foie cesse toute production de glucose et stocke le glucose présent dans la circulation sanguine sous forme de glycogène. À l’état postabsorptif (lorsque tous les nutriments d’un repas ont été absorbés), la majeure partie du glucose circulant provient de la production de glucose hépatique (glycogéno-lyse). Par conséquent, le foie apparaît comme un organe essentiel au maintien de l’homéostasie glucidique (Figure 1).

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Figure 1 : Les différents acteurs essentiels au maintien de l’homéostasie glucidique.

La régulation de la glycémie est dépendante de deux hormones principales, l’insuline et le glucagon, ainsi que de plusieurs organes (dont le foie, le pancréas, et les muscles). Lorsque la glycémie augmente, après ingestion d’un repas, de l’insuline va être sécrétée par les cellules bêta pancréatiques. L’insuline va aller agir au niveau du foie et des muscles pour favoriser les mécanismes de glycogénogenèse. Au contraire, lorsque la glycémie diminue, en période de jeûne, les cellules alpha pancréatiques vont sécré-ter du glucagon. Le glucagon a pour fonction principale de permettre la production de glucose, notam-ment en agissant au niveau du foie et en favorisant les mécanismes de glycogénolyse et de néoglucoge-nèse.

Le cerveau est l’un des plus gros consommateurs de glucose de l’organisme (> 50%) et consomme environ 120g par jour (Cryer 2008; Berg 2002). Toutefois, cet organe fait face à deux inconvénients majeurs : le premier étant qu’il ne peut pas faire de stock de glucose et qu’il doit être sans cesse alimenté en glucose, ce qui le rend très vulnérable aux hypoglycémies. Le second inconvénient est qu’il est incapable d’utiliser les acides gras libres comme source d’énergie, et ce, à cause de la barrière céphalorachidienne. Le cerveau va donc agir sur le con-trôle de la glycémie via différents leviers. Premièrement, il agit sur la maîtrise des comporte-ments alimentaires en intégrant les différents signaux que lui envoient les organes périphé-riques. Il peut s’agir de signaux hormonaux (ex : insuline, incrétines…) ou de signaux nerveux provenant d’innervations sensorielles afférentes présentes dans divers organes tels que le sys-tème gastro-intestinal ou le pancréas. De plus, le cerveau est capable de détecter les modifica-tions métaboliques d’origine nutritionnelle (glucides, protéines, lipides), ce qui lui permet une réponse adaptative immédiate lors de changements physiologiques (ex : hypoglycémies). No-tamment, la réponse aux hypoglycémies est médiée par un mécanisme appelé « contre-régula-tion de l’hypoglycémie » (Tesfaye and Seaquist 2010; Hoffman 2007). Une autre partie du sys-tème nerveux, dit autonome, intervient également dans la régulation de la glycémie. Il est com-posé du système nerveux sympathique et parasympathique mais également de nerfs sensoriels.

Ces trois composantes sont notamment dotées de neurones sensibles au glucose qui vont infor-mer le système nerveux central des variations métaboliques de certains organes clés (Rao, Oz, and Seaquist 2006; Verberne, Sabetghadam, and Korim 2014). Grâce à ces informations, le système nerveux va pouvoir enclencher des réponses rapides sur les organes concernés afin de rétablir l’homéostasie glucidique. Les neurones sensibles au glucose sont également présents dans différentes parties du cerveau, notamment au niveau de l’hypothalamus. Deux types de neurones y sont retrouvés, les neurones glucose-inhibés (GI) qui s’activent lors d’une baisse de

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la glycémie et qui participe au mécanisme de « contre-régulation de l’hypoglycémie » et les neurones glucose-excités (GE) qui eux sont activés lorsque la glycémie augmente (Routh 2010).

Tout comme le cerveau, les muscles squelettiques sont d’importants consommateurs de glucose. En période postprandiale, les muscles sont capables de capter environ 70% du glucose présent dans la circulation sanguine et provenant de l’alimentation. Le glucose ainsi capté peut soit être directement utilisé soit entré dans le processus de glycogénogenèse pour constituer les réserves d’énergie des muscles (réserve la plus importante de l’organisme). Cependant, contrai-rement au foie, les muscles ne sont pas capables de relâcher du glucose dans la circulation sanguine à partir de leurs stocks de glycogène. En conséquence, les muscles fonctionnent de manière relativement autonome et se régulent avec leurs propres stocks. En effet, grâce à leurs réserves de glycogène, les muscles obtiennent des molécules de glucose rapidement exploi-tables, nécessaires pour assurer leur fonction mécanique. Les muscles participent également à la régulation de la glycémie en relâchant des acides aminés dans le sang, qui seront captés par le foie pour entrer dans le processus de néoglucogenèse.

Tout comme le foie, mais dans une moindre mesure, le système rénal permet la produc-tion de glucose (entre 5 et 25%) à partir de ses stocks en glycogène, et ce en période post-absorptive (Ekberg et al. 1999). Cependant, contrairement au foie, la production de glucose se fait uniquement via le processus de néoglucogenèse. En effet, le système rénal n’est pas équipé pour induire la glycogénolyse. Après un repas, le rein utilise environ 10% du glucose circulant pour assurer les besoins énergétiques de la médulla (Gerich 2010). Il participe également à la réabsorption du glucose filtré par le rein, de manière à ce que l’urine finale soit pratiquement dépourvue de glucose. Cette réabsorption est assurée par des transporteurs sodium-glucose 1 et 2 (SGLT1 et SGLT2) (Wilding 2014). En cas d’hyperglycémies, il arrive que la capacité maxi-male d’absorption soit dépassée provoquant alors un excès de glucose dans les urines, aussi appelé glycosurie (Wilding 2014). Ce type de symptôme est fréquemment retrouvé chez les personnes diabétiques.

Parmi les éléments composant le système digestif, l’intestin grêle a un rôle important à jouer dans la régulation de la glycémie. En plus de l’absorption des nutriments, l’intestin grêle est capable de produire du glucose grâce au mécanisme de néoglucogenèse, sa production est estimée à 20-25% de la production de glucose endogène totale en période de jeûne (Mithieux and Gautier-Stein 2014). L’intestin possède également des cellules L et K intestinales, capables

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de détecter le glucose lors de son passage dans le tractus intestinal (Reimann 2010). Cette dé-tection va entrainer la sécrétion de diverses incrétines (ex : glucagon-like peptide 1 (GLP-1), gastric inhibitory polypeptide (GIP)) qui vont avoir de multiples fonctions dans l’organisme (Reimann 2010). Le GLP-1 est notamment connu pour son action sur les cellules endocrines du pancréas (cf. Chapitre 3, section 3.2.4). Le GLP-1 agit également au niveau du système nerveux central en augmentant la sensation de satiété. Son action au niveau du foie et des muscles squelettiques est également essentielle pour la mise en place des mécanismes de gly-cogénogénèse. Finalement, il permet aussi aux tissus adipeux blancs de capter le glucose et les lipides présents dans la circulation sanguine.

Un des derniers acteurs participant à la régulation de la glycémie est le tissu adipeux blanc. Le tissu adipeux blanc est l’une des principales sources de stockage d’énergie de notre organisme et est essentiellement composé de lipides. Après un repas, le tissu adipeux capte une très faible proportion (environ 5%) du glucose circulant. Ce glucose va par la suite être trans-formé en triglycérides. Le rôle du tissu adipeux est important car il permet de fournir de l’éner-gie supplémentaire au foie lorsque celui-ci a épuisé ses réserves de glycogène (Rosen and Spiegelman 2006). En effet, à partir des triglycérides, le tissu adipeux est capable de relâcher des acides gras libres et du glycérol dans la circulation sanguine. Ces éléments vont servir comme source d’énergie, et le glycérol en particulier va être capté par le foie pour entrer dans le processus de néoglucogenèse. D’autre part, le tissu adipeux sécrète différentes cytokines, appelées adipokines, qui vont agir sur différents organes tels que le système gastro-intestinal, le pancréas et le système nerveux central (Fasshauer and Bluher 2015).

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1.2. Conséquences pathologiques dues à la dérégulation