• Aucun résultat trouvé

2. L E PANCREAS ET LES ILOTS DE L ANGERHANS

2.2. Les îlots de Langerhans : de micro-organes

2.2.3. Microvascularisation des îlots

Afin d’assurer leur fonction endocrine, les îlots de Langerhans ont développé un impor-tant réseau vasculaire. En effet, environ 10% du flux sanguin pancréatique leur est destiné et leur réseau capillaire est 5 fois plus dense que celui du tissu exocrine. Ces capillaires sont éga-lement plus longs et plus tortueux et comprennent 10 fois plus de fenestrations que les capil-laires du tissu exocrine (Henderson and Moss 1985). Ces fenestrations sont le résultat d’une importante production du vascular endothelial growth factor-A (VEGF-A) de la part des cel-lules bêta (Kamba et al. 2006) et permettent un échange direct entre le sang et les celcel-lules en-docrines. Cette interface permet aux îlots de répondre de façon efficace et rapide au changement de glycémie en sécrétant des hormones dans le sang.

LE PANCREAS ET LES ILOTS DE LANGERHANS

En parallèle, les îlots sont connectés à la circulation artérielle et veineuse. Pour cela, des artérioles provenant des ramifications du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieure vont venir pénétrer à l’intérieur des îlots tandis que les veinules qui en sortent vont drainer les produits sécrétés à l’extérieur dans la veine porte. La direction du flux sanguin à l’intérieur de l’îlot est primordiale car elle implique des différences fonctionnelles, notamment au niveau endocrine, étant donné qu’une hormone sécrétée par un type cellulaire peut influencer le fonc-tionnement des autres types cellulaires. Une première étude faite chez les rongeurs en 1982 par Bonner-Weir et Orci a proposé que les artérioles afférentes pénétrent au travers du manteau périphérique constitué de cellules non-bêta, pour ensuite se diriger dans le cœur de l’îlot et former un réseau capillaire. Les substances produites au cœur de l’îlot par les cellules bêta sont ensuite délivrées en périphérie aux cellules alpha puis delta (Bonner-Weir and Orci 1982). Cette description a été confortée par d’autres travaux sur des îlots pancréatiques de différentes es-pèces (Stagner and Samols 1992; Samols et al. 1988; Stagner, Samols, and Marks 1989). Les auteurs ont notamment montré que la perfusion antérograde (artérielle) d’anticorps anti-SST n’avait aucun effet sur la sécrétion d’insuline et de glucagon. Au contraire, la perfusion rétro-grade (veineuse) de ces mêmes anticorps provoquait la sécrétion de glucagon et d’insuline, suggérant un rôle en aval des cellules delta sur les cellules alpha et bêta. Ce modèle a cependant été remis en cause par d’autres études qui ont montré une circulation inverse, allant des cellules alpha et delta périphériques vers les cellules bêta au centre de l’îlot (Murakami and Fujita 1992;

Ohtani et al. 1986). En 1993, un troisième modèle fut proposé, où les artérioles afférentes ve-naient traverser le manteau environnant de l’îlot pour se diviser en capillaires. Ces capillaires se répartissaient soit dans le manteau soit dans le centre de l’ilot avant d’en ressortir via de larges veinules à différents endroits du manteau (Liu et al. 1993). À l’heure actuelle, aucun de ces modèles n’a été exclu car il est possible que plusieurs sens de circulation existent et que ce sens soit dépendant de l’espèce étudiée ou de la localisation des îlots dans le pancréas. En outre, il se peut que d’autres acteurs soient capables de moduler cette circulation sanguine dans l’îlot.

Il a été montré que des « sphincters » présents dans l’îlot peuvent moduler la circulation san-guine en fonction des conditions physiologiques telles que l’hypo- ou l’hyperglycémie (Jansson and Hellerstrom 1983), ou en réponse à des effecteurs neuronaux ou hormonaux.

Comme pour la composition et l’organisation cellulaire, la microvascularisation diffère entre les îlots humains et murins (Bosco et al. 2010; Dolensek, Rupnik, and Stozer 2015). Chez l’humain, il a notamment été observé qu’une partie des vaisseaux sanguins borde la périphérie

INTRODUCTION

des îlots tandis qu’une autre partie s’invagine dans la partie centrale des îlots pour transiter via des canaux vasculaires entre les sous-unités de l’îlot (Bosco et al. 2010). De même, la densité des vaisseaux sanguins est moindre dans les îlots humains comparée aux îlots murins (Brissova et al. 2015). D’autre part, la structure « core-mantle » des îlots de rongeurs permet à la micro-vascularisation d’influencer les interactions alpha-bêta dans l’îlot. En effet, en fonction du sens de circulation, les cellules alpha peuvent influencer les cellules bêta ou inversement. Au con-traire, l’architecture particulière des îlots humains (mélange de cellules alpha et bêta) ne semble pas permettre à la microvascularisation d’influencer ce type d’interactions. Par conséquent, que ce soit chez l’homme ou chez les rongeurs, d’autres études sont nécessaires pour déterminer comment la microvascularisation affecte le fonctionnement des cellules endocrines dans l’îlot.

La microvascularisation relativement dense des îlots permet à chaque cellule endocrine d’être en contact avec la lame basale (double lame basale) présente entre les cellules endothé-liales et endocrines. Ceci est surtout bien démontré pour la vascularisation des îlots de rongeurs (Bonner-Weir and Orci 1982) mais probablement il en va de même avec celle des îlots humains (Kragl and Lammert 2010; Virtanen et al. 2008). L’importance des contacts avec la lame basale est suggérée par le fait que dans les îlots humains, des prolongements de cellules bêta s’inter-calent entre les cellules alpha pour entrer en contact avec la lame basale. Plusieurs rôles sont attribués à la lame basale. En effet, différentes expériences montrent que les molécules compo-sant la lame basale modulent en général la croissance, la morphologie, la migration et la diffé-renciation de cellules épithéliales mais aussi la sécrétion, la prolifération et la viabilité des cel-lules bêta en particulier (Kragl and Lammert 2010; Hammar et al. 2004; Hulinsky et al. 1995).

Malgré la complexité de cette microvascularisation, celle-ci détient un rôle crucial dans le maintien de la glycémie, d’une part en approvisionnant les cellules endocrines en oxygène et en nutriments mais d’autre part en permettant le transport des hormones sécrétées par les îlots dans le flux sanguin. L’autre intérêt de cette vascularisation est que d’autres hormones (hor-mones gastro-intestinales telles que les incrétines (GLP-1) ou les hor(hor-mones de stress) vont éga-lement pouvoir réguler le fonctionnement des îlots en modulant les sécrétions d’hormones pan-créatiques afin de maintenir la glycémie.

LE PANCREAS ET LES ILOTS DE LANGERHANS