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Principales difficultés rencontrées sur le terrain

CHAPITRE II : Cadre théorique et questions de recherche

3.1 Démarche méthodologique

3.1.1 La collecte des données

3.1.1.8 Principales difficultés rencontrées sur le terrain

Il est difficile de mener des recherches de terrain sur un sujet aussi sensible que celui du code de la famille sans rencontrer de difficultés. La première difficulté à laquelle

de recherche, à savoir la polémique autour du code des personnes et de la famille. Plusieurs acteurs contactés étaient méfiants et hésitaient à nous parler de ce sujet. Malgré l’assurance que nous leur avons donnée, notamment par rapport à l’anonymat et à la confidentialité des informations qui seront recueillies, certains ont refusé l’interview. Et ceux qui ont accepté l’interview l’ont fait parfois après 2 à 3 rendez-vous non honorés. Il nous a fallu, à plusieurs reprises, être persévérant avant d’« arracher » des interviews. Dans certains cas, il nous a été demandé d’apporter des preuves officielles qui indiquent que nous menons ces recherches sur le code dans un cadre strictement académique, condition à remplir avant de nous accorder l’interview. Ce fut le cas, par exemple, à la délégation de l’UE (Union européenne) au Mali et à l’UNAFEM (Union nationale des femmes musulmanes du Mali). Pour chacun de ces cas, en plus des explications situant la recherche dans son contexte, nous étions obligé de présenter le Certificat d’éthique délivré par l’Université de Montréal ainsi que notre carte d’étudiant valide du Canada. Dans d’autres cas, nous avons été obligé de passer par la direction du CNDIFE, notre structure d’accueil, ou d’utiliser nos propres réseaux de contacts avant de pouvoir obtenir une interview auprès de certains acteurs figurant sur notre liste.

Si certaines personnes ont finalement accepté l’interview après deux à trois rendez-vous non honorés, d’autres sont allés de rendez-vous à rendez-vous jusqu’à notre retour ici au Canada, elles n’ont donc pas été interviewées. Leur but était de se soustraire à l’interview sans le refuser directement. Le cas d’un responsable du ministère de la Justice qui a participé à l’élaboration du projet de code est assez illustratif. Il nous a donné sept (7) rendez-vous différents à son service pour l’interview, mais aucun n’a été honoré. Après chaque rendez-vous non honoré, il s’excusait auprès de nous avant de fixer un autre qu’il n’honorait pas à son tour. Et c’était malheureusement cyclique.

Une autre difficulté que nous avons rencontrée concerne le nombre important de cas de refus d’enregistrement des interviews (14 sur les 31 interviews réalisées).

Lorsque nous avons demandé aux interviewés si nous pouvions enregistrer l’interview, beaucoup nous ont dit qu’ils préfèrent que celle-ci ne soit pas enregistrée, cela malgré toute l’assurance que nous leur avons donnée par rapport à la confidentialité.

Si certains nous ont expliqué leur refus par le fait que l’enregistrement reste une preuve matérielle à leur encontre en cas de poursuite judiciaire un jour, d’autres nous ont tout simplement dit que si l’interview est enregistrée, ils ne pourraient malheureusement pas nous révéler certaines informations confidentielles qui, pourtant, sont capitales. Et parmi ces personnes, on compte de hauts cadres de l’administration publique comme des leaders d’organisations féminines. Ces informations confidentielles avaient, aux dires des personnes concernées, le plus souvent trait au lien éventuel entre la polémique autour du code et l’occupation des trois régions nord du pays par des islamistes radicaux maliens et étrangers. À ces cas de refus d’enregistrement, il faut ajouter les deux cas d’interview où, pour des mesures de sécurité, nous n’avons pas été autorisé, comme c’est le cas pour tout le monde, de rentrer dans l’enceinte des services avec les appareils électroniques. Ce fut le cas à l’ambassade du Canada comme à la Délégation de l’Union européenne au Mali. Nous étions, dans tous ces cas, obligés de nous contenter de nos prises de notes, l’enregistrement ayant été refusé ou impossible à réaliser. Toutefois, juste après ces interviews non enregistrées, nous faisions toujours une petite synthèse rapide où nous retenions les idées essentielles de la conversation. Ce qui résolvait en partie, le problème du non-enregistrement des entretiens.

Une dernière chose à souligner est le climat sociopolitique et sécuritaire global dans lequel nous avons mené notre recherche de terrain. Comme ci-dessus souligné dans la section relative à notre entrée sur le terrain (voir ci-dessus ladite section pour plus de détail), notre recherche a coïncidé avec l’intervention des forces militaires internationales au Mali pour y chasser les djihadistes/islamistes radicaux

et qui menaçaient d’attaquer le sud, dont la capitale Bamako. C’est donc dans une atmosphère embarrassante et de peur que nous avons réalisé la collecte de nos données. Malgré ce climat de psychose générale, nous avons pu mener à bien notre collecte des données grâce à notre connaissance du terrain, et à l’appui de la direction du CNDIFE qui nous a facilité plusieurs contacts. Toutefois, ce climat de peur a amené certains interviewés, notamment les responsables d’organisations féminines, les militants de droits de l’homme, certains cadres de l’état, favorables à la première version du code (celle rejetée par les organisations islamiques) à refuser l’enregistrement de leurs entretiens. Il a aussi amené certains interviewés à refuser de se prononcer sur certains sujets jugés très sensibles comme le devoir d’obéissance de la femme à son mari, l’inégalité dans le partage de l’héritage entre filles et garçons, la question de l’excision, le statut de l’enfant né hors mariage.

Tout au long de cette recherche de terrain, nous étions conscient du fait que « La

connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres.

[Et que] L’esprit scientifique se construit en se reconstruisant » (Bachelard, 1938). C’est ainsi que notre démarche méthodologique était toujours adaptée à l’évolution de la réalité du terrain.

Dès notre retour du terrain, nous avons procédé à la transcription, au traitement et à l’analyse des données collectées. La section suivante en donne des détails plus précis.