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CHAPITRE II : Cadre théorique et questions de recherche

3.1 Démarche méthodologique

3.1.1 La collecte des données

3.1.1.1 Entrée sur le terrain

Notre collecte des données sur le terrain a duré quatre (4) mois, soit du début janvier à fin avril 2013. Elle a été particulièrement marquée par le début de l’intervention des forces militaires internationales au nord du Mali, à savoir la force française Serval, la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) sous conduite africaine (transformée en Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilité au Mali [MINUSMA] sous l’égide de l’ONU en avril 2013) ainsi que les forces armées tchadiennes d’intervention au Mali (FATIM). Cette intervention visait à chasser les djihadistes (ou islamistes radicaux) qui occupaient les trois régions du nord du Mali (les 2/3 du territoire national) depuis janvier 2012, cela, avec la

complicité des rebelles touaregs. Ces islamistes qui menaçaient d’envahir le centre et le sud du pays, notamment après le coup d’État militaire du 22 mars 2012 du capitaine Amadou Haya Sanogo, appliquaient déjà la charia (ou loi islamique) à la lettre dans le nord du pays. Cette application passait par les amputations de bras, de jambes de ceux qui étaient accusés de vols, la punition de ceux ou celles qui faisaient l’objet d’adultère, le port obligatoire du voile pour toutes les femmes, etc. C’est donc dans un climat de conflit et de psychose générale que nous avons entamé la collecte de nos données. Une telle situation n’a pas été sans impact, car beaucoup de nos interviewés (17 sur les 31 au total, composés essentiellement de défenseurs de droits de la femme, de militants de droits de l’homme, de cadres de l’État ou de bailleurs de fonds) n’ont pas voulu que leurs interviews soient enregistrées de peur d’être la cible des militants des OSC islamiques.

Arrivé à Bamako le 2 janvier 2013, nous avons, dès le 4 janvier, rejoint notre structure d’accueil, à savoir le Centre National de Documentation et d’Informations sur la Femme (CNDIFE), après seulement 24 heures de repos.

Les six premières semaines (du 4 janvier au 17 février 2013) ont été consacrées exclusivement à la lecture et à l’analyse d’une partie de la littérature grise disponible au CNDIFE ainsi que celles de nombreux articles de presse portant sur la controverse autour du code des personnes et de la famille. Pour ce qui est des articles de presse, nous nous sommes particulièrement intéressés à ceux datant d’août 2009 (date d’adoption de la première version du texte, ainsi que celle de son rejet par les organisations islamiques) à décembre 2011 (date marquant l’adoption de la seconde version du code). Nos articles étaient choisis en fonction de notre problématique de recherche, précisément en lien avec les thèmes et sous-thèmes figurant dans notre grille d’analyse. Parmi ces thèmes et sous-thèmes qui ont guidé nos choix de lecture, nous pouvons citer : l’historique du processus d’élaboration du code, le contexte et les structures des opportunités politiques dans lesquels le texte a

face au texte, la polémique et ses différents enjeux, les stratégies mises en place par les acteurs (répertoires d’action collective, canaux de communication et jeux d’alliance) pour défendre leurs positions respectives.

Il faut souligner que la presse malienne était très polarisée autour du code (celles qui étaient pour, ou contre le code). Le choix des articles de presse tenait compte également de cette polarisation. Nous étions intéressé aussi bien par les articles en faveur du code, que ceux qui y étaient opposés, l’objectif étant de s’informer sur les arguments généralement mis en avant pour soutenir ou s’opposer au code, notamment à travers les principales dispositions au cœur de la polémique comme la légalisation du mariage religieux, l’âge au premier mariage, la question de l’obéissance de la femme à son mari, les dispositions relatives à l’adoption, la question de l’héritage et de la succession.

Cette lecture des premiers documents de la littérature grise et des articles de presse, ainsi que les premiers entretiens que nous avons eus avec le personnel, en l’occurrence la direction du CNDIFE, nous ont permis de faire une bonne cartographie des représentants des différents groupes ayant pris part au processus d’élaboration du code, ou impliqués dans la controverse ayant suivi son adoption en août 2009. Ils nous ont également permis d’actualiser et de compléter notre grille d’entretien, ainsi que la liste des acteurs que nous avions prévu d’interviewer. Pour rappel, nous avions retenu quatre groupes d’acteurs pour les interviews, cela, en fonction du rôle joué par chacun d’entre eux dans le processus d’élaboration du code, ou en fonction de leur implication dans la controverse qui a accompagné ce processus. Nous avons les organisations féminines et celles de défense des droits de l’homme, défenseurs du code (première version), les organisations islamiques, principales opposantes du code (première version), l’État, initiateur du processus d’élaboration du code, et les partenaires techniques et financiers (PTF), ses principaux bailleurs.

En réalité, il y avait certains acteurs clés du processus, tant du côté des organisations islamiques que de celui des organisations féminines, ou même de l’administration publique, que nous n’avions pas pris en compte dans notre liste, puisque nous n’avions aucune information sur eux.

Après un mois et demi consacré uniquement à la lecture et à l’analyse d’une partie de la littérature grise et des articles de presse, soit du début janvier à mi-février 2013, nous avons commencé, à partir du 18 février, nos premiers entretiens (voir la section consacrée aux entretiens pour plus de détails sur les acteurs interviewés et les structures auxquelles ils appartenaient). Il faut souligner que la lecture de la littérature grise et des articles de presse se poursuivait en même temps que nous réalisions nos entretiens, cela, jusqu’à la fin d’avril 2013. Très souvent après les entretiens, nous demandions aux personnes interviewées de nous fournir de la documentation qu’ils détiennent sur leur participation aux travaux d’élaboration du code, les différents rapports ou autres documents qu’ils ont écrits à cet effet, bref, toute documentation se rapportant à notre problématique de recherche. Parfois, nous demandions des documentations spécifiques, c’est à dire se rapportant sur des sujets ou thématiques bien précises. Si nous avons pu contacter certains interviewés en nous rendant directement sur leurs lieux de travail, ou en passant par nos propres réseaux de contacts, pour d’autres, nous avons bénéficié de l’appui de la direction du CNDIFE avant d’y arriver. Celle-ci a pu nous mettre en contact avec certains acteurs qui se trouvaient déjà sur notre liste et auxquels elle avait des contacts (personnels ou professionnels). Aussi, certains interviewés ont utilisé leurs propres réseaux de contacts afin de nous aider à accéder à d’autres interviewés.