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La presse régionale française n’est pas non plus en reste. Elle est présente avec avec huit titres. C’est le cas de Nice-Matin, du Sud-Ouest, Le Méridional, La dépêche du Midi, Le Provençal, Ouest-France, Le Progrès de Lyon, Les Dernières nouvelles d’Alsace.

Ce nombre important de journaux français à Dakar s’explique par l’importance des relations entre les deux pays, mais aussi par l’importance des intérêts français représentés par un nombre importants d’entreprises françaises qui emploient beaucoup de Français. En plus Dakar qui était la capitale de l’AOF était également de ce fait le creuset de l’intelligentsia africaine de cette époque. A cela s’ajoute que le français, la langue de véhicule de ces journaux, est la langue officielle du Sénégal. Ce qui facilite la pénétration des journaux dans le paysage médiatique sénégalais.

Toutefois cela ne veut pas dire que la presse internationale ne se limite qu’aux journaux français. On note aussi la présence de journaux anglo- saxons, comme le Daily Mail, Telegraph, le New York Herald Tribune et le New York Time. Leur diffusion est faible et ne se limite qu’à une dizaine d’exemplaires. Cela peut s’expliquer par la barrière linguistique quand on sait que peu de Sénégalais parlent et lisent anglais à cette période. Seuls quelques initiés s’intéressent à la langue de Shakespeare.

On voit que le paysage médiatique du Sénégal est très riche. On y trouve toutes les catégories de presse. Même s’il n’existe qu’un seul quotidien, voire deux, Paris-Dakar devenu Dakar-Matin au lendemain des indépendances et l’Info édité par l’Agence sénégalaise de presse (APS). Sinon, les hebdomadaires et les mensuels sont relativement nombreux comparativement au nombre d’habitants du pays et au nombre de locuteurs principalement en français.

On remarque que la presse d’opinion y occupe une place importante. Surtout les journaux édités par les partis politiques. Chacun d’entre eux possédait au moins un titre qui défendait la ligne politique du parti et de son

leader. On a vu que ces journaux s’activaient beaucoup pendant les échéances électorales et sont d’une régularité périodique variable. Durant ces joutes électorales, le journal soutenait le parti qui l’éditait. Quand des partis politiques se regroupaient en coalition, si les journaux ne fusionnaient pas, ils s’alignaient sur la ligne politique de la nouvelle coalition ainsi créée. C’est ainsi que des journaux sont qualifiés, par exemple, de pro ou anti Diagne, du nom du premier député noir du Sénégal à l’Assemblée nationale française. D’ailleurs, c’est à son époque que les journaux politiques ont reçu leurs lettres de noblesse en défendant la politique de leurs promoteurs. Ces genres de journaux ont foisonné durant cette période et après la deuxième guerre mondiale.

Après la relative domination de Blaise Diagne sur les médias sénégalais, c’est au tour de Galandou Diouf d’exercer le sien entre 1934 et 1945. Ensuite ce fut Lamine Guèye avec son journal «L’AOF», qui fut maire de Dakar, député du Sénégal avant d’être le premier président de l’Assemblée nationale du Sénégal indépendant. Comme ses prédécesseurs, il exerça une relative domination sur la presse entre 1945 et 1951. Suivront «Forces Nouvelles» qui est l’organe du MRP, de L’Eclair du RPF et enfin la presse du RDA avec «Le Réveil» entre 1944-1950 dirigé par Etchvery puis par Gabriel d’Arboussier. Si la RDA avait une certaine influence en Afrique francophone en général, ce n’était pas le cas au Sénégal. Ce qui explique, par conséquence, le peu d’influence de son journal dans ce pays même s’il possédait de grand titres comme «L’Afrique noire», «Le Réveil d’aujourd’hui».

De 1951 à 1957, la SFIO de Lamine Guèye décline au profit de l’apparition de Léopold Sédar Senghor sur la scène politique avec sa formation le Bloc démocratique et socialiste (BDS). Ce qui ouvre la voie à son journal «Conditionne humaine» créé en 1948. L’émiettement des journaux continue avec la création de journaux régionaux comme «La Voix de Rufisque», «Bombolong», etc.

Durant cette période, le débat est centré sur l’indépendance et l’Union française. Ceux qui sont pour l’indépendance ne manquaient pas fustiger les souteneurs de l’Union française et vice-versa. C’est ainsi qu’à partir de fin de la deuxième guerre mondiale, la marche vers l’indépendance a été accompagnée par des journaux dont les lignes éditoriales se définissaient selon que les promoteurs étaient pour ou contre l’indépendance du Sénégal. De 1945 à 1960 «apparaissent à travers la presse comme quinze

années d’illusions et de duperies, de luttes incertaines et d’espoir

déçus»195. Pendant cette période, certains journaux soutenaient

l’indépendance des pays africains francophones dans le cadre dans le cadre de l’AEF et l’AOF pour éviter la balkanisation de cette partie de l’Afrique. On reconnaissait ces journaux à travers leurs noms. Mais au fur et à mesure que l’indépendance, dans le cadre de ces deux entités, était devenue quasi impossible, les journaux s’alignaient également. Ils se recentrent sur le Sénégal en prônant l’indépendance immédiate pour certains, d’autres soutenaient l’Union française comme définie par la conférence de Brazzaville. Les plus critiques étaient les partis d’obédience marxiste, comme le Parti africain pour l’Indépendance (PAI). D’ailleurs le titre de son journal, «La Lutte», est sans équivoque. C’est ainsi que les journaux, de 1957 à 1960, au-delà des coteries partisanes, débattaient sur la question de l’association avec la France ou de l’indépendance.

Cet émiettement du paysage médiatique n’a pas empêché une fusion de journaux suivant celle de leurs partis politiques. La fusion de leurs partis politiques donna naissance à l’Union progressiste et socialiste. Leurs journaux suivront en donnant naissance à «Le regroupement» et à «L’Unité africaine». D’aucuns voient dans cette fusion-regroupement un prélude au monopartisme avec comme conséquence la disparition de la presse d’opposition. Celle-ci sera contrainte au final à la clandestinité comme les partis d’opposition au lendemain des indépendances.

Au total, ce sont plus de «170 journaux entre 1945 et 1960 (qui sont)

de divers formats, de durée et de qualité variables»196. Ils ont reflétés les

tendances lourdes des débats et des préoccupations des populations, des autorités et des leurs animateurs à cette époque.

Mais dans quelles conditions ce paysage médiatique a-t-il évolué ? A-t- il bénéficié d’un environnement juridique favorable ? Quelles étaient ses relations avec les autorités ? C’est à ces questions que nous allons tenter de répondre dans les prochains chapitres.