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Médias et pouvoir au Sénégal depuis l'indépendance (1960)

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ÉCOLE DOCTORALE : SCIENCES ÉCONOMIQUES ET DE GESTION, SCIENCES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (ED 455)

Thèse de doctorat en Information et Communication

soutenue le 07 Mars 2012

Médias et pouvoir au Sénégal depuis les

indépendances (1960)

AUTEUR : Moustapha BARRY

SOUS LA DIRECTION DU Professeur émérite Jacques BARRAT, Université Paris 2 Panthéon Assas MEMBRES DU JURY :

Professeur émérite Francis BALLE, président du jury, Université Paris 2 Panthéon Assas Professeur émérite Jacques BARRAT, directeur de thèse, Université Paris 2 Panthéon Assas Professeur émérite Philippe BOULANGER, premier rapporteur, Université Cergy-Pontoise Professeur Bernard VALADE, deuxième rapporteur, Université Paris V

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AVERTISSEMENT

La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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REMERCIEMENTS

Tous nos remerciements au Professeur Jacques BARRAT qui, après avoir dirigé notre Master II recherche Médias, société et mondialisation, n'a pas hésité de s'engager et de nous accompagner pour produire cette thèse. Qu'il trouve dans ce travail, notre reconnaissance et gratitude pour tous les conseils qu'il n'a cessés de nous prodiguer durant ces cinq ans de recherches.

Nous remercions également notre famille pour son soutien, son affection et la confiance qu'elle a placée en nous durant notre cursus scolaire. Mention spécialement à ma mère qui m'a couvert de beaucoup d'affection durant toutes ces années de labeur.

A mon épouse, Fatoumata Diouldé DIALLO, pour sa patience et sa compréhension.

A Mme Fatou SONKO pour son soutien et son aide. Qu'elle trouve dans ce

travail mes sincères remerciements.

Je n'oublie pas non plus mes amis qui n'ont cessé de m'encourager au moment où nous étions dans des situations difficiles. Mention spéciale à Thierno Hamidou DIALLO, à Ba Seckou GASSAMA et à Sankoumba GASSAMA.

A tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à ce travail, qu'ils y trouvent tous nos remerciements.

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RÉSUMÉ

Ce travail examine les rapports entre médias et pouvoir au Sénégal depuis l'indépendance en 1960. Les médias et le pouvoir ont connu des relations ambivalentes, plus ou moins conflictuelles. Cette situation est liée au processus de démocratisation du pays qui n'a pas été linéaire.

De 1856 à 1960, il faut distinguer deux cas : les quatre communes (Gorée, Rufisque, Saint-Louis et Dakar) où s'applique la loi française, et le reste du pays où le code de l'indigénat fait office de loi. Dans le premier cas où la liberté de la presse existe plus ou moins, c'est le bouillonnement politique qui favorise l'émergence des médias, notamment la presse politique partisane.

Sous le régime de Léopold Sédar Senghor (1960-1980), la presse plurielle héritée de la colonisation a cédé à un monopole médiatique avec l'instauration du parti unique malgré l’existence de quelques téméraires qui s'aventuraient à créer des journaux.

Abdou Diouf (1981-2000) a décrété le multipartisme entraînant un foisonnement de la presse. Mais le tournant a été la deuxième moitié des années 1980 où la presse dite indépendante va prendre place dans le paysage médiatique. Des conflits ont été notés entre son régime et les médias, même si cela a été plus ou moins mesuré.

Sous le régime d'Abdoulaye Wade, depuis 2000, le nombre de médias s'est accru. Les télévisions privées ont fait irruption. Mais Abdoulaye Wade innove dans les dans les rapports entre médias et pouvoir par ses attaques contre les médias de son pays. C'est dans ce contexte que ce travail offre la possibilité de s'interroger sur l'éventualité d'un nouveau paysage médiatique dont les règles vont clairement être définies et respectées au Sénégal par l'ensemble des acteurs. C'est dans cette perspective qu'il est proposé de favoriser l'éclosion d'une presse régionale pour mieux accompagner la démocratie locale.

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TITLE : Medias and authority since the Senegal independency (1960) ABSTRACT :

This work examines the relationship between media and authority in Senegal since the independence in 1960, after a historical review.

The media and authority have had ambivalent relationships. Sometimes stable, sometimes conflicting. This relationship is related to the democratization process of the country that has not been linear.

From 1856 to 1960, there were two distinguished cases: the four municipalities, that are Goree, Rufique, Saint-Louis and Dakar, where French law and the rest of the country native code were applied as law.

In the first case where the press freedom more or less exists, the political turmoil has led to the media emergence, particularly in partisan politics press. Under Leopold Sedar Senghor’s regime (1960-1980), the plural press inherited from the colonialism, gave a way to a monopoly media with the introduction of a single party.

Even if few reckless people ventured to create newspapers, the multiparty decreed by President Abdou Diouf (1981-2000) led to a proliferation of the press.

However, the turning point was the mid-1980’s, when the so-called independent press founded by journalists, appeared. Under Abdou Diouf regime, conflicts were noted between his regime and the media, although it was more or less moderate. Since 2000, under Abdoulaye Wade’ regime, the number of media has increased. Private television sprung. The new relationship between media and authority under Abdoulaye Wade’ reign, is that ihe is the one who confronted the media of his country. It is in this perspective that this work examines a new media landscape potential where the rules are clearly defined and respected.

It is also proposed to promote a regional press emergence.

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PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

2STV : 2eme chaîne sénégalaise de Télévision

AEF : Afrique Occidentale Française

AFP : Alliance des forces du Progrès

ANPJ : Agence nationale de promotion de la Jeunesse

AOF : Afrique occidentale française

APS : Agence Presse sénégalaise

ARMP : Agence de régulation des marchés publics

ARTP : Agence de régulation des télécommunications et des postes

ASCOSEN : Association des consommateurs sénégalais

ASNU : Association sénégalaise des Nations-Unies

BCEAO : Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest

BDS : Bloc démocratique sénégalais

BIFAN : Bulletin de l’Institut fondamental d’Afrique noire

CDEPS : Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse du Sénégal

CDP/GARAB GI : Convention des démocrates et des patriotes

CESTI : Centre d'Études des Sciences et Technique de l'Information

CGT-FSM : confédération générale des travailleurs et la Fédération syndicale mondiale

CNLTCC : Commission Nationale de Lutte Contre la Non-transparence, la Corruption et la Concussion

CNRA : Commission nationale de régulation de l'audiovisuel

CSS : Compagnie sucrière du Sénégal

DIC : Division des investigations criminelle

EDF : Électricité de France

FAO : Organisation des Nations-Unies pour l'agriculture et l'alimentation

FCFA : Franc de la Communauté financière africaine

FIDH : Fédération internationale des droits de l'homme

FIJ : Fédération internationale des journalistes

FMI : Fonds monétaire international

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FRAP : Front de rupture pour une alternative populaire

FSD/BJ : Front pour le Socialisme et la Démocratie / Benno Jubël

FSS : Front Social sénégalais

HCA : Haut Conseil de l'audiovisuel

HCRT : Haut Conseil de la Radio Télévision

IFAN : Institut fondamental d’Afrique noire

IGE : Inspection Général d’État

ISSIC : Institut Supérieur des Sciences de l'Information et de la Communication

LCA : La Chaîne africaine

LD/MPT : Ligue démocratique / Mouvement pour le Travail

LNB : Low-Noise Blocker

MFDC : Mouvement des Forces démocratiques de Casamance

MMDS : Multipoint Microwave Distribution System

MRP : Mouvement républicain populaire

MSU : Mouvement pour le socialiste unifié

NBA : Nouvelles Brasseries africaines

NEPAD : Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique

ONEL : Observatoire national des élections

ONU : Organisation des Nations-Unies

ORTS : Office de radio diffusion et de télévision du Sénégal

OUA : Organisation de l’Unité Africaine

PAI : Parti africain de l’indépendance

PDS : Parti démocratique sénégalais

PIT : Parti de l'indépendance et du travail

PLP : Parti pour la libération du peuple

PLS : Parti libéral sénégalais

PNBG : Programme National de Bonne Gouvernance

PRA : Parti du Regroupement africain

PS : Parti socialiste

PSS : Parti socialiste sénégalais

RADDHO : Rencontre africaine des droits de l'Homme

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RFI : Radio France internationale

RFM : Radios Futures médias

RND : Rassemblement national démocratique

RPF : Rassemblement du peuple français

RPS : République populaire socialiste

RTS : Radio Télévision sénégalais

RTS2S : Radio Télévision sénégalais 2eme chaîne

SFIO : Section française de l'internationale ouvrière

SNEL : Syndicat national de l'enseignement laïc

SONATEL : Société nationale de Télécommunication

SUEL : Syndicat unique de l’enseignement libre

SYNPICS : Syndicat des Professionnels de l'Information et de la Communication sociale

TFM : Télévision Futurs Médias

UGETAN : Union générale des travailleurs de l'Afrique noire

UJAO : Union des journalistes de l'Afrique de l'Ouest

UNAC : Unité et action

UNACOIS : Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal

UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour les Sciences et la Culture

UPS : Union progressiste sénégalais

URD : Union pour le Renouveau démocratique

USAID : Agence des États-Unis pour le développement internationale

USCI : Union syndicale des commerçants indépendants

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 10

-PREMIÈRE PARTIE : Les médias et le pouvoir de l’alternance au Sénégal depuis 2000 ... 15

-Chapitre I : Les médias et les élections présidentielles de 2000 ... - 16 -

Chapitre II : Les médias et le pouvoir libéral ... - 49 -

DEUXIÈME PARTIE : Tableau médiatique sénégalais de 1960 à 2000 ... 144

-Chapitre I : La presse sénégalaise de l’époque coloniale à l’indépendance ... - 145 -

Chapitre II : Les différentes catégories de journaux d’informations générales au Sénégal ... 172

Chapitre III : Tableau médiatique du Sénégal indépendant (1960-2000) ... 197

Chapitre IV : La liberté de la presse sous le régime socialiste (1960-2000) ... 246

TROISIÈME PARTIE : Quel paysage médiatique pour le Sénégal ? ... 299

Chapitre I : Financement des médias sénégalais et pluralisme dans les médias d'État 300 Chapitre II : Quel statut pour le journaliste sénégalais ? ... 334

La loi sur la presse ... 334

Chapitre III : Définir des critères pour l'attribution des fréquences audiovisuelles ... 346

Chapitre IV : Encourager les médias régionaux ... 361

CONCLUSION ... 373

BIBLIOGRAPHIE ... 381

ANNEXES ... 392

ANNEXE I : Quelques médias sénégalais ... 393

ANNEXE II : Quelques lois sur les médias au Sénégal ... 415

ANNEXE III : Quelques témoignages recueillis durant l'enquête ... 555

ANNEXE IV : Des documents sur les rapports entre médias et pouvoir ... 613

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INTRODUCTION

La presse sénégalaise date de 1856 avec la publication, pour la première fois, du journal Le Moniteur du Sénégal. Elle a aujourd'hui 155 ans d'existence. Elle a traversé un siècle et demi avec une progression en dents de scie. Des péripéties qui sont liées au mode de régime mis en place par les différents acteurs politiques à la direction du pays. Cette situation est également la conséquence de l’attitude que les journalistes eux-mêmes adoptent à l’égard des différents pouvoirs.

L'objectif de ce travail est d'analyser les rapports entre médias et pouvoirs au Sénégal depuis l'accès du pays à l'indépendance, après un rappel historique. Dans cette perspective, le travail est divisé en trois parties. La première partie fait un état des lieux du paysage médiatique et s'intéresse à l'état de la presse sénégalaise à partir de 2000. Une période qui coïncide avec l'avènement de l'alternance politique. Elle analyse ses rapports avec les acteurs politiques et les dignitaires religieux et essaie d'apporter des éléments de réponses aux conflits entre médias et pouvoirs. Cette première partie ausculte aussi la législation sur la presse, l'économie des médias pour essayer de comprendre les différentes difficultés que rencontrent les médias au Sénégal. Cette période est riche en conflits entre médias et pouvoirs publics. Et c'est le président de la République, Abdoulaye Wade, lui-même, qui porte des attaques contre les médias. C'est pourquoi il serait intéressant de savoir pourquoi l'autorité suprême du pays se met parfois dans une colère noire contre les journalistes sans en mesurer les conséquences sur le climat politique et médiatique. Cela est d'autant plus intéressant à savoir qu’Abdoulaye Wade reconnaît le rôle important joué par la presse dans son élection au pouvoir en 2000.

La deuxième partie retrace dans une certaine mesure l'histoire de la presse au Sénégal depuis 1856 jusqu’en 2000. On se situe ainsi entre l’année de la création du premier organe de presse au Sénégal et celle qui

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marque une évolution majeure dans l'histoire politique du pays avec l'arrivée au pouvoir du président Abdoulaye Wade après 26 ans d’opposition au régime socialiste. Dans cette partie, un chapitre est consacré à la période coloniale (1856-1960), un deuxième, au régime socialiste des présidents Léopold Sédar Senghor (1960-1980) et Abdou Diouf (1981-2000). Il s'agit de voir, à travers ces périodes, comment la presse sénégalaise a évolué de manière générale et comment les rapports entre médias et pouvoirs se sont construits au fur et à mesure que le régime politique se démocratise et la législation sur les médias évolue durant quarante ans de gouvernance.

Dans la troisième partie, il s'agit de s'interroger sur le paysage médiatique sénégalais à la lumière de ce que nous a appris les deux premières parties de ce travail. La question est la suivante : quel paysage médiatique pour le Sénégal ? Faut-il maintenir la situation actuelle ou faut-il plutôt procéder à des réformes pour avoir un paysage médiatique différent et clarifié ? Ne faut-il pas une presse régionale pour répondre aux besoins d'information des Sénégalais des régions ?

Il semble clair qu'il faille passer aux réformes pour à la fois améliorer la réglementation et combler un vide juridique concernant l'audiovisuel notamment la télévision. Il s'agit aussi de savoir s'il ne faut pas confier la gestion des fréquences audiovisuelles à une structure autonome ou indépendante pour éviter des crispations entre pouvoir public et promoteurs des médias.

Cette dernière partie du travail s'intéresse aussi à l'importance des producteurs indépendants qui pourront alimenter les médias audiovisuels en produits médiatiques. D'où l'importance de légiférer pour les permettre de fournir légalement aux médias audiovisuels des programmes médiatiques diversifiés centrés sur la culture sénégalaise et africaine.

Voilà entre autres questions auxquelles ce travail tente d'apporter des réponses. Pour ce faire, nous avons dû faire face à des problèmes de documentation, principale difficulté de ce travail. Dans notre champ d'étude,

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en effet, la documentation est rare. Si elle existe, elle s'avère insuffisante pour mieux appréhender à leur juste valeur les questions qui nous préoccupent.

Toutefois, quelques documents ont été précieux dans la production de ce travail. Il s'agit notamment de la « Série d’exposition n°2 : La presse au Sénégal – Des origines à l’indépendance (1856-1960 : Textes de présentation et de documents rassemblés à l’occasion de l’exposition tenue au Crd en 1978 ». Ce document non publié nous a permis d'avoir un regard chronologique sur la presse au Sénégal pendant la période coloniale. Il a aussi contribué à la connaissance des différentes périodes de l'évolution de la presse sénégalaise. Il en est de même de l'article de Roger Pasquier,

« Les débuts de la presse au Sénégal » publié en 1962 au ''Cahier d’étude

africain'' à Paris.

La thèse de Jacques Bouzerard sur « La presse écrite à Dakar. Sa

diffusion, son public, Université de Dakar, centre de recherche psychologique, Dakar, 1967 » et celle d'Ariette Fontaine sur « La presse au

Sénégal (1939-1960), thèse de doctorat de 3e cycle, Ucad, juin 1967 » ont

également permis de saisir la diversité de la presse sénégalaise pendant leur période d'étude. Mais ces études ont surtout mis à jour le pluralisme médiatique qui avait lieu à l’époque dans le pays.

En plus de ces documents, d'autres ont permis de comprendre certains aspects des rapports entre médias et pouvoirs au Sénégal. Il s'agit des archives nationales du Sénégal de la période coloniale et des indépendances sur les médias et la politique en général. Les articles de presse ont été d’un grand apport dans la production de ce travail. Il en est de même des ouvrages que nous avons consultés.

Malgré tout, la documentation n'a pas été suffisante. Il a fallu faire recours à des enquêtes de terrain en interrogeant certains acteurs de la vie politique et médiatique du pays. Cela a nécessité plusieurs voyages au Sénégal pour rencontrer des personnes ressources afin de recueillir leur témoignage et leurs expériences dans la vie politique et médiatique du

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pays. Toutefois nous avons dû faire face à un certain nombre d’obstacles. Certains interlocuteurs ont finalement renoncé à se prêter à nos questions alors qu'ils avaient donné leur accord au début de nos contacts. Plusieurs explications peuvent être évoquées, notamment le contexte politique de l'époque. Plusieurs livres ont paru critiquant la politique du régime libéral du président Abdoulaye Wade. Certains contiennent des informations qui ne peuvent être délivrées que par de proches collaborateurs du Chef de l'État à cause de leur sensibilité. Cette situation a entraîné des dénonciations tout azimut accusant des proches collaborateurs du président Wade, à la limite, de trahison. Ce contexte de suspicion n'a pas été favorable pour recueillir des témoignages auprès des acteurs de la vie politique sénégalaise et des journalistes qui ont eu l'expérience des périodes de Léopold Sédar Senghor et d'Abdou Diouf.

Malgré l'explication selon laquelle le travail que nous effectuons n'est qu'académique, donc scientifique, et qu'il ne s'agit de dénoncer quoi que ce soit, certains de nos interlocuteurs n'ont pas voulu se prêter à nos questions, y compris certains syndicalistes des médias qui, pourtant, n'avaient pas à éprouver une certaine crainte.

Il manque des ouvrages sur l'économie des médias au Sénégal. Ce qui a posé beaucoup de difficultés pour appréhender la structure économique des médias. Nous avions voulu remédier cela en voulant interroger la direction financière de certains médias, mais un refus pour raison de confidentialité et de concurrence nous a été opposé. C'est pour dire que la gestion financière des médias au Sénégal souffre terriblement de transparence. Le paradoxe est que ce sont les médias, eux-mêmes, qui exigent la transparence aux autres entreprises et aux autorités publiques.

À ces difficultés s'ajoutent le manque de moyens, notamment financiers, pour effectuer des sondages de qualité sur les médias sénégalais et les journalistes. Une telle étude, dont nous avons commandé la facture pro-format, s'élevait, en 2010, à trois millions de francs Cfa en

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moyenne, soit 4573,47 euros. Une somme que nous n'avions pu réunir parce que n'ayant aucune bourse pour commander une telle étude qui nous aurait apporté une contribution importante dans notre travail.

L'insuffisance de la documentation, le contexte politique de l'époque et le manque de moyens financiers ont été les principales difficultés que nous avons rencontrées, et qui ont, sans doute, déteint sur la qualité de ce travail. Des insuffisances que nous assumons pleinement.

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PREMIÈRE PARTIE : Les

médias et le pouvoir de

l’alternance au Sénégal depuis

2000

(16)

C

HAPITRE

I

:

L

ES MEDIAS ET LES ELECTIONS PRESIDENTIELLES DE

2000

1. Le rôle des médias dans l'alternance politique de 2000

L'année 2000 constitue pour les Sénégalais un tournant décisif dans la marche de la démocratie dans leur pays. Elle consacre l'alternance politique le 19 mars 2000. L'opposition prend le pouvoir à l'issue d'une élection disputée et un premier tour électoral palpitant qui a opposé le président sortant, Abdou Diouf, et l'opposant d'alors, Me Abdoulaye Wade. Porté par une coalition au premier et au deuxième tour, Abdoulaye Wade gagne l'élection présidentielle. Aux lendemains de celle-ci, le président sortant Abdou Diouf appelle le vainqueur du scrutin pour le féliciter. Cet appel téléphonique fait le tour des médias sénégalais et du monde entier. Partout, on salue la bonne tenue des élections présidentielles dans la transparence et sans pratiquement aucune violence significative. En même temps, l'on salue une démocratie parachevée par une alternance politique au moment où dans certains pays de la sous-région et de l'Afrique, certains prennent des armes pour réclamer le pouvoir. D'autres truquent les élections pour se maintenir au sommet de l'État. Le Sénégal, qui commençait à être considéré comme une vitrine d'une démocratie craquelée, retrouve son image d'antan de pays démocratique dans un environnement africain de dictature. Surtout que ce n'était pas un dauphin du président sortant qui a remporté les élections, mais l'opposant de 26 ans de Senghor et d'Abdou Diouf. C'est ainsi que dans les coins les plus reculés du pays, les populations ont fêté cette victoire pendant toute la nuit du 19 mars 2000 dans la paix et sans violence.

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Si on en est arrivé à une élection paisible, c'est que le pouvoir, les acteurs politiques, les citoyens et les médias ont joué, chacun, leur rôle. La période pré-électorale avait été bien gérée, malgré des contestations qui ont été marquées par des manifestations qui présageaient des lendemains électoraux incertains. Mais si ces élections n'ont pas entraîné des violences qui auraient remis en cause la stabilité du pays, c'est que tous les acteurs ont joué leur rôle. C'est ainsi que le président Abdou Diouf a accepté de nommer un ministre de l'intérieur considéré comme neutre. Il s'agit de Mamadou Lamine Cissé qui est un général de l'armée. Malgré les critiques et les imperfections du processus électoral, le Général Mamadou Lamine Cissé s'est acquitté de sa mission de façon honorable. Il n'a pas cédé à la pression malveillante du régime socialiste ni de l'opposition. Et aux lendemains des élections, toute la communauté nationale et internationale lui a rendu un vibrant hommage.

Abdou Diouf a aussi accepté la création d'un organe autonome chargé du contrôle du processus électoral. Il s'agit de l'Observateur national des élections. Les partis de l'opposition avait voulu un organe indépendant qui devait avoir la charge, en plus du contrôle du processus électoral, mais surtout d'organiser les élections présidentielles. Le président Abdou Diouf refusa cette formule et opta pour que le ministère de l'intérieur soit l'organisateur des joutes électorales en acceptant la création d'un organisme pour superviser et contrôler les élections en lui conférant des pouvoirs de saisir la justice en cas d'irrégularités. Cet Observatoire national des élections (ONEL), rattaché au ministère de l'intérieur, a été créé le 8 septembre 1997. Il avait été chargé d'observer les législatives de 1998 avant l'élection présidentielles de 2000. Son implication dans les élections législatives lui a permis d'avoir une vue générale de ce qui l'attendait en 2000. Le président de l'ONEL fut le Général Mamadou Niang, un militaire, qui a bien géré le processus électoral des législatives. Après ces élections, il a été remplacé par un autre Général, Amadou Abdoulaye Dieng. Cette nomination va être contestée par l'opposition qui doute de son impartialité

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car le Général Amadou Abdoulaye Dieng avait créé un mouvement de soutien au président Abdou Diouf appelé « Horizon 2000 ». Malgré la levée de bouclier contre lui, le président de la république ne l'a pas destitué. Un parti politique de l'opposition va ester en justice contre le président de l'ONEL. Sans attendre la décision de justice, Amadou Abdoulaye Dieng va démissionner de lui-même. Le régime socialiste va être alors obligé de nommer, en 1999, Louis Preira de Carvalho qui fut ancien président du Conseil d'État. Une nomination à laquelle les partis politiques de l'opposition se sont également opposés du fait que ce dernier a été le parrain de l'un des fils du président Abdou Diouf. Cette revendication de l'opposition n'aura pas de succès car le président Abdou Diouf n'a fait pas démissionner le magistrat.

Dans cette période électoral, il faut signaler la polémique autour des cartes électorales fabriquées en Israël et celles qui étaient confectionnées à Dakar. L'existence de ces deux types de cartes secoua le ministère de l'intérieur. Alors l'opposition soupçonne le pouvoir de vouloir frauder malgré l'insistance du ministre de l'intérieur qui explique que les cartes électorales imprimées en Israël étaient nécessaires à cause de leur fiabilité et avaient été commandées après que celles de Dakar eurent été fabriquées.

C'est dans ce contexte de tension pré-électorale qu'il faut inscrire la transformation du Haut-Conseil de la Radio et de la Télévision en Haut Conseil de l'audiovisuel (HCA) pour prendre en compte le nouveau paysage médiatique marqué par l'apparition des radios privés commerciales.

«L'objectif assigné à cet organe est d'être un arbitre impartial dans la gestion du domaine sensible de la communication, surtout en période électorale. Le HCA est chargé de garantir la liberté d'expression et la transparence de l'information dans le respect des lois et règlements, ainsi

que le respect de l'honneur d'autrui»1.

1 Institut Paons Afrique de l'Ouest – Médias et Élection au Sénégal. La presse et les nouvelles technologies de

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Il s'agit de garantir l'accès équitable aux médias, surtout d'État, en période électorale en conformité avec l'article L 37 du Code électoral qui stipule que «durant les 30 jours précédents l'ouverture de la campagne

officielle électorale, est interdit toute propagande déguisée ayant pour support les médias dans le capital desquels l'État détient soit directement, soit indirectement, partie ou totalité des actions ou parts sociales. Sont considérés au sens de la présente loi comme propagande électorale déguisée, toute manifestation ou déclaration publique de soutien à un candidat, ou à parti politique ou coalition de partis politiques, faites directement ou indirectement par toute personne ou association ou groupe de personnes quel qu'en soit la qualité, la nature ou le caractère. Sont assimilées à des propagandes ou campagnes déguisées, les visites et tournées à caractère économique, social ou autrement qualifiées, effectuées par toutes autorités de l'État sur le territoire national et qui donnent lieu à de telles manifestations ou déclarations (...)». Cet article du

code électoral vise les autorités, notamment le président de la république qui, sous couvert de tournées économiques à travers le pays à la veille de la campagne électorale, parcourt toutes les régions, et à l'occasion, obtient des déclarations de soutien à sa candidature. Même si cette interdiction n'arrive pas à enrayer la propagande déguisée de veille de l'ouverture de la campagne électorale officielle, il en a beaucoup limité la portée. D'ailleurs les autorités du HCA avait réuni les journalistes de la pesse d'État et ceux de la presse privée pour, disent-ils, élaborer une stratégie républicaine de la campagne électorale pour un scrutin libre, transparent et régulier. Le syndicat des Professionnels de l'Information et de la Communication sociale (SYNPICS) lui a emboité le pas en réunissant ses membres. Il visait à les sensibiliser sur leurs devoirs et leurs obligations pour une couverture professionnelle du processus électoral, la campagne électorale elle-même et le scrutin.

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Mieux, le SYNPICS a mis en place un système d'alerte et d'écoute dont le rôle était de recueillir toutes les entraves à la liberté de la presse et les exactions contre les journalistes le jour du scrutin présidentielles de 2000. Pour que ce système soit efficace, des «vigiles» ont été installés et sont chargés de donner aux médias les informations susceptibles de remettre en cause la régularité et la transparence des élections et de menacer physiquement les journalistes. Ce qui devait permettre d'alerter les responsables politiques et les institutions chargées de veiller sur le scrutin électoral présidentiel de 2000.

Les médias n'ont pas été en reste dans cette surveillance du processus électoral et du scrutin. Ils y ont joué un rôle important pour la régularité et la transparence en déployant des moyens humains et financiers considérables pour couvrir la pré-campagne et la campagne électorale. «Qu'il s'agisse des moyens matériels et financiers, des efforts

ont été faits pour mettre en place des équipes mobiles, capables d'être en contact permanent avec leur rédaction et couvrir un large espace du

territoire national»2 En effet, les journalistes, grâce aux nouvelles

technologies de l'information et de la communication, peuvent couvrir les évènements en temps réel, notamment à l'aide du téléphone portable qui permet de relayer les informations en direct. En plus des correspondants régionaux, les médias ont déployé des envoyés spéciaux auprès des candidats les plus importants, capables de remporter le scrutin. La couverture des manifestations des autres candidats étaient assuré par les correspondants locaux. Seul Le Soleil a dépêché auprès de tous les candidats un ou plusieurs journalistes. Certains rédactions comme Wal fadjri, ont doté d’un téléphone portable chacun de leurs reporters qui ont servi à faire du direct, s'il s'agit de la radio, ou de dicter les papiers pour la presse écrite au cas où les localités ne disposaient pas de fax ni de couverture Internet.

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Ce qui requiert des moyens financier important si l'on y ajoute les frais de logement, de la restauration et de communication. Pour le transport, le journaliste bénéficiait du convoi du candidat dont il couvre la manifestation. Ce qui lui évitait des désagréments surtout que certaines localités ne sont pas pourvues de transports en commun. «Cet effort, qui a été porté à un

niveau jamais atteint par les responsables des médias, pour mettre les journalistes dans les meilleurs conditions de travail possibles, répondait à un souci de préserver l'autonomie et l'indépendance du journaliste par rapport aux candidats qui auraient tendance à les prendre en charge et éviter de favoriser des relations particulières entre le journaliste et le candidat. (…). Or un reporter transporté, nourri, logé est redevable à ses bienfaiteurs. A ce titre, il peut être tenté de biaiser l'information dans le sens

le plus favorable à ceux qui font preuve à son égard de tant d'attention»3.

Tout cela grevait le budget des médias qui, cependant, refusent de dévoiler les montants engagés ainsi que leurs sources de financement. D'ailleurs, Mme Anne Jean-Bart qui était chargée des relations publiques de la délégation de l'Union européenne au Sénégal, a, à juste titre, mis le doigt dans la plaie de la presse sénégalaise. «Toute une nébuleuse entoure les

moyens des médias et leurs sources de financement. Et pourtant, plus la presse est claire avec ses sources de financement, plus elle est indépendante dans ses orientations, plus elle exerce sa déontologie, plus

elle est pluraliste»4. Mais apparemment, les médias sénégalais feignent de

ne pas saisir de cet important enjeu dans l'indépendance des médias. Toutefois, la Radio Télévision sénégalais (RTS) a indiqué avoir pré-financé sa couverture de la campagne en s'appuyant sur la promesse faite de l'État de lui octroyer 140 millions de francs Cfa (213428,62 euros) sur une subvention globale aux médias de 300 millions.

3 Institut Panos Afrique de l'Ouest – Op.cit., 2002, p.36 4 Idem., p.37

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Mais si les médias ont fait tel investissement, ils savent que ce n'était pas par pertes et profits. Ils savent que la période électorale est un moment propice pour gagner de l'argent. La preuve, c'est que leur nombre de tirage a augmenté considérablement durant la campagne électorale, même si, là aussi, il est difficile d'avoir les chiffres exacts. Rare sont les journaux qui en ont dévoilés, alors que la loi sur la presse exige la publication du nombre d'exemplaires. Parmi ceux-ci il y a «Wal Fadjri, [qui], a par exemple, vu son

volume de tirage passer de 10 000 à 25 000 exemplaires par jour. Il sera de 35 000 exemplaires au lendemain du premier tour et 40 000 exemplaires au

lendemain du second tour»5.

A l'image de l'augmentation du nombre d'exemplaires, la surface rédactionnelle et la couverture radiophonique ont subi positivement l'influence de la campagne électorale. Les radios privées ont créé de nouvelles émissions politiques pour être en phase avec l'actualité électorale. C'est le cas de Wal FM et Sud FM qui étaient les radios majeures de cette époque. La première a créé six émissions dont la plus en vue est «La question du jour» qui est une émission interactive sur l'actualité de la campagne. Elle permet aux auditeurs de donner leurs points de vue sur un sujet proposé par la rédaction de Wal FM en rapport avec l'actualité politique du jour. L'émission est diffusée à une heure de grande écoute en wolof et en français, à la fin des éditions d'informations dans ces deux langues, précisément à 17 heures et 18 heures. Cette émission a été tellement populaire que la radio concurrente, Sud FM, a repris le concept. A cette émission, Sud FM en a ajouté deux autres : «Objections» et «Khel Khelli» qui sont des émissions politiques.

Il en est de même du nombre d'articles consacrés à l'actualité politique. Les journaux ont augmenté l'espace dévolu à la rubrique politique qui ne bénéficiait que d'une page en période normale. Même si la politique a toujours été mise en valeur par les médias sénégalais en général.

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«A l'évidence, l'élection présidentielle a renforcé cette prééminence du

fait politique sur l'économique, le social et le culturel. Sur les 7898 articles publiés durant le premier trimestre de 2000 par les quatre journaux ciblés dans l'étude (Wal Fadjri, Sud Quotidien, Le Soleil (qui sont des quotidiens) et Nouvel Horizon (hebdomadaire), NDRL), les 41,79 % ont concerné la

politique»6. Pour traiter ces articles, le compte rendu a été beaucoup plus

utilisé par les journalistes. «Pour les soixante numéros des cinq quotidiens

constitutifs de notre échantillon, 1215 articles ont été produits durant la campagne électorale. Les articles de compte rendu représentent 919, soit 75,63 % du total de la production. Les articles d'analyse et d'explication sont au nombre de 217, soit 17,86 % tandis que le nombre d'articles qui expriment des opinions et des commentaires (libres, dit-on), s'élève à 79,

soit 6,50 %»7. D'autres sources documentaires corroborent de cette

utilisation privilégiée du compte-rendu puisque c'est un genre de rédaction qui permet d'être beaucoup plus prêt de l'information et d'éviter de donner des opinions qui peuvent être partagées ou non. Ce qui est important dans une campagne électorale où le journaliste ne doit pas influencer son auditeur, son téléspectateur ou son lecteur. En somme, pendant la campagne électorale, l'analyse de contenue des journaux sur les genres rédactionnels fait apparaître que la presse écrite a, dans son ensemble, pris du recul par rapport aux articles d'opinions. Le fort taux des comptes-rendus et reportages (53 %) par rapport aux commentaires et analyses (23,60 %) illustre bien cette conclusion. Ainsi l'information factuelle a

prédominé sur les commentaires et analyses»8.

Mais dans la répartition des articles par rapport aux candidats, on note un déséquilibre. Le Soleil, qui fait généralement sa « Une » sur le candidat lAbdou Diouf, en consacre beaucoup pour le Parti socialiste qui est au

6 Institut Panos Afrique de l'Ouest – op.cit., 2002, p. 39 7 Idem – op.cit, p.40

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pouvoir alors que la presse privée balance légèrement pour l'opposition. Et le nombre d'articles est souvent proportionnel à l'importance du candidat. Par exemple, «Le Soleil a certes ouvert ses colonnes à tous les partis

politiques, mais le PS et son candidat ont bénéficié dans ses colonnes un traitement meilleur que les autres candidats, avec 67 articles sur les 208 publiés durant les mois de janvier, février et mars. Suivent le PDS 49 articles, l'URD avec 27 articles, l'AFP avec 18 articles, la CDP/GARAB GI avec 13, le FSD/BJ avec 12, le FRAP, le RPS avec 10. (…). A Wal Fadjri, il a semblé, à partir des éléments de l'enquête que la règle est d'un article pour le PS pour un article pour le PDS. En effet, sur le premier trimestre de 2000, Wal Fadjri a publié 47 articles pour le PS et 48 pour le PDS. L'URD suit avec 31 articles. Viennent ensuite l'AFP avec 28 articles et la CDP avec 23 articles. Derrière ce quinté, arrivent le FSD/BJ (12), le FRAP (12) et le

RPS (10)»9. On peut faire le même constat pour l'audiovisuel. La télévision

penche fortement pour le candidat du parti au pouvoir. Tout comme la radio d'État.

Mais dans l'ensemble, il est reconnu qu'en 2000, les médias ont joué un rôle important dans la transparence, la régularité des élections. Mais aussi, ils ont pesé dans l'issue paisible du processus électoral et du scrutin lui-même en identifiant les poches de violences et en dénonçant les potentiels fauteurs de troubles. «Que les médias sénégalais aient souvent

désamorcé des ''bombes'' pendant cette campagne électorale est une évidence. Qu'ils aient contribué à alerter les acteurs politiques et l'opinion sur les risques de fraudes et de violence est aussi attesté. Qu'ils aient garanti la transparence dans un contexte où l'opposition soupçonne le commandement territorial, chargé de gérer le processus électoral, par une couverture systématique du vote et une diffusion en direct des résultats, est

un fait tout aussi avéré»10. Sur tous ces points, le rôle de sentinelle des

médias est reconnu, notamment les radios qui diffusaient à la clôture du

9 Institut Panos Afrique de l'Ouest – op.cit., 2002, p.46-48 10 Idem – p. 27

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scrutin les résultats des différents bureaux de vote. Ce qui fait que les populations étaient beaucoup plus occupées à les écouter, parfois en groupe, et les commenter au fur et à mesure, qu'ils sont données. Cette soirée électorale autour du média le plus adopté des Sénégalais était une sorte de catharsis qui étouffait les germes de violences qui habiteraient les gens. D'ailleurs, selon l'Institut Panos Afrique de l'Ouest, «au lieu de

manifester dans la rue et de créer les germes de la violence, chacun est branché sur les stations FM. Les radios sont les meilleures remèdes de la

paix»11. Ce qui confirme le rôle catharsique que les médias ont joué durant

le processus électoral et le jour des deux tours des élections présidentielles de 2000. Ce rôle a été magnifié par l'ensemble de la communauté nationale et internationale. Mais cela ne veut pas dire que les médias ont été à l'origine de l'alternance de 2000. Certes, ils y ont participé en veillant à donner la bonne information à la population et aux acteurs politiques pour éviter les irrégularités du processus et du scrutin. Certes, ils ont mobilisé des moyens humains, matériels et financiers importants, mais c'était dans le but de mobiliser et de sensibiliser les populations à leurs droits de citoyen, notamment à s'inscrire et à aller voter le jour du scrutin. Mais ils n'ont pas donné de consignes de vote pour tel ou tel candidat, comme cela se fait dans les grandes démocraties européennes et Nord-américaine, notamment aux États-Unis.

L'alternance politique en 2000 au Sénégal est le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs. D'abord l'usure du pouvoir car le partis socialiste a gouverné pendant quarante ans. Plusieurs générations n'ont connu que ce régime et ses deux présidents de la république, Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf. A cela se sont ajoutées les crises économiques et sociales multiformes qui gangrenaient le pays. Même si l'équilibre macro-économique et la croissance économique étaient de retour après plusieurs années d'ajustement structurel ponctué d'une dévaluation

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du francs Cfa en 1994, il ne suffisait pas à enrayer le chômage, notamment des jeunes sortis des écoles de formations et des universités. Les soins de santé étaient de loin à la portée des ménages qui peinent à subvenir aux besoins de leur nombreuse famille. Ce qui explique les différentes grèves qui ont éclaté dans le pays. Les dirigeants du pays n'ont pas pu faire face à la colère de la population qui les accusait d'être arrogants et suffisants.

On se rappelle encore de la mémorable grève du Syndicat unique des travailleurs de la Société nationale de l'électricité qui a fait bloquer les centrales électriques pour exiger la résolution de leur plate-forme revendicative. Cette grève a plongé le pays dans le noir pendant trois jours malgré l'intervention des techniciens d'Électricité de France (EDF) pour rétablir le courant électrique. Ce qui va entrainer l'emprisonnement du secrétaire général du syndicat sénégalais, Mademda Sock. La bataille judiciaire, qui s'en est suivi, va finir par la condamnation du syndicaliste et de ses camarades. Mais il sera finalement libéré et se présentera symboliquement comme candidat à l'élection présidentielle de 2000.

La crise dans l'éducation et l'enseignement supérieur va aussi paralyser le pays et remettre en cause la formation des élèves et étudiants. D'ailleurs, le président de la république, Abdou Diouf, en 1993, avait décrété une année blanche pour l'université de Dakar pour éviter, disait-il, de rafistoler chaque année une académique qui répondent pas aux critères universitaires.

Sur le plan politique, le parti socialiste s'est fissuré après un congrès appelé, à l'époque, « congrès sans débat », à l'issue duquel Ousmane Tanor Dieng a été nommé premier secrétaire général du parti et Abdou Diouf s'est octroyé la présidence. Les barons du Ps n'ont pas approuvé la nomination d'Ousmane Tanor Dieng, considéré, à tord ou à raison, comme le dauphin du président de la république. C'est ainsi que Djibo Léyti Kâ, un des puissants barons du Ps de l'époque claqua la porte pour aller former son propre parti politique qu'il a appelé Union pour le Renouveau démocratique (URD). Aux élections législatives de 2000, Djibo Léyti Kâ et

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son parti, qui ont utilisé le récépissé du parti politique Jëf Jël de Talla Sylla, ont recueilli 13,21 %. Ce qui leur donnait onze députés. Une autre dissidence du Ps naquit le 19 juin 1999. Il s'agit de l'Alliance des forces du Progrès (AFP) créée par l'ancien ministre des Affaires étrangères du président Abdou Diouf, Moustapha Niasse, qui quitta ainsi le parti socialiste après y avoir consacré toute sa vie politique et administrative. Tous les deux leaders de ces partis nés des flancs du parti socialiste ne partageaient pas la nouvelle orientation de leur ancien parti. Ils reprochaient entre autres le choix d'Ousmane Tanor Dieng comme secrétaire général du parti et par conséquent dauphin désigné par le président Abdou Diouf, même si ce dernier l'a toujours contesté. C'est dans ce contexte que le parti socialiste ainsi amputé et affaibli s'engagea aux élections présidentielles de 2000.

A tout cela, s'ajoute la réforme du code électoral en 1993 qui crée les conditions de confidentialité de l'élection. C'est ainsi que des urnes transparentes vont être exigées ainsi que des isoloirs pour permettre aux électeurs de choisir leur candidat dans la discrétion sans en retour être victimes de représailles surtout en ce qui concerne les fonctionnaires. L'âge des électeurs est également ramené à 18 ans au lieu de 21 ans dans l'ancien code électoral. La mise en place de l'Organisation nationale des élections (ONEL) chargée de veiller à la transparence et à la régularité du scrutin a également joué un rôle important dans le dispositif électoral. Tout comme la nomination d'un ministre de l'intérieur n'appartenant à aucune chapelle politique a favorisé la crédibilité des élections.

Par conséquent, l'on constate que c'est un ensemble de facteurs qui explique la transparence et la régularité des élections de 2000. Ce qui a permis d'éviter des troubles électoraux aux lendemains du scrutin du premier et du deuxième tour. Même si les médias ont joué leur partition qui a été, certes, non négligeable.

(28)

2. L'introduction d'Internet dans l'espace médiatique

sénégalais

Si les médias traditionnels ont joué un rôle important dans le processus électoral qui a abouti à l'alternance en 2000, l'Internet y a apporté son concours de manière effacé. Cela est dû à l'adoption tardive de la toile par les Sénégalais à cause de son coût prohibitif pour la grande majorité de la population. Ce coût a négativement influé sur le nombre d'abonnés. En effet, le Sénégal a été connecté à Internet en 1996 avec une bande passante internationale de 42 mégabits. Le nombre d'ISP était de quatorze avec onze mille abonnés. Toutefois, le nombre d'internautes était estimé à environ cent mille avec plus de 150 points d'accès à Internet. C'est dans ces conditions que l'élection présidentielle s'est tenue avec une faible couverture Internet à Dakar et quasi nulle dans les régions.

Malgré tout les médias sénégalais ont très tôt compris l'importance de l'Internet. C'est pourquoi ils n'ont pas hésité à créer leur site afin d'y publier leur édition du jour. Même si le contenu n'est réactualisé que le lendemain avec la nouvelle édition du journal papier, l'accès à ces sites est gratuit. Ainsi investi, l'Internet devient l'interface entre les médias et une partie de son public féru des nouvelles technologies de l'information. Mais la faible couverture en Internet du pays, malgré l'avènement du Web.2.0, fait que les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs éloignés de Dakar, centre de diffusion essentiel des médias sénégalais, se trouvent toujours mis à l'écart. Ce sont les Dakarois qui sont les plus servis. Leur accès aux médias est aléatoire du fait du système de diffusion de la presse sénégalaise qui privilégie l'agglomération dakaroise. Dans les régions et le monde rural, c'est la radio qui est la plus écoutée, à cause des ondes courtes et de la bande FM. Toutefois les Sénégalais de l'extérieur trouvent leur compte dans la diffusion des médias sur Internet.

Mamadou Ndiaye, enseignant au Centre d'Études des Sciences et Techniques de l'Information (CESTI), une école de journalisme rattachée à

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l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar), estime que «les enjeux de la

présence de la presse sénégalaise sur le Web sont multiples. Au-delà des enjeux économiques (publicité payant / non payant), les groupes de presse eux-mêmes, avec ce nouveau support, ont réussi à toucher, donc à informer un plus grand nombre de citoyens. Cette présence en ligne a permis à des millions de Sénégalais de s'informer régulièrement quel que ce soit le lieu où l'on se trouve. Au bureau, en un temps record, il est possible de parcourir les grands journaux sénégalais et du monde. Avec

Internet, éclatent les barrières ainsi que les frontières»12. Si la publicité est

encore timide, voire inexistant, sur les sites web des journaux sénégalais, il faut dire qu'ils jouent un rôle important dans l'information surtout de la diaspora sénégalaise éparpillée dans le monde. Celle-ci peut, sans bourse déliée, consulter les sites web du quotidien gouvernemental Le Soleil, des journaux privés Wal fadjri, Sud Quotidien, Le Quotidien. Tout comme elle peut consulter le fil de l'Agence Presse sénégalaise (APS). Des hebdomadaires comme La Gazette, Nouvelle Horizon, etc, ont des sites web, mais ne mettent pas leur édition de la semaine en ligne, mais plutôt quelques articles de la précédente. Toutefois, la Gazette traite parfois l'actualité en mettant en ligne certains articles pour attirer les internautes.

Globalement, c'est à partir de 1997 que les journaux sénégalais ont commencé à diffuser leur édition papier sur Internet. Et la qualité de leur site a été primée. Selon, Thomas Guignard, «il est pourtant vrai que les

premiers pas de la presse sénégalaise sur internet ont été concluants. C’est en 1997 que l’on voit apparaître les premiers médias sénégalais sur internet : le journal privé Sud Quotidien en février 1997 inaugure ainsi les premières expériences de la presse sénégalaise sur le web. Le quotidien public Le Soleil s’offrira une présence en ligne l’année suivante (février 1998) et le journal Wal Fadjiri en 2000. Ces deux derniers obtiendront un prix consacrant leur présence sur le web : en 2000, Wal Fadjiri a obtenu le prix

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«Médiawebs» consacrant le meilleur site web d’un média africain et le quotidien public Le Soleil a été récompensé en 2001 par Courrier international pour son site rivalisant, selon le classement de l’hebdomadaire

français, avec ceux des grands journaux occidentaux»13.

Mais Internet est également investi par des sites web sénégalais indépendants dont l'objectif n'est pas forcément le traitement de l'information en s'appuyant sur les techniques de collecte des journalistes. D'ailleurs, la plupart d'entre eux reprennent les articles des journaux sénégalais pour alimenter leurs sites. On les appelle des sites web «copié

collé». Thomas Guignard parle de «compilation d'articles».

En tous les cas, comparativement aux autres pays de l'Afrique de l'Ouest, le Sénégal occupait, en 2004, la troisième place derrière le Nigeria et le Bénin. «On remarque que le Nigeria arrive largement en tête en

concentrant 40 % des sites nationaux de l’Afrique de l’Ouest (2321 sites référencés en juillet 2004). Le Bénin, le Sénégal et la Côte d’Ivoire suivent, loin derrière, le leader ouest-africain avec respectivement 750 sites (soit 13

% des sites), 685 sites (12 %) et 628 sites (11%)»14. Et occupe ainsi, dans

la même année, la 17ème place sur les 53 pays que comptait l'Afrique.

L'explication de la faiblesse de création des sites en Afrique et au Sénégal résident dans son coût élevé et sa gestion. Selon Thomas Guignard, «la

situation sénégalaise est révélatrice des handicaps africains : en 1997, il fallait dépenser 400.000 FCFA (soit environ 600 €) la première année (création du nom de domaine payable une fois et la redevance annuelle pour la maintenance). Et si en presque dix ans, la création d'un nom de domaine sénégalais a vu son coût divisé par cinq et la redevance annuelle par presque sept, le coût en 2007 reste inabordable et inapproprié au tissu

économique sénégalais»15. Toutefois, les prix ont fortement baissé à cause

du nombre de plus en plus élevé de développeurs de sites web. Ce qui a

13 Thomas Guignard – Le Sénégal, les Sénégalais et Internet : Médias et identité, Université Charles de Gaulle

Lille 3, p.260

14 Thomas Guignard – Idem, 2007, p.215 15 Idem, 2007, p.217

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entraîné la prolifération des sites dont certains attirent beaucoup d'internautes. C'est le cas de Seneweb.com qui est l'un des sites les plus visités, reçoit selon son promoteur, Salam Fall, «150 000 visiteurs uniques

par jour. Durant les grands évènements (matchs de football, combats de

lutte), nous arrivons à enregistrer plus de 200 000 visiteurs uniques»16.

Selon Salam Fall, seneweb.com reçoit 4 millions de visiteurs et 9 millions 500 mille pages vues par mois. Ce qui fait que seneweb.com est classé à la 11676ème place des sites les plus visités sur Internet sur les 234 millions

dans le monde. Il soutient avoir tiré ses chiffres de Google Analytics. Les internautes du site sénégalais se recrutent notamment au Sénégal, en France, aux États-Unis, au Canada, etc. Pourtant « seneweb.com est né

d'une idée simple. Après mes études en 1999, j'avais remarqué que l'Internet a connu un essor considérable aux États-Unis et au Sénégal, mais le contenu disponible sur le net sénégalais est plutôt statique. Il y avait une inertie dans ce domaine. Donc j'ai créé seneweb pour offrir une dynamique et en même temps permettre aux Sénégalais d'avoir un espace virtuel où ils peuvent se retrouver, discuter, et surtout rester au courant de ce qui se

passe dans le pays, où qu'ils soient dans le monde»17. Le pari est réussi car

le site web fait partie des plus populaires parmi ceux qui sont créés et qui s'intéressent à l'actualité sénégalaise. Le nom est entré dans le vocabulaire du commun des mortels. La conséquence positive, c'est que seneweb.com est devenu presqu'incontournable dans le paysage numérique de la toile sénégalaise. Il est sollicité par les publicitaires soucieux de toucher un grand nombre de cibles, notamment celles de la diaspora.

Au-delà de l'aspect commercial de ces sites, c'est qu'il constitue des relais entre les expatriés et leur pays. Ce trait d'union leur permet d'être informés de l'actualité du pays d'origine. Il permet aussi un dialogue entre les internautes éparpillés à travers le monde par le biais des commentaires et des réactions faits sur tel ou tel article. Toutefois, il faut reconnaître que

16 http://www.seneweb.com/news/article/363668.php 17 Ibidem

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les sites web sénégalais sont encore loin, en matière technologique, de moyens humains et financiers consacrés par les journaux internationaux pour développer et enrichir les contenus des sites.

A côté des journaux d'informations générales sénégalaises, existe des sites web qui ne produisent pas d'éditions papier. S'ils constituent un trait d'union entre l'actualité du pays et les internautes sénégalais, l'un de leurs handicaps est qu'ils ne produisent que rarement leurs propres articles. Ils reprennent, à l'image de seneweb.com, quasiment les articles et des émissions des médias sénégalais. Ce qui influe négativement sur la fréquentation des sites des journaux, notamment des quotidiens. Il en est de même des autres sites web qui copient littéralement la presse quotidienne et hebdomadaire sénégalaise. Pour y faire face, certains journaux ont formellement interdit la reprise de leurs articles sous peine de poursuite judiciaire. C'est le cas des journaux Le Quotidien et la Gazette notamment. Dans une contribution parue dans Le Quotidien du samedi 11 avril 2009, Pape Macky Sall estime que «l'option de limiter l'accès de leur

sites et des contenus aux gérants des portails risque fort de se généraliser (car) il n'est pas démontré que les sites payants au fil du temps soient moins visités que les sites d'accès libres. L'exemple des quotidiens Wall Street Journal (États-Unis) ou des Echos (France) prouve que la formule payante peut réussir dans un univers où la gratuité d'accès reste le schéma favori de beaucoup d'autres titres. Le cas de Ouest-France, devenu l'un des quotidiens de la presse régionale française le plus visité avec sa formule payante, peut être relevé. Les médias sénégalais doivent donc s'adapter et éviter aussi de faire leur site Web une copie de la version papier

numérisé»18. Certes les médias sénégalais doivent s'adapter, mais il faut

que certains facteurs qui concourent au développement du commerce numérique soient mis en place. Au Sénégal, le commerce numérique est très faible, voire inexistant. En plus la bancarisation a pris un retard

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considérable. La loi prise à cet effet ne date que 2004. Ce qui nécessite une sensibilisation de la population pour établir une confiance dans les nouveaux modes de paiement. D'ailleurs, le taux de bancarisation au Sénégal est trop faible. Il se situe à 6,2 %. C'est la raison pour laquelle la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a lancé une campagne de promotion de la bancarisation et de l’utilisation des moyens de paiements scripturaux. Un programme débuté en septembre 2010 et qui devrait s'étendre sur six mois.

La mise en place de site web d'accès payant nécessite également une valeur ajoutée à l'information. Ce qui pourra susciter une envie chez le lecteur, par exemple, de décider de payer. Ce qui n'est pas forcément gagner d'avance car les médias ne sont pas encore prêt d’adopter le journalisme en ligne.

Ce qui nécessite une formation, mais également la mise en place d'une équipe qui se consacrent uniquement au site web. Si l'ensemble de ces facteurs ne sont pas résolus, il serait difficile de promouvoir des sites web d'accès payant. Mais que risquent ces sites web qui copient notamment la presse écrite sur le plan juridique ? La question reste entière même si certains journaux brandissent la menace judiciaire contre eux. Pourtant selon la loi 2008-09 du 25 janvier 2008, en son article 45, il est dit : «Ne

sont pas subordonnées au consentement de l'auteur, sous réserve de la mention de son nom et de la source, la reproduction et la communication à des fins d'informations, des articles d'actualité politique, sociale et économique, ainsi que des discours destinés au public prononcés dans des assemblées politiques, judiciaires, administratives, religieuses ainsi que dans les réunions publiques d'ordre politique et les cérémonies officielles».

A la lumière de cette loi, peut-on juridiquement reprocher les sites web qui reprennent les articles des journaux en mentionnant le nom de l'auteur et la source ? La question reste en tout cas posée.

L'autre problème est lié à la publicité qu'engrangent ces sites web copieurs-colleurs. Doivent-ils faire une ristourne aux médias dont ils copient

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les articles ? La loi est muette là-dessus. Peut-être qu'il pourrait y avoir une sorte de compromis entre les producteurs d'articles et les sites «repreneurs». D'où l'intérêt pour les protagonistes de s'asseoir sur une table et discuter afin de trouver une solution.

Les mêmes remarques s'imposent aux radios web et aux sites web des télévisions non seulement du Sénégal, mais aussi de l'Afrique en général. C'est ainsi que Thomas Guignard distingue «les radios africaines disposant

d’un site internet et les radios diffusant sur internet». «Si les graphiques de l’annexe 81 p.72 mettent en relief des progressions remarquables entre 2001 et 2005, (+260 % de radios africaines ayant un site internet et +170 % pour les radios africaines diffusant sur internet), ils masquent néanmoins de nombreux problèmes techniques et une tendance mondiale à la hausse relativisant la visibilité de ces radios à l’échelle du monde. La France, par exemple, a vu le nombre de ses radios hertziennes diffusées sur internet multiplié par 25 entre 1999 et 2004 : passant de 10 à près de 250 stations

diffusant sur internet pendant cette période»19. Il explique que les sites web

radios africaines sont marginales comparativement au reste du monde. Selon lui, « en janvier 2005, le continent ne rassemblait que 1 % des radios

ayant un site internet et 0,8 % des radios diffusant sur internet selon notre

étude basée sur le référencement du site Comfm»20. Même s'il reconnaît

que des progrès ont été effectués dans le cadre, il soutient que, en 2005,

«14 pays africains ne comptaient aucun site web de radio et 25 pays

aucune radio diffusant en ligne en 2005»21.

Au Sénégal, seules «trois radios sénégalaises possédaient un site

internet permettant la diffusion de leurs programmes en direct sur le web en

juin 2007»22, écrit Thomas Guignard qui cite Sud FM, Radio Nostalgie et

Radio Futurs Médias. Cependant, «on notera que les sites des stations Sud FM et RFM se contentent de proposer un lien permettant la réception en

19 Thomas Guignard – 2007, op.cit, p.256 20 Ibidem

21 Ibidem

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direct de la station. Elles ne proposent ainsi aucun autre contenu ou service. En fait, seule Radio Nostalgie Dakar possède réellement un site internet. Cette dernière, filiale de la station française Nostalgie, a certainement bénéficié du savoir-faire de sa maison mère pour la création de son site internet qui reprend par ailleurs les éléments graphiques du site

Nostalgie France»23.

En tous les cas, les médias audiovisuels sénégalais n'utilisent presque pas les avancées technologiques de ces dernières années. Il n'existe pas de rédactions spécifiques aux web radios et aux sites internet des télévisions. Même les vidéos des émissions et des éditions d'informations ne s'y trouvent pas. Leurs sites sont une sorte de compilation d'articles de journaux de la presse écrite. Toutefois, on peut consulter le programme, un résumé de l'histoire de la radio ou de la télévision. C'est dire que l'audiovisuel sénégalais ne profite pas de toutes les opportunités offertes par Internet. Ce qui explique, en partie, la faible fréquentation de ses sites web. A cela s'ajoute le fait que leurs contenus ne sont pas renouvelés à fréquence courte et régulière. Selon Thomas Guignard, «près d’un quart

des internautes interrogés (23%) disent ne consulter aucun site sénégalais régulièrement. Un chiffre qui laisse supposer une consommation extravertie vers l’extérieur. On notera cependant l’hégémonie déjà exposée du site Sentoo qui est le site le plus fréquenté avec 22 % de citations. Le site du Métissacana arrive juste derrière avec 12 % des internautes interrogés qui le fréquentent régulièrement. Les sites des deux principaux quotidiens sénégalais (le Soleil et Walf) représentent à eux deux 15 % des sites les

plus visités»24.

La faiblesse de la fréquentation des sites web sénégalais ne signifie pas que les internautes ne sont pas intéressés par la toile. Cela provient du déficit technologique des sites web sénégalais, de leur réactualisation

23 Ibidem

24 Thomas Guignard – Internet au Sénégal : Une émergence paradoxale, Dea sciences de l'Information et de la

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irrégulière et du manque de contenu spécifique qui apporte une plus-value par rapport aux sites web classiques des journaux en papier. Ce qui fait que les Sénégalais, férus du net, se tournent vers les sites web étrangers, notamment occidentaux, pour avoir d'autres informations susceptibles de compléter leurs curiosités. «Bien que les médias sénégalais soient très

présents sur la toile, on s’aperçoit à travers l’étude des 135 internautes sénégalais, que la recherche d’informations s’oriente essentiellement vers l’international avec 84,4% des citations. En revanche, on s’aperçoit que l’information locale demeure marginalisée avec seulement 10,4% des internautes interrogés qui consultent essentiellement de l’information sénégalaise. L’information «régionale» (relative à l’Afrique) l’est encore plus puisqu’elle est recherchée uniquement par 3 % des internautes. On s’aperçoit d’ailleurs que le volet international prend de plus en plus

d’importance dans l’ensemble des médias sénégalais»25. Il faut aussi

signaler la cherté de la connexion internet au Sénégal de la fin des années 1990 au milieu des années 2000. Cette cherté est aussi un facteur de blocage à l'accès à la toile. C'est ainsi qu'une heure de connexion variait

«(entre 500 Fcfa et 3500 Fcfa) qui portent la moyenne nationale des 184 cybercentres à environ 1250 Fcfa (1,9 €). Une moyenne caractérisée par une large partie des cybercentres (près de 40 %) qui appliquent des tarifs

de 1000 à 1500 Fcfa»26. Mais ces prix ont fortement chuté à cause de la

multiplication des cybercentres et la concurrence. Déjà, à partir de 2002, l'heure de connexion est ramenée à 500 francs Cfa. Aujourd'hui, elle n'est que de 200 francs Cfa. Toutefois, le coût de l'abonnement à domicile reste encore élevé. Ce qui fait que les internautes, notamment ceux qui n'ont pas assez de moyens financiers, préfèrent les cybercentres. C'est ainsi qu'en 2002, selon Thomas Guignard, on était seulement «15000 abonnés (…) soit

1,54 abonnés sur 1000 habitants»27.

25 Thomas Guignard – Op.cit, 2001-2002, p.124 26 Idem – p.78

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A cette cherté de la connexion horaire, il faut ajouter l'équipement. Pour accéder à internet, l'ordinateur est indispensable. Autant l'accès à internet est coûteux, autant l'acquisition du matériel informatique l'est. Ce qui freine l'accès au réseau. Aujourd'hui, pour s'abonner à la Société nationale de Télécommunication (SONATEL), il faut débourser trente mille (30 000) répartis comme suit : 20 000 francs pour la caution et 10 000 francs à payer chaque mois. A ces sommes, il faut acheter du crédit pour pouvoir se connecter. A cela s'ajoute la maîtrise de l'outil informatique. Ce qui est loin d'être le cas si l'on prend en compte le nombre élevé d'analphabètes dans le pays. Même ceux qui sont alphabétisés rencontrent des difficultés parce que cela nécessite une formation, même rudimentaire, qui n'est pas souvent à la portée des bourses du Sénégalais moyen.

Malgré tout, les sites web sénégalais jouent un rôle important dans la communication politique. Les hommes politiques sénégalais suivent le net parce qu'ils savent qu’il est l'un des moyens d'informations les plus importants des Sénégalais de l'extérieur. Donc ils surveillent leurs communications et les effets que cela produit sur leurs concitoyens expatriés. D'autant plus qu'ils sont considérés comme étant de grands électeurs à cause de leur contribution économique. Ceux-ci ont pris de l'importance quand les autorités sénégalaises ont décidé de les faire voter dans leur pays d'accueil. Ils deviennent ainsi doublement importants dans l'échiquier politique. D'abord, ils sont électeurs, donc de potentielles voix à prendre. D'où des passages récurrents des hommes politiques dans les différents pays d'accueil de ces expatriés sénégalais, notamment en France où il y a le plus important nombre d'inscrits sur la liste électorale. Mais ces Sénégalais sont de «grands électeurs» dans le sens où ils peuvent donner des consignes de vote aux parents et aux amis établis dans le pays d'origine. A cause de leur influence socio-économique. En effet, selon la Banque centrale de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), les Sénégalais de l'extérieur envoient plus 500 milliards de francs Cfa au Sénégal par les

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