• Aucun résultat trouvé

Bien que nos 24 enseignants universitaires de sciences aient cité différentes méthodes d’enseignement dans le questionnaire, les observations de classes ont montré qu’ils ne les utilisaient pas toutes. Dans ce contexte, les 48h d’observations de classes ont montré que :

a. 6 enseignants de 9 n’intégraient pas, pendant les 48h de visites de classes, l’histoire des sciences, fort probablement parce qu’ils ne sont pas formés en histoire des sciences et ne perçoivent pas l’intérêt d’enseigner l’histoire des sciences aux étudiants ; alors que 3 enseignants de 9 intègrent des épisodes pointus, de façon magistrale, et très brève (entre 2 et 10 minutes d’histoire des sciences sur les 12 séances d’observations de classes de ces 3 enseignants), sans aucune exploitation épistémologique ou didactique, juste pour rendre hommage aux scientifiques du passé, motiver et divertir les étudiants, fort probablement ce qu’ils ne sont pas formés à l’exploitation didactique et épistémologique des épisodes d’histoire des sciences, ni à la possibilité de mener des réflexions épistémologiques à partir de ces exemples d’histoire des sciences.

b. 8 enseignants de 9 n’enseignaient pas, les sciences via la démarche d’investigation, fort probablement parce qu’ils ne sont pas formés à l’enseignement des sciences via cette démarche, et parce qu’ils ne la maîtrise pas correctement (ont du mal à la définir et à la décrire). De plus, ils pensent que l’investigation scientifique ne devrait avoir lieu qu’au laboratoire, car ils réduisent l’investigation scientifique à la méthode expérimentale (vision positiviste-empiriste de la science).

Quant aux méthodes d’enseignement utilisées par nos 9 enseignants universitaires de sciences observés en classe, nous avons identifié les pratiques suivantes :

a. 5 enseignants des 9 observés ont utilisé des méthodes d’enseignement majoritairement passives, ou intégralement passives, pendant les 48h

d’observations de classes, et présentaient une vision dichotomique, morcelée de l’enseignement scientifique, puisqu’ils séparaient les séances de cours, des séances de travaux dirigés, des séances de travaux pratiques. En outre, ces 5 enseignants ont cité quelques contraintes qui les empêchent d’avoir recours aux méthodes actives, dont le manque de formations et de ressources pour enseigner via des méthodes actives, les contraintes de gestion de classes, les contraintes curriculaires, et la perception des étudiants (seuil de motivation et niveau académique assez faibles, ralentissant la progression du cours et compromettant l’utilisation de méthodes actives qui prennent du temps).

b. 4 enseignants de 9 ont utilisé des méthodes d’enseignement mixtes, cependant 3 de ces 4 enseignants présentaient une vision homogène, non dichotomique de l’enseignement scientifique, car ils étaient capables, dans une même séance, d’enseigner le cours et de faire des travaux dirigés. Dans cette perspective, un enseignant mélangeait, dans les 4 séances observées, le magistral interactif aux exercices de travaux dirigés, à l’analyse d’articles scientifiques, à la démarche expérimentale. En outre, 2 enseignants mélangeaient, dans les 8 séances observées, le magistral interactif aux exercices de travaux dirigés, aux exploitations et analyses des erreurs des étudiants, aux démonstrations personnelles et/ou en groupes de 2 étudiants. Cependant, le 4ème enseignant, ayant un CAPES en chimie en plus de son doctorat, et une vision dichotomique de l’enseignement scientifique, consacre des séances pour le cours magistral pour couvrir un contenu scientifique, et des séances pour faire des exercices, pour appliquer et mieux comprendre le cours, et entraîner les étudiants. Ces exercices consistent en une résolution d’équations chimiques effectuées, tantôt par l’enseignant, tantôt par les étudiants, et tantôt de façon collective.

Finalement, 8 enseignants de 9 présentaient une excellente gestion du temps et de la classe, et un seul enseignant avait une bonne gestion du temps et de la classe, mais qui n’était pas excellente, car il avait du mal à contrôler le bavardage continu des étudiants.

VI. CONCLUSION ET PERSPECTIVES

En conclusion, les enquêtes par questionnaire ont révélé que les 24 enseignants universitaires de sciences Libanais sollicités disent privilégier, en classe, en premier lieu, les méthodes d’enseignements mixtes, puis, en second lieu, les méthodes d’enseignements passives, et finalement les méthodes d’enseignements actives. Parmi les méthodes d’enseignements actives et innovantes qu’ils disent utiliser en classe, à des fréquences variées, ils ont cité le travail en sous-groupes, l’apprentissage par problèmes, l’enseignement par projet, l’enseignement basé sur les TIC et l’audiovisuel, l’enseignement basé sur l’exploitation de l’erreur et des documents, l’enseignement basé sur les conceptions des étudiants, l’enseignement des sciences via démarche scientifique qui n’est pas forcément expérimentale et via

L ' e n s e i g n e m e n t d e s s c i e n c e s à l ' u n i v e r s i t é 1 4 7

la démarche expérimentale aussi, le débat sociocognitif, les exposés oraux, et les études de cas. De plus, ils ajoutent qu’ils relient, occasionnellement, les connaissances scientifiques à leurs contextes et processus d’élaboration, en intégrant l’histoire des sciences. Par ailleurs, ils ont affirmé, dans le questionnaire, que l’enseignement au laboratoire est basé sur une vérification des notions du cours, via des tests expérimentaux qui confirment ce qui a déjà été appris, ce qui ôte l’investigation scientifique. Cependant, les 48h d’observations de classes, de 9 enseignants universitaires de sciences des 24 enquêtés, ont montré qu’il existe une différence entre les pratiques pédagogiques citées dans le questionnaire et celles qui ont été observées en classe.

Les perspectives de ce travail sont nombreuses. Dans ce contexte, un feedback des résultats de cette recherche pourrait être donné aux universités qui le souhaitent, pour discuter ces résultats, et envisager proposer aux enseignants universitaires de sciences des formations en histoire et en pédagogie universitaire, pour les aider à utiliser plus fréquemment des pratiques innovantes. Ensuite, un suivi des enseignants formés, via des visites de classes, ou via des entretiens, des focus groupes et des concertations sont souhaitables, pour les aider à travailler en équipes, pour mettre en place des séquences d’enseignements interdisciplinaires, intégrant l’histoire et les méthodes d’enseignement actives. Une étude et une réforme du curriculum scientifique universitaire devraient être menées en parallèle, pour mieux expliciter, valoriser et intégrer les pratiques innovantes au supérieur, et un référentiel de compétences des enseignants universitaires de sciences devrait être élaboré, pour mieux cerner le profil des enseignants que les universités aimerait embaucher, ou former via des formations continues. Bien évidemment, ce travail nécessite plusieurs recherches et une équipe de chercheurs, qui peuvent échelonner les étapes de la recherche sur plusieurs années.

R

EFERENCES

Astolfi, J.-P. (1998). L’école pour apprendre. Paris: ESF.

Chauvigné, C. et Coulet, J.-C. (2010). "L’approche par compétences : un nouvel paradigme pour la pédagogie universitaire ?". Revue française de pédagogie, n°172, pp.15-28.

Demougeot-Lebel, J., Ricci, J.-L. et Romainville, M. (2012). "Regards croisés sur des pratiques de formation à l'enseignement universitaire". Savoirs, n°28, pp.113-133.

Donnay, J. et Romainville, M. (1996). Enseigner à l’université. Un métier qui s’apprend ? Bruxelles: De Boeck.

El Hage (2013), Introduction aux méthodes actives, In Manuel de pédagogique universitaire, partie B-Méthodes et techniques d’enseignement, p.49-53, http://www.usj.edu.lb/intranet/actu/pdf/3211.pdf (page visitée en mai 2014).

El Hage, F., en collaboration avec Yazigi, A., Howayek, S. et Naja, M. (2011), Les méthodes actives dans le guide ECTS de l’USJ, http://lpu.blogs.usj.edu.lb/files/2011/04/ects-m%C3%A9thodes-actives.pdf (page visitée en décembre 2014).

Favre, D. et Verseils, I. (1997). "Etude de l’acquisition et du réinvestissement du concept de surface portante". Aster, n°25, pp.33-57.

Herman, B., (2010). Teaching the nature of science: Practices and associated factors. Doctoral dissertation, Iowa State University, http://lib.dr.iastate.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=2394&context=etd (page visitée en janvier 2014).

Lawson A.-E., Devito, A. et Nordland, F. N. (1976). "How is your I.Q. (Inquiry quotient)? An Instrument to Measure Inquiry Teaching in the Science Classroom". School Science and Mathematics, n°2, pp.139-151.

Lederman, N. et Zeidler, D. (1987). "Science teachers’ conceptions of the nature of science: Do they really influence teaching behavior?". Science Education, n°5, pp.721-734.

Loiola, F. et Tardif, M. (2001). "Formation pédagogique des professeurs d’université et conceptions de l’enseignement". Revue des sciences de l'éducation, vol. 27, n°2, pp.305-326.

Maroy, C. (2006). "Les évolutions du travail enseignant en France et en Europe : facteurs de changements, incidences et résistances dans l’enseignement secondaire". Revue française de pédagogie, n°155, pp.111-142.

Moghaizel-Nasr, N. et Mawad, R. (2014), Elaboration d’un référentiel de compétences, croisement des référentiels de compétences avec les programmes de formation et élaboration d’un plan de cours, In Manuel de pédagogique universitaire, partie A- Planification de la formation et des enseignants, p.15-48, http://www.usj.edu.lb/intranet/actu/pdf/3211.pdf (page visitée en mai 2014). Poteaux, N. (2013), Pédagogie de l’enseignement supérieur en France : état de la

question, Distance et médiation des savoirs, http://dms.revues.org/403?lang=en#ftn8 (page visitée en décembre 2014). Vaufrey, C. (2010). Qu'appelle t- on « pratiques innovantes en éducation » ?, THOT

CURSUS, formation et culture numérique, http://cursus.edu/article/2772/appelle-pratiques-innovantes-

TELECOLLABORATION POUR DEVELOPPER LES