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Composantes de la formation : exemples d’activités pédagogiques IV

A titre d’exemple, nous allons présenter deux activités pédagogiques : une excursion et une simulation. Chacune de ses activités permet aux étudiants de se confronter aux 3 dimensions des compétences interculturelles

La visite de l’abbaye et des jardins et de Valloire dans la Somme a suscité l’émerveillement. Cette destination a été choisie pour faire découvrir un patrimoine culturel – une abbaye cistercienne – ainsi que l’œuvre d’un grand jardinier et paysagiste français, Gilles Clément, dont le concept de Jardin Planétaire illustre à merveille la notion d’interculturalité. Est fait ensuite l’expérience du déjeuner à base de fleurs et d’herbes de saison telles que des mille feuilles de racines ou une tisane d’Herbe-à-Robert. Comment réagir face à un « plat » que l’on n’a encore jamais mangé et qui, sans être tabou, n’est pas considéré comme un aliment ?

Au début de la 3ème semaine, les étudiants sont amenés à faire l’expérience de soi à travers une simulation de conflit : le jeu de cartes BARNGA. En petits groupes de 4, les participants jouent un jeu de cartes simple. Le seul moyen de communication qui leur est permis est le dessin et le signe, mais ils n’ont pas le droit de parler. Le jeu comporte 3 tours. A la fin de chaque tour, les 2 gagnants de chaque groupe changent de groupe. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que chaque groupe a reçu des règles légèrement différentes; les joueurs supposent en effet que tout le monde joue selon les mêmes règles. Tout va donc bien lors du 1er tour, mais le conflit commence à survenir dès le 2ème tour lorsque les joueurs se déplacent. Les réactions sont alors très diverses : confusion, colère, indifférence, résignation, certains

P o u r u n e n o u v e l l e a p p r o c h e d e l ’ e n s e i g n e m e n t i n t e r c u l t u r e l 1 5 9

réclament un ‘arbitre’, en se demandant pourquoi nous n’intervenons pas. Il est essentiel, à la fin du jeu, de débriefer l’expérience en orientant la réflexion sur la tolérance à l’ambigüité et à la frustration, et sur la perception des règles. Ce jeu renforce la notion que les conflits ont leurs origines dans des évidences invisibles, des non-dits, des présupposés et permet de réfléchir à la manière de gérer les différences pour pouvoir fonctionner dans une situation analogue dans la vie réelle.

L’acquisition des compétences interculturelles se vérifie lors de la restitution du projet collectif sur lequel les étudiants ont travaillé tout au long des 3 semaines. L’objectif de ce projet est de réussir à faire la synthèse des valeurs et des savoirs en représentant l’histoire et le vécu individuel d’un repas à travers une œuvre collective (vidéo, sketch, poster, présentation). Ce projet doit démontrer l’aptitude des étudiants à mettre en pratique leurs connaissances et leur expérience et à travailler en équipe.

V. BILAN CRITIQUE ET PERSPECTIVES

En guise de bilan, nous constatons que cette unité d’enseignement confère une cohésion au groupe et permet aux étudiants de développer la capacité de travailler en équipe tout en acquérant des connaissances culturelles et sociales. Nous mesurons ces résultats d’une part à partir de l’évaluation très positive de ce module par les étudiants qui le trouvent pertinent pour leur formation et enrichissant d’un point de vue humain. D’autre part nous constatons que l’apprentissage se fait au jour le jour et au gré des situations qui surviennent de manière inattendue. Ainsi, un groupe d’étudiants de la 1ère promotion a su résoudre un conflit qui aurait pu mettre en péril

la réalisation de leur projet collectif.

Un réel travail de réflexion reste à faire sur l’évaluation des compétences interculturelles. Sachant que l’évaluation des compétences est en soi un vaste sujet, a plus forte raison celle de la compétence d’une notion aussi complexe que l’interculturel. Qui évalue ? Ce point pose la question de la compétence interculturelle de l’enseignant. A quel moment du parcours de l’étudiant, c’est-à-dire dans quel but ? Qu’est-ce que l’on évalue ?

L’expérience a démontré que les formations interculturelles ne peuvent pas être des dispositifs passe-partout qui pourraient être dupliquées et dispensées sans tenir compte du ‘lieu’ où se trouve l’apprenant, c’est-à-dire de sa culture professionnelle, et de son parcours antérieur. Les travaux de Barmeyer, Demorgon nous permettrons de différencier les approches de la culture et de nuancer le terme d’interculturalité. Ainsi, nous souhaitons développer des outils d’analyse qui permettraient de transférer l’approche de l’UE Cultures Croisées à d’autres contextes. A titre d’exemple, la formation à l’interculturel des élèves ingénieurs français à l’Institut reste à développer à Polytechnique LaSalle Beauvais. A cet effet, il conviendrait de créer un dispositif sur 5 ans, en tenant compte de la spécialité de l’élève ingénieur ainsi que de son projet de mobilité. Une telle approche assurerait une progression pédagogique tout en décloisonnant la formation interculturelle. Un dispositif

différencié de la sorte permettrait également de varier le mode d’évaluation des compétences tout en assurant un réel alignement pédagogique.

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EFERENCES

Barmeyer, C., Davoine, E. (2012) « »Le développement collectif de compétences Interculturelles dans le contexte d’une organisation binationale : le cas d’Arte ». In : Gérer et Comprendre, Annales des Mines, n° 107, 2012, pp. 63-73

Bottineau, Didier (2011). « Le rôle de l'interculturalité dans l'enseignement de langues étrangères en école d'ingénieurs ». In : Leeman D. (dir.), avec Cazade A., Chanlat J.-F., Louÿs G. et McEvoy S. (eds). L'INTERCULTUREL EN ENTREPRISE aspects civilisationnels, économiques, historiques, juridiques, linguistiques, Feb 2011, Nanterre, France. Lambert Lucas, pp.115-126

Carroll, R. (1987). Evidences invisibles: Américains et Français au quotidien. Paris: Editions du Seuil.

Demorgon, Jacques (2009). « L’interculturel entre ajustement et engendrement. Pour une cosmopolitique : tribus, royaumes, nations et monde ». Synergies Pays germanophones n° 2 – 2009 : L’interculturel à la croisée des disciplines : Théories et recherches interculturelles, état des lieux pp. 23-34.

Meyer, Denis C. (2011). "Icônes culturelles : lecture textuelle et contextuelle". In Synergies Chine, n°6, pp. 223-233.

Puren, Christophe. (2013). "La compétence culturelle et ses composantes". In Savoirs et formation - Recherches et Pratiques, n°3, pp. 6-15.

Université Paris Ouest La Défense (2012), « Evidences invisibles: approches transdisciplinaires de la singularité dans la communication interculturelle ». Journée scientifique organisée le mercredi 19 décembre 2012. http://pheno- intercult.com/mediapool/137/1378736/data/Evidences_invisiblesProgramme.pd f (page visitée le 14 décembre 2014).

GESTION DE GROUPES MULTILINGUES DANS UN