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Institut Polytechnique LaSalle Beauvais, Beauvais (France)

martine.rey@lasalle-beauvais.fr

Résumé

Communément, l’enseignement interculturel fait partie de la formation linguistique. Dans le cadre d’une internationalisation croissante de l’enseignement supérieur en France, il convient toutefois de décloisonner cet apprentissage. Le présent article décrit un dispositif qui propose de croiser les cultures scientifiques et pédagogiques afin de construire une pédagogie transversale et innovante.

Mots-clés

Interculturalité, innovation pédagogique, transversalité, compétences.

I. INTRODUCTION

Malgré une prise de conscience de la polysémie du mot interculturel, (Bottineau, D. 2011), l’enseignement interculturel dans les formations d’ingénieurs reste, dans la majorité des cas, le domaine de l’enseignement des langues. Tout en reconnaissant à la dimension linguistique son rôle fondamental dans la communication, les mutations dans les institutions et les entreprises appellent à revoir la place de l’enseignement interculturel. La création d’un Master international à l’Institut Polytechnique Lasalle Beauvais nous a permis de développer une approche transversale de l’enseignement interculturel dans lequel la médiation culturelle se fait par le biais d’un décalage perçu entre moi et l’autre et non plus par celui de la pratique linguistique. Ainsi, communiquer consiste à « mesurer l’écart

entre plusieurs singularités, de moi et d’autrui [. . .]. Cette singularité plurielle devient dans le meilleur des cas une source d'ouverture et de réciprocité [. . .]. Mais, quand l’incompréhension s’installe, à quels moyens recourir pour dénouer les situations conflictuelles ? Ou, plus simplement, comment accepter ce qui dérange, désoriente, déstabilise à défaut de pouvoir le comprendre ? » (Université Paris

II. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE

Lors du Sommet Mondial de l’Alimentation en 2009, les chefs d’Etat et de gouvernement ont mis en évidence « la fragilité du système alimentaire mondial et

la vulnérabilité de la sécurité alimentaire» (Sommet Mondial de l’Alimentation

2009). C’est pour palier à cette fragilité que l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais a créé Le Master « Management de la Sécurité alimentaire des Villes » (MSAV). Ce Master a pour objectif de former de futurs acteurs du développement de la sécurité alimentaire.

La création du Master à destination d’étudiants francophones, issus de formations initiales diverses, a été l’occasion de revisiter aussi bien la notion d’interculturalité que la place qu’elle tient dans le cadre de l’enseignement supérieur professionnalisant. Le Master, qui dure 16 mois dont 12 en France, est organisée autour de 9 Unités d’Enseignements (UE), dont l’UE « Cultures Croisées ». Elle vise à favoriser la cohésion de groupe (les étudiants arrivent de pays différents : Serbie, Liban, Maghreb, Afrique francophone) tout en permettant aux étudiants d’acquérir des compétences interculturelles. Ainsi, les étudiants sont invités, à partir de leur discipline respective (nutrition, diététique, gestion, économie, agronomie), à « se saisir de cette étrangeté » générée par l’écart entre moi et autrui, et d’explorer ensemble comment « mettre en mots et en images la rencontre avec l’autre

aujourd’hui ». (Université Paris Nanterre La Défense 2012).

III. ORIGINE DU DISPOSITIF MIS EN PLACE

La conception de l’UE part d’un double questionnement. Questionnement quant à l’utilisation du terme « interculturalité » lui-même, terme complexe tout en étant devenu un terme passe-partout : management interculturel, compétence interculturelle, communication interculturelle pour n’en citer que quelques-uns. Questionnement également face à la place que tient la formation à l’interculturel dans les formations d’ingénieur.

En ce qui concerne l’utilisation du terme « interculturalité », la racine-même du mot culture peut nous orienter vers une nouvelle appréciation du mot et nous donner à repenser de l’enseignement de l’interculturalité. L’étymologie du mot « culture » nous renvoie à la racine proto-indo-europénne *kwel-1 : circuler, résider dans un espace, ce qui devient en latin colere et a donné lieu à « colonie ». Nous assistons par la suite à un glissement de sens : le participe passé de colere donne

cultus: « rendre hommage à », « vénérer une divinité ». Le suffixe ure indique une

action ou processus et par extension ce qui en résulte. On peut donc dire que la culture, dans son acceptation profonde, est le résultat d’un processus aimant.

En matière de pédagogie, la formation à l’interculturel fait partie de la formation en langues étrangères. Les cours de langues deviennent ainsi le lieu privilégié de la formation à l’interculturel. Par conséquent, on peut avoir l’impression que la compétence interculturelle est une des composantes des

P o u r u n e n o u v e l l e a p p r o c h e d e l ’ e n s e i g n e m e n t i n t e r c u l t u r e l 1 5 7

compétences en langues. Le contraire est pourtant le cas : en tenant compte des 3 dimensions de la compétence interculturelle, à savoir la dimension affective, cognitive, et comportementale, on constate que la connaissance des langues fait partie de la dimension cognitive de la compétence interculturelle. Il s’agit donc de décloisonner la formation à l’interculturel.

L’unité « Cultures Croisées » à LaSalle Beauvais est le fruit d’une pratique réflexive qui tend à répondre par un modèle opérationnel aux questions esquissées ci-dessus.

IV. CARACTERISTIQUES PRINCIPALES

Lors de la conception de cette UE, nous avons pris comme point de départ la culture scientifique des apprenants. En effet, en croisant la discipline académique de l’étudiant avec une pédagogie différenciée qui prend en compte la dimension expérientielle de l’apprentissage, il est plus aisé de réduire le danger de l’essentialisation de ce qu’on est convenu d’appeler interculturalité. Un des aspects de la différenciation consiste à intégrer la dimension affective, cognitive, et comportementale des compétences interculturelles (Barmeyer, C, Davoine E. 2012).

Tableau 1 : Composantes des compétences interculturelles (Barmeyer, C, Davoine E., 2012, p. 65)

Le parcours se déroule sur 3 semaines ; les activités varient et ont été choisies en fonction des dimensions affectives, (expérience de soi, simulations culturelles, jeux de rôle), cognitives (présentations, articles, DVD, rapports d’expérience), et comportementales (interaction, travail d’équipe). Au total, 6 enseignants de différentes spécialités, dont un élu, le maire d’une ville de 10K habitants, interviennent dans leur domaine respectif.

Déroulement de l’UE « Cultures Croisées » :