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CHAPITRE 4...... DÉMARCHE DE L’ENSEMBLE DU TRAVAIL ET COHÉRENCE DES

5.1 Les pratiques de conception

5.1.4 Les pratiques de fonctionnalisation

Les pratiques de fonctionnalisation mettent en interaction un acteur ou un groupe d’acteurs avec une conduite que l’on peut qualifier, d’une manière ou d’une autre, d’utile. Il s’agit là d’un ensemble de pratiques relativement étendu dont les frontières s’avèrent quelque peu floues. Cela s’explique facilement par le fait que toutes les autres pratiques de conception peuvent également être qualifiées d’utiles. Cependant, par leur présence notable dans les conduites à projet, les autres types dégagés par théorisation tendent à se séparer des pratiques de fonctionnalisation et à devenir autonomes. On peut en ce sens poser l’hypothèse que les autres types de pratique s’inscrivent à l’origine dans les pratiques de fonctionnalisation. Toutefois, en précisant une forme d’utilité particulière et en étant de plus en plus sollicitées, elles se détachent de manière à pouvoir représenter un type spécifique.

Les pratiques de fonctionnalisation consistent donc à faire quelque chose précisément parce que cela est jugé utile. Les pratiques de la fonctionnalisation, tout en entretenant des liens avec les pratiques de légalisation et de personnalisation, sont particulièrement proches des pratiques de régularisation et d’opportunisation. Cependant, elles s’en distinguent sur plusieurs plans.

Les pratiques de fonctionnalisation se distinguent de celles de la régularisation en ce qu’elles mettent en question non pas les choses entre elles, mais les choses avec les acteurs. Ou, plus précisément, elles mettent en rapport les acteurs avec l’atteinte de certains avantages, de certaines commodités, de certains intérêts. Ici, on ne légitime pas une conduite sous prétexte que les choses doivent être définies, régularisées et organisées. Les pratiques de fonctionnalisation se légitiment en mettant de l’avant l’importance d’atteindre une fonctionnalité particulière. « Si on fait un tunnel sous la rue, c’est sûr qu’on fait plus large pour passer les conduites de la ventilation et autres nécessaires techniques ». La zone de rapprochement entre la fonctionnalisation et la régularisation apparaît particulièrement bien par l’entremise de la notion d’efficacité puisque les choses organisées suggèrent d’elles-mêmes l’idée de l’efficacité dans les conduites. Cependant, les pratiques de régularisation ne visent pas directement l’efficacité. Elles visent davantage, comme nous l’avons vu, le respect d’une certaine cadence, d’un certain rythme, d’un ordre établi,

d’un standard accepté. Or, il y a une différence notoire entre vouloir respecter et vérifier la cohésion de cet ordre et vouloir mettre en place un ordre nouveau. D’une certaine manière, la fonctionnalisation des conduites peut faire violence à la régularisation. Respecter, vouloir respecter ou se justifier d’une conduite par rapport à une norme établie relève de pratiques qui concernent la régularité des choses. Initier une conduite afin de mettre en place une nouvelle norme capable d’augmenter la productivité, de réduire les coûts, d’améliorer les produits ou le fonctionnement des processus ne relève plus du même type de pratiques. Évidemment, dans la mesure où l’efficacité d’une conduite s’atteint généralement par la mise en place d’un ordre entre les choses, on note que l’utilité tend vers la régularité sans pouvoir se confondre totalement avec celle-ci.

De plus, des formes d’utilité autres que l’efficacité sont envisageables. Les acteurs suggèrent par exemple la supériorité d’un choix durable. On table alors sur la durabilité d’une solution et on affirme que ce qui est durable est préférable à ce qui l’est moins. On peut dire que la fonctionnalité est un critère pragmatique général qui engage la recherche de finalités diverses comme l’efficacité, la commodité, la durabilité, la sécurité, la rentabilité, etc. Ces pratiques tirent leur pouvoir du fait qu’elles privilégient les conduites utiles. Ce qui sert est louangé. L’action ou la conduite inutile et qui, pour ainsi dire, ne sert à rien, est rejetée, blâmée, critiquée. Favoriser la fonctionnalité, c’est préférer les usages qui sont avantageux, qui satisfont un besoin pour quelqu’un ou la société.

On peut réaliser un document dans une version longue et détaillée, mais on doit également faire un sommaire, une version concise car sinon « personne lira le document ». On sollicite la participation des acteurs, car celle-ci engendre des bénéfices. Elle permet d’atteindre de meilleurs standards et elle « enrichit » les équipes. « Ce qu'on vous a remis cette semaine, de toute façon le plan on va le finaliser pis on va vous l'envoyer pour obtenir commentaires, pour l'enrichir ». Ce critère de conception permet la critique ou s’oppose à la futilité, au décorum, à l’ornementation, à l’inefficacité et à l’inutilité. Ce critère favorise l’action, il porte à conséquence, il implique du changement, provoque des réactions et des effets. On envisage des « scénarios », des alternatives, des « plans B », des solutions de rechange afin de contrer ou à tout de moins réduire les imprévus, les risques, les dangers. Les acteurs prévoient, implantent, adaptent, optimisent,

formalisent, déboguent, etc. Ils évaluent les temps de développement, les intègrent dans des calendriers et établissent des priorités. « L’échéancier ça va se faire quand »? Ils coupent, réduisent, priorisent, maximisent, rentabilisent. « Bon, concernant les visites d’autres complexes hospitaliers, on est dans le rouge là! Il va falloir prioriser ».

On voit donc que par les pratiques de fonctionnalisation, les acteurs ne s’en remettent pas uniquement à la justesse des mesures et des calculs. Ces éléments sont rapportés à divers critères de fonctionnalisation dont l’examen exige souvent la convocation des experts et de leurs compétences. « Je pense que ça va prendre un expert pour évaluer le transport et les déplacements à l’intérieur du bâtiment. T’as pas juste les patients là. T’as tout l’éventail de chariots - t’as les chariots de ci, t’as les chariots de ça, tant le bloc opératoire que dans les autres services. Il faut qu’on puisse trouver le volume pis faire des rencontres avec les chefs d’unités ». Les spécialistes sont mieux habilités pour procéder à l’examen de certaines tâches. Travailler avec eux permet de tirer plusieurs bénéfices. Ils ont les compétences afin de choisir l’instrument, la méthode ou le moyen le plus adapté à une situation. L’instrument doit être performant, productif et pouvoir répondre à certaines exigences. Il doit être efficace et être adapté à la situation. Par ces pratiques, les acteurs insistent sur la fonctionnalité même des choses. C’est parce que l’on tient compte de la fonction que des besoins ciblés pourront être comblés. « On va devoir ajuster parce que la grandeur des chambres pour l'obésité, il faut prévoir 10 à 15 % de plus ». Mais en même temps, toujours au nom de ce type de pratique, les experts consultants ne sont pas la réponse à tout. « On a aussi besoin de monde dans notre équipe qui maîtrise le contenu pis qui connaît bien ce qu’on veut – on ne peut pas amener quelqu’un de l’extérieur là ».

Les choix relatifs aux aspects fonctionnels et techniques des projets découlent majoritairement de ce type de pratique. Ce dernier est relativement bien représenté par les figures de l’ingénieur, de l’architecte et du designer. On le retrouve abondamment dans les contextes de projet et les exemples qui permettent d’en rendre compte sont nombreux. « On favoriserait les alcôves pour les chariots afin de limiter l’espace pris dans le corridor ». Ou encore : « Bien, c’est que la chape augmente le poids et vient modifier les structures, d’avoir une structure que l’on voulait la plus légère possible. Il faudrait comparer les deux possibilités ». Bien que les exemples soient fort variés, ils se ramènent tous à des choix ou des conduites qui favorisent la fonctionnalité. On

veut avoir des structures légères, on veut que les gens soient confortables, on favorise la sécurité, on voudrait que les choix soient durables, etc. Discutant de l’emplacement de centres de distribution pour les médicaments, un acteur affirme : « Je n’en mettrai pas partout, il faut viser la sécurisation des ordonnances de médicaments ».

Comme nous l’avons mentionné, les pratiques de fonctionnalisation s’apparentent également à celles de l’opportunisation. Les unes et les autres, la fonctionnalité et l’opportunité, mettent un acteur et ses désirs en rapport avec des choses jugées dignes d’être acquises, possédées ou développées. Cependant, les gains comme les honneurs, l’image et les possessions caractéristiques des pratiques de l’opportunisation ne sont pas utiles dans le sens fort du terme; c’est-à-dire que ces choses sont favorisées en elle-même plutôt que pour leur utilité propre. Bien que l’on puisse parler jusqu’à un certain point de l’utilité politique, on remarquera que celle-ci crée un déséquilibre dans le rapport des acteurs aux choses (voir Figure 8.3). La fonctionnalisation cherche moins le déséquilibre entre les acteurs par rapport à une chose que le déséquilibre entre les choses par rapport à un acteur ou un groupe d’acteurs. Les pratiques de fonctionnalisation ne cherchent pas à constituer un levier par rapport à d’autres acteurs, mais plutôt à trouver en commun ce qui est plus convenable pour un acteur, un client, un groupe d’acteurs, un usager, etc. Les pratiques de fonctionnalisation, comme celles de la légalisation et de l’opportunisation, établissent ainsi des rapports entre les acteurs et les choses. Cependant, comme on peut le voir à partir du schéma qui suit, les pratiques de fonctionnalisation se présentent par la mise en place de rapports différents que l’on peut schématiser comme suit : [E1- A1, A2, A3-E2] où la série de A symbolise un acteur ou un groupe d’acteurs et E1-2 les choses comparées selon leur utilité.

A1, A2, A3,…

E1

E2

Les pratiques de fonctionnalisation se distancient encore davantage de celles de l’opportunisation lorsqu’on considère les dérives, c’est-à-dire l’aspect proprement opportuniste de ces dernières. Si la notion d’efficacité rapproche les pratiques de fonctionnalisation de celles relatives à la régularisation, c’est semble-t-il le gain économique qui les rapproche de celles de l’opportunisation. Cependant, une certaine distinction demeure de mise et l’exemple du contrat semble encore ici pertinent. En effet, bien qu’il y ait un avantage économique pour un acteur ou un groupe d’acteurs et donc un certain gain à réaliser la signature d’un nouveau contrat, cet intérêt se présente davantage sous l’angle de l’opportunité d’affaire que sous celui de l’utilité. Au contraire, adopter une conduite afin de réduire les coûts ou de réaliser des économies d’échelle fait d’avantage apparaître l’aspect économique sous l’angle des pratiques de fonctionnalisation.

Tableau 5–5 Les pratiques de fonctionnalisation

Termes de références Actes auxquels renvoient les discours Quelques extraits d’interactions verbales

Désirabilité Intérêt Rentable Rentabilité Profit Profitabilité Durable Durabilité Efficace Efficacité

Pratique (commode, efficace, fonctionnel) Usage Fonction Fonctionnalité Sécurité Autonomie Avantageux (bénéfique, bienfaisant, bon, profitable, salutaire) Avantage Bienfait Bénéfice Convenance Service Besoins Commode Commodité Objectif Probabilité Efficacité, performance Vitesse d’exécution Rapidité Réduction Augmentation On ajuste On augmente On réduit On calcul On fait ce qui est essentiel On limite On coupe On divise On résume On précise

On va dans les détails On se dépêche On va vite On sécurise On évalue On analyse On surveille On prévoit On se prépare On se documente On documente (maquette, modélisation, plan, devis, document, étude de faisabilité, impact, plan directeur, plan technique, besoin, phase) On facilite On aider On accède On va chercher Le volume Le coût Le délai La longueur La hauteur L’emplacement Les gens Les processus Les besoins Les coûts, les volumes, etc Les choses Les échanges La lecture Le déroulement Le repérage des choses L’accessibilité Les liaisons Les informations Les compétences

- Eux leur objectif c’est de sortir de là au plus bas coût.

- Euh, ce qu'on vous a remis cette semaine, de toute façon le plan on va le finaliser pis on va

vous l'envoyer pour obtenir commentaires, pour l'enrichir.

- Ce sont en fait des consortiums qui amènent avec eux beaucoup d’expertise et si on ne veut pas se faire charrier, on va devoir aller à grande vitesse.

-Il faut faire un sommaire.

-Il faut expliquer avec plus de détails. -Ça prend une version concise.

-Mais il faut faire une hypothèse à un moment donné, parce que là on arrive pas à avoir des chiffres de personne.

-Mais on risque d'en avoir donc, on va devoir ajuster parce que la grandeur des chambres pour l'obésité, il faut prévoir 10 à 15 % de plus.

-Il va falloir le regarder et identifier ce qui ne marche pas.

-70% des consommations orales solides et c’est certain qu’on ne peut pas mettre 100% des médicaments pour des raisons d’espace. Le contenu du cabinet change selon sa localisation et on le dispose d’abord dans les endroits essentiels.

- Si on fait un tunnel sous la rue, c’est sûr qu’on fait plus large pour passer les conduites de la ventilation et les autres nécessaires techniques.

- Bien c’est que la chape augmente le poids et vient modifier les structures, d’avoir une structure que l’on voulait le plus léger possible. Il faudrait comparer les deux possibilités. -Il faut enligner les professionnels pour qu'ils aident X, parce qu’à la vitesse à laquelle elle va, ça lui prend de l'aide.

-Je n’en mettrai pas partout, il faut viser la sécurisation des ordonnances de médicaments. -On favoriserait les alcôves pour les chariots afin de limiter l’espace pris dans le corridor.

Ajustement Limitation

Inefficace, non optimal, inactif, inadapté Experts, spécialistes, connaisseurs Compétence Expertise Connaissance Habiletés

Moyens, outils, méthodes, instruments, procédés, grilles, tableaux, plans, graphiques, listes Collaboration Communication Participation Information Ingénierie Développement durable Écologie Environnement Efficacité énergétique Bilan énergétique Économie d’énergie Matériaux écologiques On cible On embauche On sollicite quelqu’un On passe l’information On ramasse On reprend On informatise On organise

On localise les choses (en fonction des besoins) On recycle On préserve l’environnement On maximise On minimise Vers la régularité Organisation fonctionnelle Répartition Contrôle On limite, circonscrit ou fixe les choses On fait les supports, les minutes, les meetings d’administration

Vers l’opportunité

On fait circuler les infos On réalise des

économies

Vers l’équité

On rassemble les gens On les fait travailler ensemble

On favorise les échanges On coopère

Vers la légalité

On accède aux infos On bloque les infos

Les experts Les communications Les déchets L’utilisation des ressources

-Pour administrer les doses, un lecteur numérique sera installé, ça va prendre un lecteur au chevet du patient. C’est en même temps une question de sécurité, un code barre au chevet du patient. Sinon, tout ce qui est en amont s’achève là - il ne doit pas y avoir d’erreur au moment de l’administration.

- Je pense que ça va prendre un expert pour évaluer le transport. T’as pas juste les patients là. T’as tout l’éventail de chariots - t’as les chariots de ci, t’as les chariots de ça, tant le bloc opératoire que dans les autres services. Il faut qu’on puisse trouver le volume pis faire des rencontres avec les chefs d’unités.

- Sur l’espace, on a encore un 8000-9000 mètres carrés à couper. De 266000 à 260000m2, en sachant qu’en coupant de 10000, on coupe de 30M dans le budget donc 30M de moins au 145. - On a, on va avoir de la documentation pour seulement les lits, des chaises, tout ça

- Oui, et les grandes chaises roulantes et les fauteuils.

- Oh oui, parce qu’il faut prévoir 10 à 15 % d’espace supplémentaire. Si on regarde les chaises dans les salles d'attente là, les petites chaises, ça déborde.

- À partir de là, ça rentre dans le PFT là, ça va être la place que l'on va donner à tout les dépôts.

- On a aussi besoin de monde qui maîtrise le contenu pis qui connaît bien ce qu’on veut – on peut pas amener quelqu’un de l’extérieur là.

- Parce que amener tout ce monde là! Ils sont chargés en! On peut peut-être couper de moitié. Mais après, ça va prendre quelqu’un pour tout ramasser ça, sinon ça marchera pas.

- Euh sur la question de la gestion des déchets… on inclut tout là-dedans? On va aussi traiter le recyclage?

- Oui, dans le nouveau bâtiment le recyclage va être inclus.

- Il faut aussi traiter du souillé et des déchets bio-médicaux et des déchets radio-actifs. - En ce moment, le dossier de la gestion des déchets est toujours ouvert dans le PFT. - Il y a un groupe aussi qui travaille. Il y a une machine pour réduire les volumes…

- Bien moi je veux juste m’assurer que vous avez des préoccupations « développement durable » entre guillemets. Sur certains éléments, je comprends que l’on puisse penser à jeter, mais si on a des machines permettant le recyclage, je pense qu’il faut faire notre possible. Je pense qu’il ne faut pas oublier, je pense que c’est ici qu’on prend l’orientation, que va se prendre la décision. C’est cette orientation, après ça va aux opérations. Sur les isotopes, il faut s’assurer qu’on les réduise le plus possible. Il faut pousser l’organisation dans la réflexion du

développement durable.

- Est-ce que ça marche avec ce qu’on veut faire?