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Quelles pratiques de discipline estimées nécessaire par les jeunes ?

V. Analyse des données

5.3 Quelles pratiques de discipline estimées nécessaire par les jeunes ?

Les adolescents sont très conscients de ce que leurs professeurs mettent en place pour faire preuve de discipline et de leurs différents comportements et attitudes pour pouvoir faire leur cours correctement. Ils ont des attentes précises envers les enseignants et leurs pratiques pédagogiques. Ils ont relevé tout d’abord l’importance des règles que leurs professeurs doivent énoncer et expliquer précisément dès le début et ont également parlé des sanctions.

5.3.1 Règles et sanctions

Pour eux, il est tout d’abord essentiel que leurs professeurs énoncent les règles clairement au début de l’année et qu’ils les répètent au fur et à mesure. Comme le dit Joëlle « dès le début mettre les règles, mettre les choses au point. » (p.6). Il est important pour les jeunes d’être au courant des règles de l’établissement ainsi que celles instaurées par leur professeur afin qu’ils connaissent et comprennent le fonctionnement de leur enseignant et cela dès le premier cours.

Je pense au professeur de dessin de Joëlle qui a expliqué sa manière de fonctionner aux adolescents. Il a su créé une ambiance de travail plaisante tout en expliquant ses attentes et les objectifs pour chaque leçon à ses élèves. Joëlle explique :

« Mais on peut écouter de la musique, ou on dessine, enfin il nous donne ce qu’on doit dessiner, on peut écouter, on parle et tout mais à la fin on doit avoir rendu le travail. Il nous donne des permissions mais si à la fin on n’a pas rendu le travail c’est notre problème. » (p.3)

Ce professeur permet à ses élèves de discuter mais il attend d’eux que cela ne les empêche de travailler et de rendre le travail attendu. Si les jeunes ne le rendent pas ils sont sanctionnés.

Les règles et les sanctions sont essentielles car comme le dit Bilheran (2009) elles permettent la sécurisation de l’enfant ou ici de l’adolescent et élève. Un autre exemple est donné par Théo, qui parle de son professeur de microtechnique. Ce dernier a bien explicité aux élèves sa

70 manière de fonctionner, ses exigences et ses attentes. Ce professeur est vu comme très exigeant mais les élèves savent ce qu’il attend d’eux donc il n’y a pas de problème. Théo dit :

« Il est autoritaire aussi par rapport à ces manières qu’il veut qu’on fasse, la manière de faire l’exercice. Il a des règles bien précises sur comment on doit faire l’exercice, les titres soulignés, des marches à suivre, des calculs bien précis surtout, il aime bien quand c’est bien présenté.

Respecter la marge, mettre la date, son prénom, son nom, le nom du cours.[…] oui parce que si on ne fait pas il nous met un et puis il déchire les feuilles aussi. Si c’est mal fait la feuille il la prend et il la fout à la poubelle. » (p.48)

Cet enseignant est en accord avec ce qu’il dit, il accompagne les paroles par les gestes et sanctionnent si ce qu’il a demandé n’est pas réalisé. Il est effectivement important que les enseignants mettent des sanctions au moindre écart et agissent rapidement face au non-respect des règles, comme le prescrit Guérin (2003). Les punitions sont différentes selon les valeurs, les pratiques et la manière de fonctionner de l’enseignant mais elles consistent principalement selon les dires des adolescents, à confisquer l’objet qui dérange, tel que le portable ou bien déplacer l’élève perturbateur, renvoyer l’élève et noter son renvoi dans le carnet ou encore le mettre en retenue. Chaque sanction dépend de la gravité de l’acte de transgression.

Si un professeur laisse trop de chance aux élèves ces derniers abusent de cette position et testent plus facilement l’autorité de leur enseignant. Joëlle dit « s’ils nous laissent tout faire, c’est normal que les élèves profitent au maximum. Ben autant en profiter. » (p.6). De plus, comme le relève Alice, si les élèves arrivent à obtenir des petites faveurs de la part du professeur comme pouvoir rendre les devoirs le lendemain parce qu’ils n’étaient pas bien le jour d’avant, il va rentrer dans leur jeu et leur permettre de prendre des libertés.

« Hum je crois qu’ils doivent avoir un certain caractère déjà, et puis ça se fait vite au début je pense. Si on est trop, si le prof est trop sympa au début ou si l’élève voit qu’il peut facilement lui faire faire ce qu’il veut d’une manière ou d’une autre je crois que c’est foutu pour le prof. » (p.41)

Il faut que l’enseignant sache être strict, sévère et cohérent envers ses attentes et les attitudes attendues de la part des élèves, dès le début. Chacun à sa propre méthode de fonctionnement pour faire respecter les règles et pour pouvoir gérer le comportement de leurs élèves. Joëlle (p.3) donne l’exemple de son enseignante d’anglais qui fonctionnent avec une méthode de points pour gérer le comportement en classe de ses élèves et favoriser leur participation. Elle part de zéro et met des points à ses élèves s’ils se comportent bien, s’ils participent en classe, ce sont des bonus. Tandis que si les élèves discutent et parlent de manière injustifiée, elle ne

71 leur dit rien mais enlève des points, ils constituent des malus. Si les élèves ont six points ils ont une note de 6 pour leur comportement en classe. Un autre enseignant de Chloé utilisait la punition dite répétitive. « Il nous faisait une phrase enfin plutôt trois phrases qu’on devait recopier 75 fois. Si on ne le faisait pas c’était 100 fois puis 150 fois puis après 300 fois avec une retenue, c’était l’horreur avec celui-là ». (p.32). Ces punitions ont pour but de faire respecter les règles et éviter la transgression de la part des élèves. Mais comme le dit Guérin (2003) il est nécessaire et préférable que la sanction soit éducative afin de permettre à l’adolescent de comprendre pourquoi il est punit et de réparer sa faute. L’enseignant, pour les jeunes, doit faire preuve de fermeté pour faire respecter les règles et de justice dans l’application des avertissements et sanctions, tout en étant ouvert au dialogue et attentif aux

« réclamations » ou comportements de certains jeunes.

5.3.2 S’adresser à toute la classe, un élève : une entité dans un groupe

Le problème d’autorité et de fonctionnement de certains enseignants et le non-respect des règles de la part des élèves créent un burnout chez certains professionnels qui deviennent dépressifs. Loïc parle de sa professeure d’économie qui est dépressive, il me dit « il y a tout le monde qui la regarde et qui se demande si elle va pleurer ». (p.12). Cette enseignante, comme le rajoute Loïc ne sait pas se faire écouter, les élèves parlent dans sa classe. La prof crie et demande le silence mais deux minutes après les bavardages recommencent : « tout le monde arrête pendant qu’elle gueule et puis après ça repart. Dès qu’elle reprend. » (p.12) et l’enseignante n’en peut plus. Il explique cela par sa méthode de fonctionnement qui fait qu’elle ne s’intéresse qu’à quelques élèves. Au lieu d’avoir une vue d’ensemble et de regarder toute la classe elle fixe un élève quand elle l’interroge. « Quand il y a un élève qui lui pose une question, elle va vers lui, elle le fixe, elle lui parle qu’à lui, et elle oublie le reste de la classe. » (p.12). Il est donc important que l’enseignant s’adresse à tous quand il donne son cours, quand il s’exprime ou répond à une question. Il faut constamment garder un œil sur toute la classe car comme le dit Chloé « quand on rentre en classe et que le prof a le dos tourné dix minutes, ouais même pas dix minutes, deux minutes comme ça ben après c’est le chenil. » (p.27). Les élèves profitent si leurs enseignants ne sont pas attentifs à tous et à tout ce qui peut se passer.

Mais l’enseignant, comme le précise les adolescents, doit également pouvoir tenir compte de l’élève dans son individualité. Par exemple, quand un élève transgresse, le professeur ne doit

72 pas avoir peur de s’adresser à cet élève en particulier devant toute la classe pour rétablir l’autorité et afin que tout le monde réentende la règle à respecter. Comme l’explique Loïc, en parlant de son enseignante d’histoire,

« Elle sait, elle n’a pas peur de prendre au cas par cas et de te dire “tu commences à faire chier maintenant, arrête ou donne moi ton carnet t’as un point d’avertissement“. Tu as beau allé la voir, lui parler, dire que tu ne feras plus cela elle ne te l’enlèvera pas. Parce que tu le sais avec elle que tu ne peux pas autant discuter qu’avec la prof d’économie, par exemple. » (p.14) Cette enseignante est cohérente et ne revient pas en arrière, ce qui pourrait mettre en cause sa crédibilité et montrer ainsi une certaine faiblesse de sa part.

Cependant la remarque ou la morale qui est faite doit être relativement brève sinon les élèves n’écoutent plus et se lassent. Effectivement comme le dit Chloé, « il lui a fait la morale pendant une heure et on était là en train de regarder ben ça franchement. » (p.28). De plus, la morale doit avoir du sens pour les élèves. Comme le rajoute Chloé un professeur disait :

«“Je vais appeler la doyenne“ et on était bien en train de se marrer pendant qu’il disait cela mais quand il allait la chercher et quand elle venait après on rangeait tous les bureaux alignés, tout le monde était calme et à sa place. Il n’y avait plus un bruit quand elle arrivait. C’était ouais, sur le coup c’était marrant mais après elle venait nous faire la morale et une fois elle est venue pendant trente minutes, alors on était là au mon dieu. […] Et après on recommençait. » (p.33)

Certains enseignants sont trop laxistes et permissifs et ne savent utiliser l’autorité qui leur est conférée par leur statut d’enseignant. Comme le dit Guérin, « L’adulte n’arrive plus à se faire entendre, à protéger son espace, son temps, ses valeurs. Il est, comme on dit familièrement,

“ bouffé“ par l’autre. » (p.23). Nous pouvons entendre que le problème d’autorité et son manque concernent autant les hommes que les femmes. Ils ne sont pas liés à leur sexe mais à leur manière de fonctionner et au type d’autorité qu’ils utilisent.

Pour résumé, les pratiques de discipline soulevées par les adolescents concernent tout d’abord l’énonciation et l’instauration des règles, puis la mise en place de sanctions face à la transgression de celles-ci par certains. L’enseignant doit être ferme et strict au début pour ne pas paraître faible et ne pas « se faire marcher sur les pieds. » afin de pouvoir faire évoluer la relation vers une qui permettrait les pratiques pédagogiques. Les propos des adolescents sur la nécessité de la discipline vont dans le même sens que ceux de Prairat (2002) et Bilheran (2009) qui se rejoignent pour dire que la discipline scolaire est essentielle et est nécessaire au

73 professeur pour faire son cours dans les meilleures conditions et au développement de l’enfant. Il est important pour les jeunes que l’enseignant soit également ouvert au dialogue. Il faut qu’il soit ouvert aux remarques de certains pour faire progresser la relation vers la confiance et le respect mutuel. Il doit savoir écouter, se montrer conciliant mais pas trop tout en restant juste et ferme dans le respect des règles et sur le fait qu’il est le garant de ces dernières. Pour que la discipline fonctionne, il est nécessaire que l’enseignant s’adresse à tous ses élèves, il doit à la fois prendre en compte chaque élève et son comportement tout en se souvenant que l’élève fait partie d’un groupe. Les comportements et attitudes de l’enseignant sont donc primordiales et permettent l’instauration de la relation pédagogique et le respect des jeunes. Effectivement ces derniers ont des attentes quant aux différents comportements qu’ils souhaitent voir chez leurs professeurs.