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Deux points de vue différents sur le statut et l’autorité accordés aux remplaçants

V. Analyse des données

5.7 L’autorité des remplaçants :

5.7.2 Deux points de vue différents sur le statut et l’autorité accordés aux remplaçants

Deux points de vue sont ressortis des entretiens et partagent les jeunes en deux groupes par rapport à la question du statut des remplaçants et la conception qu’ils ont de l’autorité de ceux-ci. Quatre adolescents et une adolescente (Loïc, Thomas, Damien, Théo et Caroline) pensent clairement que les remplaçants sont aussi utiles que les professeurs et sont présents pour leur apprendre les choses et donc les respectent. Damien s’exprime à ce sujet :

« Ben de la même manière qu’un prof, normal, je ne vois pas pourquoi on devrait le voir autrement. […] ah ben non parce qu’à la fin c’est bien le même objectif, il est là pour t’apprendre, pour que toi tu aies ton bac. Donc qu’il soit là deux semaines ou deux ans c’est pareil. » (p.39)

Théo pense la même chose que Damien, leur attitude n’est pas différente envers un remplaçant :

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« On le respecte, on respecte le fait qu’il soit là et qu’il nous apprend des choses. Le remplaçant ce n’est pas un mongol qui vient pour remplacer un prof. C’est quelqu’un qui nous apprend et qui ne vient juste pas pour l’argent et remplacer un prof. » (p.52)

Théo et sa classe considèrent donc le remplaçant comme un professeur. Ils lui accordent le même respect qu’à un enseignant et considère qu’il possède également une autorité de statut, une Potestas. Bien sûr chaque remplaçant à sa propre manière de fonctionner, son autorité personnelle qui est l’Auctoritas. Or, c’est cette autorité personnelle qui permet à certains remplaçants de se faire respecter quand leur Potestas n’est pas reconnue par les élèves.

Les trois autres adolescents (Joëlle, Chloé, Alice) pensent que les remplaçants sont des personnes avec qui ils peuvent profiter et s’amuser car ils sont là que temporairement, ils constituent un moment provisoire pour les apprenants. Ces trois adolescentes ne parlent pas de leur vision personnelle mais plus de la vision générale des élèves de leurs classes. Pour eux, le remplaçant ne détient pas une autorité de statut. Joëlle tient d’ailleurs des propos plutôt grandement révélateur de ce que les adolescents de sa classe pensent des remplaçants. Elle parle en ces termes :

« Ah c’est toujours les problèmes. On a eu deux remplaçants de français justement. Alors il y en a une qui s’est tirée à mon avis parce qu’elle n’en pouvait plus. C’était une femme, alors elle arrivait et tout le monde, tu vois quand il y a un remplaçant tu fais ce que tu veux avec. C’est une sorte de jouet pour les élèves, ils essayent de pousser à bout, c’est une sorte de jeu pour voir. » (p.7)

Alice prend en compte le fait que la relation à court terme, entre le remplaçant et les élèves, a un impact sur son autorité. Elle dit :

« Parce qu’à mon avis l’élève sait qu’il ne va pas rester longtemps donc il peut se défouler dessus ou je ne sais pas mais il n’y a pas vraiment d’autorité. Donc je crois que le remplaçant doit vraiment être super, super sévère ou strict pour qu’il réussisse à faire quelque chose. » (p.44)

Les propos d’Alice montrent que le remplaçant doit jouer avec son Auctoritas afin d’obliger les jeunes à respecter les règles et à le considérer comme quelqu’un qui fait figure d’autorité.

Joëlle parle de sa remplaçante de français qui a su se faire respecter et faire preuve d’une bonne Auctoritas. Elle a su être très claire dès le début du cours par rapport à ce qu’elle attendait des élèves et de leurs comportements. Elle ne s’est pas faite avoir un jouant copain-copain avec les eux. Dès le début, elle a montré aux élèves qu’elle n’allait pas se laisser faire

101 et leur a fait respecter les règles comme le font les enseignants. Elle a renvoyé un élève qui ne voulait pas lui donner son portable. Elle a en plus confisqué un portable et un Ipod en expliquant que c’était interdit. Elle s’est donc montrée intransigeante et stricte. Elle a pu ensuite être souriante et adopter une attitude plus « sympa » dans le sens où elle se permettait d’avoir de l’humour et d’aider les élèves. Quant à Viviane, elle parle de la légitimité des remplaçants et l’impact de l’image que les professeurs ont d’eux, qui jouent un rôle concernant leur autorité.

« Si un remplaçant arrive qu’il est un peu perdu dans ces trucs c’est clair et net qu’il va se faire… […] ouais mais en plus les remplaçants c’est assez dur parce que s’ils renvoient des [élèves] et que ça se passe mal, ils sont tout de suite mal vu par les profs et tout ça et du coup c’est dur pour eux de devenir prof si à chaque fois que tu as une classe ça se passe mal. » (p.22)

Dans ses propos, nous entendons également qu’il est important que le remplaçant garde un œil constamment sur les élèves pour leur montrer qu’il est présent. Il est nécessaire pour cela qu’il connaisse le contenu des cours qu’il doit donner afin de le maîtriser et ainsi pouvoir se consacrer à la discipline. Sa position est délicate car lors de certains remplacements, la personne découvre ce qu’elle doit faire faire aux élèves ou doit improviser. Malgré cette situation, le remplaçant doit faire preuve de sévérité et faire semblant d’être sûr de lui et confiant.

Chloé, quant à elle, nous dit que les élèves se moquent principalement de l’apparence du remplaçant ou de la remplaçante. « En fait on se foutait surtout de leur apparence, c’est salaud mais c’était surtout ça […] c’est surtout leur apparence qui compte. » (p.30). Pour elle et les élèves leur attitude n’était pas méchante, ce n’était pas pour blesser la personne mais c’était pour s’amuser et créer une rupture avec ce qu’ils vivaient dans l’ordinaire avec les autres professeurs. Joëlle aussi parle de faits non méchants, mais dit cependant que les élèves peuvent devenir agressifs.

« Ben si elle dit ça ne vous regarde pas alors les élèves seront un peu fâchés mais du coup ce ne sera plus des coups gentils mais plus méchants du style, des bouts de gomme, des trucs comme cela. Bon nous on a pas eu cela mais j’ai déjà eu par exemple, cela au cycle. » (p.8)

Les propos tenus par Joëlle me permettent de faire le lien avec les différences d’attitudes entre les élèves du cycle et les collégiens qui ont été relevées par les adolescents. Effectivement les comportements des jeunes dépendent de leur âge et de leur maturité. Les adolescents parlent

102 du changement de mentalité entre les collégiens et les élèves du cycle mais également entre des jeunes du même âge. Les points de vue et opinions sur les représentations de l’autorité d’un enseignant ou d’un remplaçant dépendent de leur âge. Les élèves du cycle vont beaucoup moins respecter leurs enseignants et leurs remplaçants en fonction de leur manière de penser l’école et leur éducation. Les jeunes du cycle vont avoir des comportements plus perturbateurs que ceux du collège, ils vont par exemple plus osés monter sur les tables, danser, chanter qu’au collège, lieu où les répercussions des attitudes qu’ils adoptent peuvent avoir plus d’impact sur leur avenir. Les adolescents, comme le dit Théo, qui se sont rendu compte des enjeux de l’école, du fait qu’ils sont en classe pour travailler, vont respecter autant un remplaçant qu’un professeur.

Les points de vue des sujets sur les remplaçants dépendent également de la formation qu’ils sont en train de suivre. Les jeunes qui suivent une formation plus manuelle et professionnalisante seront plus respectueux. Damien explique ce fait et montre que les professeurs en sont conscients.

« Après il y aussi le fait que nous ne sommes pas le même public non plus. On est déjà à moitié dans le monde professionnel et à moitié à l’école donc ce n’est pas vraiment comme les étudiants ou les lycéens qui n’ont connu que l’école. Et [les professeurs] nous disent souvent que ce n’est pas la même chose. Souvent ils disent qu’il y a plus de maturité dans l’apprentissage que ceux du collège, ou des lycéens, même niveau mais qui ne font que de l’école. » (p.37)

Certains adolescents sont donc plus matures que d’autres selon leur milieu éducatif, l’éducation qu’ils ont reçu. Il en découle donc que leur vision des remplaçants est différente.

Le groupe de pairs dans lequel se trouve l’adolescent joue également un rôle dans cette vision de l’autorité des remplaçants et des enseignants. Effectivement, si un adolescent désire rester dans un groupe de pairs qui est constitué de jeunes calmes et sérieux, celui-ci sera ainsi pour continuer à être accepté par le groupe. Si au contraire, le groupe rassemble quelques jeunes qui vont en classe pour s’amuser et ne pas travailler, le jeune va adopter des comportements déviants pour répondre aux attentes des autres membres du groupe.

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