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IV. Cadre théorique

4.1 Sexe et genre :

4.1.4 Les différences culturelles

Il existe des différences dans les rôles sociaux qui sont attribués aux femmes et aux hommes selon leur culture et leur religion. Comme le dit Lucas (2009), « certaines femmes en Afrique, par exemple, pouvaient assumer le statut d’homme et vice-versa, donc une construction sociale et non naturelle. » (p.14). Je me souviens d’un exemple vu lors du cours d’Isabelle Collet qui parle de l’impact de la tradition sur la socialisation des enfants et la construction de leur identité. En Polynésie, surtout dans les familles dans lesquelles il y a beaucoup de garçons, la tradition veut que certains « mâles » soient élevés, pensent et se comportent en femme et vivent une vie de femme, c’est-à-dire qu’ils se maquillent, portent des robes et

10 Jeanneney Jean-Noël. (dir.), Une idée fausse est un fait vrai. Les stéréotypes nationaux en Europe, Odile Jacob, 2000, p.19.

41 accomplissent les tâches ménagères. Or pour les polynésiens cette tradition n’est pas choquante et est considérée comme normale. Françoise Héritier (2005) donne un autre exemple de peuple, les Inuits, à l’intérieur duquel le sexe chromosomique de certains individus se trouve en contradiction avec leur sexe psychologique. Elle dit :

« Cette société a conceptualisé la question du genre de deux manières différentes : elle s’est pourvue d’une part d’un modèle classique, qui oppose nettement les activités, comportements, attitudes de deux genres sexuellement connotés, mais elle admet d’autre part la porosité des frontières et des passages tantôt définitifs, tantôt provisoires. » (p.27)

Ces deux exemples, le peuple indonésien et inuit, montrent que la dichotomie entre hommes et femmes est toujours présente et que les tâches ménagères, quelque soit la culture, constituent un des rôles assignés à la femme. La répartition des rôles sociaux est donc totalement sexuée et nécessaire à une société. Le Maner-Idrissi (1997) le montre quand il dit que « la catégorisation sociale des individus selon leur sexe et l’assignation des rôles et de statuts différents aux membres des deux catégories sont deux concepts fondamentaux de l’organisation d’une culture. » (p.10).

Dans nos pays occidentaux, déjà, l’équité entre hommes et femmes n’est pas obtenue. Lucas (2009) dit que « toutes les inégalités et discriminations dans le monde du travail, dans les sociétés […] ne doivent pas masquer les inégalités civiles qui excluent les femmes de l’insertion, à égalité et parité, dans la vie publique. » (p.25). Comme l’auteur l’explique, en plus des discriminations professionnelles entre hommes et femmes comme par exemple les différences salariales pour un même emploi ou encore les postes de professeurs à l’université qui sont majoritairement occupés par des hommes, des inégalités civiles subsistent. Ces dernières sont plus pernicieuses car moins visibles. Les femmes sont par exemple enfermées dans leurs rôles sociaux traditionnels qui sont d’être épouse et mère et n’ont que peu accès à la sphère politique. Grâce à des mesures successives qui soulignent, dénoncent et combattent les inégalités, les femmes, dans les pays occidentaux, ont obtenu des droits civiques.

Cependant, il est des pays dans lesquelles le sexe féminin n’a acquis qu’un minimum de droits civiques ou bien même aucun. En effet, les inégalités entre hommes et femmes sont différentes et plus ou moins grandes selon les pays. Dans certains états, les droits de la femme ne sont pas reconnus, c’est la domination de l’homme sur elle qui reste le modèle majoritaire.

Elle doit se plier aux choix des hommes, cela à cause de la religion, de ses croyances ou de sa culture. Comme le montre Lucas (2009),

42 « Les mariages forcés et précoces, arrangés par les parents, et consommés, sont encore nombreux et dans tous les milieux sociaux. […] Les traditions et coutumes mentales au sein des sociétés rurales11, la situation financière des familles, les insuffisances de l’éducation, sont autant de facteurs qui font perdurer des pratiques ancestrales privant hommes et femmes de leur libre destinée. Ils semblent condamnés par des arguments fondés sur la maturité mentale et la sous-estimation de l’âge réel. Malgré les actions des ONG auprès des populations, à travers des dessins éducatifs ou par la transmission orale quand l’instruction est défaillante, trop de pays ont des lois et même des politiques qui refusent l’égalité de droit des femmes par rapport aux hommes, y compris dans le droit de conduire sans permission à demander, comme dans certains états du Moyen-Orient. Ces droits ne progressent pas toujours, et parfois même reculent de manière inquiétante, sous prétexte de nécessité religieuse, politique et sécuritaire : la lapidation ou la défiguration à l’acide sont encore admises comme châtiments. On mesure les prix des femmes au trafic des êtres humains (quatre millions de femmes sont vendues chaque année, d’après les chiffres de l’ONU). Le trafic des organes touche plus les filles que les garçons, en Chine ou en Amérique latine. » (pp.19-20)

Ces faits peuvent expliquer certains décalages entre les modes de pensées de certaines familles. Genève étant une ville multiethnique, de nombreuses cultures sont représentées. Or, les professionnels de l’enseignement se trouvent confrontés aux différentes conceptions et représentations de la femme et de son rôle, selon la culture des familles et des jeunes. L’image de l’enfant qui sera celle de sa famille aura un impact sur la vision qu’il a de son enseignante ou de son enseignant, ainsi que de son autorité. Certaines familles vont contester plus facilement l’enseignement et l’autorité d’une femme selon leurs principes et valeurs culturelles et éducatives.

Les différences culturelles vont également avoir un impact sur les pratiques pédagogiques des enseignants ainsi que sur leurs choix didactiques. Effectivement, Lucas (2009) préconise aux enseignants de travailler sur les stéréotypes de sexe avec les élèves et de les rendre attentifs aux représentations et images véhiculées, d’autant plus qu’elles sont présentes dans les manuels scolaires. Cependant comme elle le rajoute elle-même,

« Si l’on souhaite œuvrer, au sein du système éducatif, à l’application des droits humains, notamment sensibiliser à l’exigence de disposer de droits identiques, il arrive de se heurter à certaines familles qui considèrent que l’on empiète sur des particularismes familiaux, culturels et coutumiers ancrés et justifiés par la tradition ou la religion. Le traitement de ces questions se

11 Chatelot Christophe, « Pour le prix d’une chèvre », Le Monde, 29 avril 2009, p.16.

43 heurte incontestablement à des modes de représentation acquis ou transmis, et les professeurs ont parfois la crainte d’être fragilisés ou de transformer l’Ecole, et la classe, déjà reflet de la société, en lieu de confrontations. (p.20)

Les différences culturelles constituent un enrichissement pour la société, pour l’ouverture aux autres, pour la tolérance mais peuvent également empêcher certaines avancées, comme celle, par exemple, qui consiste à lutter contre les stéréotypes de sexe en travaillant les représentations stéréotypées en classe. Ce travail avec des enfants ou des adolescents est essentiel pour permettre une modification des représentations afin que ces dernières correspondent aux évolutions des mœurs de la société.