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L’autorité vue par les adolescents :

V. Analyse des données

5.1 L’autorité vue par les adolescents :

Je propose de catégoriser les mots que les adolescents ont associés au mot « autorité » en quatre groupes afin de comprendre comment ils la perçoivent. Effectivement, en lisant les mots qu’ils ont assimilés au mot autorité, j’ai trouvé qu’ils se rassemblaient tous bien selon les quatre catégories que je vais énoncer. Tout d’abord, il y a les mots qui appartiennent à la catégorie des personnes qui font preuve d’autorité, c’est-à-dire les professeurs (5x)13, les parents (3x), les flics ou la police, le directeur, les doyens, l’école et plus généralement une personne qui s’impose, un casse couille, le système judiciaire, la politique et l’état. Cette catégorie concerne l’autorité de statut qui est accordée et donnée à certaines personnes de la société comme les professeurs, les éducateurs, les policiers ou des instances telles que le système judiciaire ou l’état. Cette autorité de Potestas est reconnue par tous les membres de la société qui doivent l’accepter. Mais ce type d’autorité est différent selon le statut de la personne. Une certaine personne va s’imposer ou imposer des règles différemment d’une autre autorité. Effectivement, certains parents ne vont pas avoir la même autorité que certains professeurs par exemple ou encore pas la même que les policiers parce qu’ils n’ont pas le même statut.

Mais l’autorité, au sein même d’individus qui ont le même statut, ne sera pas identique. Je pense par exemple aux professeurs qui n’exercent pas la même autorité sur leurs élèves ou aux parents sur leurs enfants. Certains vont être, par exemple, plus permissifs que d’autres ou plus autoritaires. Ce type d’autorité concerne le fonctionnement propre de la personne et donc l’Auctoritas mais non plus la Potestas. Les adolescents et les enfants sont donc confrontés à différentes autorités, qui comme nous l’avons vu avec les propos de Bilheran (2009), sont toutes utiles pour son développement et la construction de son identité. Des jeux de pouvoir existent entre les différentes institutions et les différents acteurs de la société, à qui sont accordée une autorité de statut mais ceux-ci sont cependant tous nécessaires à l’enfant pour lui permettre de devenir un citoyen.

13 Le mot « professeurs » a été dit par cinq adolescents différents, lors des entretiens.

61 Concernant les mots qu’emploient les adolescents pour cette catégorisation, nous pouvons constater que le genre grammatical masculin prédomine. Ils ne disent pas par exemple

« directrice » ou « doyenne » mais bien « directeur » et « doyen ». Nous pouvons supposer que cela est du au sexisme de la langue qui comme le dit Moreau (2001), utilise le genre grammatical masculin pour désigner hommes et femmes. En employant les mots directeurs et doyens, les jeunes doivent donc intégrer le genre féminin et sous-entendent donc que derrière ces mots se cachent aussi la femme. Nous pouvons également supposer que plus nombreux sont les directeurs et doyens hommes et donc que les adolescents utilisent ce mot au masculin car c’est en lien avec ce qu’ils vivent et ce à quoi ils se trouvent confrontés. Effectivement, il se peut que les métiers de directeur et de doyen, étant des métiers à responsabilité, soient majoritairement occupés par des hommes que par des femmes. Ce fait serait probable car selon les propos de plusieurs chercheurs dont Bouchard et St-Amand (1996), les hommes possèdent des postes à plus hautes responsabilités que les femmes qui occupent, elles, des professions plus sociales.

Ensuite arrive la catégorie des objets symboliques mis en place par les détenteurs de l’autorité, c’est-à-dire les lois (2x), les règles, les devoirs, les droits, la constitution. Les personnes qui font figures d’autorité mettent en place des moyens qui leur permettent d’asseoir leur autorité et d’en faire preuve. Ces outils regroupent les règles de vie que nous trouvons à l’école, qui sont instaurées par l’établissement et les professeurs et qui doivent être respecté par les différents acteurs concernés, comme par exemple les élèves ou dans les familles. D’autres objets symboliques concernent, de manière plus générale, tous les individus comme les droits de l’homme et les devoirs de citoyen ou encore les lois de la constitution, qui permettent de maintenir un certain ordre en société comme le permettent les règles en classe. Les lois et les règles se situent à différents niveaux. Les lois sont les mêmes pour tous et concernent tous les membres de la société tandis que les règles de vie sont propres à une famille, à une classe, à un établissement. Mais tous ces objets symboliques permettent, comme le dit Guérin (2003), de vivre ensemble et de respecter autrui. L’autorité d’un professeur par exemple, lui permet d’instaurer les règles et de guider ses élèves vers le respect de celles-ci. Un enseignant utilise des règles pour asseoir son autorité et pour pouvoir faire son cours et réagir aux transgressions des élèves. Elles doivent lui permettre d’être écouté par les jeunes.

Ensuite d’autres mots peuvent être regroupés sous la catégorie de champ sémantique de l’autorité comme : le respect (3x), le pouvoir (2x), l’obéissance, le manque, la méchanceté, la

62 dictature ainsi que cinq adjectifs qualificatifs de personnes qui ont de l’autorité. Ils sont : personne sévère (2x), individu strict, imposant, sûr de lui, injuste. L’autorité implique des termes comme celui du pouvoir ou de l’obéissance. Selon les adolescents, une personne qui a de l’autorité exerce un certain pouvoir sur les individus sur qui il a de l’autorité.

Effectivement, cela rejoint l’autorité de statut car comme le dit Richoz (2009) le pouvoir est lié à l’autorité par l’asymétrie de la relation entre les personnes concernées, par exemple les parents sur leurs enfants ou bien la police, le système judiciaire sur les délinquants. Les professeurs ont par exemple un certain pouvoir, celui de se faire obéir par les jeunes, grâce au statut qu’ils possèdent et aux règles qu’ils instaurent. Les adolescents assimilent aussi au mot autorité le mot respect. Ce dernier regroupe soit les civilités dont les jeunes doivent faire preuve envers toutes personnes, dont leurs professeurs, soit la considération qu’ils ont pour elles ou leurs enseignants. Comme nous l’avons vu dans les propos de Prairat (2002), le respect implique la notion de réciprocité, c’est-à-dire « ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse ». Il est donc possible que les adolescents pensent également que les professionnels de l’enseignement ou toutes personnes incarnant l’autorité doivent également faire preuve de respect et de politesse envers ceux sur lesquelles ils exercent leur autorité et pouvoir. Les interviewés relèvent également le manque d’autorité chez leurs professeurs. Ces derniers doivent être trop permissifs et ne pas suffisamment assurer leur mission qui consiste à être les garants des règles. L’autorité peut également être assimilée à des termes plutôt négatifs comme la méchanceté, l’injustice ou la dictature. La notion de méchanceté est subjective mais peut se lier au fait qu’un enseignant abuse du pouvoir qui lui est conféré, il peut instaurer un climat de peur et créer des injustices. La dictature, elle, est un régime politique dans lequel un dirigeant s’empare de tous les pouvoirs et gouverne en autocrate. Il fait preuve d’autoritarisme et d’emprise tyrannique pour assouvir le peuple et obtenir ce qu’il désire mettre en place. L’autorité doit être éducative car comme le dit Guillot (2006) elle permet le développement de citoyens possédant un esprit critique afin d’empêcher la tyrannie et l’asservissement de peuples.

La dernière catégorie rassemble les postures des personnes qui doivent avoir de l’autorité. La personne qui a de l’autorité, pousse au respect, ne se laisse pas faire, ne se laisse pas marcher sur les pieds, dit ce qu’on doit faire, donne l’ordre et on doit le suivre. L’attitude de la personne qui a de l’autorité doit être adéquate et permettre de faire respecter les règles et lois de la société. Chaque personne doit adoptée un comportement qui soit clair et juste pour permettre aux membres de la société ou d’une institution de connaître les règles et de pouvoir

63 les respecter et obéir. Une des postures indique que la personne « ne se laisse pas faire, ne se laisse pas marcher sur les pieds », or cela implique que certains individus ne se plient pas aux règles aussi facilement que d’autres, et c’est à la personne qui a de l’autorité de montrer qu’elle est la garante des règles et du respect de ces dernières. Cette personne doit utiliser des stratégies telles que la communication, l’explicitation, la reformulation, la force ou même la violence selon le comportement de certains individus. Je pense par exemple à certains policiers qui doivent avoir recours à la force et à la brutalité pour se protéger et arrêter quelques délinquants. Mais pour ce qui est de l’enseignant, comme le précise Guérin (2003), il est important que ce dernier incarne l’autorité, c’est-à-dire qu’il utilise la Potestas qui lui est accordée et qu’il trouve aussi sa manière de fonctionner, c’est-à-dire son Auctoritas. Comme le dit Guillot (2006), il doit pouvoir gérer ces deux éléments afin d’arriver à une autorité éducative pour enseigner, transmettre son savoir et permettre aux élèves de se construire.

L’autorité regroupe donc plusieurs termes et rassemblent plusieurs catégories qui montrent qu’elle est ressentie différemment chez les adolescents. Effectivement ils n’ont pas forcément employé les mêmes mots. Certains ont assimilé la « méchanceté » au mot autorité alors que d’autres ont associé le mot « respect ». Ces associations différentes dépendent de leur vécu, de leurs expériences et apprentissages. Chez tous les individus, l’autorité est perçue différemment. Cela dépend de l’autorité à laquelle chacun se trouve confronté dans sa culture, sa famille ou dans une institution comme l’école ou même plus tard lors de se profession. Si, par exemple, une adolescente est confrontée à un professeur qui est injuste, qui abuse de son pouvoir, elle pourra dire que ce dernier est méchant. Une autre adolescente par exemple n’aura peut-être pas d’enseignant qu’elle peut qualifier ainsi mais sera consciente du pouvoir qu’il possède. La méchanceté est une donnée subjective, qui dépend du vécu de l’adolescent par rapport à l’autorité. Certains adolescents vont plus obéir que d’autres aux règles et faire preuve de plus de respect en fonction de leur personnalité, de leur vision de l’école et de l’autorité, ainsi que de leur éducation. Après avoir vu les termes qu’associaient les jeunes de manière générale à l’autorité, nous allons nous intéresser à l’autorité d’un enseignant, à savoir à quoi l’autorité est utile pour leurs professeurs selon la vision personnelle des adolescents.

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5.2 L’autorité des enseignants aux yeux des adolescents, à quoi