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CHAPITRE VI : JUSTICE

Article 48. Présomption d’innocence et droits de la défense

Législation, réglementation et jurisprudence nationales Présomption d’innocence

Le principe de la présomption d’innocence implique notamment que la libération conditionnelle dont un détenu a bénéficié ne saurait être révoquée simplement en raison de ce qu’il a fait l’objet d’une nouvelle inculpation : la Cour de cassation a cassé la décision d’une commission de libération conditionnelle qui avait estimé que la nouvelle inculpation “établit que [le demandeur] a persévéré dans une délinquance gravement attentatoire à la personne d’autrui alors même qu’il avait l’obligation de s’abstenir de commettre une quelconque infraction dans le cadre de sa libération conditionnelle” (Cass. (2ième ch.), 17 septembre 2003, J.T., 2003, p. 730 ; J.P., 2003, n°465, comm. Ph. T., p. 7). Il s’agit de la première application du principe général du droit à la présomption d’innocence par la Cour de cassation pour casser une décision (sous réserve de son application par le biais de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dans les procédures où cette convention est d’application).

Droits de la défense au cours de la phase d’instruction du procès pénal

S’inscrivant dans une jurisprudence contestable de la Cour de cassation, la chambre du conseil du Tribunal de première instance de Neufchâteau a confirmé le point de vue des

653 L’avant-projet de loi néerlandais tend à insérer dans le Code civil un nouvel article 3.11.8a, rédigé comme suit : « Une personne morale disposant de la pleine capacité juridique qui, en conformité avec ses statuts, promeut les intérêts d’autrui, peut, si la protection de ces intérêts le justifie, s’adresser au tribunal pour faire déclarer illicite un acte ou obtenir l’interdiction d’un comportement illicite ».

juridictions belges selon lequel “les juridictions d'instruction ne sont pas, en règle générale assujetties aux prescriptions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme lorsqu’elles ne sont pas appelées à décider du bien-fondé d'une accusation en matière pénale, mais qu’il en est autrement si l'inobservation des exigences de cette disposition avant la saisine du juge du fond risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès” (Cass., 10 avril 2002, P.02.0058.F, Rapport 2002 de la Cour de cassation, p. 143, pt 6, et Cass., 24 octobre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 1326; Corr. Neufchâteau (ch. cons.), 17 janvier 2003, J.T., 2003, p. 87. Dans le même sens, voyez notamment : Cass., n°P021368F, 29 janvier 2003 ; Cass. n°P030620F, 7 mars 2003 ; Cass., n°P030208F, 26 mars 2003 ; Cass., n° P030439F, 21 mai 2003). Dans un arrêt du 4 décembre 2002, la Cour de cassation paraît avoir fait application de cette conception restrictive du champ d’invocabilité de l’article 6 de la Convention européenne de droits de l’homme en estimant que le § 3, c) de cette disposition – qui reconnaît le droit de tout accusé de se défendre soi-même ou d’avoir l'assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, de pouvoir être assisté gratuitement par un avocat désigné d'office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent - ne s’applique pas à l’interrogatoire de l’inculpé par le juge d’instruction avant la délivrance du mandat d'arrêt, tel qu’il est prescrit par l'article 16 § 2 de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive (Cass. (2ième ch.), 4 décembre 2002, J.T., 2003, p. 154). L’on notera cependant que, dans un arrêt du 19 février 2003, la Cour de cassation paraît ne pas exclure l’applicabilité de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme à la phase de l’instruction (à propos du caractère non contradictoire de l’expertise ordonnée par le juge d’instruction : Cass. (2ième ch.), 19 février 2003, J.T., 2003, p. 464).

Définition de la « provocation »

Dans un arrêt du 30 avril 2003, la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Liège définit la provocation policière – dont l’inculpé Michel Nihoul se plaignait d’avoir été victime – comme “tout comportement actif et direct d’un membre des forces de l’ordre ou d’une personne au service de celles-ci, antérieur à la commission de l’infraction et adopté afin d’inciter un individu, qu’il soit ou non animé d’une résolution criminelle, à commettre une infraction pour pouvoir la constater” (Liège (ch. mis. acc.), 30 avril 2003, Ministère public c.

Dutroux et crts., J.T., 2003, p. 436 (notre accent)). Cette définition de la provocation est plus

large que celle habituellement retenue par la Cour de cassation de Belgique (Cass., 5 février 1995, Gaddum, Pas., 1985, I, p. 690), et que le rapport du Réseau U.E. d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux avait critiquée dans le rapport portant sur la situation des droits fondamentaux en 2002 comme incompatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (Observation thématique n°1, p. 32). Traditionnellement en effet, la Cour de cassation avait exclu la provocation dès lors que l’intention criminelle est établie dans le chef d’une personne, en dehors de toute influence de l’agent « provocateur ». La définition la plus récente rejoint celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut espérer qu’elle sera consacrée à l’avenir par la Cour de cassation.

Utilisation d’un « polygraphe » et droits de la défense

La Cour de cassation a estimé que, dès l’instant où les données recueillies par un appareil “polygraphe” (détecteur de mensonges) ont pu être soumises à la contradiction de la partie concernée, ce mode de preuve doit être considéré comme admissible au regard des exigences du droit au procès équitable. Selon la Cour, “aucune violation du principe général du droit relatif à la loyauté dans la recherche des preuves en matière répressive ne saurait se déduire de la circonstance que la demanderesse n’a pas pu intervenir au moment de la réalisation du test du polygraphe, ni de la circonstance qu’elle a été jugée inapte à subir elle-même ce test” (Cass. (2ième ch.), 5 mars 2003, J.T., 2003, p. 464). Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt, la demanderesse, accusée d’assassinat, alléguait en effet qu’aboutissait à une violation des droits de la défense le fait que l’inculpé qui avait dénoncé sa participation au crime ait été entendu

en utilisant un appareil “polygraphe” sans qu’elle ait pu assister à l’audition ainsi réalisée à sa charge.

Preuve de l’infraction recueillie en violation alléguée du droit au respect de la vie privée

Dans son arrêt du 27 juin 2003, la Cour d’appel de Liège a réformé le jugement rendu en première instance par le tribunal correctionnel de Dinant (Corr. Dinant, 14 novembre 2002,

J.P., 2002, n°430, p. 29) et a déclaré les poursuites intentées contre les prévenus recevables,

dans l’affaire relative à la maltraitance d’animaux sur les marchés aux bestiaux dénoncée par l’asbl GAIA (Rapport 2002, p. 264). Raisonnant essentiellement à partir du droit au respect de la vie privée, la Cour précise, qu’en matière de preuve, « le juge ne peut déclarer une infraction établie si la preuve en a été obtenue à la suite d’un fait punissable ou d’une autre manière irrégulière, soit de la part de l’autorité chargée de la recherche, de la constatation ou des poursuites d’infraction, soit de la part du dénonciateur de l’infraction. Toutefois, le juge peut refuser d’écarter une preuve recueillie à la suite d’un acte illicite lorsque le tiers, par l’intermédiaire de qui cette preuve parvient aux enquêteurs, est lui-même étranger à tout acte illicite» (Liège, 27 juin 2003, J.P., 2003, n°463, obs. F. Glansdorff, p. 20).

Obligation de protection effective des droits de la défense

Lorsque les droits de la défense sont entravés par les comportements de personnes privées, il appartient à l’Etat de prendre toutes les mesures raisonnables propres à en assurer la protection effective. Le Tribunal de première instance de Bruxelles, statuant selon une procédure d’urgence, a ainsi estimé, en présence d’une grève du zèle des agents pénitentiaires de la prison de Forest qui empêchait les détenus d’être extraits de la prison pour comparaître au palais ou consulter leurs dossiers avant l’audience, et rendait très difficile la consultation entre les détenus et leurs conseils, que “si le Service public fédéral Justice [Ministère de la justice] se trouve actuellement confronté à une action de grève de la part des gardiens de prison, il ne démontre pas que ladite action constitue pour lui un obstacle imprévisible et insurmontable qui l’empêcherait de façon “absolue” de veiller notamment à ce que les détenus puissent consulter leurs dossiers ou comparaître aux audiences du palais de justice; qu’il ne démontre notamment pas avoir mis tout en œuvre pour prendre toutes les mesures nécessaires afin de pallier les inconvénients liés audit mouvement de grève”. En conséquence, l’Etat belge (Service public fédéral justice) est condamné, sous peine d’astreinte, à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer que le détenu ayant introduit l’action puisse comparaître aux audiences de la juridiction d’instruction et consulter son dossier (Civ. Bruxelles (réf.), 27 mars 2003, J.T., 2003, p. 568). Les mêmes circonstances - la grève des gardiens à la prison de St Gilles -, ont amené la Cour de cassation à considérer, dans le cadre d’une procédure relative au maintien en détention préventive, que la chambre des mises en accusation avait légalement autorisé le conseil de l’inculpé à représenter celui-ci et pouvait statuer en l’absence de ce dernier dans l’impossibilité de comparaître personnellement (Cass. n°P030620F, 7 mars 2003).

Droit au silence de l’accusé

La Cour d’appel d’Anvers a jugé que si le droit au silence appartient « aux principes fondamentaux de notre ordre judiciaire, il n’empêche toutefois pas que soient punies les personnes qui refusent de soumettre au contrôle des documents sociaux, lorsqu’il y sont légalement tenus » (Anvers (8ème Ch.), 11 octobre 2001, J.D.J., n°221, janv.2003, p.43).

Les repentis ou collaborateurs de justice

Dans son rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne et ses Etats membres en 2002 (Rapport 2002, p. 268), le Réseau U.E. d’Experts indépendants en matière de droits fondamentaux faisait état d’une proposition de loi instaurant un régime pour

les collaborateurs de justice (Chambre, sess. ord., 2002-2003, Doc. Parl., 50 1645/001 - caduque). Une nouvelle proposition a été déposée à la Chambre qui distingue trois formes de promesses que le Procureur du Roi et le Procureur fédéral peuvent faire, selon la phase de la procédure pénale dans laquelle se trouve le repenti. La promesse peut porter (1) sur l’action publique ; elle aboutit dans ce cas à l’extinction de cette action; (2) sur le taux de la peine par application d’une cause d’excuse par le juge du fond ; (3) sur les modalités d’exécution de la peine.654 Cette proposition ne fera pas l’objet d’un examen détaillé ici. Elle participe du projet du gouvernement de se doter d’outils efficaces pour lutter contre la grande criminalité.(655) En 2002, la Ligue des droits de l’Homme avait fait état de sa préoccupation par rapport à l’institution même des « repentis ou collaborateurs de justice »: elle s’interrogeait sur la crédibilité des témoignages des repentis récompensés par le parquet ; sur la compatibilité d’un tel système avec l’exercice du droit au silence garanti à tout accusé, dans la mesure où l’octroi d’une réduction de peine à qui accepte de collaborer avec la justice aboutit à sanctionner, par déni de la même faveur, le refus de collaborer. La Ligue des droits de l’Homme insistait en outre pour que la défense se voie reconnaître le droit de pouvoir interroger personnellement le repenti de même que d’être pleinement informée des conditions dans lesquelles le témoignage a été recueilli.

Motifs de préoccupation

Le site Internet du Service public fédéral des Finances invite les citoyens à introduire des plaintes « anonymes ou non » contre les contribuables qu’ils suspectent de fraude (source : FGTB, Communiqué de presse, E25/2003, 7 octobre 2003).