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CHAPITRE III : ÉGALITÉ

Article 26. Intégration des personnes handicapées

Jurisprudence internationale et observations d’organes internationaux de contrôle

Dans les conclusions qu’il a adoptées à propos de la conformité de la Belgique à l’article 15 de la Charte sociale européenne, le Comité européen des droits sociaux estime notamment qu’il doit recevoir davantage d’informations de la part de la Belgique, concernant la situation des personnes handicapées sur le marché du travail, avant de pouvoir se prononcer sur le respect de l’article 15 § 2 sur ce point. Cependant, il conclut à l’absence de conformité avec cette disposition de la Charte sociale européenne en l’absence d’une interdiction explicite de discrimination sur la base du handicap dans l’emploi.432 Cette conclusion se fonde sur

429 Proposition de loi modifiant le Code pénal et le Code d’instruction criminelle en ce qui concerne la protection des personnes vulnérables, Chambre, sess. extraord., 2003, Doc. Parl., 51 0448/001.

430 Au sujet de l’action d’intérêt collectif, voy. sou l’article 47 du présent rapport.

431 A propos de la violence « intra-familiale », voy. également l’article 4 du présent Rapport.

l’information soumise au Comité européen des droits sociaux le 23 juillet 2002. Bien que des doutes subsistent quant à l’incidence que peut avoir sur la compétence du législateur fédéral la répartition des compétences entre l’Etat fédéral et les Régions et Communautés en matière de politique à l’égard des personnes handicapées, il est douteux que le Comité européen des droits sociaux aboutirait à la même conclusion après l’adoption de la Loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination (voy. les commentaires sous les articles 20 et 21 du présent rapport également).

Législation, réglementation et jurisprudence nationales

L’avancée majeure qui a été effectuée au cours de la période sous examen a été l’adoption de la Loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la Loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme.433 Cette loi assure la transposition partielle, au niveau de l’Etat fédéral, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.434 Elle interdit notamment toute discrimination directe ou indirecte fondée, entre autres motifs, sur le handicap ou l’état de santé. L’article 2 § 3 de la Loi du 25 février 2003 prévoit en outre que “L’absence d’aménagements raisonnables pour la personne handicapée constitue une discrimination au sein de la présente loi”. Cette disposition résulte d’un amendement gouvernemental, qui précisait que “Par ‘aménagements’, il convient d’entendre entre autres : les aménagements architecturaux garantissant par exemple l’accès aux fauteuils roulants, les dispositifs techniques permettant aux sourds et aux aveugles de communiquer, l’utilisation d’un langage simplifié pour les personnes atteintes d’un handicap mental, la réorganisation de la répartition des tâches, l’octroi d’une assistance aux personnes handicapées, bref : toutes les mesures concrètes nécessaires, susceptibles de contribuer de manière raisonnable à ce que les personnes handicapées ne soient pas lésées par des facteurs environnementaux”.

Tout en en étendant la portée au-delà du domaine de l’emploi, l’article 2 § 3 de la Loi du 25 février 2003 met en œuvre l’article 2 § 2, b), ii), de la directive 2000/78/CE qui prévoit d’assimiler à une forme de discrimination le refus d’un employeur d’opérer des aménagements raisonnables afin de permettre à une personne ayant un handicap d’accéder à un emploi ou de l’exercer. La directive précise que l’employeur est cependant dispensé de cette obligation si l’adoption de telles mesures aboutirait à lui imposer un charge disproportionnée ; elle ajoute que “cette charge n’est pas disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l’Etat membre concerné en faveur des personnes handicapées”.435 La Loi du 25 février 2003 précise – à la suite de cette disposition de la directive 2000/78/CE – que doit être considéré comme “raisonnable” l’aménagement “dont la charge est compensée de façon suffisante par des mesures existantes” (art. 2 § 3).

Plusieurs autres initiatives peuvent être mentionnées au cours de la période sous examen. En vue de faciliter au demandeur l’introduction d’une aide à l’achat ou au remboursement d’une chaise roulante, un protocole relatif à l’instauration d’une procédure simplifiée en matière de remboursement ou d’intervention d’aides dans le cadre des chaises roulantes a été conclu le 31 mars 2003 entre l’autorité fédérale et les autorités compétentes – Régions ou Communautés – en matière de politique d’aides aux personnes handicapées, en vertu des articles 127 à 140 de la Constitution.436 Il s’agit notamment de faciliter les démarches administratives visant à obtenir une aide dans le cadre des chaises roulantes, et de garantir la

433 M.B., 17 mars 2003.

434 J.O.C.E. L 303 du 2.12.2000, p. 16. Les mesures étatiques de transposition doivent intervenir le 2 décembre 2003, les Etats membres pouvant disposer d’un délai supplémentaire de 3 ans pour mettre en oeuvre les dispositions relatives à la discrimination fondée sur l’âge ou le handicap.

435Art. 5 de la directive 2000/78/CE.

qualité de l’évaluation des besoins en vue de la fourniture de l’aide la plus appropriée. Dans la Déclaration gouvernementale de juillet 2003, le gouvernement issu des élections annonce qu’ « En concertation avec les régions et les communautés, il réalisera une simplification radicale de la procédure de remboursement de fauteuils roulants en modernisant les conditions de remboursement ». Le protocole de mars 2003 va déjà dans ce sens.

Un décret relatif à la reconnaissance de la langue des signes a été adopté le 22 octobre 2003 par la Communauté française.437 Il prévoit qu’est reconnue la « langue des signes de Belgique francophone », en tant que « langue visuo-gestuelle propre à la communauté des sourds de la Communauté française ». Le décret prévoit l’institution d’une commission consultative de la langue des signes, sur l’avis de laquelle le gouvernement de la Communauté française prendra « les mesures d’exécution nécessaires pour permettre l’utilisation de la langue des signes dans les différents domaines relevant de ses compétences » (article 5).

Une proposition de loi déposée le 8 juillet 2003 à la Chambre des représentants vise à modifier le Code civil afin d’instaurer un système de protection cohérent pour les handicapés mentaux.438 Il s’agit en réalité de substituer à une disparité de protections juridiques coexistant à l’heure actuelle en vue de la protection des personnes handicapées mentales, un système unique et accessible, consistant dans la désignation pour la personne handicapée mentale d’un administrateur provisoire.

Il est permis également de faire état d’une proposition déposée le 24 octobre 2003 à la Chambre des représentants visant à réviser l’article 23 de la Constitution en vue de le compléter pour consacrer le droit à la communication et le droit à la mobilité.439 L’auteur de la proposition explique que le droit à la mobilité exige que ce droit soit socialement, géographiquement et physiquement accessible. « Le droit à une mobilité physiquement accessible concerne au premier chef l’accessibilité des personnes handicapées aux différents moyens de déplacements. Inscrire l’accessibilité physique à la mobilité dans la Constitution nous engage plus loin dans la voie de l’intégration des personnes handicapées dans notre société ».

Motifs de préoccupation

Le taux d’emploi des personnes handicapées ou souffrant d’un problème de santé chronique se situe encore très en-deça de la moyenne. Selon des statistiques communiquées par l’Institut National des Statistiques (INS) en mai 2003, alors que le taux d’emploi global en Belgique s’élevait au deuxième trimestre 2002 à 59,7 %, il n’était que de 42,5 % chez les personnes handicapées ou souffrant d’un problème de santé chronique. Le taux d’emploi dans la population des bien-portants s’élevait à 64,3 %.440

Bien qu’un système de quotas de recrutement des personnes handicapées existe dans le cadre de la fonction publique, ces quotas ne sont pas respectés, sans que cela résulte en aucune sanction. Un arrêté du gouvernement wallon du 14 janvier 1999 visant à favoriser l'intégration des personnes handicapées dans l'emploi au sein des services du gouvernement wallon et dans certains organismes d'intérêt public – ceux dont le personnel est soumis au statut des fonctionnaires de la région – prévoit un taux de 2,5 %. Ce taux devrait représenter aujourd’hui un total de 338,35 agents équivalents temps plein (ETP) handicapés, or actuellement les services du gouvernement wallon et des organismes d’intérêt public visés par l’arrêté n'en totalisent que 196,35, soit un taux de 1,45 %. Un arrêté du 4 mars 1999 s'applique quant à lui à l'emploi des personnes handicapées dans les centres publics d’aide sociale. Bien

437M.B., 25.11.2003.

438DOC. 51 0054/01.

439DOC. 51 0339/01.

que certains CPAS excèdent même le quota qui les engage, le bilan global n’est pas tout à fait satisfaisant, puisque 27,45 équivalents temps plein devraient être engagés par le secteur des CPAS ; et surtout, les personnes handicapées recrutées par les CPAS le sont le plus souvent sous des contrats précaires.441