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Présentation générale

Dans le document Droit administratif (Page 36-41)

Section 1. Les actes juridiques

I. Présentation générale

30. Généralités : catégorie et régime juridique (droit applicable et tribunaux compétents)

La classification des contrats de l’administration reste une entreprise difficile. Elle constitue habituellement un chapitre central dans tous les précis et manuels de droit administratif de droit belge et de droit français. Il s’agit d’une matière en pleine évolution, en raison de l’élaboration d’un droit européen des contrats publics, conçu dans une perspective légèrement différente de celle qui a présidé à celle des droits nationaux. Ces derniers se souciaient des deniers publics, le droit européen se préoccupe de la construction d’un marché intérieur (perspective libre- échangiste).

Dans la perspective européenne, les catégories juridiques nationales sont ébranlées, de manière fondamentale164. Pour les besoins de l’exposé d’un cours consacré aux « principes » la classification traditionnelle et nationale a été retenue. Elle est remise en cause par le droit communautaire165.

La classification a pour objet de déterminer pour chaque catégorie d’une part, le droit applicable et d’autre part, les tribunaux compétents pour contrôler la passation et l’exécution de ces contrats.

31. Le contrôle juridictionnel des contrats publics

En droit belge, le contrôle juridictionnel est partagé entre d’une part, les juridictions ordinaires et d’autre part, le Conseil d’Etat.

Les juridictions ordinaires sont compétentes pour le contentieux subjectif (art. 144 et 145 de la Constitution): indemnisation en cas d’attribution irrégulière, contentieux relatif à la validité et à l’exécution du contrat.

Le Conseil d’Etat, en vertu de la théorie des actes détachables, a isolé les opérations administratives de passation, pour les contrôler dans le cadre du recours pour excès de pouvoir (recours en annulation).

La théorie des actes détachables a été adoptée pour tous les contrats de l’administration (contrats de travail dans la fonction publique, contrats de droit commun, concessions et marchés publics).

164 V. A.L.D

URVIAUX, Logique de marché et marchés publics en droit communautaire, analyse critique d’un système, Bruxelles, Larcier, 2006.

Elle est la plus souvent commentée dans le contentieux de la passation des marchés publics.

En amont du recours en annulation, il est possible de poursuivre la suspension des décisions administratives préalables à la conclusion du contrat (décisions relatives au choix de la procédure, aux modalités concrètes du cahier des charges, la décision de sélection et de non sélection des entreprises, la décision d’attribution)166 pour autant que le requérant puisse se prévaloir de moyens

sérieux (soit ceux susceptibles de conduire à l’annulation de l’acte, prima facie) et d’un risque de préjudice grave difficilement réparable causé par l’exécution immédiate de l’acte.

Cette dernière condition est appréciée par les chambres francophones de manière très réductrice : dès que le marché est conclu ou pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un marché de référence, le Conseil d’Etat estime que cette condition n’est pas remplie puisque le préjudice né de la perte du marché peut être réparé par le juge judiciaire (dommages et intérêts).

La loi du 16 juin 2006 non encore va supprimer, sous pression des instances communautaires, la condition de préjudice grave difficilement réparable dans la matière des marchés publics. Dès son entrée en vigueur, il suffira donc de démontrer qu’une illégalité apparente a été commise pour obtenir la suspension de la décision d’attribution. En fonction du type d’illégalité, la procédure pourra être soit régularisée soit recommencée ab initio.

L’annulation d’une décision d’attribution a, jusqu’à présent, eu un effet platonique167. La validité du contrat ne s’en trouve pas nécessairement affectée (il

166 La conclusion du contrat se réalise par la notification de l’approbation de son offre au soumissionnaire en vertu de l’article 118 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996.

167 Pour plus de détails, v., P. THIEL, « Mémento des marchés publics », Waterloo, Kluwer, éd. 2008, spéc. pp. 483 et ss. ; E. VAN NUFFEL, « La protection juridictionnelle dans la passation des marchés publics », in H. DUMONT, P. JADOUL et S. VAN DROOGHENBROECK (dir.), « La protection juridictionnelle du citoyen face à l’administration », Bibliothèque de droit administratif, éd. La Charte, Bruxelles, 2007, pp. 151 et ss. ; P. LEWALLE et L. DONNAY, « Sur les difficultés d’application du standstill dans la passation des marchés publics », Rev. Fac. Dr. ULg, 2006, pp. 215 et ss. ; M.-A. FLAMME, Ph. FLAMME et C. DARDENNE, « Les marchés publics européens et belges – L’irrésistible européanisation du droit de la commande publique », Bruxelles, Larcier, 2005, spéc. pp. 273 et ss. ; T. BOMBOIS et Ch. DUBOIS, « « La chenille et le référé ». Quelques observations sur le contrôle de la passation d’un marché public militaire », A.P.T., 2004, pp. 296 et ss. ; F. GILLARD, « Du choix discrétionnaire du mieux-disant dans les marchés publics au contrôle juridictionnel des manipulations arbitraires des offres par le pouvoir adjudicateur et à l’indemnisation de la chance perdue par le soumissionnaire irrégulièrement évincé », note sous Bruxelles, 29 juin 1999, E.D., 2004, pp. 279 et ss. ; E. VAN NUFFEL et D. LAGASSE, « Les recours préventifs en matière de marchés publics – Le législateur a enfin transposé les directives « recours » 89/665 et 92/13, mais l’a-t-il bien fait ? », J.T., 2004, pp. 849 et ss. ; J. VANDEN EYNDE et J-M. WOLTER, « Les marchés publics et l’intervention du juge des référés judiciaires depuis le 24 décembre 1993 », note sous Civ. Bruxelles (réf.), 25 juin 2001, C.D.P.K., 2003, pp. 4 et ss. ; M.-A. FLAMME et Ph. FLAMME, « Le contentieux des commandes publiques ou le parcours du combattant, Le sort des contrats irrégulièrement conclus – Comment assurer l’efficacité des recours juridictionnels ? – Les modalités du futur standstill », E.D., 2002, pp. 120 et ss. ; P. GOFFAUX, « Les pontons mosans. Incidence sur le contrat de l’annulation par l’autorité de tutelle de la décision d’attribution d’un marché

existe cependant une jurisprudence judiciaire minoritaire qui estime que la violation des contraintes légales et réglementaires relatives à la passation d’un marché public ouvre une action en nullité absolue du contrat). La jurisprudence et doctrine majoritaires estiment qu’il s’agit d’une nullité relative avec pour conséquence que les parties au contrat ne demandent quasiment jamais la nullité de celui-ci. Le tiers irrégulièrement évincé doit se contenter de dommages et intérêts, fixés forfaitairement par la loi à 10% du montant hors TVA de son offre en adjudication ou censés réparer intégralement son préjudice en appel d’offres et en procédure négociée selon le droit commun (il est rare que l’indemnisation dépasse les 10% sur base de droit commun). Cette indemnité comme tout litige relatif à l’exécution du contrat relève du contentieux judiciaire car mettant en cause des droits subjectifs au sens des articles 144 et 145 de la Constitution.

Cette jurisprudence va sans doute évoluer à terme sous l’influence de la jurisprudence de la Cour de Justice168.

Dans le cadre d’un recours en manquement, la portée des directives recours et de la notion de manquement ont été précisées. En substance, la Cour considère que le fait de laisser persister un marché public conclut en violation du droit communautaire des marchés publics constitue en soi un manquement.

« S’il est vrai que l’art. 2, § 6 de la directive n° 89/665/CEE autorise les Etats

membres à maintenir les effets de contrats conclus en violation des directives en matière de passation des marchés publics et protège ainsi la confiance légitime des cocontractants, elle ne saurait, sans réduire la portée des dispositions du traité CE établissant le marché intérieur, avoir pour conséquence que le comportement du pouvoir adjudicateur à l’égard des tiers doive être considéré comme conforme au droit communautaire postérieurement à la conclusion de tels contrats. Si l’article 2, §6, second alinéa, de la directive 89/665 n’affecte pas l’application de l’article 226 CE, il ne saurait non plus affecter l’application de l’article 228 CE, sous peine, dans une situation telle que celle de l’espèce, de réduire la portée des dispositions du traité établissant le marché intérieur.

Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 6, second alinéa, de la directive 89/665, laquelle a pour objet de garantir l’application effective des directives portant coordination des procédures de passation des marchés publics, concerne, ainsi qu’il résulte de son libellé, la réparation qu’une personne lésée par une violation commise par un pouvoir adjudicateur peut obtenir de ce dernier. Or en raison de sa spécificité, cette disposition ne saurait être considérée comme réglant également la relation

décembre 2001, E.D., 2002, pp. 349 et ss. ; B. DE VUYST et G. MEYER, « L’influence du droit communautaire sur la réglementation nationale des marchés publics : la protection

préventive est un fait », obs. sous C.J.C.E. (6ème ch.), 28 octobre 1999, C-81/98, J.T., 2000,

pp. 285 et ss. ; A. DELVAUX, « De la résistance des « administrativistes » face au juge civil », note sous Civ. Namur (réf.), 2 mai 2000, J.L.M.B., 2000, pp. 1267 et ss. ; P. GOFFAUX et M. LUCAS, « Des effets sur le contrat de l’annulation par le Conseil d’Etat de la décision d’attribuer un marché public », A.P.T., 1998, pp. 56 et ss. ; Y. HANNEQUART et A. DELVAUX, « L’attribution d’un marché public et les recours judiciaires autres que l’action en dommages-intérêts », E.D., 1998, pp. 312 et ss, ; P. THIEL, « Les recours des tiers dans les marchés publics : éléments de jurisprudence », J.T., 1997, pp. 329 et ss.

168 C-503/04, 18 juillet 2007 (Commission / Allemagne) http://curia.europa.eu (4 octobre 2007), concl. TRSTENJAK.

entre un État membre et la Communauté, relation dont il s’agit dans le contexte des articles 226 CE et 228 CE.

Un État membre ne peut invoquer les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, le principe pacta sunt servanda ainsi que le droit de propriété et l’art. 295 CE169 pour justifier la non-exécution d’un arrêt constatant un manquement au sens de l’art. 226 CE et, de ce fait, échapper à sa responsabilité en droit communautaire. »

Plus récente et plus inquiétante est la saisine du juge pénal. Le non respect du droit des marchés publics matérialisé dans une décision administrative est susceptible, dans certaines circonstances, d’être qualifié de faux pénal. Il existe, en outre, des incriminations spécifiques lorsque des entreprises perturbent le jeu des enchères, en cas de corruption ou de délit d’ingérence170. Plusieurs instructions sont actuellement en cours qui mettent en cause des mandataires locaux pour non respect des règles en matière de passation.

32. Les contrats de droit commun

L’administration, disposant de la capacité juridique, peut conclure des contrats de droit commun. Ce faisant, elle accepte de se soumettre, comme tout particulier, aux contraintes issues du droit privé (code civil et législations particulières). Elle peut, ainsi, vendre des biens ou les louer.

Le droit public reste applicable à ces actes juridiques. Ainsi, la compétence matérielle ou de l’auteur de l’acte est régie par le droit public.

33. Les marchés et les concessions

Traditionnellement, les marchés et les concessions constituent les deux grandes catégories de contrats passés par les Administrations.

Les concessions peuvent être relatives au domaine de l’administration ou à la gestion d’un service public.

La concession domaniale permet à une autorité publique de concéder à des particuliers la jouissance exclusive d’une parcelle du domaine public. L’occupation autorisée peut ne pas servir l’intérêt général et ne servir que l’intérêt du concessionnaire, dans le cadre de ses activités privées. Il en est ainsi, des concessions de sépulture, de plages, d’affichage. La concession fait naître un droit subjectif au bénéfice du concessionnaire (un droit à réparation en cas de faute de l’administration dans l’exécution de la concession).

La concession de service public permet à une autorité publique de confier à une personne privée (physique ou morale) la gestion d’un service public, « à ses frais,

169 Article 295 CE : « Le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les

Etats membres ».

risques et périls », sous le contrôle et selon des modalités déterminées par le concédant, moyennant une rémunération que le concessionnaire doit percevoir, en principe, à charges des usagers. En réalité, la doctrine tend à s’inspirer du droit français pour reconnaître cette catégorie spécifique de contrat. La particularité de cette figure juridique réside dans le fait qu’elle aurait une nature mixte, contractuelle et réglementaire. Le caractère réglementaire est habituellement attaché aux modalités d’exploitation de ce service public, par exemple le tarif, les modalités de services rendus aux usagers, formalisées en général dans l’acte de concession. Le caractère réglementaire a pour fonction de permettre aux tiers de se prévaloir de ces clauses. La relation contractuelle se noue entre le concessionnaire et l’autorité concédante.

Les marchés publics ont été considérés, jusqu’à une période récente, comme les contrats passés entre un pouvoir public et une personne privée (physique ou morale) ayant pour objet des prestations économiques dont le pouvoir public avait besoin pour fonctionner ou remplir sa mission (achat de matériel courant ou non, réalisation de travaux d’infrastructures – construction et entretien - prestations de services extérieurs). Le concept a évolué avec la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services171.

La passation et l’exécution des marchés publics sont régies par des règles spécifiques qui, soit dérogent, soit complètent, les règles du code civil.

Des règles dites de sélection qualitative régissent le choix des entreprises qualifiées ou invitées à remettre une offre pour leurs compétences technique, économique et financière.

Les procédures ordinaires dans le cadre du régime applicable aux pouvoirs adjudicateurs dans les secteurs classiques sont l’adjudication et l’appel d’offres. La procédure négociée est limitée aux hypothèses définies par la loi172.

L’attribution du marché sur base du critère unique, le prix, pour autant que l’offre soit régulière (soit respecte le cahier des charges), caractérise l’adjudication. L’attribution sur base de critères multiples caractérise l’appel d’offres. La distinction entre procédures ordinaires et exceptionnelle (procédure négociée) réside dans la faculté de pouvoir adapter le cahier spécial des charges et les offres (dans une mesure controversée) après l’ouverture des offres, soit en cours de processus d’analyse, absente pour les premières et présente dans la seconde. Les règles d’exécution sont déterminées par un règlement qui pour l’essentiel se présente comme un contrat standardisé ou des clauses réglementaires173. Cependant, dans une mesure très limitée, l’administration est autorisée à déroger au cahier général des charges174. Cet encadrement est habituellement justifié par

le souci de protéger les cocontractants de l’administration.

171 Exécutée par les arrêtés royaux des 8, 10 janvier 1996, 18 juin 1996 et 26 septembre 1996. La loi sera remplacée à terme par les lois des 15 et 16 juin 2006.

172

Art.17 Loi du 24 décembre 1993. 173

Le cahier général des charges, annexe de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 et les clauses prévues par ce même arrêté pour les promotions et les concessions de travaux publics, par exemple.

34. Les « autres contrats »175

Signe de l’évolution des temps, le « contrat » est de plus en plus utilisé, que cela soit dans le cadre des relations entre les pouvoirs publics176, ou, dans les relations entre pouvoirs publics et des particuliers ou entreprises.

L’effacement des méthodes plus autoritaires derrière ce moyen, en apparence plus respectueux de la volonté des uns et des autres, puisqu’il implique, par définition, la recherche du consentement du partenaire, ne doit pas être surestimé. Il s’agit de le mettre en relation avec la portée que la pensée révolutionnaire attachait à la loi, expression de la volonté populaire et gage d’égalité entre les hommes. Il peut encore être mis en perspective sur le plan historique, lorsque l’on se souvient des liens féodaux qui se tissaient au moyen âge entre les individus et des conséquences concrètes de ceux-ci, en terme d’organisation de la société et de relations sociales.

Quoi qu’il en soit, le phénomène est étudié en doctrine et a pénétré le système juridique belge. Le contrat de gestion qui se noue entre les entreprises publiques et les autorités publiques de « contrôle » en constitue un exemple. Les conventions environnementales constituent un second exemple.

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