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Des modes de gestion des services publics fonctionnels : concession et agrément

Dans le document Droit administratif (Page 161-167)

Section 2. Les fonctions de l’administration

B. Des modes de gestion des services publics fonctionnels : concession et agrément

144. Présentation des techniques juridiques

765 Article 150 de l’arrêté royal du 27 février 2003 précité. 766

Citons les écoles de conduite automobile et les télévisions locales. 767

Voy. infra. Établir le caractère privé de l'organisme chargé d'une mission de service public se révèle souvent moins évident qu'il n'y paraît à première vue: voy. les développements que nous avons consacrés à ce problème dans notre rapport sur Les A.S.B.L. et la gestion privée des services publics, o.c., pp. 313 à 321.

Dans son sens matériel ou fonctionnel, le service public désigne donc une activité ou une tâche dont l'accomplissement est, aux yeux du législateur, indispensable à la réalisation du bien commun. La gestion de cette activité est le plus souvent ici confiée à des personnes privées.

Deux techniques juridiques sont généralement utilisées: la concession de service

public (technique contractuelle) et l'autorisation ou l'agrément administratif (technique unilatérale).

145. La concession de service public ou de travaux publics: définition et caractéristiques768

La concession de service public est un contrat administratif par lequel l'autorité publique compétente charge une personne – le plus souvent privée mais parfois publique – de gérer, temporairement et sous son contrôle, un service public, aux clauses et conditions fixées par un cahier des charges annexé à la convention, étant entendu que cette gestion se fait aux frais, risques et périls du concessionnaire, moyennant rémunération de celui-ci à charge, le plus souvent, de l'usager769.

Les concessions de service public furent mises en place dans le domaine des services publics de transports en commun, de distribution d'eau, de gaz et d'électricité. Aujourd’hui, les pouvoirs publics privilégient davantage des formules telles la régie communale et l'association de droit public, en particulier l'intercommunale.

La concession de service public reste utilisée dans les domaines de la collecte des immondices770, de l'enlèvement des cadavres d'animaux771 (les clos d'équarrissage), des transports funèbres, du transport par canalisation de produits gazeux et autres, des théâtres, des établissements thermaux, de certaines lignes

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Pour de plus amples développements, voy. not., A. BUTTGENBACH, Manuel de droit administratif, o.c., n° 265 et s., p. 256 et s.; A. BUTTGENBACH et J. GILLET, V° Concessions, Rép. prat. de droit belge, compl. II, n° 67 et s.; P. ORIANNE, La loi et le contrat dans les concessions de services publics, Bruxelles, Larcier, 1961, spéc. p. 84 et s.; L. RAPP, Techniques de privatisations des entreprises publiques, Librairies techniques, Paris, 1986, p. 87.

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Bruxelles, 20 mars 2000; Cass., 31 mai 1978, Pas. I, 1978, pp. 1126-1130.

Ce contrat se différencie de la concession domaniale (c'est-à-dire accordée sur le domaine public) qui s'analyse comme un contrat administratif par lequel une autorité publique autorise temporairement un particulier à occuper, de façon exclusive et dans un but déterminé, une dépendance du domaine public, moyennant paiement d’une redevance. Ce contrat peut être dénoncé à tout moment par l’autorité dans l’intérêt général.

Voy. notamment sur ce type de concession: LAGASSE D., «La gestion active du domaine public», A.P.M., 2003, p. 87 et s.

770 CE, n° 21.147, 7 mai 1981.

771 CE, 26 octobre 1949; Cass., 4 septembre 1958, Pas., I, 1959, p. 7; CE, 26 octobre 1949,

d'autobus vicinales, de l’exploitation d’infrastructures tels un restaurant, une cafétéria, etc.

Sous l’impulsion déterminante du droit communautaire, la concession de travaux publics a été assimilée, du point de vue de la passation et de l’exécution, à un marché public. La réglementation belge relative aux marchés publics est dès lors applicable772. Le contrat de concession de travaux publics est un contrat par lequel une personne de droit public octroie à un particulier – le concessionnaire – l’exploitation des ouvrages que ce dernier s'engage à construire773.

La concession de travaux publics est couramment utilisée pour la construction d’infrastructures comme des aires de repos autoroutières (restaurants ou stations-service), de parkings774, d’abribus, pour la construction d’usines

d’incinération, etc.

146. Caractéristiques générales de la concession

La nature juridique de la concession est assez difficile à saisir: il s'agit en fait d'un

ACTE MIXTE qui mélange à la fois des éléments d'autorité775 et des éléments

contractuels776. La doctrine classique l'analyse comme un contrat administratif

conclu en vue de l'exploitation d'un service public.

147. Un contrat administratif

La concession est d'abord un contrat administratif, passé entre le pouvoir public concédant et le concessionnaire, qui fait naître des droits et obligations réciproques. Il fixe conventionnellement la situation et les droits individuels du concessionnaire, les avantages qu'il peut légitimement retirer de l'exploitation du service dont il supporte d'ailleurs les aléas financiers.

Seront considérées comme contractuelles notamment les clauses relatives à la durée de la concession, à la situation financière du concessionnaire (équilibre financier du contrat par la perception au profit du concessionnaire d’un péage ou d’une redevance), à la situation de monopole dont bénéficie le concessionnaire, ainsi que toutes les clauses qui ont pour objet d’organiser l’exploitation de manière à la rendre assez rémunératrice et qui impose au concessionnaire des obligations envers l'administration et réciproquement.

772 Loi du 24 décembre 1993, AR du 8 janvier 1996 et arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

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Remarquons que la concession de travaux publics se combine parfois avec la filialisation.

774 Mons, 24 mars 1987, A.P.T., 1988, obs. de M.-A. Flamme, pp. 169 à 176. 775 L'octroi de la concession est en effet toujours un acte de puissance publique. 776 La concession réalise effectivement en toute hypothèse une situation contractuelle.

De ce caractère contractuel découle notamment un droit à indemnité777, au profit du concessionnaire, chaque fois que l'autorité lui impose des charges nouvelles ou qu'un manque à gagner résulte de modifications unilatérales qui sont le fait de l'administration.

148. La concession est accordée en vertu de la loi

La concession est accordée en vertu de la loi par l'autorité publique compétente778. Lorsqu’une autorité publique décide de confier la gestion d'un service public à un particulier par le procédé du contrat de concession, un concessionnaire se substitue à celle-ci, dans un but d'intérêt général, pour l'accomplissement d'une mission qui lui incombe. S'agissant de la création et de la gestion d'un service public, il appartient au législateur d'autoriser l'autorité administrative compétente à octroyer la concession d'un service public. L'autorisation expresse peut résulter d'une loi générale ou d'une loi particulière.

149. La concession a pour objet l’exploitation d’un service public

Le contrat est passé pour l'exploitation d'un service public. Cette composante constitue le caractère réglementaire du contrat et établit la loi d’exploitation du service concédé. Il fixe directement l'organisation et le fonctionnement de ce service, dans la mesure où il contient des clauses et dispositions qui ont pour effet d'accorder des pouvoirs – souvent exorbitants du droit commun – aux concessionnaires, d'organiser le service concédé et de régler la situation des usagers.

Certaines clauses de la concession revêtent par conséquent un caractère réglementaire ou d'autorité.

La concession constitue pour le concessionnaire un acte-condition (voy. le cahier des charges), par lequel celui-ci accepte de faire fonctionner le service suivant des règles objectives que le pouvoir public concédant peut, à tout moment, modifier

unilatéralement, à charge pour lui d'indemniser le concessionnaire si l'équilibre

financier du contrat se trouve ainsi rompu779. Le concédant peut, dans l'intérêt

général, ne pas respecter les termes du contrat, ce qui est contraire à l'article 1134 du Code civil. Observons d'ailleurs que ces modifications imposées au concessionnaire obligent également l'usager du service public780. Le concédant ne

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Le montant de cette indemnité doit permettre de rétablir l’équilibre financier du contrat rompu, par l’imposition unilatérale de charges nouvelles pour le concessionnaire.

778 A. BUTTGENBACH, Manuel de droit administratif, o.c., n° 2, p. 258.

779 Soulignons cependant que le concessionnaire pourra demander la résiliation du contrat, avec dommages et intérêts, lorsque les modifications imposées unilatéralement dépassent les forces financières de l'entreprise (exemple: elles nécessitent des capitaux et immobilisations nouvelles qu'il ne peut obtenir ou réaliser) ou ses possibilités techniques, dans la mesure où une indemnité financière n’est pas suffisante pour sauvegarder ses droits. C’est du moins ce qu’admettent la doctrine et la jurisprudence française.

780 Par exemple, les modifications de tarifs ou de différentes conditions de prestation du service.

peut toutefois pas imposer des modifications qui entraîneraient une transformation de la nature ou de l’objet même du contrat. Le concédant peut, dans les mêmes conditions781, mettre fin prématurément à la concession par voie de résiliation

unilatérale782. L'octroi de la concession est en effet un acte de puissance publique essentiellement précaire783.

Ces possibilités reconnues à l'autorité publique compétente ne constituent en définitive que des manifestations de la loi du changement.

Les autres lois du service public s'appliquent784, elles aussi, de façon générale, du

moins en ce qui concerne l'exercice de l'activité du concessionnaire. Ainsi, la loi de continuité et de régularité du service public justifie, dans une certaine mesure, la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision. Cette théorie, dégagée par la jurisprudence française, a été consacrée en Belgique par certains textes législatifs. Elle autorise le concessionnaire, nonobstant le principe de l'article 1134 du Code civil785, à pouvoir obtenir une révision du contrat786 ou une indemnité

compensatoire, lorsque des circonstances imprévisibles au moment de la

conclusion du contrat rendent son exploitation financièrement impossible ou, dans certains cas, plus difficile et plus onéreuse. Elle permet ainsi d'assurer sans interruption la gestion d’un service public.

Cette même loi interdit au concessionnaire de suspendre totalement ou partiellement le fonctionnement du service public dont il a la charge.

La loi d’égalité des usagers du service public trouve, elle aussi, à s’appliquer ici.

150. La concession est en principe accordée à une personne privée

La concession est généralement accordée à une personne privée787. L’intérêt du recours à ce procédé de gestion des services publics réside en effet principalement dans le fait que le concessionnaire privé apporte aux pouvoirs publics sa compétence technique, gère le service suivant des méthodes de droit privé – éventuellement amendées par le droit public – tout en acceptant de supporter les aléas financiers de l'entreprise et d'être soumis au contrôle et à la maîtrise des gouvernants pour ce qui concerne l'exercice de l'activité.

781 C'est-à-dire unilatéralement et à tout moment.

782 Voy. sur le retrait d’une concession: Bruxelles, 9 juillet 1952, R.C.J.B., 1954, note de M. Vauthier, p. 36; Cass., 31 mai 1978, Pas., I, 1978, pp. 1126 à 1130.

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Ces décisions qui mettent fin unilatéralement au contrat peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, qui peut vérifier si elles sont bien justifiées par l’intérêt général. 784 Elles s’appliquent de droit même si elles n’ont pas été réservées dans l’acte de concession.

785 Suivant lequel les conventions légalement formées font la loi des parties.

786 Exemples: le relèvement des tarifs, la modification des modalités de prestations du service, etc.

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Nous pouvons tout de même observer que certaines concessions sont octroyées à des entreprises publiques, telle la concession par la Région wallonne à la SAB et à la BSCA de la promotion, de la gestion commerciale et du développement de l'aéroport, respectivement, de Liège-Bierset et de Charleroi-Gosselies.

151. Application du principe de transparence

Sauf si un texte le leur imposait, jusqu’il y a peu788, les autorités publiques ne

semblaient pas tenues de concéder la gestion de leurs services en faisant appel à la concurrence. Elles disposaient en la matière de la plus complète liberté, sous réserve, le cas échéant, du contrôle de tutelle visant au respect de l’intérêt général. Cette situation est toutefois remise en cause. Malgré l’absence de texte explicite sur ce sujet, les principes contenus dans le Traité instituant la Communauté européenne789 – de non-discrimination, d’égalité de traitement, de transparence, de proportionnalité, de reconnaissance mutuelle et de protection des droits des particuliers – garantissant le bon fonctionnement du marché unique, seraient dorénavant d’application790. L’octroi d’une concession de service public ne relève plus du libre choix de l’autorité publique mais doit au moins passer par une mise en concurrence des concessionnaires potentiels791.

152. L’agrément ou l’autorisation administrative préalable à l’exercice d’une activité de service public

Il s'agit d'un acte administratif unilatéral par lequel les pouvoirs publics confient la gestion d'une activité érigée en service public à un organisme privé – parfois public – moyennant le respect de certaines conditions qui, loin de se limiter à une simple réglementation de l'activité privée, comprennent certaines prestations positives imposées par les pouvoirs publics, qu'ils peuvent, à tout moment, étendre ou restreindre dans l'intérêt général.

Cette technique se différencie toujours de la concession de service public. Les conditions de l'autorisation sont généralement contenues dans un cahier des charges, ce qui tend formellement à rapprocher les deux techniques.

Il n'en reste pas moins vrai que la concession s'analyse comme un contrat qui lie le pouvoir public concédant au concessionnaire, lequel a droit, en cas de modification unilatérale du cahier des charges ou de résiliation anticipée de la concession, à une indemnité fondée sur le non respect du contrat de concession.

788

Plusieurs propositions, tant au niveau européen que belge, ont déjà été faites afin de soumettre à la législation sur les marchés publics la conclusion des contrats de concession de service public, à l’instar de celles de travaux publics.

789 Articles 28 à 30 du Traité de Rome.

790 Voy. à ce sujet la Communication interprétative de la Commission sur les concessions en droit communautaire du 29 avril 2000 (2000/C 121/02). Pour un commentaire, voy. A. MATTERA, o.c., pp. 279-285; Ch. FOUASSIER, «Vers un véritable droit communautaire des concessions? Audaces et imprécisions d’une communication interprétative», Rev. trim. dr. europ., 2000, p. 687 et s.

791 Voy. sur cette problématique: A.-L. DURVIAUX et N. THIRION, «Les modes de gestion des services publics locaux, la réglementation relative aux marchés publics et le droit communautaire», J.T., 2004, pp. 17 à 27; P. BLONDIAU, «Quel avenir pour le service public local à l’heure européenne?», Mouv. comm., 2004, pp. 410 à 416; D. DEOM, «Quel avenir pour le service public local à l’heure européenne? – Le point sur la jurisprudence de la Cour de Justice européenne», Mouv. comm., 2004, pp. 462 à 470; D. DEOM, «Intercommunales, régies, filiales et tutti quanti: quelques échos de Luxembourg en matière de marchés publics», Rev. dr. comm., 2005, p. 21 et s.

L'autorisation et l'agrément, au contraire, sont des ACTES ADMINISTRATIFS UNILATERAUX essentiellement précaires. Lorsque l'administration les retire ou les modifie dans l'intérêt public, ce qui est possible à tout moment, elle le fait toujours, en principe et sauf indication contraire de la loi, sans indemnité792.

L'administration ne prend donc aucun engagement. Elle impose simplement à l'exploitant le respect de l'acte d'autorisation comme condition du maintien de celui- ci793.

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