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Présentation des trois autres organisations de notre échantillon

Analyse des études de cas : résultats et discussions

2) Présentation des trois autres organisations de notre échantillon

2.1. AJB

L’Association des Journalistes du Burkina (AJB) est née dans un contexte d’Etat d’exception, avec une restriction des libertés :

A l’époque, les journalistes, comme beaucoup de travailleurs étaient victimes de répression arbitraire. Et beaucoup plus les journalistes, parce que nous étions très exposés et la moindre faute professionnelle était lourdement sanctionnée, parfois par des « dégagements », des licenciements, etc. C’est ce qui a fait que les journalistes ont éprouvé le besoin de s’organiser vraiment pour se défendre et pour plus de solidarité. Et c’est ainsi qu’en janvier 1988 l’AJB a vu le jour.119

L’AJB se présente comme une organisation à caractère professionnel, culturel et scientifique qui regroupe l’ensemble des journalistes de la presse publique et privée du Burkina Faso. Elle vise à défendre la liberté de la presse et l’exercice de la profession. L’organisation est présente dans les 13 régions du Burkina.

En lien avec le Centre national de presse Norbert Zongo120, basé à Ouagadougou, l’AJB et deux autres structures dont la Société des éditeurs de la presse privée (SEP) et le Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) reçoivent un financement commun. Le budget annuel moyen s’élève à 200 millions de F CFA (env. 305.000 euros). Une équipe très restreinte composée essentiellement d’un gestionnaire du centre, d’un comptable et d’une secrétaire est chargée de la gestion quotidienne du Centre.

Il est important de noter que le 20 octobre de chaque année, le Burkina Faso observe la Journée nationale de la liberté de presse. En réalité, cet hommage est rendu en mémoire de la lutte engagée par des organisations de la société civile pour faire adopter un code de l’information plus libéral (Yonaba, 1995) en lieu et place de celui d’inspiration marxiste qui existait avec le régime révolutionnaire de 1983-1987 et post-révolutionnaire de 1987-1991.

118 Entretien avec le RENLAC, le 08/11/2013, à Ouagadougou (Burkina Faso)

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Entretien avec l’AJB, le 30/12/2013.

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Le Centre national de presse Norbert Zongo est un haut lieu d’animation démocratique qui reçoit un grand nombre de manifestations et d’échanges culturels, de formations des journalistes. Il a vu le jour en mai 1998 grâce à un programme exécuté par la Fédération internationale des journalistes (FIJ) sur financement de l’Union européenne. Le nom « Norbert Zongo » a été donné au Centre pour rendre hommage au journaliste assassiné. Voir CENTRE NATIONAL DE PRESSE NORBERT ZONGO. (Page consultée le 18/06/2016). Site du Centre national de presse Norbert Zongo, [en ligne],

Cette lutte avait été menée de concert avec le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP – voir prochain paragraphe), véritable initiateur de la démarche à travers une pétition visant à collecter 15.000 signatures121. Au parlement, le gouvernement avait finalement retiré son projet de loi sur l’information122

et introduit à la dernière minute une version de la loi révisée et jugée en son temps acceptable par les organisations de défense des droits de l’homme. Ce code de l’information du 30 décembre 1993123

est toujours en vigueur aujourd’hui avec quelques retouches apportées par le Conseil national de la Transition, notamment en ce qui concerne la dépénalisation des délits de presse. Plusieurs auteurs et militants des droits de l’homme sont unanimes à reconnaître que ce code de l’information, certes perfectible, a permis l’éclosion de la presse privée (écrite et audio-visuelle) dans le pays.

2.2. MBDHP

Le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP)124 a été créé le 19 février 1989, à Ouagadougou, en plein régime d’exception tout comme l’Association des Journalistes du Burkina (AJB). Il y avait à cette époque encore « des arrestations arbitraires et même des détentions, des meurtres et tout ; nous avons trouvé que ce n’était pas une situation normale»125

, rappelle le premier responsable de cette organisation aujourd’hui vieille de plus de 25 ans.

L’organisation s’engage pour la promotion, la protection et la défense des droits fondamentaux126 et de liberté individuelle et collective, des objectifs énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981.127

Fidèle à sa mission, l’ONG s’est beaucoup impliquée dans de nombreux domaines relatifs aux droits de l’homme. Ainsi le mouvement a siégé dans la commission chargée de la rédaction d’une nouvelle constitution à tendance plus libérale qui sera adoptée par référendum le 11 juin 1991. Alors qu’elle dit avoir refusé de participer à l’observation de l’élection présidentielle de 1992 où Blaise Compaoré était seul candidat – les autres candidats ayant été contraints à l’abandon, probablement sous « des pressions et des menaces diverses »128

, l’organisation a été un observateur neutre et indépendant de plusieurs élections législatives (de 1992 et 1997, par exemple) et municipales (de 1995), dans le pays et à l’étranger.

121En référence à l’article 98 de la Constitution nouvellement adoptée le 2 juin 1991. Cet article prédisposait notamment que le peuple exerce l'initiative des lois par voie de pétition.

122

En particulier, l'article 115 du code définissait de façon restrictive la notion de diffamation, mettant en péril l'exercice de la liberté d'information des journalistes. Plusieurs journaux dont l’hebdomadaire Le Matin –aujourd’hui disparu- et des journalistes avaient déjà fait les frais de l'application des dispositions de cet article.

123Voir loi n°56/93/ADP portant Code de l’information au Burkina Faso, publié dans le Journal officiel sous le n°05-1994

124 MOUVEMENT BURKINABE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES. (Page consultée le 18/06/2016). Site du Mouvement burkinabé des droits de l’Homme et des peuples, [en ligne], http://www.mbdhp.bf/

125

Entretien avec le MBDHP, le 03/01/2014, à Ouagadougou (Burkina Faso).

126

Entretien avec le MBDHP, le 03/01/2014, à Ouagadougou (Burkina Faso).

127

Voir article 2 des Statuts du MBDHP

128

Le MBDHP jouit d’une forte crédibilité au sein de l’opinion nationale et développe un partenariat dynamique avec plusieurs autres structures de la société civile. Il est à l’origine en 1993 de la première démarche de modification d’un texte de loi par voie pétitionnaire – voir plus haut- avec l’AJB. En juin 2013, il a encore lancé une pétition pour les candidatures indépendantes aux élections, en collaboration avec d’autres organisations dont le Forum des citoyens et citoyennes pour l’alternance, le FOCAL. Il préside le Collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques créé en décembre 1998 au lendemain de l’assassinat de Norbert Zongo. Il est également à la tête de la Coalition contre la vie chère, en liaison notamment avec les syndicats.

Organisation de masse disposant de son propre siège à Ouagadougou, le mouvement est présent sur tout le territoire national et revendique une dizaine de milliers de militants129. La gestion du quotidien est assurée par un personnel riche d’une douzaine de personnes130 ayant un profil essentiellement de juristes et de gestionnaires. Le MBDHP est soutenu par plusieurs bailleurs de fonds, notamment l’ONG suédoise Diakonia et le Danemark qui injectent annuellement en moyenne entre 50 et 100 millions de F CFA (env. respectivement 76.220 et 152.440 euros).

Depuis 2008, le MBDHP édite un rapport annuel sur l’état des droits de l’homme. Il dispose également d’une radio privée, Radio liberté qui émet à Ouagadougou sur 92.8 FM.

2.3. GERDESS

Le Groupe d’études et de recherche sur la démocratie et le développement économique et social (GERDESS) est un réseau africain avec des branches nationales autonomes. C’est le cas de GERDESS-Burkina, dirigé depuis sa création en 1992 par le directeur de publication du premier quotidien d’informations générales privé du Burkina Faso131

.

L’axe principal d’intervention de l’ONG est l’approfondissement de la démocratie ou la consolidation du processus démocratique. A ce sujet, elle travaille à la modification des textes et dans le domaine des élections. En ce qui concerne le premier volet, le GERDESS explique : « tant que vous travaillez et que les textes ne sont pas démocratiquement votés, tout ce que vous faites à côté va buter contre ça »132. Pour ce qui est des élections, le GERDESS a plusieurs fois observé les élections au Burkina Faso et à l’extérieur ; il revendique surtout avoir fortement contribué à la composition tripartite de la Commission électorale nationale indépendante du Burkina Faso (CENI), organisme en charge de l’organisation des élections au Burkina Faso. De fait, cette institution est composée des partis au pouvoir, des partis de l’opposition et de la société civile. « Le GERDESS a beaucoup œuvré dans cette composition,

129 Il y a nuance entre « militants » et « membres » ; dans ce dernier cas, le membre doit s’impliquer davantage, notamment

en payant ses frais d’adhésion et sa cotisation annuelle.

130 Dont 7 au siège dans la capitale et 4 dans les « zones », lesquelles regroupent l’ensemble des 45 sections provinciales du

pays. (Entretien avec le MBDHP, le 03/01/2014).

131

M. Edouard Ouédraogo, fondateur et directeur de publication du quotidien indépendant l’Observateur paalga

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avec les organisations de la société civile qui servent un peu de médiateurs entre le pouvoir et l’opposition », soutient cette ONG.133

Le GERDESS investit beaucoup dans le partenariat avec d’autres opérateurs de la société civile. Il travaille, par exemple, avec le CGD, pour ce qui est de la modification des textes de lois.

Pour son programme de travail en cours 2012-2017, le groupe a pour principal bailleur de fonds l’ONG suédoise Diakonia134

qui intervient à hauteur annuelle de 51 millions de F CFA (env. 77.800 euros).

Un personnel restreint comprenant essentiellement un chargé de programme et un comptable assure la gestion quotidienne du bureau.