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UN ENVIRONNEMENT EXTERNE PEU REACTIF

Analyse des études de cas : résultats et discussions

4.1. UN ENVIRONNEMENT EXTERNE PEU REACTIF

C’est cette problématique qui se trouve à l’origine de l’action publique mise en place par le RAME avec ses membres associés. Comme l’explique une source interrogée :

« La première revendication qu'on a portée c'était la gratuité des ARV […] Ça a été vraiment la revendication phare que nous avons portée depuis 2003 jusqu'à fin 2009. »

Cette revendication majeure a fait l’objet d’un travail intense de lobbying réussi, car les ARV ont été déclarés gratuits pour l’ensemble des PVVIH au plan national par le Chef de l’Etat dans son discours de fin d’année, le 31 décembre 200950

.

Les entretiens réalisés auprès des différentes sources présentées ci-dessus nous ont permis de réaliser l’étude de cas dont nous vous voulons maintenant exposer les principaux résultats issus de notre analyse.

4) Résultats de l’analyse du cas n° 1

Notre analyse des sources interviewées nous permet de restituer l’environnement socio-politique (1) dans lequel les Organisations de la société civile (OSC) ont mené leurs actions ; d’établir l’état des ressources politiques qu’elles ont mobilisées (2) ; d’isoler un élément qui apparaît comme un principe général de lobbying (3) de ces structures dans le cadre spécifique du Burkina Faso. Nous tenterons par ailleurs de décrire la stratégie (4) mise en place, y compris les événements mobilisés, par ces OSC dans le cas étudié et de présenter les moyens utilisés (5), en ayant une attention particulière sur la place spécifique des médias (6), sans oublier la conjugaison d’autres facteurs (7) qui auront joué dans le succès de l’initiative du RAME et de ses associés de la société civile.

4.1.UN ENVIRONNEMENT EXTERNE PEU REACTIF

Pour les organisations de la société civile engagées dans les actions d’influence des politiques publiques, la sphère de décision publique, prise de façon globale, a très peu tendance à répondre favorablement aux demandes sociétales. Les ordres de pouvoir (surtout législatif et exécutif) sont perçus comme égoïstes, peu tournés vers la satisfaction des

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M.T. « ASSURANCE MALADIE UNIVERSELLE : Le CNT adopte le projet de loi » dans Le Pays, 07 septembre 2015,

http://lepays.bf/assurance-maladie-universelle-le-cnt-adopte-le-projet-de-loi/ (Page consultée le 10/11/2015)

A noter que le RAMU est un dispositif qui va permettre d’alléger les dépenses de santé de beaucoup de foyers. Cet avantage n’était acquis que par les employés des organisations et firmes internationales.

50 SALOUKA, Bouréima. « VIH/SIDA : gratuité du traitement antirétroviral au Burkina Faso » dans Afrik.com, 7 janvier 2010, http://www.afrik.com/article18386.html (Page consultée le 26/09/2015)

revendications citoyennes. L’environnement auquel les OSC doivent faire face est peu responsif, comme diraient les spécialistes de la science politique.

Ce constat est soutenu par plusieurs éléments. Les sources interrogées permettent de dresser les états suivants :

4.1.1. Une absence de politique nationale de prise en charge des PVVIH

RAME : « Il n'y avait même pas de politique nationale de prise en charge à l'époque, c'était

beaucoup plus les associations qui le faisaient. Peut-être qu’il y avait l'hôpital de jour qui avait été créé par la Croix Rouge, sinon dans les structures publiques il n’y avait pas de prise en charge. »

4.1.2. Un Etat notoirement incompétent en ce qui concerne le suivi des soins des PVVIH

AJPO « Quelquefois aussi, il y a aussi une mauvaise planification. Je vous prends un cas,

c’était en 2011. Dans les années 2010-2011, on était bénéficiaires du round 6 du Fonds Mondial. Avant la fin de l’année, on devait pouvoir faire une commande de près de 3 milliards de F CFA [soit 4,5 millions d’euros] d’intrants. Les intrants, ce sont les réactifs pour pouvoir faire les examens biologiques, les tests de dépistage, etc. [...] Mais jusqu’à la fin du programme, on n’avait pas pu faire la commande. Et le partenaire a bloqué les ressources. Moi, je ne sais pas comment il faut appeler ça ! Ou c’est méchant, ou c’est de la mauvaise volonté, ou bien c’est un problème de planification. »

AEJTK : "Quand il [le ministre de la Santé de l’époque] est arrivé au ministère, il y a eu

rupture des ARV. Pendant que le monde associatif attirait son attention, il y avait de l’argent dans leurs coffres pour en payer, il ne l’a pas fait. Voilà pourquoi je dis que c’était un irresponsable".

4.1.3. Des députés du parti majoritaire peu tranchants sur la question de la santé des populations

A propos d’un vote éventuel de lois favorables aux populations par les députés :

AJPO : « Dire qu’ils [les députés de la majorité] n’en veulent pas, ce serait trop dire. C’est

comme s’ils étaient contre leurs populations. Mais ils tergiversent, il y a beaucoup d’hésitations. »

4.1.4.Des autorités peu préoccupées par l’intérêt général

AZET: « […] Sinon, c’est ce que nos autorités veulent qui va être fait. Ça n’a aucun intérêt

qui sont là, rien que pour eux. Ils ne sont pas là pour la population, ça, c’est moi mon constat. »

AZET: « Si vous prenez la route pour aller vers Karpala [un quartier périphérique de

Ouagadougou], vous allez voir la poussière en train d’être dégagée là-bas. Il y a des ministres qui passent là-bas, il y a des députés qui passent, il y a le Maire qui passe, mais ils s’en foutent. Ils veulent que vous manifestiez. »

AZET: « Au lieu de prendre l’argent pour faire le referendum51 qui n’apporte rien à la

population, on pourrait prendre ça pour investir dans la santé et/ou l’éducation qui peut amener la population même à faire son propre referendum à lui. Moi, ça c’est ma façon de voir les choses : au lieu d’investir dans le vide, nos autorités devraient investir là où il y a un réel intérêt-là, mais je constate que c’est là où y a leur propre intérêt qu’elles investissent. Ça fait qu’au Burkina on a des problèmes en matière de santé. »

AZET: « Regardez l’hôpital Yalgado [Ie CHU national de référence, à Ouagadougou], dans

quel état il est ! Comment d’abord réhabiliter cet hôpital Yalgado ? Comment faire pour que nos enfants aient accès à l’école, à l’éducation ? C’est très important, au lieu de prendre de l’argent, des milliards, pour investir dans le vide [...]. Voilà pourquoi je dis que nos responsables ce sont des individualistes ! En fait, quand ils viennent au pouvoir-là, ils ne pensent pas au peuple, ils pensent à eux ; s’ils pensaient réellement au peuple-là, il y a des choses qu’ils devraient au moins mesurer avant de parler mais bon !… »

4.1.5 Fausse démocratie ou une démocratie violente en vigueur dans le pays

AZET : « Mais vous savez, au Burkina, quand tu prends l’initiative d’écrire tout seul dans

les journaux, on peut veut venir te taper. Certains vont dire que nous sommes en démocratie, mais il y a des démocraties violentes aussi. "Si tu fais" [autrement dit, si tu t’entêtes], on vient on te tape et puis il y a rien. C’est ça aussi quoi. »

AZET : « C’est un pouvoir qui est venu à travers les tueries. Et quand tu tues et que tu

montes au pouvoir, tu n’as plus peur du sang, moi je le dis haut et fort. On a tué, on est monté au pouvoir et entre temps, on est venu à la démocratie mais un lion reste toujours un lion. Un lion ne peut pas changer. Je dis aux gens de trouver les moyens pour faire face, puisque si c’est le sang c’est des gens qui sont habitués à ça. »

4.1.6. L’existence de forces opposées aux revendications du RAME

RAME: « Nous avions prévu d’aller distribuer ces affichettes-là là-bas, et le fait qu’un

responsable de la structure nationale en charge de l’organisation de l’évènement a appris cela, la veille, il m’a appelé et m’a dit : "j’ai appris que tes gens veulent aller distribuer des

51 L’idée d’un référendum a fait l’objet de grands débats entre pro et anti-référendum entre 2009 et 2014 ; son objectif était

de permettre au Chef de l’Etat Blaise Compaoré de pouvoir modifier la Constitution et de se présenter à nouveau à l’élection présidentielle de novembre 2015, et ce après avoir passé 27 ans cumulés au pouvoir. Selon certains chiffres tombés dans le domaine public, l’organisation d’un référendum devait coûter 6 milliards de F CFA, soit 9,1 millions d’euros.

affichettes au lieu de l’événement ; je t’informe que les messages qui doivent être passés là-bas doivent être validés par moi. Je ne veux pas que tu viennes foutre le bordel dans ma fête. »

RAME: « En fait, nous avions décliné notre identité, dès le départ. Nous avions dit que nous

sommes une structure de lobbying, une structure activiste et les types d'actions que nous menons ce sont des campagnes de pression. Donc, automatiquement, ils ont pris leur distance, surtout que pendant notre période informelle d’existence, nous avions comme compagnons de lutte des figures du Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) et de l'Association Nationale des Etudiants du Burkina (ANEB) 52 et autres. Du coup, nous avons été étiquetés. Et en conséquence, ils ont refusé de nous recevoir ».