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ETAT DES RESSOURCES POLITIQUES UTILISEES

Analyse des études de cas : résultats et discussions

4.2. ETAT DES RESSOURCES POLITIQUES UTILISEES

Le RAME et ses associés ont mobilisé un certain nombre de ressources politiques que nous avons pu identifier.

4.2.1. De la mobilisation des ressources financières :

Avec un budget annuel de fonctionnement d’un ½ milliard de francs CFA (soit 762.195 euros)53, il est indéniable que l’organisation leader, à elle-seule, possède une manne financière importante.

4.2.2. De la mobilisation des ressources relationnelles :

Le RAME a bénéficié d’un appui important d’organisations dont Médecins Sans Frontière (MSF) qui serait même à l’origine de sa création. Comme l’explique la source ci-dessous :

RAME: « […] On peut dire qu'on doit notre création à Médecins sans frontières. Parce que

c'est parti de quoi ? C'est parti d'un article de presse que nous avions publié […] et j'avais même laissé mes coordonnés dans l'article en souhaitant que ceux qui se trouveraient intéressés par cette action de me contacter pour qu'on forme effectivement cette dynamique-là. Et c'est là effectivement que le Chef de mission de MSF m'a appelé. Et après concertation, nous avons décidé de mettre en place le réseau. »

52Le MBDHP (Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples) et l’ANEB (Association Nationale des Etudiants du Burkina) sont deux organisations porte-flambeau du mouvement associatif qui ont à plusieurs occasions, par leurs actions et l’originalité de leurs méthodes d’action (notamment, la mobilisation des élèves et étudiants) fait vaciller le régime de Blaise Compaoré. Se réclamer de ces organisations pouvait être interprété par les dirigeants politiques comme faisant partie de forces gauchisantes ou de l’idéologie de l’extrême gauche. Sur le rapport des ONG avec le pouvoir politique, voir le chapitre 2 et le sous-point 3. « ONG et pouvoir politique : quelques actions d’influence des ONG sur le pouvoir politique au Burkina Faso ».

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Ensuite, le RAME a été mis au contact d’autres organisations pour s’enrichir de leurs expériences.

RAME: « On a initié une mission en Afrique du Sud auprès d'un mouvement activiste,

Treatment Action Campaing, TAC. Ils étaient aussi à l'époque très actifs sur la revendication du traitement contre le VIH/Sida. Cette mission qui était en réalité un voyage d'étude nous a donné une base qui a servi à formaliser notre réseau […] La mission était financée par Médecins Sans Frontières ».

Avoir des ressources relationnelles signifie aussi avoir des « amis » dans les cercles du pouvoir, lesquels « amis » peuvent donner d’utiles coups de main. Le RAME avait de tels alliés aussi bien dans le Parlement qu’au niveau de l’instance en charge de la question du VIH/SIDA dans le pays. Des sources confirment cette donnée, ainsi qu’il suit :

AJPO : « On a eu souvent des questions orales qu’on a fait passer à des députés, soit de

l’Opposition soit du pouvoir en place. »

RAME: « En 2006, on avait commencé les concertations directes avec le SP/CNLS par

rapport à cette question de la gratuité. Et, entre-temps, on a appris, par un d’eux54, qu’en réalité ce qui les gênait pour déclarer la gratuité c’était le fait qu’ils s’étaient trop focalisés dans les discussions avec nous dans la presse.»

4.2.3. De la mobilisation des ressources informationnelles :

Le RAME a su développer une certaine maîtrise de l’information stratégique sur leur secteur d’activité, par exemple sur le principe d’accès gratuit aux médicaments pour les Personnes Vivant avec le VIH, le mode de financement de la lutte contre le VIH/SIDA et l’accès aux copies d’ARV par les pays en dépit des Accords dits de Bangui55

.

4.2.3.1.Sur le contournement des Accords de Bangui : le RAME explique au gouvernement comment leur recherche de l’information stratégique a permis de résoudre le problème pour tout le pays :

RAME : « […] On a fini par pouvoir rencontrer le DG de l'Organisation Africaine de la

propriété intellectuelle qui gère les Accords de Bangui. Et c'est lui qui nous a dit qu’il y avait une astuce pour contourner les Accords de Bangui : il fallait que le ministre de la Santé prenne un arrêté autorisant la Centrale d’Achats des Médicaments Essentiels Génériques (CAMEG), pour des raisons de santé publique, à importer des ARV de l'Inde et du Brésil, et le

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« Par un d’eux », souligné par nous

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Sur les Accords de Bangui, notre source précise que « Ce sont des accords sous-régionaux qui nous empêchaient de

pouvoir acheter des copies d'ARV qui sont de loin moins chères » - Entretien avec le RAME, le 17/10/2013, à Ouagadougou

tour était joué. Et c'est ainsi qu’on lui a demandé de briefer notre ministre, ce pourquoi il s'était alors engagé. Et un mois après ces entrefaites, il nous a été donné de voir une conférence de presse au cours de laquelle le ministre de la Santé a annoncé que le Burkina avait décidé de commander des ARV de l'Inde et du Brésil, malgré les Accords de Bangui »56.

4.2.3.2.Sur l’accès gratuit aux ARV : le RAME prend contact avec les responsables du Fonds Mondial, à la faveur d’une mission à Paris, en France, pour s’imprégner des procédures réglementaires à suivre afin d’en informer les autorités nationales du Burkina

RAME :« Nous sommes allés jusqu’à rencontrer la Vice-Présidente du Fonds Mondial,

parce que le gouvernement nous disait ici que comme ils avaient mis dans leur requête de financement soumise au Fonds mondial que le Burkina allait faire payer les ARV aux malades, ils étaient bien obligés de le faire. Au cours de notre rencontre avec la Vice-Présidente du Fonds Mondial, nous lui avions posé le problème […] A notre retour au Burkina, nous avons encore refait un courrier adressé au ministre de la Santé pour le mettre à jour sur les nouvelles orientations communiquées par la Vice-Présidente au cours de notre rencontre. En clair, nous les avons orientés pleinement sur les actions à prendre […] et le Fonds Mondial ne pourra pas faire autrement ».57

4.2.4. De la mobilisation des ressources organisationnelles :

Sur le terrain, le RAME a su créer et bénéficier d’un réseau d’associations partenaires, aux niveaux national et international. Certaines de celles-ci avaient plusieurs rôles à jouer, notamment la collecte d’information sur les conditions de vie des PVVIH et leur accès aux soins. En plus, d’autres organisations ont été aux côtés de l’organisation leader pour la mise en œuvre de toutes les autres formes d’actions entreprises.

4.2.4.1. Sur la collecte d’information des données sur les PVVIH dans l’arrière-pays :

AZET « Nous sommes présents dans d’autres provinces à Fada, à Diapaga et à Ouargaye.

Nous couvrons les provinces donc de la Tapoa, le Gourna et le Koulpelogo [...] Nous travaillons avec le RAME essentiellement dans les activités de plaidoyer, parce que le RAME c’est un réseau qui oriente plus ses activités vers le plaidoyer. Nous les appuyons également dans des activités de recherche [...] C’est comme des enquêtes pour voir au niveau des personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH) la gestion des ARV dans les différents services

56La conséquence heureuse de cette initiative a été la réduction drastique du coût des ARV. Comme l’explique le RAME : « A l'époque, quand on a eu la première victoire, c'était la réduction des coûts, avec l'utilisation des copies d’ARV. On avait

pu faire chuter le coût des ARV de plus de 300,000 FCFA par mois à environ 42,000 FCFA par mois ». 57

Ces conseils ont été suivis par le ministre de la Santé, avec à la clé, encore une autre réduction du prix d’achat (donc, non encore gratuit) des ARV au Burkina Faso. En rappel, les ARV se vendaient à 300.000 F CFA. Après avoir obtenu le droit d’importer des copies d’ARV, grâce à une action menée par le RAME, le coût des ARV était négocié à 42.000 F CFA. Grâce à la contribution du Fonds mondial, ce prix a encore diminue. Le RAME confirme : « L'Etat avait obtenu un projet du Fonds

de prise en charge. C’est pour aller voir si ces PVVIH n’ont pas de difficulté d’accès, s’ils n’ont pas de problèmes d’approvisionnement au niveau de leurs ARV. »

AEJTK : « Après qu’on a été admis au RAME, il y a eu un appel à candidatures pour le

recrutement d’une OSC, Organisation de la Société Civile, qui allait mener des activités pour la collecte de données sur le VIH/SIDA dans la région du Plateau central, c’est-à-dire Zorgho, Ziniaré et Boussé. C’est à l’issue de cela qu’on a été retenu, et jusqu’à présent, c’est nous qui pilotons toujours ce processus au sein des trois provinces pour mener des collectes de données sur le VIH/SIDA... »

4.2.4.2.Sur la participation aux actions d’influence :

AJPO : « Il y a un partenariat formel avec le RAME. Nous sommes membres du RAME. En

tant que structure membre, nous cotisons annuellement. Et donc, dès que le RAME a une action de plaidoyer, nous participons à ces activités-là et actuellement nous sommes dans l’Observatoire en tant que Point focal de la région du Centre. Nous sommes chargés de collecter les informations, régulièrement, que nous transmettons au RAME en tout cas dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA, particulièrement les soins des Personnes Vivant avec le VIH/SIDA.»

AZET « [...] Il y a eu même des marches que le RAME a organisées: on a pris part à ces

manifestations. En tout cas, on a pris part à beaucoup d’activités organisées par le RAME par rapport à l’accès aux médicaments gratuits, les ARV.»

AJPO: « L’AJPO a mobilisé ses membres pour signer la pétition : des Personnes Vivant avec

le VIH, des personnes qui interviennent auprès des malades [...] L’AJPO a participé avec 15 signatures des membres qui interviennent. Pour ce qui est des bénéficiaires, ça je ne peux plus compter, il doit y avoir 20. »

AZET : « C’est un travail concerté. Quand ils le font [rédaction d'un communiqué de presse],

chacun donne son amendement et maintenant eux ils balancent. »

4.2.4.3.Sur la présence d’organisations amies agissant à l’international

AJPO : « Il faut dire qu’il y avait la pression internationale, parce que à partir de 2008-2009

le RAME continuait à manifester, avec un groupe d’activistes au niveau international comme les Act Up, Aides, Act Up Washington, Act Up Paris, etc. »