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Préférences des participants pour le traitement

3. DISCUSSION

3.3 Préférences des participants pour le traitement

3.3.1 Traitement de l’insomnie

Les traits de personnalité des participants tels que d’avoir des exigences élevées, de se sentir inadéquat et le sentiment d’échec récurrent les amènent à ne pas vouloir dépendre

d’un tiers et à moins accepter d’avoir recours à la thérapie. D’une part, ils décrivent qu’ils auraient préféré régler leurs difficultés par eux-mêmes et que, par conséquent, prendre part à un traitement est perçu comme un échec. Ceci explique pourquoi le psychologue est vu comme une forme d’encadrement de dernier recours chez les participants. Ainsi, ils décrivent avoir retardé le moment d’aller en consultation, ce qui peut avoir favorisé le maintien de leurs difficultés. D’autre part, lorsque comparé à la médication, recourir à un psychologue est perçu comme un moindre mal. Pour les participants, la médication est davantage associée à l’échec de leur tentative de régler leurs difficultés par eux-mêmes, en raison de la dépendance et de la perte de contrôle que la prise de médication signifie pour eux. La recherche confirme que le recours à la médication est considéré comme un mécanisme de gestion des émotions moins acceptable que la thérapie (Cheung et al., 2016).

Un ajout aux critères d’acceptabilité de la thérapie généralement rapportés dans la recherche sur l’insomnie est le fait de protéger l’image de soi en évitant de se sentir inadéquat ou de vivre un échec. Les critères normalement mentionnés dans la recherche sont le jugement d’autrui, la concordance du traitement d’insomnie avec le style de vie, la motivation et l’efficacité perçues (Cheung, Bartlett, Armour, & Saini, 2016; Henry et al., 2013; Morin, 1993; Morin, Gaulier, Barry, & Kowatch, 1992). Dans la recherche actuelle, l’efficacité perçue de la thérapie et la préoccupation de protéger l’image de soi sont plus importantes pour les participants que les autres critères. L’accessibilité financière, qui est souvent rapportée dans la recherche (Stinson, Tang, & Harvey, 2006), semble donc avoir une importance moindre sur l’acceptabilité du traitement chez les participants. Il est à noter que la plupart des participants ont un revenu de plus de 30 000 $ par année, ce qui peut rendre la psychothérapie plus accessible financièrement que pour d’autres tranches de la population. Comme les gens sont déjà impliqués dans une démarche en psychothérapie, il y a possiblement un biais de sélection.

3.3.2 Traitement de l’anxiété

Les participants décrivent que pour diminuer leur anxiété ils devraient réfléchir plus adéquatement, car ils croient réagir trop fortement. Ils voudraient être capables de « dédramatiser ». Ils souhaitent que le psychologue les aide à le faire. La recherche considère

que la stratégie d’éviter des émotions par la rationalisation et la minimisation est un mécanisme de gestion des émotions inefficace qui amène les individus à vivre davantage de stress (Lazarus, 1998). Cette stratégie est commune chez les gens souffrant d’insomnie (Harvey, 2002; Jarrin, Chen, Ivers, & Morin, 2014; Morin et al., 2003). De plus, cette stratégie d’évitement chez les participants témoigne d’une faible acceptation des émotions, ce qui pourrait contribuer au maintien des difficultés comorbides. La recherche démontre d’ailleurs que le fait de ne pas accepter ses émotions augmente l’effet de l’anxiété sur la sévérité de l’insomnie (Kirwan, Pickett, & Jarrett, 2017). Finalement, la stratégie d’évitement des émotions réfère à la seconde réponse en réaction aux schémas qui est d’éviter d’activer les cognitions et les émotions associées à ceux-ci (Young et al., 2007).

Les participants disent jouir du support de leurs proches qui contribuent à augmenter leur sentiment de sécurité, et qui ainsi réduisent leur anxiété. Ils décrivent être rassurés puisque leurs proches les aident à dédramatiser leur situation ou leur évitent d’être seuls. L’attachement insécurisant des participants peut expliquer la réassurance. Bien qu’ils se sentent parfois incompris, les participants décrivent une expérience de réassurance sans conséquence sur leurs relations interpersonnelles. Leur expérience est donc différente de celle des gens souffrant d’un trouble obsessionnel-compulsif, lesquels observent des effets négatifs sur leurs relations (Kobori et al., 2012). Cette différence démontre l’importance de continuer à explorer les différents troubles anxieux comorbides à l’insomnie.

Une autre solution que les participants ont mentionnée est de s’assurer d’avoir le contrôle tant sur leur environnement de travail que familial. Pour ce faire, ils planifient la gestion du quotidien et prennent les décisions qui en découlent. Cette solution peut être interprétée comme un mécanisme d’évitement de l’incertitude en raison de la peur de l’inconnu. Ceci a pour effet que les gens souffrant d’anxiété n’apprennent pas à tolérer la détresse (Carleton, 2016). D’ailleurs, les participants décrivent que ce mécanisme actif de gestion des émotions leur provoque davantage de stress et de conflits. Selon une revue des écrits scientifiques, la peur de l’inconnu est associée à l’anxiété généralisée, aux inquiétudes et à diverses psychopathologies (Carleton, 2016).

3.3.3 Solutions communes

Les participants observent qu’ils doivent à la fois surcompenser pour les conséquences de l’anxiété et de l’insomnie et diminuer leurs engagements personnels et professionnels. Premièrement, ils décrivent utiliser des mécanismes actifs de gestion du stress. Les participants mentionnent qu’ils surcompensent en travaillant plus longtemps, en étant plus méticuleux et en pensant au travail le soir. Ils décrivent que ceci leur permet de conserver leur fonctionnement antérieur et de ne pas laisser paraître leurs difficultés. Cependant, ces solutions provoquent chez eux davantage de stress, ce qui les empêche de dormir et entretient leurs difficultés. Le recours à la surcompensation est également observé dans une étude avec des gens souffrant d’un trouble obsessionnel-compulsif. Ils décrivent que vouloir paraître parfait est associé au maintien de leurs difficultés (Khattra et al., 2017). Ce résultat est surprenant puisque la recherche observe que les gens souffrant d’insomnie n’utilisent pas plus de mécanismes actifs de gestion du stress que les bons dormeurs (Morin, Rodrigue, & Ivers, 2003 ; Pillai, Roth, Mullins, & Drake, 2014). Cette différence peut s’expliquer par le fait que les études quantitatives se sont intéressées à la gestion du stress occasionné par des événements de vie extérieurs à l’individu plutôt qu’à celui provoqué par l’insomnie et l’anxiété comme la perte d’efficacité au travail. Les mécanismes actifs de gestion du stress semblent contribuer au maintien de l’insomnie et de l’anxiété comorbides en occasionnant plus d’activation physique et cognitive.

Deuxièmement, les participants décrivent diminuer leurs engagements, changer d’emploi ou de travail puisqu’ils se trouvent moins performants, intéressants ou pour économiser leur énergie. La recherche observe également que les gens souffrant d’insomnie utilisent davantage des mécanismes de gestion du stress centrés sur les émotions (Morin et al., 2003). Cet évitement s’apparente à la fuite du schéma (Young, Klosko, & Weishaar, 2007). Les participants évitent ainsi les situations qui pourraient provoquer une image de soi négative comme leur faisant ressentir un sentiment d’incompétence. Cependant, cet évitement semble les empêcher de répondre à leurs schémas d’exigences élevées et les amener à vivre davantage d’échecs.