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Étiologie perçue des difficultés

3. DISCUSSION

3.1 Étiologie perçue des difficultés

3.1.1 Attachement

Les participants décrivent avoir développé un attachement insécure avec un parent, ce qui les a prédisposés à vivre de l’anxiété et de l’insomnie. Ils décrivent une expérience insécurisante avec un parent peu chaleureux, absent, violent, couvant ou duquel ils se préoccupaient en raison de difficultés psychologiques. Les participants disent être maintenant méfiants dans leurs relations avec autrui ou avoir peur d’être blessés, voire abandonnés. Les écrits scientifiques à propos de l’attachement en lien avec l’anxiété et l’insomnie soutiennent les commentaires des participants.

En premier lieu, il est observé que les circonstances rapportées par les participants rendent le parent peu disponible pour interpréter l’état interne de l’enfant (Fonagy et al., 2007). L’enfant peut alors effectivement développer un attachement insécure et une moins bonne capacité de gestion de ses émotions (Fonagy et al., 2007; Nielsen et al., 2017).

En deuxième lieu, l’association faite par les participants entre un attachement insécure et leurs symptômes d’anxiété est supportée par la recherche en anxiété. Il est démontré qu’un enfant avec ce type d’attachement le rend plus susceptible d’adopter des comportements anxieux, des croyances qui provoquent de l’anxiété ou de développer un trouble anxieux plus tard (Esbjørn, Bender, Reinholdt-Dunne, Munck, & Ollendick, 2012; Fonagy et al., 2007; Nolte, Guiney, Fonagy, Mayes, & Luyten, 2011). Les croyances désignées comme déclencheurs de l’anxiété sont celles s’apparentant à l’idée que le monde serait dangereux ou à l’opinion d’elle-même d’une personne selon laquelle elle serait incompétente (Nolte et al., 2011).

En dernier lieu, l’idée que l’attachement insécure est lié à l’insomnie est soutenue par plusieurs études qui démontrent que cet attachement est plus fréquent chez les gens souffrant d’insomnie (Nolte et al., 2011; Palagini et al., 2018; Sloan, Maunder, Hunter, & Moldofsky, 2007). Selon les auteurs, la relation entre l’attachement et l’insomnie est indirecte. Elle serait médiée par l’anxiété associée à une mauvaise régulation émotionnelle (Esbjørn et al., 2012; Nielsen et al., 2017).

3.1.2 Caractéristiques personnelles

En conséquence de la relation avec leurs parents, les participants mentionnent avoir développé des traits de personnalité qui les amènent à vivre de l’insomnie et de l’anxiété. Les principaux traits décrits sont d’avoir un grand besoin d’être acceptés et valorisés, d’avoir des exigences élevées, d’avoir peur d’être jugés, d’avoir un sentiment d’être inadéquat et de vouloir surmonter les problèmes seuls. Les symptômes d’insomnie et d’anxiété provoqués par ces traits sont des préoccupations sur leur rendement de la journée et sur ce qu’ils veulent réaliser le lendemain au moment de dormir.

Il est possible d’associer les traits de personnalité des participants aux descriptions de la personnalité reconnues dans les écrits scientifiques comme la théorie des schémas de Young, Klosko, et Weishaar (2007). D’abord, la théorie des schémas est une approche intégrative basée sur la thérapie cognitive comportementale, l’approche de la gestalt, le principe des relations d’objet, l’approche constructiviste et la psychanalyse. Elle a été

développée pour le traitement des troubles de la personnalité et des troubles psychologiques qui résistent à la thérapie cognitive-comportementale.

Ensuite, la théorie des schémas soutient la perception des participants voulant que l’expérience de la relation avec un parent difficile et l’image de soi négative amènent des difficultés d’anxiété et d’insomnie. De ce fait, cette théorie décrit que les relations difficiles à l’enfance et à l’adolescence, telles que l’abandon, la négligence et un parent peu affectueux, amènent l’individu à développer des schémas inadaptés. Au nombre de 18, ces schémas (Annexe I) sont des souvenirs, des sensations physiques, des émotions et des cognitions dysfonctionnelles qui s’activent dans certaines situations à l’âge adulte. Ils provoquent alors des comportements inadaptés et de la souffrance.

Finalement, selon cette approche, il y a trois réponses possibles des individus aux schémas : (1) se soumettre en acceptant le schéma comme étant vrai ; (2) éviter d’activer les cognitions et émotions associées au schéma ; (3) surcompenser en vivant et en pensant de manière opposée au schéma. Les préoccupations des participants sur leur rendement de la journée et sur ce qu’ils veulent réaliser le lendemain au moment de dormir s’apparentent à de la surcompensation.

Les traits de personnalité nommés par les participants peuvent être associés aux schémas inadaptés. D’abord, ces traits sont similaires aux schémas suivants : abandon, méfiance et abus, manque affectif, imperfection, échec, exigences élevées et exclusion (Annexe I) (Young et al., 2007). Puis, le lien entre la personnalité et les symptômes d’anxiété et d’insomnie est soutenu par le fait que les personnes souffrant d’anxiété présentent un score plus élevé aux schémas lorsqu’elles vivent des comorbidités (Hawke & Provencher, 2013). Les études sur l’anxiété ne s’entendent pas pour identifier quels sont les schémas qui sont le plus associés à l’anxiété (Hawke & Provencher, 2011). De plus, aucune étude ne s’est intéressée à la relation entre les schémas et l’insomnie.

Des études sur l’insomnie associent d’autres taxonomies de la personnalité à des traits de personnalité similaires à ceux décrits par les participants : le perfectionnisme, le neuroticisme (la propension importante à vivre des émotions négatives), le manque de confiance en soi et le doute à propos des actions (van de Laar et al., 2010). En premier lieu,

les exigences élevées des participants peuvent être associées en partie au concept de perfectionnisme. Ce concept est décrit comme un standard de rendement élevé, rigide, la peur de l’échec, être exagérément critique envers soi et ne pas éprouver de la satisfaction lors de l’atteinte d’un but. La recherche confirme l’association des participants avec le perfectionnisme puisque ce trait est plus présent chez les gens souffrant d’insomnie (Brand et al., 2015 ; van de Laar et al., 2010). En second lieu, les études observent que les gens souffrant d’insomnie ont un neuroticisme élevé (Calkins, Hearon, Capozzoli, & Otto, 2013; Pace-Schott et al., 2017; van de Laar et al., 2010). Cependant, les participants à l’étude n’identifient pas leur tendance à vivre des émotions négatives comme un trait de personnalité. Selon leurs perceptions, c’est la fatigue causée par l’insomnie qui leur fait vivre davantage d’émotions négatives. Finalement, ils décrivent se sentir inadéquats, ce qui est associé aux recherches qui observent que les gens souffrant d’insomnie ont un manque de confiance en soi et un doute à propos de leurs actions (van de Laar, Verbeek, Pevernagie, Aldenkamp, & Overeem, 2010).

3.1.3 Pathophysiologie

La majorité des participants identifie l’insomnie comme un problème biologique alors que l’anxiété est davantage associée aux traits de personnalité. Il est possible que le modèle médical voulant que la maladie mentale soit causée par un dysfonctionnement du corps soit davantage accepté dans la société comme dans la recherche concernant l’insomnie (Cappuccio, Miller, & Lockley, 2010 ; Hergenhahn & Henley, 2016). Ceci peut expliquer, du moins en partie, pourquoi tous les participants ont entrepris des démarches auprès de leur médecin avant de consulter un spécialiste du sommeil.